toutefois, pour peu que les clubs branchés sur
le site yahoo s’engagent à respecter les règles de la Sharia (loi islamique), les clubs fermés
pourraient être autorisés à rouvrir leurs portes
28
»
. Pire encore, plusieurs dispositifs juridi-
ques ont été élaborés par les États arabes en vue de réglementer (limiter!) l’accès et l’usage
de l’Internet. Et les internautes ne peuvent pas se concevoir que dans un cadre restreint. Ce
25
Banque Mondiale, “Benchmarking Regulators : Making Telecom Regulators more Effective in the Middle
East. Washington” D.C., Banque mondiale, 2002.
26
The World Bank (2006), “Information and Communicatons for Development: Global Trends and Policies”.
27
Pour plus d’informations sur la censure d’Internet dans le monde arabe, voir par exemples, REPORTERS
SANS FRONTIERES, « Les ennemis d’Internet. Les entraves à la circulation de l’information sur Internet »,
Paris: éd.oohoo.com, 200.
28
Citation tirée d’un article du journl Al Hayat, 14 août 2000, site Internet:
www.english.daralhayat.com.
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cadre étant constitué de principes explicites et surtout implicites que l’État se réserve le
droit de délimiter et d’apprécier selon le sens qu’il donne à des notions tels que l’ « intérêt
général » et l’ « ordre public ». Cette situation a transformé aujourd’hui Internet dans les
pays arabes en un nouvel espace de répression pour les citoyens (et du coup le monde arabe
en la région la plus répressive au monde en matière d’Internet
29
), au lieu que ce soit un
espace d’émancipation.
Bien que près de 300 millions d’habitants parlent la langue arabe à travers le monde,
ce qui la place au sixième rang des langues les plus parlées, or comme souligné plus haut
le nombre de sites Web en langue arabe représentait moins de 1 % du nombre total des
sites Internet en 2001 (contre 43 % en langue anglaise et 32 % pour les autres langues
européennes
30
). Donc, seule une élite éduquée pourrait accéder aux connaissances en lan-
gue anglaise, une langue qui n’est pas maîtrisée par la majorité de la population à la fois
analphabète et en partie francophone.
Néanmoins, les difficultés de nature culturelle ne sont pas à sous-estimer. L’accès aux
TIC en fonction du sexe est l’autre aspect culturel de la segrégation, dont les femmes
sont souvent les victimes. Les femmes arabes restent socialement marginalisées et souf-
frent d’une inégalité due à la persistance d’attitudes sociales fondées sur la discrimination
sexuelle qui lui refuse de réaliser pleinement son potentiel. Le monde arabe compte près
de 60 millions d’analphabètes (soit presque un cinquième de la population totale!), dont
les deux-tiers sont des femmes, tandis que ce chiffre est de seulement 8 millions (moins
de 1 % de la population totale) dans les pays de l’OCDE
31
. En 2004, la situation est
particulièrement critique. Le taux d’analphabétisme des femmes adultes (+ de 15 ans)
atteint 66 % de la population arabe
32
loin des 49 % au sein des pays développés (chif-
fres à rapprocher bien évidemment de la population totale dans les deux régions...). Par
contre, l’indice de parité des sexes (IPS) du taux d’alphabétisme, pour les adultes, lui il
reste le plus faible au monde. Cet indice est de 0,69 contre 1, soit une égalité entre les
deux sexes
33
. Quant au taux d’analphabétisme des jeunes (15-24 ans), le monde arabe bat
tous les records de médiocrité au monde: 67 % des jeunes analphabètes sont des femmes.
De même, en terme d’Indicateur de participation des femmes (IPF), on constate que
le monde arabe souffre d’un retard flagrant. Les pays de l’OCDE occupent la première
place, donc devançant largement le monde arabe qui lui par rapport aux autres six régions
se retrouve à l’avant-dernier rang, juste avant l’Afrique sub-saharienne sur l’échelle de
29
Voir, «The Internet In the Arab World: A New Space of Repression? », disponible sur le site: http://www.
hrinfo.net/en/reports/net2004.
30
Voir Kamel TOUATI (Avril, 2007) , “Le défi des TIC pour le monde arabe”, Futuribles (2007), N°329.
31
Il convient toutefois de noter que la comparaison des taux d’analphabétisme entre les pays arabes et les
pays industrialisés peut être trompeuse, étant donné que les définitions qu’on donne de l’alphabétisation et de
l’analphabétisme sont aujourd’hui extrêmement variables : les statistiques de l’UNESCO portant sur les pays
industrialisés ne sont plus considérées comme valables par l’OCDE.
32
Il faut préciser que ce taux est le deuxième taux le plus élevé par région au monde après l’Europe orientale
et centrale. (Source: Institut de la statistique de l’UNESCO (ISU, 2006), Section Alphabétisme et Education
Non Formelle et PNUD (2001), “Rapport mondial sur le développement humain”, New York.
33
L’IPS dans les pays arabes est donc bien en déça de la moyenne mondiale 0.89, de la moyenne des pays
en développement 0.84 et même de celle des pays de l’Afrique subsaharienne 0.77!
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l’IPF
34
. Dans ce contexte il n’est pas étonnant que leur accès à Internet reste limité. Les
femmes ne représentent que 5 % des internautes en Arabie-saoudite par exemple
35
.
En ce début du XXI
e
siècle, si le monde arabe reste à l’écart de la « révolution »
des TIC, il serait judicieux de dire que cette situation ne peut pas être dissociée du
contexte d’un monde arabe se trouvant à la croisée des chemins en général – et en
matière de développement en particulier –. Certes il existe d’énormes disparités entre
ses différents pays par région. Alors que les pays du Golfe ont progressé en termes de
revenu et de richesses matérielles, toutefois le développement reste faible dans beau-
coup de sociétés arabes. En quoi les TIC peuvent être alors utiles au développement
de cette région? Et quelles sont les défis qu’elles posent pour elle?
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