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QUATRIEME ETAPE



De 1834 à 1840 (6 juin)

Sommaire: Loi sur l'enseignement — Entente avec M. Mazelier — Missions de l'Océanie — Voyages et fatigues du bon Père en vue de l'autorisation légale — Naissance de la Province du Nord — Vauban — Election du premier Régime — Testament du vénéré Père et sa mort.


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1834




Secrétariat


[1] Depuis son origine, la Congrégation n'avait pas eu de secrétariat. Le plus souvent le R. Père traitait de vive voix avec les communes ou les fondateurs qui lui demandaient des Frères. La plupart des lettres qu'il écrivait ne furent pas conservées, non plus que les réponses qui lui furent adressées, ainsi que les conventions faites pour les écoles. Nous sommes ainsi privés de documents qui seraient très précieux et nos successeurs regretteront certainement cette lacune. Le bon Père le comprit et pour la combler, il organisa un secrétariat dont l'employé, en sus des écritures courantes, était chargé de garder copie des lettres expédiées, des conditions convenues, dans un registre à ce destiné. Le secrétaire tint d'abord son registre, sans suivre l'ordre chronol[og]ique. Il y inscrivit pèle-mèle des pièces officielles de 1829, de 1830, de 1831, de 1833 avec celles de 1834, etc. Nous avons même des raisons pour croire qu'il fit bien des omissions. Après cette remarque que nous avons cru nécessaire nous reprenons le fil de notre récit.
Autorisation légale: lettre au Roi

[2] Nous l'avons dit déjà, la loi du 28 juin 1833, réglait que tout chef d'école privée ou communale devait avoir un brevet. Les jeunes gens ne pouvaient être exempts du service militaire qu'en contractant l'engagement de se vouer pendant 10 ans à l'enseignement officiel. Les membres des congrégations religieuses non autorisées n'étaient point admis à contracter cet engagement. Ces dispositions devinrent un grand embarras pour le pieux Fondateur. Il comprit que l'autorisation légale lui était indispensable. Nous avons vu que cette autorisation, sollicitée par Mgr. de Pins, allait être accordée lorsque la Révolution de 1830 détrôna Charles X. Le bon Père reprit les démarches relatives à cette autorisation. Le 28 janvier il écrivit ainsi au roi Louis-Philippe:


[3] "Sire, Né dans le canton de Saint-Genest-Malifaux, département de la Loire, je ne parvins à savoir lire et écrire qu'avec des peines infinies, faute d'instituteurs capables. Je compris dès lors l'urgente nécessité de créer une société qui pût, avec moins de frais, procurer aux enfants des campagnes le bon enseignement que les Frères des Ecoles Chrétiennes procurent aux pauvres des villes. Elevé au sacerdoce en 1816, je fus envoyé en qualité de vicaire dans une paroisse rurale. Ce que je vis de mes yeux me fit sentir plus vivement encore l'importance de mettre sans délai à exécution le projet que je méditais depuis si longtemps. Je commençai donc à former quelques instituteurs. Je leur donnai le nom de Petits-Frères-de-Marie bien convaincu que ce nom seul m'attirerait un grand nombre de sujets. Un prompt succès en peu d'années a justifié mes conjectures et dépassé mes espérances.
[4] En 1824, sous la permission de Mgr. l'administrateur du diocèse de Lyon, aidé par ce prélat et par les braves gens du pays, j'élevai près de la ville de Saint-Chamond une vaste maison pour y établir l'école normale de la nouvelle société. Déjà 72 sujets de cette maison sont employés dans un bon nombre de communes, sans compter une quarantaine de novices bien dévoués qui se préparent à marcher sur les traces des premiers. Pour croître et prospérer, cette institution naissante dont les statuts sont ci-joints, n'a plus besoin que de l'autorisation requise. Le zèle que votre Majesté met à l'enseignement, m'encourage à vous en faire l'humble demande. Serai-je assez heureux, Sire, pour l'obtenir? J'ose m'en flatter. Les nombreuses demandes qui me sont faites de toutes parts, (surtout depuis la loi du 28 juin 1833), l'assentiment des autorités locales, de M. le préfet de la Loire et de plusieurs honorables députés, me montrent trop évidemment l'harmonie de mon établissement avec l'esprit du gouvernement, le besoin et les ressources des communes rurales, pour que je puisse douter un seul instant de la réussite de cette demande. Je suis donc, Sire, rempli de la douce espérance que cette entreprise, formée dans le seul intérêt de mes concitoyens, sera agréée de votre Majesté. Les Frères de Marie ayant reçu de votre royale bonté une existence légale, vous devront une reconnaissance éternelle et s'uniront à moi pour se dire à jamais, de votre Majesté, le très humble..."

