Que serais-je sans toi


Partagée entre la curiosité et la colère, Gabrielle lui demanda



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Que serais je sans toi by Guillaume Musso Musso Guillaume z lib


Partagée entre la curiosité et la colère, Gabrielle lui demanda :
— Et maman ? Tu l’as connue comment ?
— J’étais pilote à l’époque et pendant un été j’ai travaillé pour elle, enfin pour
l’organisation humanitaire qu’elle avait créée : 
Les Ailes de l’espoir
. C’est là que


je l’ai rencontrée, lors d’une mission en Afrique.
Une  houle  légère  ondulait  la  surface  de  l’océan  et  une  brise  tiède  caressait
leurs visages.
— Entre vous, ç’a été le coup de foudre ?
—  Moi,  je  l’ai  aimée  dès  le  premier  regard,  assura-t-il.  Elle…  il  lui  a  fallu
plus de cinq ans.
— Cinq ans !
— Avant moi, ta mère avait été amoureuse du chanteur d’un groupe de rock
assez connu : un sale type qui, durant des années, l’a fait souffrir…
Pendant  quelques  secondes,  le  regard  d’Archibald  se  troubla  et  son  esprit
voyagea  du  côté  des  années  1970,  dans  les  méandres  d’un  passé  encore
douloureux.
— Un type qui lui a beaucoup pris sans beaucoup lui donner, continua-t-il, et
surtout…
— Surtout quoi ? demanda Gabrielle pour le forcer à terminer sa phrase.
— Il l’a poussée par deux fois à avorter.
Le  silence  revint,  plus  pesant  qu’auparavant.  Puis,  sans  se  concerter,  ils
sautèrent les pieds dans l’eau et rejoignirent la plage.
Tandis  qu’ils  attachaient  l’hydravion  pour  l’empêcher  de  dériver,  Gabrielle
reprit :
— Et elle est restée longtemps avec ce chanteur ?
— Six ans, je crois. Enfin, par intermittence.
— Six ans !
Comme elle l’interrogeait du regard, il continua :
—  Plus  cet  homme  la  faisait  souffrir,  plus  elle  l’aimait  éperdument.  C’est
bizarre la vie, hein ? Tout se passe parfois comme si on s’infligeait un châtiment
pour se punir d’une faute qu’on a soi-même du mal à identifier.
Ils firent quelques pas le long du rivage. L’endroit était d’une beauté à couper
le souffle : une plage naturelle, en forme de croissant, protégée des vents par une
grande falaise de granit.
— Mais toi, pendant ce temps-là, qu’est-ce que tu faisais ?
— Moi, je l’attendais. Je l’attendais en endurant ses refus.
— Et tu as toujours espéré ?
— Au début, oui. À la fin, je n’espérais plus grand-chose.
Elle aimait la sincérité de ses réponses.
— Donc, tu as souffert ?


—  Oui,  admit-il.  C’était  même…  plus  que  de  la  souffrance  :  une  sorte  de
déchirement, de supplice, de torture.
— Mais comment as-tu pu aimer, dès le premier regard, une femme que tu ne
connaissais pas ?
—  Je  sais…  c’est  difficile  à  comprendre,  concéda  Archibald.  Il  me  semblait
que je voyais en elle des choses que les autres ne voyaient pas, des qualités dont
elle-même  n’avait  pas  conscience.  Il  me  semblait  déjà  voir  en  elle  la  femme
qu’elle est devenue plus tard.
— Ça, c’est seulement dans les romans et dans les films, papa…
— Ça arrive parfois dans la réalité, assura-t-il.
— Et comment tu expliques qu’elle ait mis cinq ans à se rendre compte que
c’était toi, l’homme de sa vie ?
Il la regarda dans les yeux.
—  Parce  que  ça  fait  peur  d’être  aimée.  Parce  que  la  vie  est  compliquée  et
qu’elle  s’amuse  trop  souvent  à  vous  envoyer  la  bonne  personne  au  mauvais
moment.
— Et toi, avant elle, tu avais déjà aimé ?
— Avant ta mère, j’ai été marié quelques années à une infirmière de la Croix-
Rouge.
— Et tu l’as quittée pour maman ?
—  Non,  je  l’ai  quittée  parce  que  je  pensais  trop  à  ta  mère,  même  si,  à
l’époque, elle ne voulait pas de moi. Je l’ai quittée parce que tromper l’autre, ça
commence d’abord dans la tête.
— Et finalement, au bout de cinq ans, maman t’a dit oui.
— Elle ne m’a pas dit oui, elle m’a dit simplement que je l’avais guérie.
— Que tu l’avais guérie ?
— Oui, et crois-moi, ça vaut tous les « je t’aime » du monde.
 
