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1871




Remise en ordre


[1] Après avoir prêté notre concours au R. Frère et au C.F. Félicité, élu pour remplacer le C.F. Jean-Baptiste, nous commençâmes nos visites le 10 janvier. Un froid rigoureux, les trains encombrés par les mobilisés et les soldats de diverses armes, rendaient ces visites fort pénibles. Il fallut pourtant rattraper le temps perdu depuis mi-novembre.
[2] Les derniers mobilisés étant partis, les Frères restés à la maison-mère, s'occupèrent à la remettre un peu en ordre. Elle était dans un état pitoyable. Plusieurs cloisons étaient éventrées et de nombreuses portes étaient mises hors de service. Les divers appartements, à part les quelques chambres qu'avaient occupées les chefs, étaient couverts de paille, d'ordures et de débris divers. Les ordures auraient suffi pour fumer une grande partie de l'enclos pendant une année. Celui-ci ne contenait plus un seul morceau de bois sec. La vigne et plusieurs arbres avaient été maltraités.
[3] Les Frères susdits mirent environ 3 mois pour nettoyer et réorganiser la maison. Ils durent y employer au moins 100 hectolitres d'eau. Les dégâts avaient été estimés 70.000 fr. environ. Le F. Procureur ne reçut que 34.000 fr. du gouvernement. Les Frères ayant fait la très grande partie du travail, cette somme fut suffisante.
[4] La circulaire du 2 juillet contenait une solide instruction sur la fête du jour et une forte exhortation pour se préparer à faire de bonnes retraites, afin de se fortifier contre toutes les éventualités. Les diverses retraites y étaient fixées aux époques ordinaires, ou à peu près: celle du Cap en juillet et celle de la Syrie en septembre. Les recommandations faites chaque année y étaient répétées.
[5] Le R. Frère y parlait des dégâts occasionnés à la maison-mère par l'occupation militaire et de ceux faits à la maison de Paris par les boulets et les bombes des Allemands et par les troupes de Versailles, pendant le 2e siège. Il ordonnait la cessation des prières qu'il avait établies au commencement de la guerre.
[6] Tout se passa à l'ordinaire, dans les retraites.

Hostilité des municipalités


[7] M. le baron Chaurand avait été nommé maire de Saint-Genis et membre de l'Assemblée nationale. C'était un catholique poltron, un de ces libéraux qui voulaient réconcilier le diable avec le bon Dieu. Bien qu'il pratiquât la religion, il n'osait paraître dans la maison, craignant d'être traité de clérical.
[8] Quelques membres de son conseil en profitèrent pour soulever de nouveau la question de notre cimetière. Le Révérend sut conjurer ce nouvel orage, mais dominé par sa poltronnerie, le baron-maire député n'osa pas accorder les permis d'inhumation. Il fallait les aller demander chaque fois à la préfecture.
[9] Les Frères ne pouvant vivre dans l'établissement de Sault-Brenaz, leur retrait fut décidé. Nous dûmes nous rendre sur place pour régler les dettes et faire enlever le mobilier. M. le curé, ancien vicaire de Nantua, essaya de réclamer le maintien du statu quo et nous offrit 25 fr. par an pour cela! Ledit mobilier était dans un tel état de malpropreté, les bois de lit étaient tellement munis de bestioles que nous en rougissions de honte. Le maire s'étant opposé à l'enlèvement, lorsque tout fut chargé, le voiturier lui fit remarquer ces bestioles en disant: "Est-ce ça que vous réclamez?" Nous passâmes outre, mais il fallut aller nous disputer à la préfecture. Le Préfet nous donna droit malgré ses conseillers.
[10] Nous avons dit que les municipaux de Cluny, sous l'Empire, avaient refusé un revenu annuel de 40.000 fr. et obéré la ville de 200.000 fr., pour céder l'antique abbaye au ministre Duruy. Bien qu'ils fussent mauvais, les électeurs les mirent à la porte après le 4 septembre. Le premier soin de leurs successeurs fut de laïciser l'école.
[11] Le F. Germain, directeur, alla demander l'appui du Préfet. Il espérait l'obtenir lorsque ce gambettiste l'atterra par ces mots: "Au lieu d'embêter [les enfants] par vos prières et vos catéchismes, vous feriez mieux de leur apprendre la Marseillaise et les droits de l'homme!" Le Frère se retira; c'était ce qu'il avait de mieux à faire.
[12] Un an après, M. le curé, qui avait peu apprécié les Frères pendant leur séjour, essaya de les rappeler. Ne se foulant pas la rate, il échoua.
[13] M. le maire de Villechenève, notaire, avait profité de l'avènement de la République pour confier son école communale à des congréganistes. Le fameux Préfet Challemel-Lacour s'était mis en travers. Le maire l'avait éconduit par ces mots: "Je ne me mêle point des affaires du département, mais je suis maître à Villechenève et je ne souffrirai pas que l'on vienne m'entraver." Il s'entendit avec nos supérieurs pendant l'année 1871 et dut attendre 3 Frères jusqu'en 1872. Il avait d'autant plus de mérite qu'il n'était point secondé, mais contrecarré par son curé lequel rendit la vie pénible aux Frères jusqu'à sa mort.
[14] A notre 1re visite, celui-ci refusa d'abord de nous recevoir. Etant entré dans sa chambre quand même, il nous annonça, en maugréant, qu'il n'avait rien à nous dire. "Tant mieux, répondîmes-nous, ce sera plus tôt fait. Il se mit néanmoins à nous en dégoiser pendant demi-heure, tantôt en riant, tantôt en pleurnichant, sur le compte du F. directeur et sur celui du maire. Lorsqu'il eut fini, nous sortîmes en disant: "Vous m'aviez annoncé, M. le curé, que vous n'aviez rien à me dire, je trouve que vous m'avez dit beaucoup de choses, peut-être trop." Il ne sut que répliquer.
[15] Nous rétrogradons un peu pour donner quelques détails oubliés.