Statuts de la societe


[5] Art. 1er. - Les Petits Frères de Marie auront pour but l'instruction primaire. Outre l'instruction morale et religieuse, ils enseigneront la lecture, l'écriture, les éléments de la grammaire française, le calcul et le système métrique, les éléments de la géométrie, le dessin linéaire, le chant et les éléments de l'histoire et de la géographie. Ils suivront, pour l'enseignement, la nouvelle prononciation et la méthode des Frères des Ecoles Chrétiennes (simultanée mutuelle).
[6] Art. 2. - On donnera des Frères aux communes qui en demanderont et qui assureront à chaque Frère un traitement fixe de 400 fr.
[7] Quoique les Frères ne doivent pas aller, en général, moins de deux, on pourra établir une maison centrale d'où ils se détacheront un à un pour les communes rapprochées.
[8] Art. 3. - Les écoles seront gratuites, mais les communes pourront percevoir une rétribution mensuelle des parents aisés pour couvrir une partie des frais de l'établissement.
[9] Art. 4. - Chaque établissement sera gouverné par un directeur local qui sera en exercice autant de temps que le supérieur le jugera à propos, mais ne pourra être retiré avant que son successeur ait été installé.
[10] Art. 5. - Tous les établissements dépendant de l'association, seront soumis à l'inspection des personnes préposées à la surveillance de l'instruction publique.
[11] Une copie des Statuts ci-dessus vient d'être découverte dans les archives de la ville de Saint-Chamond. D'après cette copie, ces statuts auraient été approuvés le 28 février même année par le Conseil royal de l'Instruction publique, lequel n'y aurait fait que des modifications insignifiantes. Du reste, cette approbation n'entrainait pas l'autorisation légale de l'Institut.70

La vie à l'Hermitage


[12] Cette supplique au roi bourgeois n'aboutit donc qu'en partie et nous verrons que les nombreuses démarches, les pénibles voyages et les grandes fatigues du pieux Fondateur échouèrent devant le mauvais vouloir des voltairiens qui gouvernaient alors la France.
[13] Quato[r]ze Frères ou postulants étaient déjà enterrés dans le petit cimetière de 5 mètres de côté. On fut donc forcé d'en créer un autre à côté du 1er mais un peu plus élevé. Le Père Champagnat construisit avec ses Frères un haut mur de soutènement du côté de la rivière lequel, avec trois autres murs, forma la clôture du nouveau cimetière qui avait environ 8 m. de longueur sur 6 de largeur. Jean Champagnat, âgé de 5 ans, neveu du bon Père et fils de Jean-Pierre, fut le 1er inhumé dans ce nouveau cimetière le 29 mars 1834.
[14] Le 25 avril, M. Pompallier écrivit ce qui suit au vénéré Père: "M. le Supérieur, Il y a plusieurs jours que je désirais vous écrire, soit pour vous donner signe de vie, soit pour vous faire une commission de M. Cholleton.
[15] D'abord vous n'avez pas ignoré sans doute, la catastrophe qui a alarmé non seulement cette ville, mais encore toute la France. Vous le savez, Lyon a été pendant 6 jours le théâtre de la guerre civile avec toutes ses horreurs. Jour et nuit on entendait le canon et la fusillade. Aucun ne savait ce qu'il allait devenir. Il y a eu une protection visible de Dieu pour les chrétiens paisibles qui ne songent qu'à se mêler de leur salut et de leurs devoirs domestiques, sans prendre aucune part à tous les conflits politiques qui agitent les têtes. Point d'accident n'est arrivé à ma personne, ni à ma famille, ni au pensionnat de la Favorite où j'ai constamment demeuré. J'ai confessé toute la maison au bruit du canon. Tous les exercices ont eu lieu comme de coutume. Seulement deux sujets, successivement, étaient en adoration devant le saint sacrement.
[16] Plusieurs fois le jour, je donnais quelques avis de salut dans la chapelle et l'on faisait des prières relatives aux circonstances. Grâces soient rendues à la bonté de Dieu et à la protection de Marie, rien n'a touché la maison quoiqu'elle fût à côté du fort Saint-Irénée. Unissez-vous, je vous prie, avec tous vos Frères à notre reconnaissance, afin que jamais je ne me rende indigne de la bonté de Dieu et de la protection de notre Mère commune."
[17] Par un acte sous seing privé, les Frères Cassien et Arsène vendirent au Père Champagnat la maison avec ses dépendances, la terre et le mobilier qu'ils possédaient en commun à Sorbier, moyennant 10.000 fr. qu'ils reconnurent avoir reçus, savoir: le F. Cassien, 3500 fr. et le Fr. Arsène, 6500 fr.
[18] Le 12 juin même année, par devant Me Berger et son collègue, notaire à Saint-Chamond, les mêmes donnèrent en rente viagère à M. Champagnat qui accepta, la somme de 15.000 fr, à condition: 1º d'une rente annuelle de 1.000 fr. en un seul paiement; 2º d'un logement convenable pour les deux donateurs dans le bâtiment de la Grange-Peyre; 3º du droit d'hortolage et de promenade dans la propriété de la Grange-Peyre; 4º d'une hypothèque des dits 15.000 fr. sur ladite propriété.
[19] Si les deux rentiers n'avaient pas fait profession ensuite, leur rente aurait été fort onéreuse au P. Champagnat, car ils vécurent encore de longues années.

