Lorsqu’elle a compris qu’elle ne pourrait pas
devenir astronaute, Jeanne
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s’est rêvée en architecte. Au lycée, à l’heure des choix, elle s’en ouvre à
sa professeure principale. L’enseignante de biologie la toise avec un air
condescendant : « Mais pour ça, il faut être intelligente ! ». Même si la re-
marque, violente, ne
fissure pas son estime de soi, Jeanne se met à douter.
Peu après, au dîner, elle évoque avec ses parents son envie d’architecture.
Bien qu’ils connaissent les capacités de leur fille, la profession leur semble
trop « bouchée ». Que faire alors ? La discussion se poursuit : et pourquoi
pas Droit ? Ça mène à tout, Droit. Jeanne n’étant
pas convaincue, ses pa-
rents lui font passer des tests dans une agence privée. Une batterie de
questions, pas d’activités ni de mises en situation, et un verdict : Droit in-
ternational. Voilà donc l’adolescente dirigée,
pour son plus grand bien, vers
une discipline qu’elle ne connaît pas.
Même si l’idée de bifurquer vers une école d’architecture a pu la travailler
sur les bancs de l’amphi, Jeanne passe sans heurt d’année en année puis,
son master en poche, entame une carrière de responsable de programmes
pour un organisme de formation en droit. Son avenir semble tout tracé.
Elle prend même du galon et devient manager d’équipe.
Onze années s’écoulent avant que son rêve d’enfant ne la rattrape. Ce
job, bien payé et qui lui apporte une reconnaissance méritée, ne la comble
pas. Jeanne décide qu’il n’est pas trop tard pour recommencer. Elle se
renseigne,
rencontre des gens, suit une première formation en ligne et le
virus la gagne. Tous les soirs, après avoir couché ses enfants,
elle travaille
ces compétences qu’elle a négligées durant tant d’années. Elle obtient un
congé auprès de son employeur et entame une formation de cinq mois
dans une école spécialisée où, de cours en stages, elle prend petit à petit
pied dans un monde qui la passionne.
De retour en poste, elle négocie une
rupture conventionnelle et se lance enfin : elle est architecte d’intérieur et
plus rien ne la fera dévier de sa vocation.
Pierre
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n’a jamais vraiment aimé l’école. À tel point qu’il l’a quittée avant
même de finir sa troisième. Pendant plus de dix ans, il court les contrats
d’intérim. Grâce à
la mission locale du Douaisis, il retrouve néanmoins
goût à la formation. Puis grâce au PLIE, il obtient un contrat d’insertion
d’un an. C’est inespéré pour lui – il croit voir le bout du tunnel.
Malheureusement, la crise donne un coup d’arrêt à ces dispositifs et Pierre
renoue avec l'intérim, à tenter de faire fructifier les compétences difficile-
ment acquises.
Il garde néanmoins en tête le soutien apporté par le PLIE et finit par y
retourner. Le Syndicat mixte des transports du Douaisis a justement lancé
un marché de grands travaux et voiries avec
quatre contrats de profes-
sionnalisation à la clef. Pierre fera partie des candidats sélectionnés. Avec
une double cerise sur ce gâteau : un diplôme et un CDI. Pierre a trente-six
ans, c’est son premier CDI et l’avenir paraît enfin s’éclaircir.
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