Ferdinand Lot De l’Institut


LIVRE III CHAPITRE UNIQUE La France au début de la période capétienne



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LIVRE III

CHAPITRE UNIQUE



La France au début de la période capétienne

L’An mille – Légende et réalité


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Notre tâche s’arrête ici. Non pas que l’An Mille marque une date fatidique. Depuis le XVIIIe siècle, des historiens ont cru que les peuples chrétiens avaient vécu dans la terreur de cette année dont le millésime aurait marqué la fin du monde. Un examen plus attentif des textes ou plutôt du texte (celui de Raoul le Glabre) sur lequel s’appuyait cette assertion l’a dissipée.
La croyance à la fin du monde a été répandue en Perse, en Grèce, à Rome. Elle a persisté dans les premiers temps chrétiens comme il était bien naturel. Mais, à mesure que les siècles s’écoulaient, cette crainte se dissipait. Elle ne disparut jamais complètement, cependant. Au VIe siècle, Grégoire de Tours, dans son « Histoire des Francs » (liv. IX, chap. xlii) écrit : « Le monde court à sa fin. » Sainte Radegonde (morte en 587) dit la même chose dans son testament : « La fin approche. » Des chartes de l’ère mérovingienne et de l’ère carolingienne (on n’en relève que 35 exemples sur des milliers), manifestent la même croyance mais sans préciser la date fatale. Qui plus est, on la retrouve après l’An Mille. Cette formule archaïque, usée, disparut vers 1080.
Mais nulle part, ni dans une bulle de pape, ni dans une donation royale, ni dans une chronique on ne trouve la moindre allusion permettant de penser que, à la fin du Xe siècle, on s’attendait à la fin du monde pour l’année fatidique Mille. Au contraire, partout en Europe les choses vont leur train accoutumé : on intrigue, on se dispute, on se bat, on se marie, on hérite, etc... comme si rien d’effrayant ne devait se passer.
L’An Mille n’opérant aucune séparation, même d’ordre psychologique, entre le passé et l’avenir, nous sommes en droit de jeter un coup d’œil sur les premiers temps de la période capétienne. Qu’est-ce que la France à cette époque ?

Les grandes principautés vassales du roi de France
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Au début de la période capétienne, la France occidentale, qui désormais retiendra seule le nom de « France », n’a qu’une unité idéale. Le royaume est en réalité une fédération de dynasties provinciales tendant à l’autonomie, groupées autour du domaine plus spécialement qualifié de « royal ».
En principe, le domaine royal c’est l’ensemble du royaume. En fait, il n’en va plus ainsi depuis un siècle et même davantage. Le territoire était depuis les temps romains et mérovingiens divisé administrativement en pagi à la tête desquels était placé un comte, véritable vice-roi doté de tous les pouvoirs judiciaires, financiers, militaires. Mais les prérogatives de ces personnages étaient, en principe, purement temporaires.Ils n’en jouissaient qu’à titre de délégation, un peu comme les gouverneurs romains de province dans le passé, ou comme, deux siècles plus tard, les baillis et sénéchaux. Mais la tendance à l’hérédité était devenue irrésistible. Quand la délégation, l’office, 1’« honneur », comme on disait, fut devenu héréditaire, chaque pagus ou comté tendit à se transformer fatalement en un petit état. Etat subordonné encore à l’autorité royale. En principe, le titulaire du comté, s’il le transmettait à son fils ou à son neveu, ne le faisait qu’avec la permission, accordée à l’avance, du souverain. Il continuait à rendre la justice en son nom, à battre monnaie à son effigie, à verser à son trésor le produit des taxes publiques, directes, s’il en subsistait par hasard, ou indirectes (tonlieux, péages, etc...), celui des amendes judiciaires, etc., à amener à l’armée, à l’ost, les contingents militaires. Mais insensiblement chaque comte fut amené à s’approprier le produit des profits soit en espèces monétaires, soit en nature, revenant au pouvoir suprême, à utiliser pour ses fins personnelles la force armée, à s’en servir contre ses rivaux. A la fin du Xe siècle, l’évolution s’était accomplie. On était en plein dans ce régime que nous appelons « féodal », ce dont les contemporains n’avaient pas conscience, pas plus que d’être au « Moyen Age ».
Si la géographie politique était demeurée à ce stade, elle n’eût pas été incompatible avec une royauté relativement solide. Chacun des comtes des 160 pagi ou environ entre lesquels se partageait le royaume de France n’eût pû séparément opposer de résistance, au moins durable, à l’exercice du pouvoir souverain. Il n’en fut pas ainsi.