Au  bout  de  l’anse,  il  lui  désigna  une  cascade  qui  tombait  directement  dans
l’océan.  La  plage  était  bordée  de  séquoias,  de  saules,  d’eucalyptus  et  de
sycomores.
— C’est là, dans cette crique, qu’on s’est embrassés et qu’on s’est aimés pour
la première fois. Et c’est sans doute là que tu as été conçue.
— C’est bon, épargne-moi les détails !
Il tira un cigare de la poche de sa chemise.
— Profite du paysage parce que tu ne le verras plus jamais aussi préservé : ils
sont en train de construire un sentier piétonnier pour le relier au parking du Nid


d’Aigle.
— C’est triste, se désola Gabrielle.
— C’est la vie, se résigna-t-il en caressant la cape souple et huileuse de son
Habano.
— Rien ne dure, c’est ça que tu cherches à me dire ?
— Oui, tout s’anéantit, tout passe et tout casse. Seul compte l’instant.
Archibald coupa l’extrémité de son havane avant de tirer à cru sur le cigare.
Gabrielle lui tint tête :
— Non, il y a des choses qui résistent, il y a des choses qui durent.
— Comme quoi ?
— L’amour ? hasarda-t-elle.
— L’amour ! Il n’y a rien de plus fragile ni de plus éphémère. L’amour c’est
comme un feu un jour de pluie : tu dois tout le temps le protéger, l’alimenter et
en prendre soin, sinon il s’éteint…
— Il y a des amours qui durent.
— Non, ce qui dure, c’est la douleur qui reste après l’amour.
— Je n’aime pas ce que tu dis.
—  Si  tu  as  peur  d’entendre  certaines  réponses,  il  vaut  mieux  ne  pas  poser
certaines questions.
Le  visage  fermé,  Archibald  gratta  une  allumette,  puis  une  autre  pour
enflammer complètement l’extrémité de son Habano.
— Mais maman, toi tu l’aimes encore !
— Oui, admit-il.
— Donc, tant que tu te souviens de quelqu’un qui t’a aimé et que tu l’aimes
encore, tu fais perdurer l’amour.
— Ça, c’est ce que les gens veulent entendre, mais je n’y crois pas vraiment.
Pensive, Gabrielle renonça à poursuivre cette discussion. Elle se contenta de
regarder le bout du cigare de son père qui rougeoyait dans la nuit. Le vent était
toujours aussi tiède et le chant du ressac sur le sable, très doux.
— Il y a quelque chose que je voulais te donner : une lettre, dit-il en fouillant
dans la besace de cuir qu’il portait en bandoulière.
— Une lettre ?
—  Oui,  tu  sais,  le  truc  qu’utilisaient  les  gens  pour  s’écrire  avant  l’invention
des e-mails…
— Je sais ce qu’est une lettre ! Moi aussi, j’en ai reçu, qu’est-ce que tu crois !
— Ah oui, de ton Martin…
— Arrête, tu veux bien !