Dispositions pour les vacances


[20] Le pieux Fondateur adressa cette année la circulaire suivante à tous ses Frères71: "Nos bien chers Frères, je souhaite que Jésus et Marie soient toujours votre unique trésor. Si vous faites autant de progrès dans la perfection que je le désire, vous en ferez beaucoup. Voici le moment des vacances, moment précieux sous tous les rapports, je veux dire de l'âme et du corps.
[21] 1 - Les vacances commenceront comme les années précédentes, du 15 septembre jusqu'au 15 octobre;

2 - Nous désirons que tous arrivent le lundi pour le plus tard;

3 - Nous nous proposons de partir sous peu pour Rome. Il faut que toute la Société contribue au bon succès par la prière et par un redoublement de ferveur. On récitera jusqu'au retour de ceux qui vont auprès de sa Sainteté: 1 l'Ave maris stella; 2 Le Veni Sancte Spiritus et l'Oraison;

4 - En venant aux vacances, tous les Frères sont priés d'apporter les effets suivants: 1 toutes les grammaires qui sont au service et à l'usage des Frères; 2 un certificat de moralité de la part du maire et un autre de bonne conduite; 3 un écrit du commencement de l'année de chaque enfant;

5 - Son brevet, son extrait baptistaire, etc.;

6 - Toutes les arithmétiques, les modèles ou écrits que chaque Frère doit fournir;

7 - Toutes les affaires qui sont à votre usage personnel;

8 - Le livre de compte, l'état de l'établissement et la note de ce qui peut être dû par la commune.



