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même site de production permet de dégager des économies d’échelle, et ce d’autant
plus que la localisation de la production est proche du marché qui engendre les effets
d’entraînement les plus élevés. De surcroît, les gains en termes de coûts reposent sur
les interdépendances inter-industrielles amont/aval.
L’évocation des conditions de cette édification de ces trois parcs, permettent de saisir
plus facilement, l’esprit dans lequel chacun des pays tente de son côté de se doter de ces
TIC. Bien que de petite taille par rapport à ceux de Sidi-Abdellah et du Maroc et pou-
vant sans doute engendrer difficilement des effets d’entraînement conséquents sur le tissu
industriel local, le parc technologique ElGhazala est susceptible d’assumer une fonction
autre par rapport aux premiers. La Tunisie disposant d’une aptitude particulière sur ce plan
compte tenu de l’ouverture traditionnelle de son système socio-économique et d’exporta-
tion de produits manufacturés, qui lui permet de bénéficier plus aisément des TIC.
Ainsi
tendrait-elle à maîtriser celles-ci non pas dans un but essentiellement de consommation
interne, mais en vue aussi d’en faire un secteur devant alimenter ses échanges extérieurs.
D’où ses efforts en vue de l’exportation en direction de pays avoisinants au Maghreb et
en Afrique et du développement d’un partenariat méditerranéen, ce qui correspond bien
à la structure et à la logique de son économie avec des PME/PMI tournées vers l’expor-
tation, dans le cadre notamment de la sous-traitance. De plus en rapport avec cet objectif
de concevoir et de réaliser des techniques destinées à être diffusées hors du pays, ce parc
est destiné au niveau national, essentiellement au rapprochement des entreprises avec les
établissements de haut niveau ainsi que de recherche (Noureddine Abdi, 2007)..
Quant aux monarchies du Golfe, qui disposent d’importantes ressources financières
des recettes pétrolières, les plans portant sur les TIC font partie intégrante de leurs pro-
grammes nationaux de développement. Les gouvernements de ces monarchies jouent un
rôle actif dans la promotion des TIC et du commerce électronique
19
. La plupart de ces
pays ont traduit leurs plans portant sur les TIC en instituts de recherches, technopoles
et parcs technologiques. L’enjeu pour les EAU consiste évidemment à devenir la plaque
tournante de toutes les activités liées aux TIC dans la région. Pour cela, dans la ville de
Dubaï, les autorités ont inauguré des zones franches spécialisées dans les TIC: Internet
City (octobre 2000) et Media City (début 2001). En Arabie Saoudite c’est la King Abdul
Aziz City for Science and technology qui a vu le jour. Le Qatar, avec la célèbre chaîne de
télévision par satellite Al-jazira, n’est pas en reste sur l’échiquier des médias dynamiques
de la région. D’autres zones franches ont été créées dans le monde arabe, comme Smart
Village en Egypte et Silicon Hills en Jordanie.
Toutefois, on remarque que peu de pays ont une approche réellement prospective en
matière des TIC, en tant que vecteur d’une stratégie globale de développement économi-
que et social. La Jordanie avec son programme REACH (Regulatory framework, Estate
(infrastructure), Advanced programs, Capital, Human resource development) est l’un des
rares pays à prendre conscience des bénéfices des TIC. En effet, il y a quelques années,
la Jordanie a vu en l’industrie des TIC une source génératrice d’investissements directs
étrangers (IDE), de transfert de technologies et de création d’emplois. Le programme
19
La valeur des échanges commerciaux réalisés par le biais d’Internet dans les pays arabes du Golfe a atteint
1,2 milliard de $US sur un total de 3 milliards réalisés lors des transactions commerciales en ligne dans l’ensem-
ble du monde arabe (Source: Al Wasat 19 février 2001, site Internet www.alwasatnews.com).
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au nom significatif REACH (atteindre), lancé en 1999 en coopération avec Microsoft,
s’inscrit dans cette logique. Ce programme vise essentiellement à bâtir en Jordanie un
secteur des TIC orienté vers l’exportation. La Jordanie espère ainsi devenir un centre
d’excellence dans la région: création de logiciels, arabisation de leur contenu et fourniture
de services de consultation. Ceci lui permettra de conquérir des marchés arabes à la fois
sous-développés et mal servis. D’autres pays n’ont reconnu que tardivement leur impor-
tance. Oman, par exemple, a amendé son plan de développement initial (2001-2005) afin
d’y inclure les TIC.
