3) Le vrai visage du droit japonais de la concurrence sur le terrain347
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Une dimension fantôme ?
Pendant longtemps, Américains et Européens, mais surtout les premiers, se sont plaints de la défectuosité du droit japonais de la concurrence ou, plus exactement, de sa faible application. Des textes presque similaires à ceux en vigueur aux USA ou en Europe avaient certes été promulgués mais la JFTC, le gendarme de la concurrence japonais, montrait une faible motivation dans l’exercice de poursuites et manifestait une liberté d’action limitée dans cet exercice. Un régime opaque, à faible transparence et force de dissuasion contre de nombreux actes illégaux, avait pris place et celui-ci tendait à s’inscrire bien plus dans une logique de concurrence «loyale» que celle d’une concurrence «libre». La JFTC privilégiait des schémas exécutoires qui se fondaient plutôt sur des notions démodées de concurrence «loyale» que sur la concurrence «libre». La JFTC a longtemps été perçue comme «une autorité fantoche calant ses décisions sur des idiosyncrasies institutionnelles, des agendas politiques et des intérêts de clocher».348 Même un ancien président de cette autorité, HOSHI Tanimura, la décrivait comme “ayant l’apparence de puissance alors qu’en fait elle n’était dotée d’aucun pouvoir, comme si elle était juste un pauvre noble de la Cour Impériale”349. Dans la période d’après-guerre, l’application de la loi anti-monopole fut largement restreinte en raison d’une préférence politique pour la stabilité du marché et la sécurité des industries domestiques plutôt qu’en faveur de la concurrence de marché et la santé de la consommation. Il est probable que la JFTC ait partagé une telle préférence pour la stabilité au détriment de la sauvegarde de la concurrence de marché.Bien que le MITI fut responsable d’un rassemblement des entreprises sous forme de cartels dans des secteurs industriels déterminés, ou qu’il les toléra, il le fit avec la coopération, certes parfois réticente, de la JFTC. Cette dernière fut incapable pendant longtemps de dresser un rempart solide contre les directives administratives du MITI ou d’autres agences gouvernementales.
Si la JFTC souhaitait pénaliser l’existence de cartels, sa seule option était de voir le Ministère Public de Tokyo se saisir du dossier, celui-ci ne pouvant le faire cependant sans une décision formelle préalable de la JFTC, à l’exception cependant du cas des marchés publics350. Mais, en tout cas jusque dans les années 90, ce dernier n’a témoigné d’aucun zèle dans cette perspective. A la demande pressante du gouvernement américain, durant les années 90, la JFTC et le Ministère Public développèrent des relations de travail plus étroites qui débouchèrent sur une timide éclosion de dossiers pénaux. En réalité, compte tenu de sa dépendance vis-à-vis des membres du Ministère Public disposant au demeurant de ressources limitées, et d’une volonté timide de saisir la justice de dossiers antitrust, la JFTC a plutôt continué à traiter la majorité des cas flagrants de pratiques anticoncurrentielles par des actions administratives – en majorité des avertissements ou mises en demeure d’abandon des pratiques en cause (pratique calquée sur les «cease and desist orders» de la US Fair Trade Commission) - plutôt que par une orientation pénale exposant alors les entreprises en infraction à de potentielles amendes et peines d’emprisonnement. L’ennui, c’est que tant les avertissements que les mises en demeure de cessation des pratiques incriminées n’étaient pas assorties de sanctions pécuniaires significatives. En 1991, cependant, une loi a permis de majorer les amendes administratives applicables aux fabricants de grande taille de 2 à 6%. Cette loi a aussi changé la méthode de calcul desdites sanctions pécuniaires de sorte qu’un maximum de 3 ans de chiffre d’affaires soit pris en compte. Les sociétés coupables d’infraction de longue date étaient gagnantes puisque le régime précédent les obligeait à payer seulement 2% de leur chiffre d’affaires depuis la période effective de formation du cartel.