Ecclésiastiques à la maison-mère


[16] Au début de la guerre, les aumôniers de la maison-mère étaient les RR. PP. Matricon, de Lalande et Deloche. Lors de l'occupation militaire de la maison, la chapelle étant déjà fermée, le 14 octobre la dernière messe fut dite dans le petit oratoire du P. Matricon en face de sa chambre. Il y disait lui-même la sienne depuis plusieurs années. Il se retira dans la maison des Pères à Saint-Marcel près Montélimar. Le P. de Lalande alla chez lui jusqu'en juillet 1871 et le P. Deloche se réfugia dans sa famille.
[17] Nous avons dit que le P. Clair les remplaça pendant la guerre et logea dans la maison dite Chandelus avec le Révérend et quelques membres de l'Administration. Une chambre étroite avait été convertie en chapelle. On y passait de longues heures en prière ou à écouter les nombreuses et véhémentes exhortations du R. Frère qui les allongeait un peu trop parfois, surtout les dimanches.
[18] Le culte fut rétabli dans la chapelle de la maison-mère le 19 mars avec le R.P. Matricon qui avait langui à Saint-Marcel, le P. Clair et le P. Deloche. Au retour du P. de Lalande, le P. Clair reprit ses missions dans les paroisses. On se remit à célébrer les fêtes le plus solennellement possible. Les processions du Saint-Sacrement ne se firent cette année-là que sous les cloîtres, la communauté étant peu nombreuse et presque tous ses membres occupés à laver et à réparer la maison.
[19] Le Révérend avait un frère aîné lequel était curé de la Fouillouse depuis longtemps. Devenu vieux et impotent, il demanda et obtint de se retirer à côté de son frère après Pâques. Nous ignorons à quelles conditions, mais on peut croire qu'elles n'étaient pas nuisibles à l'Institut, le Révérend s'étant toujours montré réservé, même sévère, envers les siens. Du reste, M. le curé Labrosse ne resta ici qu'environ 18 mois. Il mourut le 15 décembre 1872, en laissant au moins son mobilier et sa bibliothèque dans les trois appartements qu'il avait occupés et qui avaient été organisés pour lui au premier étage du pavillon sud-ouest.

