Les principaux obstacles perçus par les investisseurs étrangers
De nombreux auteurs américains, dont Laurence R, ont, au cours des années 1990 et au début des années 200072, soutenu l’hypothèse que la prévalence des groupes de sociétés (keiretsu), de même que l’existence d’un système de distribution fragmenté et complexe au Japon, semblaient rendre plus difficiles les investissements directs étrangers. Les Américains avaient, à la fin des années 80, exercé une forte pression politique en raison d’une balance commerciale déséquilibrée73; ils s’appuyèrent dans le cadre des négociations bilatérales sur ce qui fut appelé la «Structural Impediment Initiative»74 pour combattre les barrières non tarifaires alors existantes dans ce pays. Les Européens se rallièrent également à cette démarche de demande de plus grande ouverture de son marché par le Japon.
Les trois barrières structurelles les plus dénoncées dans les années 80 – 90 ont été les suivantes:
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L’influence des groupes de sociétés inter-croisées ou «keiretsu»75 ;
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Un système de distribution complexe et fragmenté ;
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Un recrutement de main-d’œuvre locale difficile avec l’existence d’un différentiel de salaires sensible entre sociétés japonaises et sociétés étrangères.
Elles méritent d’être brièvement décrites ci-après.
1) Keiretsu
On distingue deux types de keiretsu:
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Horizontal, dominé par des entreprises financières (kinyuu-keiretsu) [Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo, Fuyo, Sanwa, Ichikan]
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Vertical, composé d’entreprises du secteur industriel (sangyo keiretsu) [Mitsubishi Electric, Hitachi, Matsushita, Toshiba, Fujitsu, Toyota, Nissan] subdivisé en seisan keiretsu, les keiretsu de production et les ryutsu keiretsu ou keiretsu de distribution.
ITO Takatoshi76 relève que chaque keiretsu comprend une banque commerciale, une compagnie d’assurances, une société du secteur chimique, une société du secteur électronique, une société de négoce et une société dans l’aciérie.
Les groupes financiers sont organisés autour d’une banque principale (« shuryoku ginkô ») et leurs membres tissent entre eux des participations croisées (« mochiai »)77, au point même de réaliser des fusions comme, par exemple, celle entre les banques Sumitomo et Mitsui en 2002, ou encore celle entre les banques Fuji et Daiichi Kangyo. Comme la législation japonaise a longtemps interdit aux établissements bancaires de détenir plus de 5% des actions d’une autre société, la banque principale ne détient aucune majorité de capital dans l’une quelconque des sociétés du même keiretsu. Dans son rôle prédominant de prêteuse de fonds, celle-ci exige l’examen des plans d’exploitation (business plans) de l’emprunteur et, dans les cas de performance faible, intervient pour imposer un changement de direction ou de stratégie commerciale. Il arrive également que les banques principales agissent comme organe de supervision d’autres banques prêteuses au même client78. En outre, il est courant que les membres du conseil d’administration des adhérents soient cadres supérieurs au sein de la banque principale. Comme l’observe Patrice Geoffron, «Une telle organisation financière n’est pas neutre. En particulier le système de la banque principale, en prévenant le risque de faillite, permet d’organiser des contrats d’emploi de long terme. Cette stabilité offerte motive également les managers en les associant durablement au devenir de la firme. Leur intérêt converge ainsi avec les actionnaires sans que, pour autant, leur rémunération soit indexée sur le cours des actions. Cette imbrication entre contrats d’emploi et corporate governance se retrouve jusque dans la structure et le fonctionnement du conseil d’administration qui porte la marque de l’emploi à vie et de la progression à l’ancienneté dans la hiérarchie des responsabilités. La perspective au sein du conseil est un facteur de motivation et de loyauté avec pour conséquence, une «inflation» de sa surface en récompense de sa loyauté…Dans la logique d’assurance collective qui prévaut dans ce système canonique nippon, les actionnaires clés, souvent liés par des participations croisées, trouvent leur intérêt à pérenniser leurs relations techniques ou commerciales plutôt que de dégager une rentabilité à court terme de leurs participations».79
De son côté, le sangyo keiretsu est organisé autour de grands groupes industriels indépendants ou faisant partie d’un conglomérat (keiretsu horizontal). La maison mère contrôle et influence dans une certaine mesure les activités commerciales de l’ensemble du groupe constitué de fournisseurs ou sous-traitants liés par des contrats de fabrication à long terme ou de grossistes et détaillants liés par accords de distribution à long terme. Des grands fabricants, tels que Toyota et Matsushita par exemple, sont connus pour organiser leurs petits sous-traitants en «clubs de coopération». Ces sous-traitants produisent souvent à la demande d’un seul fabricant, devenant ainsi une division quasi-interne de ce dernier.
