Ferdinand Lot De l’Institut


La Civilisation carolingienne : La vie artistique 1



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La Civilisation carolingienne :
La vie artistique
 1



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Considérations préalables. — L’époque carolingienne a longtemps passé, ainsi que la précédente, pour être une période déshéritée dans l’histoire de l’art. La raison évidente de cette appréciation dédaigneuse, c’est que le nombre des monuments d’art qui nous sont parvenus est infime. Nous jugerions autrement, et depuis longtemps, si un nombre même peu considérable des églises épiscopales ou monastiques, des palais de souverains, des demeures de particuliers, d’objets des arts dits « mineurs », était parvenu jusqu’à nous. Mais, en dehors du noyau de la « chapelle » d’Aix, de la petite église rurale de Germigny-les-Prés en Orléanais (malheureusement refaite en 1869), d’une partie de l’église monastique de Saint-Philibert de Grandlieu en Poitou, de quelques pans de murs, d’une ou deux travées de nef, nul édifice que l’on puisse dater avec sûreté comme appartenant à cette ère ne frappe nos regards. Nul palais, nulle maison, n’est demeuré debout. Les remparts des villes ont été réparés ou reconstruits, au cours des âges subséquents. Les mosaïques qui décoraient sol et murs ont été brisées ou enfouies sous terre. Les peintures ont disparu sous l’usure du temps, ou sous le badigeon, an point qu’on a pu douter de l’existence de cet art. La sculpture sur pierre, n’a guère laissé de traces que dans des chapiteaux surmontant des colonnes supportant la charpente du toit.
Quant aux objets d’orfèvrerie, ils ont été, en immense majorité, fondus pour être réduits en lingots d’or ou d’argent, dans les périodes de détresse financière. La fragilité des tissus explique leur disparition presque totale.
Mais le zèle des chercheurs a suppléé en partie à l’indigence des représentations figurées. On a d’abord découvert et daté des monuments sous terre, des cryptes, en nombre considérable. Leur construction a révélé la technique du temps. Des dessins pris dans les trois derniers siècles, quelques-uns même remontant au moyen âge, des descriptions de contemporains eux-mêmes, ont permis de reconstituer en plan, quelquefois en élévation, telle cathédrale ou église monastique carolingienne. Des mosaïques ont été dégagées, une ou deux peintures débarrassées de l’enduit les dissimulant. Des inventaires d’objets d’orfèvrerie et de tissus ont permis, par la méthode comparative, d’en dégager l’origine, d’en apprécier le faire.
Enfin, il est une manifestation de l’art, dont de beaux spécimens, toujours appréciés à travers les âges, sont parvenus jusqu’à nous, nous voulons parler des manuscrits à peinture, même des manuscrits non illustrés, mais tracés avec une belle écriture, rénovée dans le cadre de l’art.
De ces recherches, il est résulté que la période carolingienne a vu un travail considérable de tentatives poussées de tous côtés pour édifier des monuments qu’on voulait beaux et somptueux. A-t-on réussi ? Faute de témoignages directement attestés par des spécimens conservés à nos regards, il est difficile de se prononcer. Il ne semble pas cependant qu’aucun chef-d’œuvre ait été exécuté, mais l’époque n’en demeure pas moins curieuse et même féconde. Le bel art subséquent des églises romanes de la seconde moitié du XIe siècle et des deux tiers du XIIe siècle n’a été possible que grâce aux tâtonnements de l’époque carolingienne dont il a retenu les parties les plus neuves et les plus heureuses. A dire vrai, rien ne sépare les deux périodes de l’art architectural. L’une est la suite de l’autre.