Les Prêtres Maristes à Valbenoite


[22] Les Prêtres Maristes étaient établis à Valbenoite depuis quelques années. La lettre suivante, écrite par le P. Champagnat le 8 septembre 1834, va nous dire qu'ils n'y réussissaient pas, qu'ils cherchaient une autre position, qu'ils n'avaient encore aucune résidence régulière et que le défaut d'union entre eux menaçait l'existence de la Société.
[23] "M. le Vicaire Général, J'aurais bien désiré vous voir à votre passage à Saint-Chamond, pour avoir une réponse à ma lettre. Je réitère ici toutes les offres que j'ai eu l'honneur de vous faire de vive voix en faveur de mes confrères. S'ils viennent à Grange-Payre, je cèderai tout le revenu de cette propriété qui est de 15.000 fr. et la jouissance du bâtiment auquel je ferai les premières réparations. Je vois, à n'en pouvoir douter, que l'oeuvre des Prêtres à Valbenoite va être coulée entièrement à fond, parce qu'elle se trouve dans une position fausse. Il n'est aucun sacrifice que je ne sois disposé à faire pour le succès de mes confrères. L'intérêt, le désir de posséder perdra tout. Dieu me garde de faire le procès de mes confrères, leur désintéressement, leur dévouement m'a trop édifié pendant le temps que j'ai eu l'honneur de les voir auprès de moi. Je veux seulement blâmer ceux qui leur tiennent ce langage. Ceux à qui J. C. donne tous les jours, avec tant de libéralité, son corps, son sang, craindraient-ils qu'il leur refusât ce qu'il donne avec abondance aux plus vils animaux? Mon Dieu, ne permettez pas que de pareils hommes entrent jamais dans la Société de Marie.
[24] Ne demandez rien au Conseil de Mgr. (je veux dire aucun traitement en notre faveur), demandez seulement que nos Prêtres soient tous réunis dans une maison de retraite, indépendante de tout ministère séculier, s'occupant d'exercices analogues à leur position, sous la direction de M. Colin, aîné, si Mgr. veut bien nous le donner. Bientôt, M. le Vicaire Général, bientôt vous verrez notre nombre s'accroître. La désunion a tout perdu, la réunion retrouvera tout, la gloire de Dieu en résultera. Je vous promets de nouveau que je ne laisserai manquer de rien à mes confrères, fallût-il vendre ma dernière chemise, je vous le dis les larmes aux yeux. Vous le savez mieux que moi, le poisson ne peut vivre longtemps hors de l'eau, il n'y a que la retraite et la méditation des grandes vérités qui puissent maintenir l'esprit religieux."72

M. Douillet: lettre 14-09-1834


[25] M. Douillet prétendant que le P. Champagnat avait promis d'employer dans le diocèse de Grenoble tous les sujets qui en viendraient et qu'il ne tenait pas sa promesse, lui écrivit ainsi le 14 septembre:
[26] "M. le Supérieur, Je profite du départ des Frères pour vous offrir mon respect très humble et pour vous parler encore de la promesse d'après laquelle j'ai agi. Je vous supplie de croire que vous et moi, nous ne pouvons plus reculer sans compromettre les intérêts de la Société de Marie aux yeux de tout le diocèse. Tout va bien jusqu'ici, mais il est indispensable de faire à la Toussaint prochaine un établissement à Sassenage. J'aurai l'honneur de vous donner de vive voix les raisons péremptoires qui vous obligent à ne pas retarder les espérances de ce pays. Les novices abondent, nous nous prêterons à La Côte, etc.
[27] Enfin je vous supplie de me promettre 2 Frères pour Sassenage et vous verrez, M. le Supérieur, que le bon Dieu, etc. J'attends au plus tôt votre réponse avant que de partir pour la retraite diocésaine où je plaiderai, j'espère avec succès, pour les enfants de Marie, si je puis confirmer la promesse de cet établissement indispensable.
[28] Je me réserve de vous entretenir des nouveaux novices partis pour l'Hermitage et des arrangements pris avec les parents. Je puis vous assurer que je ne respire que pour les Frères et je crois que c'est le moment de la grâce. Tout ce que je regrette, c'est de n'être pas assez propre à cette oeuvre éminemment précieuse. Veuille notre bon Maître me convertir. Je vois la chose comme vous en général, mais il faut cependant se prêter aux besoins des lieux. Je compte sur votre promesse dernière. Je vous promets que je tiendrai dorénavant à ce que tout soit prêt sans quoi point de Frères. La leçon de Viriville ne sera pas inutile, quoiqu'elle ne soit pas bien forte. Je crois que cet établissement ne peut pas être malheureux sous la direction de M. le curé Cussier.
[29] Le F. Louis-Marie, étant encore un peu faible, il m'a paru plus prudent de lui conseiller de ne pas partir demain. Le F. Justin lui tiendra compagnie. Je ne négligerai rien de tout ce qui pourrait être utile au pauvre Boiton (défroqué) que j'aime comme vous, parce que je crois aussi qu'il pourra être utile. Priez s'il vous plait, pour que je fasse une bonne retraite. J'avais eu la pensée d'aller la faire à l'Hermitage au lieu d'aller à celle de Grenoble. Je suis..."