Les maillages des keiretsu s’appliquent à des groupements aussi divers que des constructeurs automobiles avec leurs fournisseurs, ou les sociétés de chemin de fer avec leurs grands magasins affiliés80, les hôtels et agences de voyages.
Toutes ces coalitions formées trouvent une force indéniable dans l’utilisation privative de l’information entre partenaires, outre le jeu des participations croisées et des participations de vote discriminatoires. Elles constituent en quelque sorte une communauté de destin.
Chaque mois, les dirigeants des membres de leur keiretsu d’appartenance se rencontrent (shachokai) au cours d’un déjeuner. Les membres jouissent d’avantages concurrentiels dans la mesure où ils peuvent se regrouper pour développer de nouvelles compétences, créer une Joint Venture entre sociétés provenant de secteurs industriels variés ou encore partager entre eux des risques et informations, obtenir des prêts intra-groupe préférentiels.
En tout cas, « deux dynamiques combinées sont (…) observables:
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d’une part les banques ont moins de latitude et d’incitations, dans le nouveau contexte réglementaire, à rester «les gardiennes du temple», ce qui rejaillit sur la cohésion de coalitions d’actionnaires mais cette évolution relève plus de l’érosion que de la rupture;
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d’autre part, des instruments ou mécanismes nouveaux, inspirés du standard anglo-saxon sont introduits, l’adoption, à ce stade de ces outils, relevant plus de l’expérimentation que de l’adhésion massive des entreprises nippones»81.
«La mise en œuvre du SBP (système de la banque principale) après la guerre a été étroitement liée à un cadre réglementaire qui a réduit la concurrence entre firmes financières et orienté les entreprises vers les financements bancaires. Le processus de déréglementation engagé à la fin de la décennie soixante-dix a sapé les bases de ce compromis en offrant aux grandes firmes des alternatives à l’endettement bancaire. L’élargissement du spectre des choix offerts aux firmes pour accéder aux produits et services financiers, en direction des marchés et des opérateurs financiers non bancaires, a réduit la cohérence du SBP: la dette et le capital des entreprises ont été plus largement diffusés et les relations avec les banques, comme prêteurs et actionnaires, moins étroites.Certes, les banques possèdent toujours une spécificité du fait de leur détention d’actions. Toutefois, si la fonction de prêt n’est plus une relation obligée, elles sont à, la fois privées de certaines informations qui sont des outils de monitoring ex ante l’analyse des projets préalable au montage financier), mais également de certains des bénéfices (la captation de rente). De surcroît la nouvelle loi sur les faillites entrée en vigueur contribue à déplacer le pouvoir de négociation des banques vers les entreprises et réduit la possibilité des premières à se placer au centre des processus de restructuration (OCDE, 2000)…Depuis 1999 et surtout 2000, la fin de la solidarité inconditionnelle des banques prend des formes plus ostensibles avec des cas plus nombreux de faillites résultant directement du refus de soutien opposé par les banques. Ces comportements nouveaux résultent à la fois de la réglementation (en particulier prudentielle) mais sont aussi la conséquence de la constitution de grands groupes bancaires issus de la fusion de city banks, opérations qui sont l’occasion d’un nettoyage des portefeuilles de clientèles et d’une recherche de rentabilité plus affirmée»82.
Bien que le maillage des firmes reste une réalité aujourd’hui au Japon, il s’effrite de plus en plus comme en attestent les études du Nissei Research Institute, en grande partie en raison du changement de contexte réglementaire. Depuis mars 2000, on observe l’adoption de normes plus strictes de consolidation des bilans des groupes, normes qui transforment la manière dont les sociétés gèrent leurs participations croisées. Et, depuis mars 2002, les participations croisées doivent être comptabilisées à leur valeur de marché. A juste titre, comme le fait remarquer Patrice Geoffron, « Ces nouvelles règles permettent plus difficilement aux entreprises de mener une politique de diversification au nom de leur pérennité et favoriseront le recentrage vers leurs métiers les plus profitables (Nohara, La crise du capitalisme japonais: ses dimensions structurelles et historiques, LEST, Document de travail 2000)».