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L’Architecture religieuse. — Le monument le plus significatif de ces efforts vers le beau et le grand est l’oratoire que Charlemagne fit construire de 796 (pour le moins) à 805 en sa résidence favorite, Aix, qui en a gardé en français le surnom de « la Chapelle ». Il le destinait à renfermer des reliques précieuses et à lui servir de tombeau. C’est un édifice à coupole de plan octogonal. L’oratoire est bâti sur sol vierge, avec de solides fondations en pierre de taille, mais en dehors des arêtes des voûtes et des archivoûtes des baies, qui sont en bon appareil ; les murailles sont faites de matériaux irréguliers que dissimule le mortier. A l’intérieur, une galerie à seize pans d’un bel aspect. Des voûtes solides en berceau supportant les tribunes permettaient l’ouverture de vastes baies éclairant le centre de l’octogone. A l’Ouest, un atrium rectangulaire était entouré de galeries. Un chœur carré, démoli par la suite, se trouvait à l’Est. Si les colonnes ont dû être empruntées à des monuments d’Italie, l’ensemble n’en est pas moins dû à un architecte indigène, Eudes de Metz, et il a de la majesté. Il n’est pas prouvé que le plan ait été inspiré de San Vitale de Ravenne, ainsi qu’on le dit.
La petite église de Germigny, construite par Théodulf, abbé de Saint-Benoît-sur-Loire, puis évêque d’Orléans (798-818), est un charmant édifice de plan rayonnant. Du moins autant qu’on en peut juger par là comparaison entre l’édifice actuel, rebâti en 1869 sous prétexte de restauration, et les dessins antérieurs au vandalisme de l’architecte moderne. Le plan, qui ne ressemblait en rien à celui d’Aix, était quadrilobé et il n’y avait pas de tribunes. L’église était entièrement voûtée.
De Saint-Philibert de Grandlieu, construit vers 819 à Déas par des moines de l’île de Noirmoutier, fuyant les Normands, refait par l’abbé Ermentier en 836, brûlé par les Normands en 847, les restes montrent que la sépulture du saint était voûtée et que l’édifice comportait trois absides. La nef actuelle est postérieure.
A Chamalières, près de Clermont, l’église a conservé une nef et un narthex surmonté d’une tribune.
Ce qu’il y a lieu de retenir des débris et des dessins d’autres édifices c’est que l’antique plan basilical se poursuit. Quelquefois les bas côtés se terminent comme la nef par une abside. Ailleurs, il y a deux absides aux extrémités de l’édifice.
Les transepts apparaissent, quelquefois doubles. Une innovation c’est que le chœur s’enveloppe d’un déambulatoire, encore étroit, mais qui permet de contourner toute l’église à l’intérieur. Des chapelles rayonnantes apparaissent au chevet d’églises, en Auvergne, en Touraine.
Des clochers en bois, en forme de tour-lanterne, s’élèvent à la croisée du transept, parfois au-dessus de l’entrée de l’édifice.
A noter que la nef n’est pas voûtée, mais couverte d’une charpente. Les bas côtés sont parfois voûtés en berceau, mais dans les petites églises où ils sont de faible largeur, procédé qui remonte d’ailleurs jusqu’à la fin des temps romains.
Une place à part doit être faite aux églises de type prétendu « lombard ». Il s’agit d’un mode de construction qui s’étend de la Catalogne à la Moldavie en passant par la Provence, la Bourgogne méridionale, l’Italie du Nord, la Dalmatie. Il n’intéresse, le plus souvent, que de modestes églises rurales. Le plan est simple : un carré divisé en trois nefs terminées chacune par une abside dont la toiture est moins élevée que celle de la nef ; parfois une seule nef avec une abside. La nef est couverte en charpente, les bas côtés en moellons disposés en voûte à berceau, mais il arrive aussi que la nef soit voûtée en berceau. Ni transept, ni narthex. Comme supports, pas de colonnes, des piliers. Pas de sculptures. Les seuls ornements de ces édifices dépouillés, sévères, sont, aux absides, des fenêtres aveugles, des arcades, des bandes dites « lombardes », reposant sur des modillons. Quand il y a un clocher, il est séparé de l’église et de forme ronde.
L’origine de ce type d’édifices, presque sans art, est à chercher en Orient, en Perse, par l’intermédiaire de la Syrie. Sa grande diffusion permet de supposer qu’il atteste un courant ancien persistant dans les régions les plus voisines de la Méditerranée ; architecture simple, populaire, si l’on peut dire et pour cela même ayant échappé jusqu’à ces derniers temps à l’attention des archéologues.
Même pour les édifices plus compliqués, plus curieux d’innovations, l’archéologue éprouve un certain dédain. On veut bien rendre hommage à des efforts dont plusieurs ont été féconds, mais on accuse les architectes carolingiens de gaucherie, de maladresse. Leur impuissance éclaterait dans l’emploi même des matériaux : incapables de tailler des pierres de grand appareil, ils édifient des murs en blocage faits de pierres cassées au marteau. Tout au plus usent-ils du moyen appareil aux chaînages de briques, comme sous le Bas-Empire. Jugement bien sévère ! Partout où l’observation est possible, ainsi à Aix, à Germigny, il y a un bel appareil. Il est réservé, il est vrai, à certaines parties de l’édifice, tels les piliers et les arcs ; mais il eût été d’une prodigalité inutile d’en user pour les murailles dont la nudité grossière à l’intérieur ne pouvait apparaître, étant dissimulée par des revêtements en stuc, des mosaïques, des peintures, des tentures et tapisseries. Et puis il faudrait chercher si la parcimonie dans l’emploi de beaux matériau ne s’explique pas en des cas particuliers par l’éloignement des carrières.
Quant au pillage des monuments antiques (colonnes, sarcophages, etc...) en marbre il a, comme on a vu, son explication dans l’abandon des carrières des Pyrénées en suite des invasions musulmanes et aussi des luttes interminables des Francs pour réduire le séparatisme de l’Aquitaine au VIIIe siècle. Il se peut aussi que l’usure des voies romaines, non encore remplacées, ait rendu quasi impossible le transfert au loin de matériaux d’un poids considérable.
Les monuments carolingiens ont donc été victimes moins de l’inexpérience des architectes et artisans que des circonstances historiques et économiques. Ce qui frappe, c’est le petit nombre de ces architectes et artisans. Quand on a quelques renseignements à ce sujet, on s’aperçoit que souvent les architectes sont des clercs, appliqués à l’édification et à l’embellissement de l’église qu’ils desservent. Quant à la rareté d’ouvriers habiles, c’est un phénomène général en Occident et qui remontait haut.