—  Bref,  cette  lettre,  je  voulais  te  la  donner  pour  que  tu  conserves  quelque
chose de cette période, dit-il en lui tendant une enveloppe bleu pâle, délavée par
les années. C’est ta mère qui me l’a envoyée, au tout début de notre relation. Un
moyen  pour  me  faire  comprendre  qu’elle  voulait  un  enfant  de  moi.  Je  ne  m’en
suis jamais séparé et je préférerais que tu la lises lorsque tu seras seule.
Gabrielle  fit  celle  qui  n’avait  pas  entendu.  Elle  s’assit  sur  le  sable  et  ouvrit
l’enveloppe.
 
Allongé  sur  la  plage,  en  appui  sur  ses  coudes,  Archibald  observait  la  ligne
d’horizon.
Assise  à  côté  de  lui,  Gabrielle  venait  de  terminer  sa  lecture.  Délestée  d’un
poids, elle pleurait. Les mêmes larmes que la veille. Des larmes de gratitude. La
gratitude  d’avoir  eu  la  chance  de  connaître  enfin  ses  parents  et  de  pouvoir  les
aimer.
Archibald  tira  lentement  quelques  courtes  bouffées  de  son  cigare  pour  en
savourer  les  saveurs  suaves  qui  s’accrochaient  à  ses  papilles.  Toujours  vivre
l’instant… essayer de dilater le peu de temps qui lui restait…
— J’ai une tumeur au pancréas, Gabrielle.
Trop longtemps contenues, les paroles étaient sorties d’elles-mêmes.
— Quoi ?
Il contempla avec tendresse son visage baigné de larmes.
— J’ai un cancer en phase terminale. Je vais mourir.
Elle le regarda incrédule.
— Tu vas mourir ?
— Dans quelques semaines. Trois mois au plus tard.
— Mais tu en es sûr ? Tu as passé tous les examens ?
— Oui, il n’y a rien à faire, chérie.
Bouleversée,  elle  plongea  la  tête  dans  ses  mains,  puis  demanda  d’une  voix
étranglée :
— Tu le sais depuis quand ?
À présent, les mots lui restaient dans la gorge.
— Avec certitude ? Depuis deux jours…
Elle essuya ses yeux et s’exclama, pleine de colère :
—  Mais…  pourquoi  es-tu  revenu,  alors  ?  J’ai  retrouvé  mon  père  il  y  a
quelques  heures  à  peine  et  il  faut  déjà  que  je  le  quitte  !  Pourquoi  tu  m’infliges
ça ?


— Parce qu’il fallait que tu saches que je ne t’avais pas abandonnée. Pendant
toutes ces années, j’ai été là, dans l’ombre.
— Comment ça, dans l’ombre ?
Pour  la  calmer,  il  lui  posa  la  main  sur  le  bras.  Puis  il  lui  raconta  comment,
depuis près de vingt ans, il avait cherché à renouer le lien pour lui apprendre la
vérité.  Il  lui  fit  part  de  sa  honte,  de  sa  culpabilité  et  de  sa  tristesse  devant  son
impuissance.  Il  lui  parla  aussi  des  stratagèmes  qu’il  avait  mis  au  point  pour
passer quelques minutes avec elle, incognito, tous les 23 décembre.
Troublée, Gabrielle voyait des souvenirs encore frais lui revenir en mémoire.
Des rencontres qui l’avaient marquée sans qu’elle en ait pleinement conscience
et qui, à présent, prenaient une autre signification.
Ce vendeur qui faisait du porte-à-porte et qui lui avait cédé, pour une bouchée
de pain, le dernier modèle d’un ordinateur portable haut de gamme, justement la
semaine où le sien avait lâché.
C’était lui !
Ce  clown  des  rues,  philosophe,  dont  le  spectacle  l’avait  émue  et  passionnée
tant elle avait eu l’impression que ses phrases s’adressaient à elle.
Lui…
Ce jardinier qui taillait les rosiers du 

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