L’objectif de rationalisation des productions, mis en avant dans le secteur bancaire par des fusions massives, frappe également d’autres secteurs. Ainsi les opérations de fusion – acquisition réalisées en 1999 ont concerné, à 60,7% d’entre elles, des entreprises japonaises, tandis que cette part n’était que de 35,5% en 1990. Une déstabilisation des coalitions s’ensuit, tendance qui est renforcée par les acquisitions étrangères (12,2% en 1999 contre 2,5% en 1990). Globalement, la logique des acquisitions est donc passée en dix ans d’une stratégie de développement extérieur des grands groupes (in/out) à une logique de restructuration et de concentration (in/in) ou de cession d’actifs (out/in).
La possibilité adoptée en 199783 de créer des holdings est également à prendre en considération pour juger de la pérennité des participations croisées. Ce schéma a été mis en œuvre par des groupes importants, à commencer par Toyota, Hitachi ou Sony. Cette organisation est de nature à accélérer la mobilité des actifs et donc la restructuration des groupes (Nohara, 2000).
Enfin, les coalitions sont perturbées par le comportement de certaines catégories d’actionnaires à la recherche d’une meilleure rémunération et, en conséquence, plus actives dans leur utilisation de leurs droits d’actionnaires, ce qui est le cas par exemple des sociétés d’assurance - vie nippones84.
On peut cependant observer le renforcement des keiretsu en 2006 à cause de la crainte des OPA semble-t-il.
2) Circuits de distribution
Les études publiées, qui couvrent en général les années 70 jusqu’au milieu des années 90, font état d’un marché domestique extrêmement fragmenté avec environ 400.000 grossistes. Face au défi d’introduire de nouveaux produits dans le contexte d’un tel système de distribution complexe, les fabricants japonais d’automobiles, d’équipements électriques et d’équipements électroménagers ont, progressivement, durant les années 60, assumé le contrôle des opérations des grossistes. Ceci a eu pour conséquence de rendre dichotomique la structure de la distribution au Japon avec, d’une part, le secteur contrôlé par les fabricants et, d’autre part, les réseaux de distributeurs indépendants à de multiples étages. Les relations commerciales au sein d’une telle structure sont complexes et caractérisées par un système de rabais variables, y inclus des rabais basés sur le volume absolu de ventes, des incitations basées sur l’atteinte d’objectifs de vente spécifiques, des remises de fidélité. Les remises diffèrent selon la destination des ventes, les exigences de transport, les tailles des lots à transporter, les niveaux d’inventaires tenus par les grossistes et le niveau d’implication et de participation aux campagnes promotionnelles.
Ce système complexe de distribution a encouragé les entreprises japonaises soit à intégrer la distribution dans leur organisation, soit à tisser des liens étroits avec la chaîne de distribution, de sorte qu’elles ont pu exercer un contrôle et utiliser les canaux comme source d’intelligence marketing. Il en est également résulté un paysage masqué des coûts, difficile à appréhender pour une société étrangère.
L’intégration verticale exige un montant substantiel d’investissement de départ et d’engagement. Elle exige aussi, ce qui est plus délicat, de savoir établir des relations commerciales dans le long terme et de gagner la confiance d’un distributeur grossiste japonais indépendant. Il est donc crucial pour les investisseurs étrangers d’adopter des stratégies permettant de minimiser les effets pénalisants d’un tel système de distribution.
3) Le marché du travail
Au moins jusque dans les années 90, les sociétés étrangères se sont heurtées à des difficultés pour attirer du personnel compétent et ont dû fixer des échelles de salaire bien supérieures à celles pratiquées par les sociétés japonaises (6% d’écart, voire plus). Ceci s’explique en partie par la crainte des Japonais de ne pas obtenir de garanties suffisantes d’un emploi à long terme de la part d’un employeur étranger, mais aussi par les mécanismes de formation trop différents. Les sociétés japonaises pratiquent la formation continue en leur sein, tout en s’assurant que leurs salariés conservent un emploi dans leur entreprise à l’issue des formations. Pour les empêcher de les quitter, les employeurs japonais versent à leurs salariés une rémunération initiale faible pour, en retour, leur consentir des formations et un emploi à vie.