La Décoration. — L’intérieur des églises catholiques modernes, en France du moins, généralement sobre, en dehors des chapelles, ne peut donner la moindre idée de la somptuosité de l’ère carolingienne aussi bien que mérovingienne. Les murailles et voûtes étaient recouvertes de mosaïque, de peintures. Châsses, croix, candélabres, couronnes votives suspendues, faites de cuivre doré et émaillé, quelquefois d’or pur, meublent cet intérieur et, pour nous, l’encombrent. Les poutres supportant la toiture étaient peintes et cette toiture, quand on le pouvait, était faite, non de tuiles, mais de métal doré, d’où l’aspect « rutilant », « flamboyant », comme disent les contemporains, des plus riches de ces édifices.
L’art de la mosaïque s’est continué en Gaule comme en Italie. Faute de marbre, on utilise parfois des cubes de verre coloré. Le chef-d’œuvre était la mosaïque de la coupole d’Aix-la-Chapelle connue par un dessin et une description antérieure à la destruction. Tout en haut était figuré un Christ colossal, bénissant de la dextre, tenant à senestre le Livre de la Loi. Au-dessus de lui deux anges, à ses pieds les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse figurés en grandeur humaine, le tout sur fond d’azur étoilé d’or.
A Germigny-les-Prés était représentée l’Arche d’alliance, entourée de deux archanges ; entre eux était figurée la main divine. Les couleurs variées, argent, bleu, rouge et vert, donnaient de l’éclat à cette œuvre d’art. L’ensemble de l’église était d’ailleurs couvert de mosaïques détruites de nos jours. La mosaïque couvrait également le sol.