Les pagi tendirent à se grouper en duchés ou marches par suite des vicissitudes historiques, soit que la royauté opérât elle-même par nécessité ce groupement, soit qu’il fût imposé par les grands personnages du royaume.
D’abord il faut mettre à part les régions où la monarchie franque n’exerça qu’un pouvoir contesté, intermittent, telles la Bretagne, la Gascogne. Au reste, après le milieu du Xe siècle, la Bretagne perdra pour longtemps son autonomie, soumise à l’autorité des comtes d’Angers et de Chartres, puis du duc de Normandie, roi d’Angleterre. Quant à la Gascogne, la dynastie locale s’éteindra dans les mâles en la personne de Sanche-Guillaume (1032). Après vingt ans de compétition entre héritiers par les femmes, elle sera unie à l’Aquitaine et verra ses destinées liées désormais à celles de ce duché.
A part, à plus forte raison, l’ensemble des comtés du bassin inférieur de la Seine, de l’Orne, du Cotentin cédés à Rollon et constituant le duché de Normandie (911). Vassal du roi en théorie, le duc n’admet chez lui nulle ingérence du souverain.
Et puis, le royaume est double. Une bonne moitié, l’Aquitaine, tout le pays de la Loire à la Garonne, constitue un Etat particulier, un royaume, qui n’est uni la France du Nord que temporairement. Même quand l’Aquitaine cesse d’être un « royaume » (882), elle garde son individualité, sous le titre de duché. Les efforts des ducs des Francs, au Xe siècle, pour y substituer leur autorité à celle des dynasties locales demeureront vains.
Une grande marche a été constituée par nécessité, pour contenir Gascons et Sarrasins d’Espagne, la marche de Gothie embrassant le Toulousain et l’ancienne Septimanie. Il s’y est joint, au fur et à mesure de l’avance franque au sud des Pyrénées Orientales, des fragments enlevés à l’Espagne musulmane. L’ensemble est disparate, difficile à gouverner. La Gothie proprement dite est distraite de la marche de Toulouse vers 806. Elle-même est divisée en 865 en deux parties, la marche ou duché de Gothie cispyrénéenne, avec Narbonne comme chef-lieu, et la Gothie outrepyrénéenne ou Marche d’Espagne (ou Catalogne), avec Barcelone comme chef-lieu.
Contre les Bretons, une marche (Rennes, Nantes) existait sous Charlemagne. Quand cette marche fut cédée à Erispoé (852), une autre marche fut constituée avec l’Anjou comme centre.
Dès la constitution de ces marches il a fallu donner aux chefs qui les défendent, les marquis, une autorité exceptionnelle, dangereuse évidemment, mais indispensable.
Il y a aussi les groupements opérés par l’ambition des grandes familles qui dominent l’Etat. Certaines de ces dynasties ont été temporaires. Ainsi Guillaume le Pieux a joint à la Gothie l’Aquitaine, l’Auvergne, le Mâconnais. L’extinction de sa dynastie en 927 a mis fin à cette extension démesurée. D’autres dynasties ayant eu la chance de se perpétuer ont mieux réussi.
Ainsi naquit le marquisat dit de Flandre. Baudouin I, dit Bras-de-Fer, gendre de Charles le Chauve, par délégation du roi, semble bien avoir joint déjà aux comtés de Gand et de Waas qu’il administrait la Flandre proprement dite (le pays de Bruges), le Courtraisis, le Mempisc (chef-lieu Cassel). Son fils et successeur, Baudouin II le Chauve (879-918), étend son pouvoir sur le Boulonnais, le Ternois (Saint-Pol), le Tournaisis ; Arnoul Ier réussit à mettre la main sur l’Artois. Du côté du Sud la dynastie ne pourra s’étendre plus loin, se heurtant à Montreuil-sur-Mer en Ponthieu, en Vimeu, à Amiens au duc de Normandie, au duc des Francs, surtout à la maison rivale de Vermandois.
Les ambitions de cette dernière sont grandes. Elles ne peuvent s’opérer que du côté de la Champagne. Herbert II réussit à mettre la main sur Troyes. Il lutte avec acharnement pour se rendre maître de Reims, ce qui lui eût permis d’unir la Champagne méridionale au Vermandois et d’en faire un bloc puissant. Finalement, il échoue. Il ne réussit même pas à avoir Laon qui, « ville royale », lui est une épine au cœur. Apres lui, la Champagne échappera à sa maison et la maison de Vermandois, réduite au seul Vermandois, tombera à un rang secondaire.
