Les premiers traducteurs et leurs traductions

Le XIIe siècle vit par ailleurs des événements décisifs pour l'histoire future de l'Occident, décisifs en ce qu'ils vont permettre à ce dernier de redécouvrir le patrimoine antique avec la brutalité d'une révélation. L'Islam, dont la progres­sion avait été enrayée depuis 735 par Charles Martel à la bataille de Poitiers, subit maintenant l'assaut de petits Etats chrétiens qui se sont formés en Espagne. Alors que les rois maures se querellent entre eux, ces royaumes de Castille, de Léon, d'Aragon et de Navarre en profitent pour étendre leur territoire. C'est ainsi que le califat de Cordoue s'effondre en 1031 et que Tolède tombe aux mains d'Alphonse VI de Castille en 1085. Tolède avait succédé à Cordoue comme principal centre culturel islamique. Dans ses bibliothèques se trouvaient réunis non seulement les ouvrages originaux des savants arabes, mais aussi la somme des connaissances antiques léguées dans les innombrables traductions du grec en arabe. La chute de la domination mauresque en Espagne rend ces biblio­thèques accessibles au monde chrétien et l'on assiste alors à un phénomène uni­que dans l'Histoire et capital pour l'histoire de la traduction : comme un aimant irrésistible, Tolède attire les érudits des quatre coins de l'Europe.