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L’Architecture civile et militaire. — Il n’y a rien à dire de l’architecture civile. Rien n’a subsisté des palais et des demeures de l’époque carolingienne. Les derniers vestiges du palais d’Aix-la-Chapelle ont disparu. Des fouilles ont révélé que, à Ingelheim, existait un grand édifice de forme basilicale terminé en abside.
Et cependant, les Carolingiens ont eu quantité de palais, ainsi, en France, dans les vallées de l’Oise et de l’Aisne, Compiègne, Quierzy-sur-Oise, Verberie, Ver, Servais, Attigny, Pitres, et bien d’autres, sans compter ceux qui pouvaient subsister dans les cités, à Paris, Orléans, Senlis, Noyon, Laon, etc... Il est probable que dans la plupart des « palais » ruraux les constructions étaient en bois, ce qui explique aisément leur disparition. Mais il faut avouer que, en France, nulle fouille n’a été entreprise pour retrouver des vestiges de ces antiques palatia.
Nulle demeure de particulier n’a subsisté, pas plus à la campagne qu’à la ville. A l’époque mérovingienne, Grégoire de Tours et Fortunat nous décrivent des villas qui ressemblent fort à celles de l’Empire romain. Mais les mêmes décrivent également des villas fortifiées qui sont de véritables châteaux au sens médiéval du mot. Un château au moyen âge n’est pas seulement une forteresse habitée par un seigneur et une garnison. On entend par ce terme toute localité, grande ou petite, urbaine ou rurale, entourée d’une enceinte fortifiée. La ville, au contraire, c’est le village non fortifié et ce terme ne s’appliquera à la cité que très tardivement.
Le palais rural sur la Moselle, de l’évêque de Trèves, Nicetius, que décrit Fortunat, est défendu de toutes parts par la rivière, sauf du côté du plateau auquel il est relié par un isthme. Une enceinte flanquée de trois tours enferme des champs et un moulin à eau. Il s’agit donc plutôt d’une place de refuge pour l’évêque et les paysans du domaine. Ce type a dû se substituer à la villa romaine ouverte, s’étendant sur un vaste espace, car elle ne comportait pas d’étages au-dessus du rez-de-chaussée.
Dans les cités, resserrées, sans espace, la maison antique comportant seulement un rez-de-chaussée a dû faire place à la maison d’un ou même de deux étages dont on a quelques spécimens du XIIe siècle. Mais rien d’antérieur n’a subsisté.
La législation carolingienne ne permettait pas d’édifier des maisons fortes. Charles le Chauve l’interdit encore. Vaines prescriptions ! Dans l’insécurité générale quiconque en a le moyen se bâtit, au cours du Xe siècle, une forteresse en bois, fût-ce en plaine, auquel cas on la juche sur une motte, tertre artificiel. Vers la fin du siècle, les plus puissants seigneurs se mettent à bâtir la forteresse en pierres. Ce n’est encore qu’un donjon se dressant au milieu d’un espace défendu par des palissades en bois. Il est rectangulaire et l’accès à l’intérieur ne s’opère que par une porte ouverte à plusieurs mètres au-dessus du sol. Le donjon de Langeais, bâti en 992 par Foulques Nerra, comte d’Anjou, dont il subsiste les ruines, est un exemple d’aspect saisissant de ces premiers repaires féodaux.

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La Peinture. — A défaut de mosaïque, la peinture recouvrait murailles et voûtes. Si les sujets, tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament pour les églises, profanes (les Sept arts, les Saisons, etc...) pour les salles de palais, cloîtres et réfectoires, nous sont connus par ce qu’en disent des textes contemporains, nul spécimen n’était parvenu jusqu’à nous, jusqu’à la découverte en 1927 (par R. Louis et Ypermann) de trois scènes de l’histoire de saint Etienne sur le collatéral et l’oratoire près des cryptes de Saint-Germain d’Auxerre. Ces peintures que l’on peut dater de l’épiscopat d’Herbaud et des environs de 855, sont exécutées en quatre couleurs seulement, ocre jaune, ocre rouge, blanc, vert, mais l’artiste en a su tirer d’heureux effets. On vante le caractère expressif des visages, la noblesse des attitudes.
La perfection de ces peintures ne peut s’expliquer que par une tradition artistique remontant haut. De même la technique de préparation du fond sur lequel elles sont appliquées. Les peintures d’Auxerre ont été exécutées « sur une mince couche de chaux appliquée au pinceau à la surface d’un enduit épais fait de sable fin mêlé de chaux et d’argile ferrugineuse ». A l’hypogée des Dunes de Poitiers, datant de la fin du VIIe siècle, si les peintures ont disparu, on se rend compte que les murs étaient recouverts d’un enduit de chaux et de sable de trois centimètres d’épaisseur sur lequel était appliquée une couche de chaux très fine d’un millimètre d’épaisseur et parfaitement lissée. La technique amène donc à la même constatation : la peinture sur un mur est un art très anciennement pratiqué en Gaule.

Le Vitrail. — Il est un autre art, très ancien également en Gaule et même particulier à cette contrée, dont on ne s’étonnera pas que nul spécimen ne soit parvenu jusqu’à nous, celui du vitrail. Ce n’est pas seulement à la fin du Xe siècle que des témoignages contemporains (pour Reims) attestent l’existence de vitraux à personnages, mais au siècle précédent. La technique du moins nous est connue. Le contour des personnages était déjà dessiné et soutenu par des résilles de plomb, tout comme dans les plus anciennes de nos verrières conservées et quelques débris de verre attestent qu’ils étaient multicolores. Au reste, Bède le Vénérable (mort en 731) parle des fabricants de verrerie (vitri factores) qu’on appelait de Gaule en Angleterre.