Retraites et vêtures


[20] Les deux retraites de la maison-mère furent prêchées par les RR. PP. Racurt et Reculons. Il paraît que celui-ci n'était pas fier de son nom. Il avait prêché dans la capitale avec un certain éclat et plusieurs journaux l'avaient louangé sous le nom de P. Relons. Le R.P. Colin, encore vivant, avait admiré les louanges qu'on donnait à ce prédicateur et avait demandé quel était ce P. Relons qui faisait ainsi du bruit. "C'est le P. Reculons, avait-on répondu. - Ah! avait répliqué le R.P. Colin, il est donc devenu célèbre en supprimant la vilaine syllabe de son nom?"
[21] Malgré les bouleversements opérés par la guerre étrangère et par la guerre civile, il y eut 10 vêtures dans 6 noviciats en 1871. 110 postulants y revêtirent l'habit religieux. Après les diverses retraites, 67 novices prononcèrent leurs vœux perpétuels248. Les Frères: Anthelme, Bonaventure, Borroméus, Euchariste, Fabien, Germanique, Gilles, Isidorus, Marie-Claudius, à Saint-Genis; Maire-Honoré, Marie-Sylvestre, Nérée, Stratonique, futur Assistant [et Supérieur général], Agilée, Amidéi, Ange-Elie, Asclépias, Carolus, Delphinus, Domitianus, Félix, Frédéricus, Joseph, Joseph-Edith, Marie-Adon, Marie-Joseph, Paulin, futur Provincial [et Assistant], Primaël, Vénérand, Aggée, Amance, Bélatien, Bonnal, Eméric, Ephysius, Euspice, Généralis, Gervais, Herculan, Sanctin, Vivence, Magloire, Auxentius, Arésius, André-Misaël, Clarence, Eléosippe, Germanicus, Pius, Sylvianus, Théonestus, Thimothéus, Climaque, Clotaire, Gervin, Léonicus, Libertus, Mainfroy, Marie-Claudius, à Beaucamps; Roger, Salathiel, Sor, Sixte, Augustinus, Marie-Eumène, Eliséus et Joseph-Théophile.249
[22] F. Agilée nous fut ensuite soutiré par son frère prêtre auquel une de ses pénitentes laïque, visionnaire, avait persuadé de créer une congrégation nouvelle d'homme pour adorer N.S. nuit et jour. Trompé à son tour par cet abbé, Mgr. l'évêque de Grenoble écrivit deux lettres à nos supérieurs pour les prier de lui céder F. Agilée en vue de la dite fondation laquelle échoua bientôt, l'inspiratrice s'étant mieux découverte. F. Agilée a végété depuis avec son frère et Mgr. a dû se tenir plus en garde.
[23] Il n'y eut point de stables en 1871, ni en 1872.