Le secteur privé reste quant à lui en marge et ne consacre pas davantage de ressources
pour la promotion du développement des TIC. Sa participation reste limitée conséquence
d’un environnement fermé et contrôlé. De plus, le manque d’intérêt du secteur privé est
lié pour lui aux faisabilités strictement économiques des TIC sans prise de considération
du bénéfice social global.
Bien que la plupart des gouvernements arabes aient sur leurs agendas des programmes
qui portent sur les TIC, il est important de noter qu’une fracture numérique existe entre
les pays arabes et les pays développés et même le reste du monde. Cette fracture est
mesurable au moyen de toute une batterie d’indicateurs statistiques, tels que le nombre
de lignes téléphoniques, d’ordinateurs personnels, d’internautes et de sites Internet. La
région arabe fait partie de la tranche inférieure de ces classements statistiques. En réalité,
les pays arabes renoncent aux opportunités des TIC en supportant des coûts élevés en
bâtissant des infrastructures nationales à la fois incomplètes et incohérentes. Il n’existe
aucune stratégie arabe commune en matière des TIC. Les approches des Etats dans ce
domaine sont souvent concurrentielles et fragmentées.
Résultat: le monde arabe apparaît comme la région du monde la plus marginalisée en
matière d’accès aux TIC. En ce qui concerne Internet, bien que des progrès aient été réali-
sés ces dernières années, cette région est loin derrière non seulement les pays de l’OCDE,
les pionniers de la toile mais également le reste des autres régions du monde. Fin 2006,
seuls un peu moins de 8 % de la population arabe utilisaient Internet, l’un des plus faibles
taux dans le monde, et très largement inférieur à celui des pays de l’OCDE (53,4 %).
En cette même année, la Corée (94 %), l’Islande (83 %) affichaient la proportion la plus
importante de ménages connectés à l’Internet. Le nombre de sites sur la Toile pour 1 000
habitants constitue un indicateur plus précis du développement relatif des contenus natio-
naux. En 2000, on compte en moyenne 17,2 sites Web pour 1 000 habitants, contre 31,4
sites en juillet 2002 au sein de l’OCDE
20
. Tandis que le nombre de sites Internet en langue
arabe, en cette même année n’était que de 0,27 pour 1 000 habitants et n’a atteint que 1,29
en 2005! Donc, le monde arabe se classe très loin dernière les pays développés pour les
deux indices les plus importants pour déterminer le niveau de développement de l’infor-
mation et de la société attachée aux technologies.
Dans les pays membres de l’OCDE, le pourcentage de la population ayant accès au
téléphone mobile en 2004 est de 71,4 %, contre 16,9 % dans les pays arabes. Donc, le
nombre de lignes téléphoniques mobiles dans les pays arabes représentent à peine un qua-
trième de celui existant dans les pays les plus avancés. Le nombre de lignes téléphoniques
fixes à la même période s’établit à 49,1 pour 100 habitants au sein de l’OCDE et 9,1 %
20
Source OCDE (2003), “Perspectives des communications”, édition 3.
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dans les pays arabe, soit à peine un cinquième de celui des pays de l’OCDE. De même
l’accès au média numérique compte parmi les plus faibles dans le monde. Il y a seule-
ment 25 ordinateurs pour 1 000 habitants contre 400 pour les pays à revenus élevés. Et
seulement une infime minorité de faible taux est connectée à Internet. En 2001, le nombre
d’ordinateurs connectés à Internet est de 1,56 pour 100 habitants dans les États arabes
contre 33,2 pour les pays de l’OCDE
21
.
Cette comparaison laisse à penser que de nombreux produits TIC se sont banalisés au
sein de l’OCDE. Cependant, la croissance très rapide se limite maintenant à des produits
nouveaux ou qui visent des créneaux spécialisés, aux services ainsi qu’aux marchés géo-
graphiques émergents. Mais si le monde arabe reste en marge du mouvement il y a bien
des raisons à cela
22
.
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