En effet, la mobilité du personnel d’encadrement des grandes entreprises au Japon est beaucoup plus forte que dans les pays occidentaux. En moyenne, un manager reste en poste de 2 à 7 ans. Ce système de rotation d’emploi (« haichi tenkan »), surtout dans les départements fonctionnels (vente, marketing, conception, fabrication) présente l’avantage pour les managers d’être très proches des employés de la base, de renforcer la communication entre eux et de partager une meilleure compréhension des problèmes de leur entreprise d’appartenance. On dit aussi qu’il facilite une identification plus forte avec les valeurs de l’entreprise plutôt qu’avec celles d’une spécialité ou profession donnée.85
Les temps ont désormais changé et le système de l’emploi à vie dans les grandes entreprises s’est effrité au cours de la bulle financière des années 90. La main d’œuvre japonaise n’hésite plus, désormais, à trouver un emploi au sein d’une société étrangère pour autant que cette société étrangère connaisse une certaine notoriété dans le pays86:
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les femmes japonaises, pourtant très qualifiées et plus réceptives que les hommes à l’apprentissage des langues étrangères, à commencer par l’anglais, n’ont, à de rares exceptions près, guère pu atteindre des postes élevés en entreprises et leur rémunération est incontestablement plus basse que celles des hommes. Elles constituent aujourd’hui un remarquable vivier pour les entreprises étrangères à la recherche de cadres ou de dirigeants, un vivier qui n’a jusqu’à présent jamais été optimisé.
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Par ailleurs, plus rapidement que les entreprises domestiques qui ont du mal à prendre du large avec les politiques salariales traditionnelles d’emploi à vie, d’augmentation de salaire à l’ancienneté, etc.,87 les filiales japonaises de sociétés étrangères peuvent mettre en place des politiques salariales incitatives attractives pour un personnel local qualifié: rémunération au mérite plutôt qu’à l’ancienneté, promotion, changement plus rapide de poste, primes, stock-options, retraite complémentaire, etc.
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Les vagues de licenciement et de départ anticipé à la retraite qui ont frappé la population salariale en raison de la période de récession, surtout après 1996, constituent une source complémentaire de main d’œuvre expérimentée et talentueuse pour les sociétés étrangères88.
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On peut légitimement s’attendre à ce que le principe de loyauté et de fidélité à son employeur disparaisse progressivement en raison de la plus grande ouverture du marché japonais.
En quoi consiste ce principe de loyauté, quelles en sont les bases?
Au Japon, quand une personne rencontre une autre personne et lui demande ce qu’elle fait, l’interlocuteur répond qu’il travaille pour telle société. Le premier message, c’est l’entreprise d’appartenance; au second rang vient le titre, la fonction occupée dans cette société.89 Au contraire, nous, Occidentaux, avons plutôt tendance à afficher notre métier ou notre positionnement dans l’entreprise puis, plus accessoirement, le nom de cette dernière. Nous nous identifions par notre spécialité, notre métier et non comme élément déterminant, comme composante d’une entreprise. André L’Hénoret rapporte90 qu’il est inconcevable que les employés de Nissan ou Toyota se rendent sur leur site de travail en conduisant un véhicule d’une marque étrangère à leur entreprise: un exemple caractéristique de la force du sentiment d’appartenance à une entreprise…Plus difficile d’imaginer que cela puisse être la norme chez nous!
Les sorties, promenades, excursions et autres événements organisés par les grandes entreprises nippones rassemblent souvent les employés et leur hiérarchie, accompagnés de leur famille, ce qui là aussi renforce le système de cohésion sociale. Rien de tel en Europe ou aux Etats-Unis où le sens de la communauté n’est pas aussi développé! Tandis que les travailleurs de sociétés occidentales accordent une importance capitale à leur vie privée qu’ils font passer d’ordinaire avant leur vie professionnelle, les travailleurs Japonais ont plutôt tendance à penser que leur vie privée (même si celle-ci va en s’estompant ces dernières années) dépend avant tout du succès de leur entreprise et sont influencés par la productivité des relations sociales et des dispositifs organisationnels dans leur entreprise.