Nos défunts


[24] La mort fit de grands ravages parmi nous en 1871, c'est-à-dire les 47 victimes dont les noms suivent: Garde, Vanuxem et Convers postulants; les Frères Marie-Pascal, Aldegrin, Antonias, Emans, Basilique, novices; les Frères Dange, Augustien, Evrois, Marie-Béatrix, Anthime, Sosithée, Anectus, Térentien, Florentius et Diodorus, obéissants; les Frères Palmaque, Augustalis, Fabiani, Emile, Ezéchiel, Sigebert, Domnin, Antoine, Florus, Désidérius, Louis-Félix, Valérien, Basilius, Justin, Photius, Majoric, Marie-Séraphin, Hégésippe, Stéphanie, Jonathas, Adrian, Gaspard, Macédonius, Jonas, Odéric, Illuminé, Girard, Saturnin et Isaïe, profès.
[25] F. Emile mourut au grand hôpital de Lyon où il avait été reçu pendant la guerre, comme nous l'avons dit. Il avait été Frère de Saint-Jean de Dieu. Infirmier chez nous pendant plusieurs années, il était redouté des malades à cause de ses vivacités qui n'empêchaient néanmoins son dévouement. Devenu infirme lui-même et cloué sur un fauteuil, il voulait avoir un bâton et se laissait aller à en frapper ceux qui lui déplaisaient et qui étaient assez près de lui.
[26] F. Ezéchiel avait ses deux frères Eutrope et Chronidas dans l'Institut. Celui-ci vit encore en Angleterre. Nous avons parlé de celui-là alors qu'il dirigeait le pensionnat de la Côte-Saint-André. Après avoir dirigé le poste de Soucieux, le F. Ezéchiel avait été envoyé en Angleterre.
[27] F. Justin fit son noviciat à l'Hermitage en 1838. C'est lui qui fut émerveillé de la mort édifiante du F. Justin, premier directeur de Perreux. Ayant pris son nom, il demanda et obtint d'être envoyé en Océanie. Il dut en revenir après un assez grand nombre d'années, atteint d'un ramollissement du cerveau. Il mourut chez les Pères de Lyon.
[28] F. Photius, né Grillet, au Bois-d'Oingt, est celui dont nous avons parlé en 1847 alors qu'il était directeur à Tavel. Envoyé dans le Nord, on lui suscita de grands embarras à Lens. Les ennuis qu'il en éprouva lui valurent le germe d'une maladie du foie que son long séjour à Charolles, où il avait lieu d'être satisfait, ne put détruire et qui lui arracha la vie dans la force de l'âge. Les excentricités de son père, recteur des Pénitents au Bois-d'Oingt, sont proverbiales. Deux de ses sœurs religieuses de Saint-Joseph avaient, comme lui, un attachement trop marqué pour leur famille.
[29] F. Marie-Séraphin fut victime de sa charité. La vérole noire qu'il contracta en soignant des véroleux dans une ambulance l'emmena très rapidement. Il était le cadet de l'ex F. Obed qui nous avait quitté pour le sacerdoce.
[30] Celui-ci, devenu prêtre, puis vicaire général à Alger, on prétend qu'il visait la mitre lorsqu'il fut comme disgracié par le cardinal Lavigerie. Au lieu de la crosse, Son Eminence lui donna une simple cure qu'il crut devoir refuser. Après un séjour désœuvré à Paray, il se décida à accepter cette cure et retourna en Algérie.
[31] F. Illuminé était un sujet d'avenir. 1er professeur à Neuville pendant plusieurs années, il utilisa ses rares loisirs en composant un assez grand nombre de cantiques en l'honneur de Saint Joseph. L'ex-Tibérius, alors surveillant, fit la musique de ces cantiques que l'on chante encore dans cette maison et ailleurs.
[32] F. Isaïe, né en Auvergne, était considéré comme un saint par ses élèves. Plusieurs d'entre eux, notamment le C.F. Stratonique, avaient remarqué qu'il continuait son action de grâces les jours de communion pendant la classe du matin. Il fut inhumé dans le cimetière de Vion, le dernier poste qu'il dirigea et dont le clergé et les habitants le vénéraient. Mal tenu, comme la plupart des cimetières, celui de Vion était plein de hautes herbes. Bien des mois après l'inhumation du F. Isaïe, pour se débarrasser de ces herbes qui étaient sèches, le fossoyeur y mit le feu. Cet agent les eut vite réduites en cendres à l'exception de celles qui couvraient la tombe du Frère dont il ne toucha pas un brin. Un grand nombre de personnes furent témoins du fait et en furent émerveillées.
[33] Comptant peut-être sur l'Assemblée nationale réunie à Bordeaux, l'Institut fonda 6 nouveaux postes en 1871: Montredon, Seclin, Ebreuil, Bois-du-Vernet, Sydney (St. Patrick), et Samoa.