Songe du P. Champagnat


[30] Le R. Père fit un songe bien singulier pendant la nuit. Il le raconta ainsi au C. F. Jean-Baptiste de qui nous le tenons: "Il me semblait être sur la terrasse du noviciat qui domine la maison de l'Hermitage, lorsque j'aperçus une armée d'hommes venant du côté de Saint-Chamond, habillés moitié Frères, moitié soldats. Ces sortes de Frères, en passant à côté de la maison, s'efforçaient de détacher de l'édifice chacun une pierre qu'ils emportaient. Bientôt les murs, troués et considérablement endommagés, se fendirent, le toit s'écroula et la maison ne fut plus qu'une ruine immense. Inutilement, je m'opposai au travail destructeur de ces hommes. Ils me répondaient qu'une pierre de plus ou de moins ne faisait rien à un édifice et ne nuisait ni n'ajoutait rien à sa solidité. Arrivés au milieu du jardin qui, comme vous le savez, est au midi de la maison, ces Frères se débarrassaient de leurs pierres en les jetant à la tête des jeunes Frères qui étaient là à travailler, de sorte qu'un grand nombre de Frères furent tués par cette nuée de pierres lancées sur eux. Les Frères soldats, continuant leur marche le long de la rivière, allèrent se perdre dans une vallée étroite, remplie de fumée et au bout de laquelle se trouvait un abîme.
[31] Voilà mon songe tel que je l'ai eu et, je le répète, quoique généralement parlant, je ne crois pas aux songes, je ne puis oublier ni effacer de mon esprit l'impression profonde que m'a faite celui-ci. Prenez 8 jours pour y réfléchir et vous m'en direz votre avis."
[32] Les 8 jours expirés, le C. F. Jean-Baptiste parla ainsi au bon Père: "Voici, mon Père, ce que je pense de votre songe. Ces hommes de haute taille, habillés moitié Frères moitié soldats qui détachaient, malgré vous, chacun une pierre de la maison, sont pour moi l'image des Frères directeurs mondains qui, ayant perdu l'esprit de leur état, laissent tomber la Règle, ouvrent la porte aux abus et mettent de côté ce qui les gêne en religion. Les pierres que ces mêmes hommes jettent aux jeunes Frères, me représentent les Frères directeurs irréguliers et fauteurs des abus qui abandonnent leurs Frères à leurs volontés, les laissent vivre sans Règle, leur rendent les pratiques religieuses impossibles et, par leurs mauvais exemples, les perdent et tuent leur vocation et leur âme. Le gouffre où vont se précipiter ces Frères soldats représente le monde et ses désordres dans lesquels vont se jeter les religieux apostats après avoir fait beaucoup de mal à leurs confrères par leurs mauvais exemples. Si notre Institut doit périr, ce sera par la négligence des supérieurs à faire observer les Règles et par les mauvais exemples qu'ils donneront à leurs inférieurs. - Mon Frère, dit le bon Père, votre interprétation de mon songe est entièrement conforme à ce que j'en avais pensé moi-même."
[33] Nous pensons, nous, qu'il ne faut pas reléguer ce songe au rang de rêveries fantastiques.

Engagement et fidélité


[34] Les Frères dont les noms suivent furent admis à revêtir l'habit religieux pendant cette année: Frères Flavien (Chomas), Dosithée (Vialleton), Paulin (Tranchant), Isidore (Petit), Théodoret (Champagnat), neveu du Père, Pacôme (Roux), Moïse (Souet), Romain (Deville), Ignace (Jeury), Saturnin (Boutte) et Louis-Gonzague (Guette).
[35] Onze Frères furent admis à faire profession selon la formule ordinaire. C'étaient les Frères Michel (Colombon), Denis (Bron), Arsène (Fayol), Cassien (Chomat), Liguori (Perret), Théophile (Prudhomme), Louis-Marie (Labrosse), François-Marie (Convert), Bruno (Bertinier), et Pierre-Marie (Pérenon).
[36] Plusieurs parents du vénéré Père, deux Frères et un postulant suivirent le petit Jean Champagnat dans le nouveau cimetière. Ce furent les Frères Vincent (Barnait), Théodoret (Fayasson), Claude (Claperon), Marie Champagnat, âgée de 14 ans, et Barthélemy Champagnat, agé de 18 ans. Celui-ci fit profession avant de mourir.
[37] On fonda, cette année les établissements de Lorette, Sury-le-Comtal, St-Genest-Malifaux et Vienne.
[38] Pour attenuer les mauvais résultats produits par l'école mutuelle de Vienne qui comptait 200 élèves, mais qui ne s'occupait point de religion, M. Michon, curé de Saint-André-le-Bas, demanda trois Frères, pour une école privée et payante. Le Père lui envoya le F. Jean-Pierre et deux autres. L'école mutuelle fut vite entamée et les Frères eurent bientôt 140 élèves. F. Jean-Pierre fut remplacé par deux ex73 qui cherchèrent les louanges des hommes et non la gloire de Dieu. A la demande de M. Michon, le F. Jean-Pierre lui fut rendu. M. Guttin, curé archiprêtre de Saint-Maurice, demanda des Frères. Les maladresses du F. Jean-Pierre firent échouer sa demande74. Par dépit M. Guttin prit des Frères du Bienheureux de la Salle qui eurent une école gratuite et nuisirent ainsi aux nôtres. Pour ne pas être en concurrence avec eux, le bon Père ferma la maison en 1837.