Il est d’usage au Japon, quand le contexte s’y prête, lorsqu’on arrive à son travail, que le chef d’équipe réunisse les membres de son service et leur communique les explications ou les consignes de la direction pour la journée.
Au pays du Soleil Levant, l’entreprise est considérée comme une famille et toute personne extérieure est d’abord cataloguée comme étrangère, concurrente, dérangeante, inquiétante91. C’est un des défis à relever pour les managers étrangers: faire en sorte que le personnel de leur entreprise s’y attache et envisage une vraie carrière en son sein.
Chapitre III
Investissements Directs Français au Japon
«Aux Etats-Unis, tout est permis, sauf quand c’est interdit.
En Allemagne, tout est interdit, sauf si c’est autorisé.
Au Japon, tout est interdit, mais tout peut s’arranger.»
Dicton japonais
Il n’y a pas d’obstacle aux acquisitions étrangères tenant au contrôle des changes. En effet, la définition d’un investissement direct étranger inclut l’acquisition d’actions par un investisseur étranger dans une société non cotée, dans une société cotée (quand l’investissement représente plus de 10% du montant total des actions émises), un changement d’objet social d’une société japonaise dont l’investisseur étranger détient plus d’un tiers, la création d’une succursale, l’octroi de prêts à une société japonaise d’une durée de un à cinq ans pour un montant de 200 millions de Yens ou d’une durée supérieure à cinq ans pour un montant en principal supérieur à 100 millions de Yens.
Sur le plan fiscal, hormis la question des fusions-acquisitions (consulter sur ce point les fusions triangulaires dans le chapitre droit des sociétés), entre une acquisition d’actifs ou une acquisition de tout ou partie des actions d’une société, le choix est neutre, notamment en ce qui concerne l’impôt sur les plus-values résultant de la vente d’actifs ou cession d’actions, sous les quelques réserves suivantes :
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Il peut y avoir une préférence pour la solution d’achat d’actifs dans la mesure où l’acquéreur peut mieux se prémunir contre le risque d’acquisition de passifs non enregistrés ou contre d’éventuelles fraudes ; en conséquence inutile de se lancer à priori dans une « due diligence » complète.
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L’achat d’une activité peut permettre de déclarer un « goodwill »92 et de déduire la partie amortissable de celui-ci (ce qui ne peut être le cas en matière d’acquisition d’actions).
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L’achat d’une société qui ne présente pas d’avantages fiscaux spécifiques pour l’acquéreur (comme des pertes fiscales reportables) n’a pas de mérite comparé à un achat d’actifs.
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Dans le cas où l’acquéreur ne dispose pas d’une filiale au Japon, il procèdera par voie de création d’une telle société japonaise qui, alors, achètera les actifs ou prendra le contrôle de l’activité reprise.
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Il n’y a pas au Japon une réglementation spécifique concernant les fonds de commerce, au sens du droit français, ou la cession de fonds de commerce.
On a recensé en 2004 plus de 10.000 sociétés françaises exportatrices vers le Japon, les 1000 premières exportant près de 5 milliards d’euros par an. La France est le 13ème fournisseur du Japon avec environ 1,8% de part de marché dans l’Archipel. Le Japon, quant à lui, est le 9ème fournisseur de la France avec 3,1% de part de marché.93
Les premiers entrants étrangers qui ont réussi sur le long terme leur implantation au Japon sont des filiales de multinationales concurrentielles sur le marché global, les seules à pouvoir disposer de moyens suffisants. Celles qui confirment leur survivance sur le marché japonais sont les filiales qui ont accès au marché de leur société mère et au marché de pays tiers par des opérations d’import-export.
Depuis 1986, soit 13 ans après les premières réformes de libéralisation par le MITI (désormais intitulé METI), Toyo Keizai publie chaque année (avec Dun and Bradstreet) dans Gaishikei kigyo soran un annuaire des filiales de groupes étrangers au Japon (Foreign Affiliated Companies in Japan: A Comprehensive Directory).