Mission de Samoa

De Sydney à Samoa


[34] Les Pères avaient une procure à Sydney et [ils étaient] établis à Samoa ainsi qu'en d'autres îles, depuis une trentaine d'années. Les renseignements que nous allons donner sur Samoa nous sont fournis par un Frère de la Province de Saint-Paul qui habita cette île pendant 10 ou 12 ans.
[35] Le F. Charise que nous avions conduit à Saint-Paul en 1847 et que nous eûmes ensuite comme cuisinier à Montdragon, partit du Hâvre le 15 juillet 1849 avec le F. Sorlin et 4 Pères. Dans ses longs mémoires, nous résumons ainsi ce qu'il dit de sa vie de missionnaire.
[36] "Je servis d'abord Mgr. Bataillon à l'île Wallis pendant un an. Je l'accompagnai ensuite dans ses visites pastorales...
[37] Nous fûmes très bien reçus dans l'île Futuna où le P. Chanel avait été massacré en 1841 et dont tous les habitants étaient devenus catholiques.
[38] Après nous être assis sur nos talons comme les naturels autour du roi, on prépara la célèbre boisson nommée Kava laquelle est extraite de la racine d'un arbrisseau ressemblant au poivrier. Six jeunes gens, ayant de bonnes dents, mastiquèrent cette racine et la crachèrent ensuite dans une sorte de terrine en bois pouvant contenir 15 litres. Un autre se lava les mains et la250 délaya dans de l'eau puis la filtra à travers une sorte d'étoupe. On servit ensuite ce liquide dans une moitié de coco, d'abord au roi, puis à Mgr., à moi et [aux] autres selon leur rang.
[39] Parmi les mâcheurs, nous vîmes un des assassins du P. Chanel bien que converti sa présence ne rendait pas le kava plus appétissant. Il y avait deux paroisses dans l'île desservies par les Pères Grézel et Servant. Ils se servaient encore des ornements maculés du sang du martyr.
[40] On nous donna tant d'ignames, de taros et de petits cochons à notre départ pour Tonga avec le P. Matthieu et le F. Augustin, que nous dûmes en laisser la moitié pour ne pas encombrer l'Etoile du Matin, petit navire de la mission.
[41] Nous menâmes l'âne du P. Servant aux Pères de Tonga qui l'avaient demandé. Cet animal étant inconnu dans cette île, une foule immense accourut au rivage pour le voir. Nous crûmes que l'on voulait ainsi fêter Mgr., mais pas du tout, les habitants qui étaient tous païens ou protestants voulaient voir l'âne et l'entendre chanter...
[42] Après quelques jours, nous partîmes pour l'île Sakimba, archipel de Fidji où se trouvaient les Pères Rouleau et Bréhéret avec un certain nombre de catholiques. Notre présence attira une troupe de jeunes gens qui ne l'étaient pas. Voyant ma bonne mine, l'un d'eux me tâta le gras des bras et des jambes et se tourna vers ses compagnons ayant l'air de leur dire: "Ce blanc serait bon à manger!" Je n'étais pas fier...
[43] Nous visitâmes ainsi plusieurs îles habitées par des anthropophages. Mgr. essaya vainement de leur donner des missionnaires. Il put néanmoins laisser les Pères Matthieu, Bréhéret avec les Frères Augustin et Sorlin dans l'île Ovalau qui avait pour roi le plus féroce et le plus affreux anthropophage que j'ai vu, Cakabau, lequel néanmoins consentit à nous vendre un coin de terre, à la recommandation d'un autre chef.
[44] Nous trouvâmes 3 Pères, un Frère et une centaine de catholiques dans l'île Rotuma, mais point de cannibales...

Installation de la mission


[45] Arrivant dans l'île Samoa, au lieu d'entrer à Apia, la capitale, nous allâmes à Mulinu dans la cabane du P. Violette. Une autre cabane servait d'église. Nous y célébrâmes la fête de Pâques. Le P. Violette célébra la grand'messe et je la chantai avec Mgr. Bataillon. Nous n'étions musiciens ni l'un ni l'autre néanmoins les naturels furent ébahis d'entendre de si beaux chants...
[46] Le fils du célèbre Pritchard vendit à Mgr. moyennant 3.500 fr., un emplacement avec une maison en planches au centre d'Apia. Voulant y bâtir une église, Mgr. fréta, au prix de 5.000 fr. par mois, un navire français de passage dont le capitaine était franc-maçon, pour aller chercher des matériaux à Sydney à plus de mille lieues de là. Sa Grandeur s'y rendit elle-même et acheta une carrière de belles pierres, moyennant 2.500 fr. Le navire frété fit une tournée en attenant son chargement; il sombra au retour. L'équipage fut sauvé. Mgr. fréta alors un bâtiment génois qui fut chargé de matériaux et sur lequel je retournai seul à Apia avec un maître maçon.
[47] Revenu ensuite, Mgr. bénit la 1re pierre de la future église. Dans cette pierre on mit les noms de Mgr. Bataillon, des Pères Violette et Fonbonne et des Frères Jacques et Charise. Obligé de retourné en Europe, Mgr. ne put voir terminé l'édifice qui fut béni par le P. Violette en 1853. Les naturels affluèrent à cette fête. J'y comptai 270 cochons rôtis. Le P. Servan me dit: "Quelle cochonnerie." On ne manqua pas de servir le kava...