Saint-Genest-Malifaux: revenant


[39] Le premier directeur de la maison de Saint-Genest fut le F. Pierre-Marie qui avait fait une grande partie des classes ecclésiastiques. Plus zélé que prudent pour le recrutement des vocations, il amenait des postulants par demi-douzaine à la fois, mais ils reprenaient presque tous le chemin de leurs montagnes. Six ans après, on compta jusqu'à 12 défroqués à la fois à Saint-Genest. Il ne restait que les chers Frères Euthyme, Bassus, Jean et Bazin. La qualité, il est vrai, compensait bien la quantité, mais les déserteurs produisirent un mal que l'on eût évité en les laissant chez eux.
[40] Nous dirigions alors ce poste, après les Frères Pierre-Marie et Andronic. Il se produisit un fait que nous tenons à relater ici. L'école occupait une maison louée par la commune et dont le propriétaire, nommé Courbon, était mort depuis 6 ans. Il paraît qu'aucune messe n'avait été dite pour lui durant ce temps. Un de ses fils, clerc chez le notaire Baleydier, avait une chambre dans la maison. Il n'y passait guère que les nuits. Nous avions un assez grand nombre de caméristes. Plusieurs nous apprirent un jour qu'un bruit mystérieux les épouvantait pendant la nuit. Nous couchions dans leur dortoir et nous n'avions rien entendu. Nous nous assurâmes que les portes et les volets ne produisaient pas ce bruit, non plus qu'aucun autre agent matériel. D'ailleurs, le temps était parfaitement calme.
[41] La nuit suivante, à 11 heures, nous entendîmes ledit bruit comme la plupart des enfants qu'il avait éveillés. Il se faisait fortement entendre dans deux appartements contigus, mais sans communication entre eux, placés sous le dortoir. Le bruit imitait celui que produirait un coup de marteau sur une planche. On entendait alternativement à environ 30 secondes d'intervalle un coup dans l'un des appartements précités, puis un coup au bout opposé de l'autre appar[te]ment. Après nous être assuré d'où venait le bruit, nous fîmes du feu et nous descendîmes lestement, pieds nus, bien que ce fut en hiver, aux portes des appartements susdits. Elles étaient intactes, fermées à clef et ne pouvaient produire aucun bruit. Les fenêtres n'avaient pas de volets. Nous demeurâmes-là une dixaine de minutes sans rien entendre. Le fils Courbon ronflait dans un[e] autre pièce. Le froid nous obligea à remonter au dortoir et à nous remettre au lit. Quelques minutes après, le bruit recommença comme auparavant et dura environ une heure. Nous dûmes rassurer les élèves qui étaient presque tous éveillés et effrayés.
[42] Le lendemain nous fîmes part de la chose au fils Courbon. Il n'avait rien entendu et ne nous répondit rien. C'était un samedi. Le manège recommença la nuit suivante et nous pûmes craindre de voir nos internes prier leurs parents, le lendemain, de les retirer de la maison, tant ils étaient épouvantés. Des messes furent annoncées au prône pour le propriétaire défunt. Cette annonce nous surprit un peu. Ce qui le fit davantage, c'est qu'aucun des caméristes ne fut retiré et que le bruit en question cessa complètement.
[43] Nous ne sommes point superstitieux ni trop crédule mais nous opposons ce fait à ceux qui se font gloire de ne pas croire aux revenants.