La constitution du duché de Bourgogne, elle aussi, doit être rangée dans la catégorie des Etats nés de l’ambition d’une famille et non d’une initiative royale. Le titre ducal que prend Richard le Justicier à la fin de sa vie (il mourut en 921) étendait son pouvoir non seulement sur l’Autunois, le Mâconnais, le Chalonnais, mais sur le Nivernais, même — souvenir de temps révolus — sur l’Auxerrois, le Troiesin, etc... En fait, le duc ne gouverne directement que l’Autunois, plus tard le Dijonnais. Mâcon, Chalon, Nevers ont des comtes particuliers, à lui soumis en théorie, en fait très indépendants, le dernier surtout. Quant à la suzeraineté sur Troyes, qui persistera jusqu’au XIIIe siècle, elle se réduit à une vaine formalité. Enfin l’évêché de Langres, puissante seigneurie, qui avait pour vassaux les comtes de Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Tonnerre, lui échappe. En dépit d’un titre éclatant le duc de Bourgogne ne compte pas parmi les plus puissants « féodaux ».
Il y a aussi des groupements de comtés dus à l’imprudence non pas royale, mais ducale. Si les descendants de Thibaud le Tricheur sont devenus si dangereux pour les Capétiens, c’est que Hugues le Grand a eu l’imprudence de gratifier Thibaud, d’abord simple comte de Tours, des comtés de Blois, de Dunois, de Chartres, sans compter les châteaux et villes qu’il lui laissait prendre en Champagne et en Laonnais.
Il y a enfin l’extension indéfinie du droit de parenté sur les « honneurs ». Bien vite ce n’est plus seulement le fils, mais le neveu, mais le cousin qui entend hériter d’un comté. Par le jeu des successions, il peut ainsi se constituer, et brusquement, des assemblages, souvent disparates, mais tout de même très inquiétants pour le souverain. En voici un exemple :
Ce n’était pas des personnages bien redoutables que les comtes de Valois, de Vexin, d’Amiens, de Montdidier, de Vitry-en-Perthis, de Bar-sur-Aube, chacun pris isolément. Mais le hasard des successions eût pu rendre dangereux l’ensemble lorsqu’il tomba entre les mains d’un seul personnage. C’est ce qui se produisit quand Raoul III, comte de Valois, époux d’Alix, de Bar-sur-Aube, succéda à son père, vers 1037, héritant de lui le Valois et Vitry, et de son oncle, Dreux, le Vexin et l’Amiénois, enfin d’un aïeul le Vexin. Mais Simon, fils de Raoul III, étant entré en religion le jour même de son mariage, le tout s’en alla en morceaux (vers 1080).
A côté de ces composés instables, il y a des composés stables ou demi-stables. Telle est l’union à la maison de Chartres du comté de Troyes et de la Champagne. Etienne de Troyes, arrière-petit-fils d’Herbert II de Vermandois, entre 1019 et 1023, Eudes II de Chartres et Blois revendique l’héritage comme parent au 6e degré (cousin issu de cousin germain) du défunt par sa mère, Liégearde, fille d’Herbert II. Le roi Robert II revendiqua aussi l’héritage, mais sa parenté était plus éloignée, au 8e degré (par sa bisaïeule Béatrice, sœur d’Herbert II). Il succomba dans ses prétentions en 1025. La dynastie capétienne sera serrée alors comme dans un étau par la maison de Chartres. Le jeu des successions, qui de temps à autre sépareront les domaines de la Champagne et de la Brie de ceux de la Beauce, lui permettra seul de reprendre haleine. Toutefois, la royauté ne sera rassurée pleinement que lorsqu’une fille de Champagne, Alix, fille de Thibaud IV montera sur le trône de France, en épousant Louis VII (1160) et en donnant le jour à Philippe Auguste. A dire vrai, c’est cette maison qui domine le roi en la personne de quatre frères, Henri Ier le Libéral, comte de Champagne, Thibaud V de Blois et Chartres, Etienne comte de Sancerre, surtout de Guillaume-aux-blanches-mains, archevêque de Reims.
Un autre composé qui eût pu être instable, s’avéra permanent et finalement faillit emporter la dynastie capétienne, fut celui qui se constituera en 1152 par le mariage d’Henri Plantegenêt avec Aliénor, répudiée par le roi Louis VII. Par son père, Geoffroy le Bel, comte d’Anjou et aussi du Maine (hérité en 1126) et duc de Normandie (1149), au détriment d’Etienne de Blois. Par son mariage Henri acquit tout le pays de la Loire aux Pyrénées. En 1154 il hérita de sa mère Mahaut, le royaume d’Angleterre. Ce conglomérat faillit disparaître, Henri Plantegenêt ayant eu quatre fils. Mais Henri et Geoffroy moururent avant leur père, Richard Cœur de Lion fut tué en 1199. Jean dit mal à propos « Sans terre », hérita de tout, mais manqua être détrôné par le prince Louis, fils de Philippe Auguste, puis perdit Normandie, Maine, Anjou, Bretagne, Poitou (12041208). Seule la partie de l’Aquitaine an sud de la Charente restera à ses descendants pour deux siècles.