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Le retour au relief. — Le trait le plus caractéristique de l’art carolingien c’est le retour au relief.
Haut et bas-relief avaient peu à peu disparu par suite de la révolution du goût qui se manifeste dans le monde romain à partir du IIIe siècle. Le relief avait cédé la place à une sculpture imitant la broderie, la sculpture au méplat, et même à la gravure rehaussée de traits au minium. Ce phénomène est universel : originaire de l’Orient, cet art avait gagné l’Empire romain d’Orient, puis d’Occident, puis avait été reçu, comme d’enthousiasme, par le monde musulman. L’ère carolingienne, sous des influences encore indiscernables, renoue la chaîne brisée. Elle rompt, par une conséquence inéluctable, avec l’orfèvrerie cloisonnée qui avait fait les délices de l’ère précédente on ne trouve même plus d’artistes capables de l’exécuter.

Le Métal. — Le relief se montre dans les objets faits de métaux faciles à travailler, or, argent, cuivre et aussi dans les ivoires. Le relief s’obtient en repoussant une feuille de métal conformément à un dessin préalablement tracé. Les plus anciens et les plus beaux spécimens sont étrangers à la France. Ce sont la châsse de la cathédrale de Sion, dans le Valais, exécutée entre 780 et 799, en argent doré, représentant, entre saints personnages, la Vierge, et l’autel de Saint-Ambroise de Milan, exécuté sur la commande de l’archevêque Angilbert (824-859) par l’orfèvre Wolvignus, avec des figures sur ses quatre faces représentant la vie de Jésus, et au revers celle de saint Ambroise. L’or, l’émail, en font un chef-d’œuvre d’orfèvrerie.
La Gaule avait, elle aussi, de très belles pièces, s’il en faut croire les louanges dès contemporains, ainsi à Saint-Denis où existait même un atelier où des artistes, des religieux souvent, venaient s’instruire. A la fin du Xe siècle, Trèves aussi était célèbre au même titre. Nous pouvons, du moins, nous faire une idée de la table d’or donnée par l’archevêque Hincmar (mort en 882) à la cathédrale de Reims, grâce à la description qui en fut donnée en 1669 au moment où elle allait être envoyée à la fonte : il y avait trois « histoires » : la première représentait saint Nicaise, la deuxième Notre Dame, la troisième saint Remi,
« garnies de cornalines, d’émeraudes, de topazes, de saphirs et de deux onyx ; au milieu de ladite table un cristal de roche ovale sur lequel est gravé un crucifix ».
Hincmar avait fait don à l’abbaye de Saint-Remi d’une châsse en bois entourée de figures d’argent repoussé représentant douze évêques prédécesseurs du donateur. Enfin, nous possédons une reproduction exacte dans un tableau du XVe siècle, dû au « maître de Saint-Gilles », conservé au British Museum, de la table d’or offerte par Charles le Chauve à l’abbaye de Saint-Denis.
« Cette œuvre d’orfèvrerie a quelque chose de la noble et grave beauté des peintures de Saint-Germain d’Auxerre. L’équilibre parfait et le caractère architectural de la composition font d’ailleurs songer davantage à une peinture murale qu’aux miniatures contemporaines. Avec sa division tripartite, ses arcades et la grande figure du Dieu en majesté vers lequel les apôtres élèvent leurs regards, la table d’or de Saint-Denis a un tout autre caractère que les bas-reliefs sculptés dans la pierre du tombeau de l’évêque Agilbert (de Meaux, dans la crypte de Jouarre, fin du VIIe, siècle). Elle indique comment les artistes de la Gaule carolingienne ont su léguer à leurs successeurs les secrets de la composition monumentale » (Hubert).
Nul doute que les rois, les reines, les grands n’aient fait exécuter pour leur satisfaction personnelle des monuments d’art analogues, mais il ne nous en est rien resté, pas plus que de leurs archives.