Prospérité de l'Institut


[44] L'école de Lorette fut fondée par MM. Thiollière et Neyrand pour les enfants de leurs ouvriers. F. Pie, une girouette, en fut le premier directeur. Son second était le bon F. Jean. Lorette n'avait point encore d'église et les deux Frères allaient entendre la messe à Saint-Genis-Terrenoire le jeudi et y menaient leurs élèves aux offices du dimanche. Les uns et les autres se seraient bien passés de cet exercice de gymnastique.
[45] Le premier directeur de Sury fut le bon F. Chrysostome.

Affaire Querbes


[46] M. Pompallier était encore à l'Hermitage. L'Institut était prospère sous tous les rapports. Le noviciat était nombreux. Les Frères se formaient. Ils avaient bon esprit et étaient toujours très attachés à leur pieux Fondateur. M. Pompallier n'était pourtant point de cet avis, il n'approuvait pas la conduite du P. Champagnat, il blâmait et critiquait son administration et la direction qu'il donnait à ses Frères. A son avis l'Institut ne pouvait que périr entre ses mains. Sa conviction à cet égard était si profonde qu'il se crut obligé de faire part de ses sentiments et de ses craintes à Mgr. l'archevêque. "Le P. Champagnat, lui dit-il, malgré sa piété et sa vertu, n'a aucune des qualités nécessaires à un bon supérieur de communauté. Il n'est pas capable de faire une correspondance, d'instruire ses Frères, de traiter avec les fondateurs des écoles et de diriger convenablement un noviciat. D'ailleurs, il ne s'occupe guère de ces choses et il emploie presque tout son temps à bâtir et à défricher la montagne, d'où il suit que les Frères ne sont pas formés suffisamment à la piété, aux vertus religieuses, ni aux connaissances nécessaires à des instituteurs."
[47] M. Pompallier était né à Vourles75. Il connaissait bien M. Querbes, curé de cette paroisse et qui y avait fondé les Clercs de Saint-Viateur. Cette congrégation était peu nombreuse. Ses membres, comme leur nom l'indique, s'occupaient autant de sacristie que d'école. Ils allaient un à un, vivaient et logeaient dans les cures. Leur règle était encore en germe.
[48] Leur costume n'avait rien d'arrêté: ils étaient tantôt en bourgeois et tantôt en ecclésiastiques. Néanmoins M. Pompallier était persuadé que cette petite congrégation était très bien basée et avait un brillant avenir. Il priait donc Mgr. d'obliger le P. Champagnat de fondre ses Frères avec les Clercs de M. Querbes. Il mettait tant de bonne foi dans ce qu'il disait, il paraissait avoir si bien étudié la question que Mgr. l'archevêque s'y laissa prendre. Il appela le bon Père et l'engagea fortement à réaliser le projet de M. Pompallier.
[49] "Votre congrégation devient nombreuse lui dit-il. Elle n'est pas autorisée par le gouvernement et vous n'obtiendrez pas cette autorisation. Les Clercs de Saint-Viateur ont une ordonnance royale depuis 182376. Vous sauverez donc votre oeuvre, en la réunissant à celle de M. Querbes."
[50] Le bon Père extrêmement surpris d'une pareille proposition à laquelle il ne s'attendait pas répondit: "Mgr., moi et mes Frères nous sommes entre vos mains et Votre Grandeur peut faire de nous ce qu'il lui plaira. Quant à la fusion que vous me proposez je ne la crois pas nécessaire pour exempter nos sujets, attendu que la Providence nous a fourni un moyen pour nous tirer de cet embarras. Cette fusion, à mon avis, serait la ruine de notre Institut et causerait probablement celle des Frères de Saint-Viateur, par la raison que les deux congrégations ont un esprit entièrement différent, un mode de placements des sujets, des conditions de fondations et des règles toutes contraires. Proposer à nos Frères d'abandonner leurs règles, leur costume, leur méthode d'enseignement, leur manière de vivre pour prendre celle d'une autre communauté quelle qu'elle soit, c'est les perdre et les rejeter dans le monde. Avec la connaissance que j'ai des choses, je ne crois pas Mgr., que je puisse en conscience me prêter à cette mesure. Si Votre Grandeur l'ordonne je laisserai faire, je me résignerai, c'est mon devoir, mais je tremble pour les suites."
[51] Mgr. insista, essaya de réfuter les raisons du P. Champagnat. Ne pouvant le convaincre, il le renvoya en lui disant de réfléchir sur cette affaire. L'un des vicaires généraux essaya de lui faire goûter le projet de M. Pompallier, il n'y réussit pas. On se montra donc froid à l'archevêché à l'égard du bon Père. "Ce bon M. Champagnat, disait-on, est un saint homme, mais il tient trop à ses idées et il nuit à sa communauté par sa manière de faire si singulière."
[52] Mieux renseigné, Mgr. changea d'avis, reconnut que la fusion aurait ruiné les deux congrégations et loua publiquement la fermeté du Père Champagnat.
[53] L'Institut échappa ainsi à la plus terrible de ses épreuves, et le bon Père fut désormais débarrassé de ce genre d'entraves.
[54] Dépité de son échec, ou comprenant qu'il avait fait fausse route, M. Pompallier retourna au pensionnat de la Favorite dirigé par les Prêtres Maristes. Il mit ensuite du zèle à faire reconnaître les dits Prêtres par le Saint-Siège et à leur faire attribuer les missions de l'Océanie.
[55] Il fut remplacé à l'Hermitage par MM. Servant et Terraillon. Le pieux Fondateur avait décidé celui-ci à rentrer dans la Société des Prêtres Maristes77.