Ce sont les Américains qui sont le mieux implantés au Japon – ce qui se comprend fort bien puisque, après la capitulation des Japonais et la signature de la Déclaration de Postdam le 15 août 1945, ils ont occupé le pays jusqu’en 1952 et, depuis, fortement imprégné de leurs marques le travail législatif de nouvelle régulation du commerce dans ce pays (entre autres domaines), avec en particulier la loi antitrust de 1948 et celle sur les investissements étrangers de 195094. En 2004, les investissements américains ont été multipliés par sept! A la fin de l’année 2005 ils représentaient 11,9 milliards de yens. A l’heure actuelle, les Pays Bas95 occupent le second rang des investisseurs étrangers suivis de la France (qui a doublé ses investissements en 2004), l’Allemagne, la Grande Bretagne et la Suisse.
Très nombreux et actifs depuis la fin du 20ème siècle sont les fonds d’investissements étrangers (essentiellement américains) dans les opérations de rachat d’infrastructures fragilisées par la bulle spéculative des années 1980.
Les institutions financières (banques et compagnies d’assurance) possèdent aujourd’hui plus de 50% des actions des sociétés cotées. La Bourse de Tokyo est détenue pour un quart par des étrangers (situation en juin 2005).
Les secteurs d’activité prédominants du point de vue des investissements étrangers sont respectivement, par ordre décroissant: les équipements électroniques, les industries chimiques organiques, l’industrie pharmaceutique, l’informatique et l’industrie de la machinerie industrielle spéciale. 366 filiales étrangères ont été recensées entre 1973 et 1994, dont 55 ont été liquidées ou fermées par suite d’échecs commerciaux.96 Cette faiblesse persistante des investissements étrangers est une caractéristique étonnante du Japon.
D’après le Fonds Monétaire International les investissements directs étrangers au Japon représentaient 1,2% du produit national brut du Japon en 2001, comparé à un taux de 25,1% aux Etats-Unis, 38,6% au Royaume-Uni, 24,2% en Allemagne et 42,8% en France. Ce pourcentage n’a pas augmenté de façon considérable depuis. Ce pays ne semble pas suivre la trajectoire normale d’un pays développé. A titre de comparaison, au 31 décembre 2006, les étrangers détenaient 46,2% de la capitalisation des sociétés françaises du CAC 40. A la même date, les étrangers détenaient 28% de la capitalisation des sociétés cotées sur une bourse japonaise.
Sur le plan commercial, côté français, les premiers postes d’exportation sont les biens de consommation (37%), les biens intermédiaires (20%) et l’agroalimentaire (18%, principalement les eaux minérales et l’alimentation canine).97
Le stock d’investissements français au Japon a été multiplié par 13 entre 1998 et 2000 et les entreprises françaises ont été les premiers investisseurs étrangers au Japon en 1999, 2000 et 2002.
L’année 2003 a été marquée par plusieurs investissements notables des entreprises françaises parmi les 10 opérations de fusion ou d’acquisition d’entreprises japonaises. Danone est devenue actionnaire majoritaire du groupe agro-alimentaire Yakult, en augmentant sa participation de 19%, tandis que Nihon L’Oréal a pris le contrôle de la société de cosmétiques Shu Uemura en portant sa participation à 53%. Saint-Gobain, après avoir racheté Central Glass a investi dans un laboratoire de recherches. L’alliance Essilor – Nikon a été appréciée dans le domaine de la lunetterie pour la production de verres correcteurs au Japon. Lafarge est entrée à hauteur de 40% dans le capital des Ciments Aso. Royal Canin, Air Liquide et Valéo ont elles aussi renforcé leurs opérations d’acquisition au Japon. Axa a sauvé de la faillite Nichidan, assureur vie pour les PME. Dans le secteur des produits de luxe, la Maison Chanel a ouvert une nouvelle boutique à Tokyo dans le quartier de Ginza. Louis Vuitton est implanté depuis 1978 au Japon, pareillement. Plus récemment encore Areva et Mitsubishi ont signé une alliance en octobre 2006 pour développer un réacteur nucléaire de troisième génération (de 1000 mégawatts)98. Carlos Ghosn est devenu une star au Japon pour avoir œuvré da ns le sauvetage de Nissan par Renault. On compte environ 420 entreprises françaises implantées actuellement au Japon. 99
Les investissements directs francais étaient estimés à 18 milliards de yen en 2008 (contre 59,5 en 2007), dont 5,9 milliards de yens dans le secteur manufacturier (contre 15,2 en 2007).100
En janvier 2009 Veolia Eau a pris le contrôle de 51% du capital social Nishihara Environment Technology à travers Véolia Waste Force se positionnant ainsi clairement sur le marché japonais du traitement de l’eau.101