Dans les années 80, la JFTC n’a rendu que 114 décisions, en grande partie du fait de les la réticence des entreprises japonaises à adopter des pratiques anti-concurrentielles à la suite de l’introduction du système d’alourdissement des sanctions pécuniaires en 1977. Mais quand les Américains ont exercé, à la fin des années 80 et au début des années 90, de fortes pressions pour encourager le gouvernement japonais à développer une politique de concurrence, outre le fait que la réglementation s’est renforcé dans ce domaine, la JFTC a également été encouragée à devenir plus active dans la mise en application des textes. De fait, elle a prononcé davantage de mesures de pénalités et est devenue moins hésitante pour engager des poursuites au pénal. Dans les années 90, on peut observer que six affaires ont fait l’objet d’une procédure pénale alors qu’auparavant au cours des 40 années qui précédèrent – de 1947 à 1997 - seules trois affaires furent portées devant les tribunaux. 130 dossiers ont été examinés par la JFTC en 2003, dont 35 ont donné lieu à des poursuites, parmi lesquels 26 en matière de fraudes à des marchés publics de construction. Sur les 122 dossiers que la JFTC a traités en 2004 elle a prononcé des sanctions dans 36 d’entre eux.
Deux arrêts de la Cour d’Appel de Tokyo prononcés en 1953351 eurent pour effet d’éliminer les accords verticaux du giron des restrictions excessives au commerce, c’est-à-dire pour mémoire les cartels, au point de faire tomber les restrictions verticales dans la catégorie moins sérieuse des pratiques commerciales déloyales. Depuis, l’émission par la JFTC des injonctions d’abandon de pratiques illégales a été la mesure la plus forte pour lutter contre les restrictions verticales majeures de concurrence (excepté celles concernant des monopoles) telles que les accords liés, les accords d’exclusivité, les restrictions territoriales et les accords tarifaires verticaux garantissant un certain niveau de prix de revente.
En outre, à supposer qu’une entreprise en infraction satisfasse formellement à l’ordre de la JFTC de modifier les clauses contractuelles litigieuses, il était difficile à cette dernière de prendre d’autres actions contre la même entreprise si celle-ci se livrait à des pratiques informelles pour continuer la pratique anti-concurrentielle en cause. A défaut d’un arsenal de mesures plus coercitives que l’ordre d’abandonner la ou les pratique(s) restrictive(s) verticale(s) de concurrence, la JFTC n’offrait guère aux entreprises concernées d’incitation pour se mettre rapidement en règle.
En 2005, Yoshiro Miwa et J. Mark Ramseyer352 dressaient le tableau suivant, plutôt peu élogieux, de la situation de la police des comportements en droit de la concurrence japonais. «Si on les juge en termes de résultats les bureaucrates de la JFTC semblent performants…mais en paresse. Ils se cantonnent en effet quasi exclusivement à des tâches qui génèrent une faible opposition. Chaque année, ils traitent de manière expéditive un millier de plaintes pour ventes à perte. N’étant confrontées à aucune pénalité les entreprises s’exécutent et les agents du gendarme de la concurrence clôturent les dossiers. Chaque année ils traitent des centaines de plaintes pour publicité mensongère et le même schéma se reproduit: en l’absence de pénalités les entreprises corrigent leur comportement et le dossier est classé. Et chaque année ils traitent un millier de cas impliquant des sociétés n’ayant pas documenté les transactions qu’elles rompent avec leurs fournisseurs.Ces sociétés communiquent alors les documents et la JFTC crie victoire. Ils poursuivent rarement les ententes illicites sur les prix, et jamais les monopoles Et même quand ils poursuivent ils réclament rarement une peine d’emprisonnement pour les cadres dirigeants concernés».
Les pouvoirs d’investigation limités dont disposait la JFTC ont également longtemps constitué une faiblesse structurelle de cet organisme. En effet, alors qu’elle avait seule la juridiction en première instance pour mener toutes investigations contre toutes violations de concurrence, civiles ou pénales, même potentielles, elle ne possédait pas des pouvoirs aussi étendus que ceux des membres du Ministère Public ou les enquêteurs de l’administration fiscale, comme par exemple la faculté de mener des perquisitions.