Quelle que soit la genèse des quatorze grandes principautés existant au début de la période capétienne, le fait essentiel à relever c’est que les princes qui les gouvernent par droit héréditaire sous le titre de duc, de marquis ou de comte, entendent être maîtres chez eux. Certes, nul d’entre eux ne se proclame indépendant, n’en a même le dessein. Ils rendent hommage au roi avec le même cérémonial que le plus modeste vassal. Ils s’engagent à être « fidèles » avec tout ce que ce terme comporte de gravité. Leurs actes sont datés des ans de règne du souverain. Peut-être même ont-ils encore conscience qu’ils rendent la justice et administrent — c’est tout un en ces temps — en son nom. Ils ne lui refusent ni service militaire, ni assistance à sa cour pour remplir leur devoir de juges au tribunal central et de conseillers, pour l’aider pécuniairement au besoin, en des cas définis, à condition, bien entendu, qu’ils n’aient pas à se plaindre du roi, et trop souvent ils s’imaginent qu’ils ont à s’en plaindre. De plus ils n’admettent pas que le roi, passant par-dessus leur tête, donne des ordres à leurs propres sujets. Ils répondent d’eux. Ils s’interposent comme un obstacle, un mur infranchissable, entre le trône et la population, même libre, habitant sur leur territoire. Rien d’étonnant, dès lors, que toute législation royale disparaisse passé le règne de Carloman (884) pour ne renaître et timidement que sous saint Louis. Sous Charles le Chauve un homme libre, tout en se faisant vassal d’un voisin ou d’un comte même, demeurait sujet du roi. Dès la fin du IXe siècle, il est visible que les communications sont coupées entre le roi et la masse de ses sujets.
Par une conséquence inéluctable et qui eût pu détruire l’unité française, ces dynasties font surgir des nationalités provinciales, même en des régions où nulle tradition, nulle communauté d’intérêt ou de culture ne les faisaient présager. C’est que le fait de vivre de génération en génération sous un même pouvoir engendre un sentiment de solidarité entre sujets et les oppose aux autres groupements, même, et surtout, à celui qui se constitue autour du roi. La nationalité française n’aura pas de pires ennemies que les nationalités provinciales nées du Féodalisme.

Le domaine propre du roi
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Est-il un coin du royaume où le roi se sente uni directement à des Français autrement que par l’intermédiaire plus ou moins complaisant d’un duc, marquis ou comte ?
Oui, dans son « domaine propre ».
Qu’est-ce que le domaine propre à l’époque capétienne ? Ce n’est plus l’ensemble du royaume, c’est le territoire où entre le souverain et ses sujets ne s’interpose pas une autorité « haute justicière », c’est-à-dire une autorité jouissant, par concession ou usurpation des droits régaliens (justice et police, taxes publiques, monnaie, etc.).
Comment déterminer ce territoire ? Il est plus facile de savoir où le domaine territorial n’est pas que de dire où il est. Il saute aux yeux qu’il est limité par les territoires où règnent, si l’on peut dire, les comtes de Flandre, de Vermandois, de Troyes et Meaux, le duc de Bourgogne, le duc d’Aquitaine, le comte de Tours-Blois-Chartres, le duc de Normandie. Il est nécessairement à l’intérieur de l’espace ainsi circonscrit. Longtemps les historiens modernes se sont amusé à dresser des cartes où il était teinté d’une nuance particulière avec, comme intitulé « duché de France ». Mais c’est là une méprise complète. Le ducatus n’est pas un territoire, c’est la dignité, la vice-royauté, exercée de la fin du IXe à la fin du Xe siècle par ce vice-roi qui s’appelle « duc des Francs » et il l’exerce de la basse Loire à la Meuse, avec le désir de l’étendre sur l’ensemble du royaume.
Dans cet espace même ainsi circonscrit, il s’en faut qu’aucune seigneurie ne s’interpose entre le roi et ses sujets :
Au Nord et Nord-Est, on rencontre les comtés suivants : Dammartin-en-Goéle, à dix lieues de Paris, Beaumont-sur-Oise, Clermont-sur-Oise, Breteuil, Meulan, Valois, Montdidier, Amiens, Ponthieu, Soissons, Honey.
Au Sud et au Sud-Est : Melun, Corbeil, le Gâtinais, Sens.