Au premier trimestre 2009 on enregistrait 250 entreprises créées par des français au Japon (contre 450 entreprises japonaises en France).102
Comme l’observe NAKAI Tsuyoshi: «Les deux pays ont chacun respectivement leurs domaines d’excellence: les entreprises japonaises s’illustrent dans les liens Recherche & Développement (R&D)/production ou dans le design/production ainsi que dans la gestion des méthodes de production. Les entreprises françaises gardent un avantage relatif dans la finance, les méthodes d’approvisionnement, la R&D, le design et la stratégie des marques».103
On peut expliquer le succès de la situation «florissante» des investissements français de ces dernières années au Japon - malgré une stagnation en 2005 - comme suit:
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opportunités plus nombreuses d’acquisitions d’entreprises ou de branches d’activités ou divisions d’entreprises japonaises (surtout du secteur électronique) suite à la période de récession des années 90;
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la recherche par des start-up ou PME nippones de nouvelles sources de financement ou d’opportunités de croissance sans réticence pour des investisseurs ou partenaires d’origine étrangère;
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une amélioration notable des réglementations facilitant la pénétration des produits étrangers104;
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l’internationalisation grandissante des entreprises françaises, venues en plus grand nombre prospecter le marché japonais et y chercher des partenaires, malgré le retrait de Carrefour;
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une politique de soutien des autorités françaises, européennes et japonaises, en particulier à travers le programme européen «Gateway to Japan»105 et les deux campagnes «Le Japon, c’est possible» (1992 – 2000) et «France Japon, l’esprit partenaire» (lancée en 2001);
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un intérêt croissant de l’apprentissage de la langue, de la culture, des institutions et modes de management japonais dans la société française ;
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un vieillissement croissant de la population des entrepreneurs japonais (plus de 30% d’entre eux ont atteint l’âge de 60 ans à la date de publication du présent ouvrage).
Les investissements français dans l’Archipel sont essentiellement réalisés106 sous la forme de filiales, avec 74% de sociétés anonymes, dont une part non négligeable sous la forme de co-entreprises, plus communément appelées «joint-venture» (16%). Les bureaux de représentation sont également une forme d’implantation très utilisée (19%), suivis des succursales (7%), le tout étant concentré à 61% dans la métropole de Tokyo107.
L’alignement progressif des règles comptables japonaises108 sur les normes comptables internationales (les International Accounting Standards ou «IAS») qui s’est traduit par un mouvement de réformes démarré au milieu des années 90, connu sous le nom de «Japan Big Bang», est certainement un facteur de renforcement de la confiance des cabinets comptables qui ont pu ainsi mieux encourager les investisseurs étrangers. Les normes comptables internationales et les normes comptables américaines exercent une telle influence aujourd’hui sur les autres pays qu’elles sont virtuellement devenues des normes mondiales. Le but principal des IAS est de fournir aux investisseurs des informations utiles sur la performance commerciale ainsi que sur la situation financière d’une entreprise et les changements de cette dernière afin de leur permettre de prendre une décision économique rationnelle devant un choix d’investissement. L’adoption de ces IAS en Europe est intervenue en 2005 et, désormais, les comparaisons d’un Etat membre à un autre sont devenues plus faciles. Avant le «Japan Big Bang», le système comptable japonais ne permettait guère aux investisseurs d’obtenir des informations essentielles. La qualité de telles informations était pauvre et, par suite, la confiance des investisseurs dans les déclarations financières était faible. En particulier, le système comptable japonais fournissait des informations trompeuses sur les coûts de R&D, les déclarations consolidées de flux de trésorerie, les indemnités de départ à la retraite, les définitions des sociétés filiales et affiliées, les valeurs financières, les regroupements d’entreprises et les dévaluations des actifs.
Les rachats d’actions par l’entreprise sont autorisés au Japon depuis 1995. Les plans de stock options ont été introduits en mai 1997 dans ce pays. En janvier 1999, 169 sociétés (dont 96 cotées en bourse) avaient adopté de tels plans.109
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