La JFTC publie plusieurs sortes de recommandations dans le cadre de sa lutte contre les infractions en matière de concurrence qui décrivent ses interprétations et sa politique d’exécution de la loi anti-monopole. Cependant, de telles recommandations, par leur nature, sont parfois trop abstraites pour permettre aux parties de trouver des réponses à des problèmes spécifiques de concurrence. Le professeur KURITA Makoto les considère aussi trop «conservatrices» pour pouvoir être utilisées par les cercles d’affaires353. Il a utilisé ce terme de «conservatrices» en raison du fait que les membres de la JFTC étaient alors tellement affolés de commettre des erreurs de catégorie II (qualification insuffisante) qu’ils avaient tendance à ignorer les plans d’exploitation qui seraient problématiques au regard des dispositions du droit de la concurrence. Et d’ajouter que le cadre d’analyse de l’effet concurrentiel des pratiques problématiques n’était pas complètement délimité dans de telles directives.
L’insuffisance en nombre de son personnel, selon les périodes, mais surtout sa faible qualification professionnelle en règle générale, expliquent en partie l’efficacité relative de la JFTC jusqu’à ces dernières années. L’autorité de concurrence japonaise a, en effet, longtemps souffert d’un déficit de juristes et surtout de juristes expérimentés en droit de la concurrence, la plupart de son personnel étant constitué d’individus ayant trouvé un emploi directement en son sein à leur sortie de l’université avec une simple formation introductive en droit et économie.
Au cours de la décennie 90, la résurgence du débat sur la société holding est apparue, le secteur bancaire et le Ministère des Finances ayant un fort intérêt pour un tel système en tant que domaine de dérégulation financière. D’autres voyaient dans la holding un moyen d’accélérer la flexibilité de la gestion organisationnelle. Au terme de très nombreux débats et controverses au sein des milieux politique et économique, la JFTC a finalement officiellement adopté en janvier 1996 la position d’abandonner l’interdiction des sociétés holdings dans le pays. Malgré cela, la controverse persistait et, selon Kenji Suzuki354, c’est l’affaire de Nippon Telegraph & Telephone (NTT)355 qui a abouti au vote favorable par le Parlement à la session de 1997 de la suppression de l’interdiction de la holding, mais seulement pour les sociétés non financières356. Cette restriction a cependant rapidement été levée lors de la session parlementaire extraordinaire suivante. En réalité, dans les années qui suivirent, la holding n’a pas connu le succès escompté. Ce type de société se caractérise seulement par son style de management dont peu de sociétés se sont en effet intéressé. Ce faible soutien à la holding pourrait s’expliquer du fait du sentiment traditionnel anti-fusion parmi les entreprises nippones. Bien que l’état d’esprit changeait, nombreux encore étaient les dirigeants de sociétés réticents à lancer des restructurations organisationnelles d’envergure. La pression des actionnaires pour des bénéfices à court terme restait faible. Les travailleurs japonais étaient également prudents par rapport aux changements d’organisation pouvant affecter la structure de leur syndicat d’entreprise. Si le régime fiscal de la holding avait basé sur les revenus consolidés, les sociétés auraient profité d’une baisse d’imposition.
Début 1999, le gouvernement Keizo Obuchi (nom du Premier Ministre de l’époque) mettait en place le Conseil de la Compétitivité Industrielle («Industrial Competitiveness Council») composé de haut fonctionnaires et de dirigeants de leaders de l’industrie, dont ceux de Toyota, du Keidanren, Sony, Asahi Beer357. Malgré son nom, cette institution s’est davantage consacrée au sauvetage de sociétés au bord de la faillite qu’au débat sur la promotion de la concurrence et de la compétitivité. Un an plus tard, elle adoptait une nouvelle dénomination: le Conseil du Renouveau Industriel.