Ajoutons Vendôme, enclavé entre Anjou et Chartres, en Bourgogne Nevers qui se rattachent à l’autorité du roi plutôt qu’à celle du comte d’Anjou et du duc de Bourgogne. En Aquitaine, la vicomté de Bourges et la seigneurie (ou comté) de Bourbon, également rattachées directement au roi.
Il est aussi de simples seigneuries dont les titulaires sont presque aussi puissants que les comtes Montmorency, l’Ile-Adam, Mouchy, Coucy, Marie, Nogent-l’Eremhert (entre Dreux et Chartres), Le Puiset, Montfort-l’Amaury. Au sud de Paris : Chevreuse, Montlhéry, Rochefort ; en Orléanais Meung-sur-Loire : en Berry, Saint-Sever, Saint-Brisson, etc.
Et, à l’occasion, ces comtes et même ces simples seigneurs, ces barons comme on dira plus tard, sont aussi turbulents et intraitables que les grands feudataires.
Le domaine au sens le plus strict est donc réduit aux localités où entre le roi et ses sujets ne s’interpose aucune seigneurie, localités habitées par des vilains, libres ou non, administrées par un intendant royal dit « prévôt ». Mais ces localités ne forment pas un territoire continu. Elles sont semées çà et là au milieu de seigneuries non-royales. En Orléanais seulement et en Etampois on peut remarquer qu’elles sont assez nombreuses et peu éloignées les unes des autres. Dans la région parisienne, le roi n’a que fort peu de villages : c’est que la quasi-totalité est ici propriété ecclésiastique, appartenant à l’évêque et au chapitre de Notre-Dame de Paris, aux abbayes de Saint-Denis, de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Maur-des-Fossés, de Saint-Magloire, de Sainte-Geneviève, etc.
On peut encore faire rentrer dans la catégorie du domaine strict les modestes domaines de petits feudataires du roi, seigneurs de villages ou de fractions de village, qui sont incapables de se dérober à leurs devoirs vassaliques.
En dehors de ce qu’on appellera bien plus tard, au XVe siècle, l’Ile-de-France, le souverain n’a plus conservé de domaine, villageois ou urbain.
Au reste, cette situation ne paraît pas inquiéter les trois premiers Capétiens. Ce n’est guère que sous Philippe Ier, le plus faible et le plus décrié, que la royauté inaugurera sa politique d’accroissement territorial, pièce à pièce, comme un propriétaire soucieux d’arrondir son exploitation terrienne. Il semble qu’ils considèrent que l’acquisition de la terre morceau par morceau n’offre pas d’intérêt parce que leur domaine, c’est toujours pour eux, en droit, le royaume entier. La concession du comté de Paris à un partisan fidèle, Bouchard comte de Vendôme, qui étonne l’historien moderne, leur a paru aussi naturelle que la renonciation à leurs duchés et comtés qu’opèrent régulièrement, légalement, les princes germaniques lorsqu’ils montent sur le trône.
Et en effet qu’importerait cette politique d’enrichissement terrien à un souverain qui dispose de tout un royaume ? Cette illusion, les premiers Capétiens, si étrange que cela puisse paraître, l’ont eue. Quand ils tiennent cour plénière, aux trois grandes fêtes de l’année, à Pâques, à la Pentecôte, à la Noël, et qu’ils se voient entourés de quantités de feudataires, ils ont le sentiment qu’ils ont tout le royaume en mains. Et cela d’autant plus que jusqu’au XIIe siècle, ces assemblées sont fréquentées non seulement par la petite noblesse et par les comtes de l’Ile-de-France, pour user d’un terme alors inconnu, mais commode, mais par de grands feudataires, comme les comtes d’Anjou, de Chartres, de Troyes, de Vermandois, de Flandre, même par les ducs de Bourgogne, d’Aquitaine, voire le duc de Normandie. Si le roi n’avait qu’à donner des ordres à cet ensemble imposant, et que ces ordres fussent exécutés, son « domaine », son dominium, au sens abstrait du terme, serait en effet tout le royaume. L’impossibilité de communiquer avec les arrière-vassaux serait sans inconvénient, chaque duc ou chaque comte étant un représentant légal du souverain : un généralissime donne des ordres à l’armée par l’entremise de ses maréchaux et généraux.
Le malheur, c’est que la cour ne réunit jamais plus l’ensemble des grands feudataires, ni même des petits comtes, et que les défaillants ne se croient nullement tenus d’obéir aux décisions prises en une assemblée à laquelle ils n’ont pas participé. Et ceux-là mêmes qui ont semblé approuver les décisions de la cour l’oublient une fois l’assemblée terminée. Enfin le recours à la guerre contre un roi dont on croit devoir se plaindre est considéré comme un appel au « jugement de Dieu ».
Ces assemblées n’en donnent pas moins l’illusion de la puissance au souverain capétien. Et il en va de même des diètes pour les souverains allemands.