Fausses vocations


[56] L'auteur de la vie du pieux Fondateur a relaté plusieurs faits attestant la sagacité du bon Père pour découvrir les fausses vocations. Il aurait pu les multiplier davantage. Parmi les faits non relatés il en est un que nous tenons à placer ici, bien qu'il ait eu lieu après 1834. Il nous est certifié par le F. Albert qui en fut témoin. Le voici en quelques mots. Un jeune homme fort maniéré et s'étudiant à paraître dévôt fut reçu au noviciat. Ses condisciples l'auraient pris facilement pour un saint. En ce temps-là, les novices étaient employés aux travaux manuels pendant la plus grande partie de chaque journée. En s'y rendant un jour, croyant n'être pas vu, le jeune homme en question se mit à soupeser les instruments de travail et à chercher le plus léger. L'apercevant de sa chambre, le P. Champagnat le fit appeler et le renvoya immédiatement. Il était à peine parti que les gendarmes se présentèrent pour le prendre. C'était un escroc.
[57] Cet escroc nous en rappelle un autre dont nous avons connu les manœuvres. Il se présenta au F. Etienne, directeur à Bougé-Chambalud, se disant postulant et envoyé par le C.F. Louis-Marie qui devait l'y rejoindre deux jours après. Il fut bien accueilli, se montra très pieux et déclina les noms et les emplois des principaux Frères de l'Hermitage. Le troisième jour, il put s'approprier la bourse du F. Etienne et disparut. Il se rendit à St-Lattier où le rusé F. Vincent refusa de le recevoir comme élève: il avait 25 ans. Il se présenta ensuite chez les Frères de Saint-Gabriel, aux Mées (Basses-Alpes). Il fut admis au noviciat, reçut l'habit et fut placé dans un poste d'où il s'évada peu après emportant le brevet du F. directeur avec 400 fr.
[58] Après ces deux exploits, il se présenta à Saint-Paul, fut reçu au noviciat et y joua si bien son rôle que le Père Codina, aumônier, proposa de l'admettre à la communion fréquente et passa la plupart de ses récréations à causer de spiritualité avec lui.
[59] Ayant reçu l'habit, il fut placé à Courthézon. Après son départ, les révélations des novices inspirèrent des doutes sur la validité de son brevet. On le lui réclama par un exprès. Refusant de le livrer, le F. directeur s'en empara par adresse et conduisit ensuite son homme à Montdragon où le F. directeur qui l'avait vu à Bougé, le reconnut, le fit arrêter et lui fit avouer ses vols. (On peut lire les détails concernant cet escroc dans les annales de Montdragon).


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