Amaélé et le roi Mataafa


[48] Un an après je fus envoyé par le P. Verne à Amaélé où demeurait Mataafa, roi de l'île. Je commençai là à faire les métiers de catéchiste, de médecin, d'instituteur, de cuisinier, de menuisier, de maçon, de tailleur, de bâtisseur de four, de boulanger, d'éleveur de volaille et de quadrupèdes, de fabriquant de cadrans solaires, d'horloger, de cultivateur, etc. Les habitants d'Amaélé étaient protestants. Sans connaître encore le samoan, nous pûmes tenir tête au ministre qui dut retourner en Angleterre 2 ans après.
[49] Le roi Mataafa nous édifiait avec ses trois chapelets de différentes couleurs pendus au cou. Il en disait un le matin, un à midi et l'autre le soir. Il n'avait d'autres vêtements, quand il en avait, que ceux que lui donnaient les missionnaires. Comme j'étais un peu tailleur, j'avais un petit coupon de drap. Avec l'assentiment du Père j'en disposai pour faire une redingote à notre bon roi. J'ajustai au col, aux manches et sur le dos quelques galons d'argent tirés d'une vieille chasuble. Il était difficile de reconnaître le grade de celui qui portait cet habit. Il avait l'air d'un sous-préfet et d'un sous-intendant militaire échappé, sans culottes, du désert de Sahara. Quand je lui présentai cet habit, Mataafa fut au comble de la joie et désormais j'eus une large part dans ses affections.
[50] Un vaisseau français ayant abordé à Apia, le P. Dubreuil voulut saluer le capitaine et lui présenta le roi Mataafa avec sa seule redingote. Le capitaine le régala d'un repas somptueusement servi. Le pauvre roi qui mourait parfois de faim, ou qui ne vivait que de ce que lui donnaient ses sujets, fut ébahi en voyant tant de mets, de fourchettes en argent, etc., lui qui n'avait vu encore que les fourchettes en fer blanc des Pères. On crut qu'il allait mourir d'effroi en entendant les coups de canon et le feu d'artifice que le capitaine fit tirer en son honneur. Il conserva depuis une grande affection pour les Français, jusqu'à sa mort arrivée en 1863.
[51] Son petit cochon entra un jour dans notre cuisine qui n'avait pas de porte et sauta sur une marmite dont le couvercle fit la bascule et renferma l'animal qui dévora ce qui restait de soupe. Je l'y trouvai le soir et le portai au roi. Il me dit en riant que j'aurais pu le faire cuire et le manger...

Catéchiste, infirmier


[52] Deux ans après un incendie dévora plusieurs cabanes et en particulier la nôtre. Plus tard, un ouragan renversa ou brisa tout dans l'île, ce qui nous réduisit, ainsi que les habitants, à une grande misère.
[53] Pendant les absences du P. Verne, j'avais l'occasion de baptiser, de faire des instructions aux fidèles, aux néophytes et aux protestants, les dimanches et les fêtes. Il fut malade une année pendant le carême et fut réduit à ne pouvoir que dire la messe et confesser. Je fis encore les instructions, même dans la semaine sainte et le jour de Pâques. Mon auditoire n'était pas savant ni malveillant et je faisais de mon mieux, en langue samoane. Les nombreux protestants présents n'y trouvaient rien à redire...
[54] Catéchisant dans un village écarté et ne pouvant réunir que de rares auditeurs, l'idée me vint de jouer de ma flûte. On accourut en foule, on fut émerveillé et j'eus dès lors de nombreux auditeurs...
[55] Allant au secours du P. Sage, malade, et devant traverser une rivière débordée, je perdis mon chemin et je m'égarai dans une forêt. Après bien des détours, j'arrivai à cette rivière et j'y trouvai un arbre que le vent avait couché en travers et qui me servit de pont, ce dont je remerciai la Providence...
[56] Les insulaires avaient grande confiance en nos remèdes et j'étais parfois entouré de malades, assez souvent imaginaires. Un peu de farine ou quelques gouttes d'un liquide odorant dans un verre d'eau à prendre en trois fois, suffisait les trois quarts du temps... Les charlatans réussissaient ici, comme en France, me disais-je parfois..."

Informations diverses


[57] Le F. Charise parle ensuite d'un Frère des Pères, nommé Jacques Peloux251, lequel croyait être fort habile et était souvent vanté par eux. Il s'échappa un jour pendant la messe et alla se précipiter d'un rocher à pic à 2 lieues de là. Il y trouva la mort. Le Frère insinue sans l'affirmer que la tête était partie.
[58] Il entre ensuite dans de grands détails sur le climat et les productions de l'île, sur les mœurs et les maladies des Samoans, sur ses infirmités, son passage en Nouvelle-Calédonie, son séjour à Sydney pendant quelques mois, son départ de cette ville en mars et son arrivée à Brest en septembre d'une année qu'il n'indique pas. Nous avons lieu de croire que c'était en 1866.
[59] Nous ne pouvons le suivre dans tous ces détails, ni reproduire ici ce qu'il appelle ses poésies, non plus que ses cantiques, ses recettes, etc. ...


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