Quand il est réduit à la société de son entourage habituel, le roi est infiniment pauvre en ressources. Il ne lui reste même pas assez de « chevaliers » pour venir à bout d’un simple « baron ». Il tomberait aussi bas que les derniers Carolingiens, s’il n’avait à sa disposition le temporel des établissements ecclésiastiques.
Là, son action est plus libre, non pas qu’il dispose de l’ensemble des évêchés du royaume, au nombre de quatre-vingt-deux. En Normandie, Bretagne, Gascogne. Toulousain, Gothie, Marche d’Espagne ils lui échappent, étant sous la coupe des princes de ces régions. En Aquitaine, il conserve Bourges, une métropole, et le Puy-en-Velay. En Bourgogne, Autun, Mâcon, Chalon-sur-Saône, Langres surtout, le plus important ; dans le Nord, Tournai, uni à Noyon qui échappe au comte de Flandre, et un témoignage de la subordination passée des comtes d’Angers, du Mans, de Chartres, de Troyes, c’est que le roi disposait encore des évêchés de ces comtés, prérogative qu’il perdra au cours du XIe siècle. Le roi contrôle dix évêchés (sur onze), dans la province ecclésiastique de Reims, sept sur huit dans celle de Sens, trois sur cinq dans celle de Tours. Somme toute, un tiers environ des évêchés est à la disposition. Cela peut sembler maigre, mais nul feudataire, si grand soit-il, n’en possède autant, fût-il duc de Normandie ou duc d’Aquitaine. Parmi les évêchés royaux six, dont cinq de la province de Reims (Reims, Laon, Châlons, Beauvais, Noyon), un de la province de Lyon (Langres) seront plus tard réputés pairies de France et mis sur le même pied théoriquement que les pairies laïques (duchés de Normandie, d’Aquitaine, de Bourgogne, comtés de Champagne, de Flandre, de Toulouse), sans qu’on puisse discerner très clairement le motif de cette prééminence, sinon, peut-être l’importance du temporel mis par eux à la disposition du souverain.
Et puis, il y a les abbayes royales. Hugues Capet a été touché par l’esprit de réforme qui gagne l’Eglise en France. Il s’est démis de son titre d’ « abbé » (sauf à Saint-Martin de Tours), mais les monastères n’osent lui refuser le concours de leurs vassaux, tels Saint-Denis, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Germain-l’Auxerrois, Sainte-Geneviève, Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Magloire, Argenteuil, Chelles dans la région parisienne ; Notre-Dame et Saint-Pierre à Melun, Saint-Guénaud à Corbeil, Saint-Etienne à Dreux ; à Orléans et en Orléanais, Saint-Aignan, Saint-Jean, Saint-Samson, Saint-Mesmin, Saint-Benoît-sur-Loire. En Amiénois, il a Corbie, dans le Ponthieu et le Vimeu Saint-Riquier, Saint-Valéry-sur-Somme, Saint-Sauve à Montreuil-sur-Mer. Du Carolingien, il a hérité à Soissons Notre-Dame et Saint-Médard, Saint-Crespin, à Compiègne Saint-Corneille ; dans le Raincien Saint-Remy-de-Reims et Saint-Thierry, à Laon Saint-Vincent et Saint-Jean. A l’Ouest, les abbayes de Cormery et de Bourgueil, les abbayes angevines de Saint-Serge, Saint-Aubin, Saint-Julien se réclament de la protection royale, quoique plus pour longtemps. Mais le roi conserve la plus importante de Touraine et de l’Ouest, Saint-Martin, ainsi que la ville née autour du célèbre monastère, Châteauneuf, si le comte de Tours est maître de la vieille et minuscule « cité ».
Partout ailleurs, le temporel des abbayes est du ressort du prince local, duc, comte, vicomte, parce que eux aussi en tirent un supplément de ressources indispensable.
Toutefois les secours des évêchés et abbayes sont occasionnels et temporaires. Le roi, dans le train ordinaire des choses, doit subsister avec les ressources de son domaine au sens restreint et du territoire sur lequel il peut étendre une autorité judiciaire, militaire, économique reconnue ou à peu près.