En avril 2003, la JFTC a changé son statut pour devenir une agence du Cabinet. Elle ne dépend donc plus depuis cette époque du Ministère des Affaires Intérieures et de la Communication (Sômushô). Pendant longtemps, à ce sujet, le statut d’autorité administrative indépendante de la JFTC avait été critiqué pour violation de la Constitution car l’article 65 de ladite constitution stipule que «Le pouvoir exécutif est dévolu au Cabinet». De ce point de vue, la JFTC était illégale en tant qu’organisme indépendant du contrôle du Cabinet et, désormais, son nouveau rattachement la réconcilie avec la règle constitutionnelle. Cette montée en grade symbolise en outre la volonté du gouvernement japonais d’établir une économie de pleine concurrence.
Historiquement parlant, si le droit japonais de la concurrence a un vrai visage textuel depuis sa constitution sous l’impulsion des Américains, il n’en a eu que l’apparence pendant les premières décennies.C’est seulement depuis les années 90 que la JFTC a gagné le support des cercles politique, bureaucratique et industriel. Personne ne peut nier que les pratiques élusives de concurrence furent légion quand les ministères et la communauté d’affaires étaient enclins à prendre des contre-mesures contre les libéralisations de capital et à l’import. Les temps ont toutefois changé et la JFTC est devenue plus vigilante dans la détection et la poursuite des violations anticoncurrentielles.
Lors d’une conférence du 8 février 2006 au King’s College à Londres, le secrétaire général de la JFTC (Uesugi AKINORI) a expliqué358 que le Japon a longtemps été confronté à un problème crucial: la double nature de son économie. L’économie japonaise en effet, expliqua-t-il, consiste, d’une part, d’industries fortement productives tournées vers l’export, telles que l’automobile et l’électronique, lesquelles emploient 10% de la main d’œuvre du pays, et d’autre part d’industries plus ou moins performantes dédiées au marché national. Ces dernières sont bien moins performantes et pénalisent la structure des coûts du pays. Il est impossible que la première catégorie d’industries soutienne la croissance de la seconde (industries domestiques). Face à ce constat le gouvernement japonais s’est orienté vers une politique de contrainte des secteurs publics ou industriels à faible productivité à augmenter celle-ci, d’où une série de réformes structurelles sous le slogan «Etre fort chez soi pour gagner à l’étranger»359. Le plus difficile fut de faire adhérer les PME et TPE japonaises à un tel discours, celles-ci ne comprenant pas pourquoi elles devaient accepter ou tolérer de telles réformes dont elles ne bénéficieraient pas directement.
M.Uesugi Akinori ajoutait que, du pont de vue des hommes d’affaires japonais, la concurrence ne doit pas être promue comme une question de politique gouvernementale. Au contraire, le rôle du gouvernement devrait être, selon eux, de soulager une concurrence excessive ou de préparer un cadre pour arrêter la concurrence lorsque celle-ci tend à devenir excessive. En effet, en augmentant le chômage, une concurrence excessive ruine, la stabilité de la société, détruit les valeurs traditionnelles du Japon et rend les gens malheureux.
B) La préférence passée de la JFTC pour les mesures informelles
Le professeur KURITA Makoto explique360 les raisons pour lesquelles la JFTC adoptait parfois des mesures informelles d’investigation sans nécessairement passer par des actions formelles. Comme la JFTC l’admet, une mesure informelle consiste en une sorte d’orientation administrative dont la portée autoritaire varie en fonction du récipiendaire, mais peut aussi prendre la forme d’une étude de marché361, ou en l’émission de recommandations invitant les intéressés à modifier leur comportement362, ou encore une consultation préliminaire d’un plan d’exploitation en sus de procédures formelles d’exécution en application de la loi anti-monopole. Il y a diverses raisons pour lesquelles la voie informelle est davantage utilisée. Pour le gendarme de la concurrence, les mesures informelles permettent d’économiser des ressources importantes en main d’œuvre et en budget, de même que du temps, et peuvent être émises même en l’absence d’éléments de preuve suffisants d’une prétendue violation. Ces méthodes ont une certaine efficacité à la fois sur le plan juridique et politique en adressant un problème de concurrence à la même communauté industrielle. Par ailleurs, la couverture médiatique des mesures informelles de la JFTC est très similaire à celle des actions formelles. Pour les entreprises concernées, il est préférable de garder l’anonymat et souvent elles sont placées sous le régime du «volontariat» mais leurs droits procéduriers de la défense sont mis en péril, tenant leur impossibilité de déposer plainte devant un tribunal. Une mesure informelle, cependant, peut s’avérer totalement inefficace face à certaines pratiques anti-concurrentielles dans certains secteurs car la collecte d’information n’est accompagnée d’aucune sanction pour les sociétés non coopératives ou peu soucieuses de rentrer dans les rangs. En outre, la mesure informelle n’a aucune signification dans une perspective de comparaison avec les régimes étrangers. L’observateur étranger, en effet, ne prendra en compte que les actions formelles dans un bilan de l’efficacité de la JFTC relative à son rôle de gardien du temple de la concurrence.