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Les Statuettes de bois. — Un procédé naïf, grossier, facile, de statuaire, a été de confectionner des statuettes en bois et de les recouvrir de feuilles de métal d’or ou dorées. Elles représentent la Vierge, des saintes, des saints. Elles servent en même temps de reliquaires. En Auvergne, en Rouergue, en Toulousain on eut l’idée d’employer ces statuettes comme réclames pour ranimer la piété et la générosité des fidèles envers les sanctuaires du pays. Cette innovation eut un plein succès. On promenait ces statuettes resplendissant d’or et de gemmes et le peuple accourait et adorait ces « idoles », comme dit un écolâtre de l’école épiscopale d’Angers, Bernard, voyageant au début du XIe siècle en ces régions. Conscient du danger, il s’indigne. Ce qui ajoutait sans doute à la vénération du peuple, c’est qu’il prenait ces figures de fantaisie pour des portraits authentiques. Dans le Nord, on se borne à exécuter une partie du corps comme reliquaire, le chef ou un membre.
Signalé à Conques en Rouergue, à Clermont, à la fin du Xe siècle, ce procédé est bien antérieur. Le duc des Bretons, Salomon, envoie au pape Hadrien II, en 869, sa propre statue grandeur naturelle, ne pouvant s’acquitter en personne d’un vœu de pèlerinage à Rome. Le duc y joignait un cadeau plus appréciable, celui d’une couronne votive d’or ornée de pierreries. Comme il fait savoir que celle-ci vaut 900 sous et que sa propre effigie avec le mulet qui la porte en vaut seulement 300, il est évident que la statue de Salomon recouverte de « pierreries de divers genres » était en bois.
De ces statuettes, un exemplaire caractéristique nous est resté, celui de Sainte-Foy de Conques en Rouergue, exécuté vers 985.
« Toute cuirassée des joyaux et des plaques d’orfèvrerie accumulées par la piété des fidèles »,

elle produit à nos yeux une impression pénible de sauvage mauvais goût. Seuls les crucifix, attestés dès le IXe siècle, sont admissibles, ainsi que le remarque l’écolâtre Bernard.


Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que ces statuettes ont contribué à la renaissance du concept de figures exécutées dans les trois dimensions.

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Le travail du bronze. — Il renaît en Gaule. Le relief s’obtient sans grande difficulté en coulant le métal dans un moule de terre cuite ou de plâtre. Déjà à la fin du VIIIe siècle, l’église de Saint-Riquier en Ponthieu possédait six images « d’airain » représentant des animaux et des hommes. Elles étaient placées au-dessus de l’arcature de la clôture du grand autel. A Saint-Denis se voyait un lutrin en forme d’aigle, un ambon orné d’animaux de cuivre. A Saint-Denis également a été fabriqué le trône dit de Dagobert, qui pourrait dater de l’époque carolingienne plutôt que mérovingienne, car les détails de la décoration de l’axe des montants se retrouvent sur d’autres objets découverts un peu partout en Gaule. En tout cas, ce « trône » n’est pas une imitation de chaise curule, ainsi qu’on a dit ; quant aux plaques ajourées du dossier et de l’appui, elles ont été faites ou refaites par l’abbé Suger au XIIe siècle.
Si quelques pièces ont été importées, il n’en demeure pas moins que cet art était fortement installé en Gaule. La preuve décisive a été la découverte, en 1911, des belles portes et des parapets des tribunes de la Chapelle d’Aix, d’un travail admirable.
Le témoignage le plus connu de cet art est la petite statuette équestre provenant de l’église cathédrale de Metz. On y voit la représentation de Charlemagne et tout porte à croire que c’est avec raison. Le costume, le visage du prince à épaisse moustache ressemblent à la représentation de Charles sur la célèbre mosaïque du Latran.
La Gaule exportait ses objets de bronze jusqu’en Scandinavie. Son art, dès l’ère carolingienne, fut imité et égalé en Saxe.
Néanmoins il convient de remarquer que ces objets de bronze sont de petites dimensions. On ne saura fondre de grandes statues équestres que bien des siècles plus tard, en Italie. Et l’honneur d’être immortalisés sous cette forme reviendra d’abord à des entrepreneurs de guerre, aux condottieri Colleone et Gattamelata. Quand Charlemagne veut orner son palais d’Aix d’une grande statue équestre, il doit faire venir de Ravenne celle de Théodoric, l’Ostrogoth, en bronze doré.

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