Ce territoire correspond grossièrement aux départements du Loiret et de la Seine, en Seine-et-Oise aux arrondissements de Versailles, Corbeil, Etampes, Mantes, Pontoise, Rambouillet ; en Eure-et-Loir, à celui de Dreux ; en Seine-et-Marne, à celui de Melun ; dans l’Oise, à ceux de Clermont, Compiègne, Senlis ; dans l’Aisne, à ceux de Laon et Soissons ; dans la Somme à ceux d’Abbeville et de Doullens ; dans le Pas-de-Calais, à celui de Montreuil-sur-Mer. Le tout peut couvrir 27.000 kil. carrés. Et si l’on déduit la superficie des comtés enclos en cet espace (Corbeil, Melun, Dreux, Beaumont, et Clermont-sur-Oise, Vexin, Valois, Soissons, etc...) on arrive peut-être à 6.000 kil. carrés seulement, en majorité dans le Loiret. Or le royaume s’étend sur 451.000 kil. carrés, dont 32.000 au delà des Pyrénées (France actuelle 551.000 kil. carrés). C’est infime.
Mais, d’autre part, le domaine stricto sensu des grands feudataires eux-mêmes est très loin d’embrasser la totalité de leur duché ou comté. Le duc d’Aquitaine, le duc de Bourgogne, le comte de Toulouse, etc... n’ont pas plus de territoire à leur disposition réelle que le roi. Même le duc de Normandie ne dispose pas de l’ensemble de son duché, puisqu’il en tire moins de sept cents chevaliers pour plus de quatre mille paroisses, à l’apogée de son pouvoir. Le phénomène est donc universel et il explique que la royauté n’ait pas été broyée sous des forces qui, pour chaque grand fief, ne sont écrasantes qu’en apparence.

Coup d’œil sur la situation et l’avenir de la dynastie capétienne et sur le sentiment national
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Finalement un problème se pose devant nous. Un sentiment d’unité nationale est-il compatible avec ce que nous appelons le Régime féodal, lequel consiste en fait dans la dispersion du pouvoir monarchique : la royauté est faible, parce que la monarchie est partout ?
Il n’y a plus de législation, plus d’armée nationale, sauf en des occasions rarissimes. Il n’y a plus de droit commun, car faute de pouvoir législatif central, la loi est pulvérisée en une multitude de « coutumes », nées de la jurisprudence des cours locales. Il n’y a plus d’unité des poids et des mesures monétaires. Il n’y a même pas de langue commune, car si les parlers sont tous issus du latin, sauf en Bretagne, en pays basque, en Flandre flamingante, nul d’entre eux ne s’impose soit par ordre, soit par consentement tacite, soit même sous une influence littéraire ; d’autant moins que entre les dialectes romans de la France du Nord et ceux de l’Aquitaine il s’est opéré, et cela avant le Xe siècle, une divergence qui aboutit à en faire presque deux langues différentes, le français et l’aquitain (dit à tort « provençal »). Dans le domaine du français, le dialecte parlé à Paris et à Orléans ne détient pas encore, parce qu’il est pratiqué par le roi et son entourage habituel, une autorité supérieure à celui dont on use à Compiègne, Amiens, Troyes, Dijon, Bourges, Angers, Tours, Rouen.
En somme, la France est-elle autre chose qu’une convention, une tradition, un symbole ?
Il faut répondre résolument par l’affirmative.
En ces temps, nul ne conçoit qu’on puisse se passer de roi, donc d’un système nerveux central. Chacun s’efforce d’obtenir de lui, pour sa part, de gré ou de force, le plus d’avantages possible, mais entend que les autres obéissent au souverain.
Le principe qui régit la société, c’est que le roi ne doit rien décider pour les affaires courantes, comme nous disons, sans le conseil des grands, tant ecclésiastiques que laïques, de son entourage habituel. Pour les affaires d’importance, il doit avoir recours à l’assemblée des grands du royaume entier, réunie au moins une fois l’an. Ce principe subsiste sous les Capétiens. L’assemblée générale est moins nombreuse parce que le royaume s’est rétréci et parce que les grands feudataires tels que les comtes de Barcelone, de Toulouse, le duc de Gascogne, etc... sont trop éloignés pour y paraître, ou encore par suite de la mauvaise volonté ou de l’hostilité de tel duc ou comte, mais elle fonctionne toujours. Si on ne la consulte plus pour la législation pour la raison qu’il n’y a pas de législation, parce qu’il n’y a plus matière à législation, elle conserve des prérogatives judiciaires on lui soumet des différends entre grands personnages ou entre le roi et l’un des grands. Les établissements ecclésiastiques, toujours pillés, élèvent des plaintes que le roi soumet à l’assemblée. Le souverain la consulte sur les traités, sur le mariage de ses enfants. Il va de soi que, sans son approbation, il est impossible d’associer le fils aîné au trône. La compétence de l’assemblée est mal déterminée ou plutôt elle ne l’est pas, si bien qu’elle peut s’étendre à tout, selon l’occurrence.
L’assemblée, la « cour plénière », comme on dit, maintient la cohésion du royaume, cohésion plus lâche, cela va de soi, à la périphérie.