Quand elle reçoit une plainte pour une prétendue violation, la JFTC n’est pas obligée de mener une enquête auprès de sociétés spécifiques. A la place, elle peut décider de conduire une enquête au niveau de l’ensemble de l’industrie concernée et non seulement sur le fondement de la loi anti-monopole, mais aussi sur la base d’une politique de concurrence plus large. Une enquête est menée généralement en sollicitant la participation volontaire des sociétés impliquées.
C) Pouvoirs répressifs de la JFTC
La loi anti-monopole prévoit quatre types de mesures de coercition (mesures formelles) pour punir et dissuader les pratiques et comportements anticoncurrentiels:
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des sanctions administratives, telles que des amendes et mises en demeure de cessation de participation à des ententes tarifaires (art. 7.2);
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des sanctions pénales;
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des poursuites privatives en réparation de préjudice;
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des injonctions de cessation de commission des actes anti-concurrence.
(a) Amendes administratives ou surcharges (« kachokin »)
Les amendes administratives (Chapitre II, article 7-2 de la loi) sont les mesures les plus communément appliquées vis-à-vis des entrepreneurs membres d’un cartel ou d’un groupement d’entreprises qui s’adonnent à une restriction non raisonnable du commerce ayant pour effet d’affecter le prix ou la production d’un produit ou d’un service. L’amende permet d’éviter au contrevenant de profiter des gains économiques procurés par le cartel.
La JFTC ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire dans le choix des taux des sanctions financières. Le calcul des amendes administratives est assez complexe: on retient le montant total des marchandises et services vendus pendant la période où le cartel pratiquait l’activité illicite que l’on multiplie par le taux applicable à la catégorie d’activité commerciale concernée. Un taux différent s’applique selon la taille et l’importance de l’entreprise, selon qu’il s’agisse d’un grossiste de moyenne ou grande importance, d’un détaillant de grande ou petite taille, d’un fabricant, de grande, moyenne ou petite taille. La taille et l’importance s’apprécient en fonction du nombre d’employés et du montant du capital social libéré.
Depuis une loi du 20 avril 2005 amendant la loi anti-monopole (entrée en vigueur le 4 janvier 2006)363, l’autorité de concurrence japonaise peut sanctionner un nombre beaucoup plus significatif de conduites (truquage d’appels d’offres, ententes sur les prix, ou collusions frauduleuses) et le montant des sanctions pécuniaires a été augmenté. Elle s’affirme de plus en plus sur le terrain dans l’exercice effectif de ses attributions. Alors qu’auparavant, la JFTC ne pouvait appliquer des sanctions financières qu’aux entités dont elle démontrait qu’elles avaient participé à des cartels exerçant une réelle influence sur les prix, à présent elle peut dénoncer les pratiques restrictives de concurrence pouvant avoir un effet potentiel sur les prix364. Au-delà des cartels, l’autorité de concurrence peut poursuivre les entités qui exercent un pouvoir de marché (situations monopolistiques). Dans le cas d’importants fabricants, l’assiette des sanctions pécuniaires est augmentée sur la base de 6 à 10% du revenu de l’entité incriminée pour les produits ou services objet des violations sur une période de trois ans depuis la date effective de lancement des pratiques illégales. Pour les grossistes de taille importante, la majoration des amendes civiles passe de 1 à 2% du revenu et pour les détaillants importants l’augmentation est de 2 à 3%. Des taux réduits s’appliquent aux PME/PMI.
En cas de récidive au cours d’une période dix ans, la majoration est fixée à 150% du taux normal. Quand on parle de récidive on parle d’agissements ou de pratiques restrictives illégales ne couvrant pas nécessairement le même produit ou service. Si une amende pénale est prononcée le montant de la majoration est réduit à la moitié du montant de l’amende pénale.
Enfin, hormis le cas de récidive dans les dix ans, la majoration est allégée si la pratique illégale a continué moins de deux ans et a cessé au moins un mois avant le démarrage des investigations de la JFTC.
Une fois ce taux calculé, l’entreprise en infraction reçoit notification du montant de la sanction pécuniaire, des chiffres utilisés pour le calcul y afférent, des raisons pour lesquelles la surcharge est appliquée et du délai de paiement. En cas de dépassement de délai pour s’acquitter de ladite sanction pécuniaire, la FTC envoie une lettre de rappel avec un nouveau délai impératif (art. 64.2 de la loi). A défaut de paiement à l’expiration de la nouvelle échéance, la JFTC peut imposer un intérêt annuel de retard de 14,5%. Si l’entreprise persiste dans sa défaillance, la JFTC peut prendre une hypothèque sur ses biens mais se positionnera alors en créancier chirographaire de second rang après l’administration fiscale.
En sus de ces sanctions pécuniaires, en application des articles 86 et 97 de la loi anti-monopole, des amendes administratives peuvent être imposées pour non conformité avec soit une ordonnance de la JFTC, soit une injonction judiciaire.365
En 2006, la JFTC a sanctionné 403 entreprises d’une amende administrative pour un montant total de 23.137,72 million yens de condamnation mais dont environ 963 millions ont été annulés après une procédure d’audition.366
(b) Sanctions pénales
A côté des amendes de nature administrative, les articles 25, 26, 89 à 100 de la loi anti-monopole instituent un régime de sanctions pénales dans les situations de monopole privé, restrictions excessives à la concurrence (cartels) violant les dispositions des articles 3 et 8, et dans les groupements d’entreprises. Ces sanctions pénales peuvent revêtir la forme d’amendes ou de peines d’emprisonnement. L’amende peut atteindre 100 millions de yen (pour violation des articles 3 et 8 (1) (i) de la loi anti-monopole)367 et la privation de liberté trois ans d’emprisonnement accompagnés, le cas échéant, d’une mesure de travail forcé.
Aucune poursuite pénale ne peut être déclenchée, à défaut par la JFTC de saisir directement le Parquet général368. La loi japonaise empêche en effet le ministère public de démarrer une enquête pénale tant que la JFTC n’a pas adopté des mesures administratives de poursuite.C’est une pratique qui, penda nt longtemps, a été peu courante au Japon. On observera que dans les années 90 seulement six saisines du ministère public par la JFTC ont été en effet enregistrées.
En application des articles 89 et 94-2 de la loi anti-monopole, des sanctions pénales peuvent également être prononcées à l’encontre de tout entrepreneur n’ayant pas respecté une décision judiciaire ou une ordonnance de la JFTC. Par exemple, dans le cas de désobéissance à une ordonnance de la JFTC, le contrevenant est passible d’une amende de trois millions de yen ainsi que d’une peine d’emprisonnement de deux ans maximum. La JFTC n’a jamais, semble-t-il, osé revendiquer l’application de la loi pénale à l’encontre d’éventuels récalcitrants mais ne gageons pas sur un immobilisme en la matière.
Jusqu’à présent, les juges ont toujours suspendu les peines criminelles à l’égard des personnes physiques sanctionnées dans la limite de 2 ans. En se référant à l’affaire «Petroleum Oil»369 M. KUSUNOKI Shigeki 370 explique cette situation par le fait que les juges sont hésitants à reconnaître à la concurrence une valeur de protection et qu’il n’apparaît aucun consensus clair dans la société japonaise que les violations de concurrence en tant que norme économique constituent des justifications suffisantes pour prononcer des peines d’emprisonnement.
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