La littérature naissante en langue vulgaire nous révèle un sentiment national que les chroniques du temps ne manifestent pas, n’étant que la sèche consignation de faits de guerres intestines, de phénomènes météorologiques, de famines et d’épidémies. Sous sa dernière forme connue, qui ne saurait être postérieure au début du XIIe siècle, la Chanson de Roland exalte « douce France ». Une France qui n’est pas tout à fait la nôtre, tantôt plus étendue, tantôt plus resserrée, mais qui l’annonce. Tantôt, c’est l’empire de Charlemagne dont l’image est déformée dans un sens français, avec Aix-la-Chapelle pour capitale, tantôt, c’est la France de 911 à 923, la France qui va du Mont-Saint-Michel aux « Saints » c’est-à-dire Cologne, sur le Rhin, tantôt c’est la France sans la Lorraine, puisque les Français sont mis à part des « Loherengs », sans la Bourgogne ni l’Aquitaine, c’est la France des derniers Carolingiens, avec Laon pour capitale, la région gouvernée plus spécialement sous l’autorité nominale du roi par le « duc des Francs ». Le héros du poème, c’est moins Roland que Charlemagne présenté comme l’apôtre militant de la Foi, image d’un passé lointain, car ce n’est certes pas Philippe Ier qui a pu servir de modèle à cette idéalisation de la royauté.
Les premières croisades, elles aussi, ont contribué à maintenir, à resserrer même un sentiment de fraternité française par le fait même que les croisés de France se trouvèrent en contact avec des croisés de race et de langue différentes. Les coutumes et la langue de France, des Francs du Nord, s’imposent tout de suite dans le Proche-Orient ; si, à la première croisade, quantité de croisés sont d’« Empire », ils sont des parties (Lorraine Basse et Haute) où l’on parle français.
Mais d’autre part, à mesure que le temps coule, les liens traditionnels entre les diverses parties de la France se relâchent. Les grands feudataires créent des nationalités provinciales, de petits Etats, presque inconsciemment. Au nom près, les ducs de Normandie, de Bourgogne, d’Aquitaine, les marquis ou comtes de Flandre, de Toulouse, les comtes de Champagne, de Blois et Chartres, d’Anjou, de Bretagne, se sentent des souverains. De même, à l’intérieur de ces grandes principautés, les comtes d’Evreux, de Mortagne-Alençon, de Nevers et d’Auxerre, de Mâcon, de Chalon, de Vendôme. d’Angoulême, de Périgord, d’Auvergne, de la Marche, de Bourbon, de Foix, d’Armagnac, Fézenzac, Pardiac, Astarac, Aure, Bigorre, Comminges, Quercy, Mauguio, Uzès, Vitry-en-Perthois, Cornouailles, Léon, et on laisse de côté la Marche d’Espagne. De même certains comtes titrés vicomtes, mais jouissant de la plénitude des pouvoirs comtaux : ceux de Limoges, Turenne, Thouars, Châtellerault en Aquitaine, de Béarn et de douze autres fiefs en Gascogne ; d’Albi, de Béziers, de Carcassonne, de Narbonne, d’Agde dans l’Etat toulousain ; de Porhoët, de Poher en Bretagne.
Si l’on ajoute que même dans ce qu’on peut appeler l’Ile-de-France, plus directement sous le regard du roi, les feudataires manifestent de plus en plus d’indépendance, on se rend compte que, au XIIe siècle, le nombre des princes titrés ducs, comtes, vicomtes exerçant les pouvoirs réguliers, atteint sans doute la centaine.
Tous imitent les institutions royales. Ils ont une cour, des grands officiers, dont le plus important est le sénéchal, sorte de vizir. Les plus grands d’entre ces princes (Normandie, Flandre, Anjou, Aquitaine, Toulouse, Chartres, Barcelone, etc...) commencent à avoir une chancellerie véritable et à sceller leurs actes tout comme l’étaient les diplômes royaux. Certains se mettent à légiférer : le comte de Barcelone fait rédiger les « Usages » de sa principauté dès la fin du XIe siècle. Cent ans plus tard Geoffroy, comte de Bretagne, publiera une « assise » réglant les successions féodales.
Nul d’entre eux n’aspire à cette indépendance complète que confère une couronne royale, du moins en France, mais tous se croient dignes d’être rois ailleurs et les circonstances historiques justifient parfois cette prétention. Le comte de Barcelone devient roi d’Aragon par mariage (1137) et tend à se détacher du royaume dans la seconde moitié du XIIe siècle : il ne le sera officiellement qu’en 1258. Le duc de Normandie s’attribue la couronne d’Angleterre en 1066. Le descendant d’un petit seigneur normand conquiert la couronne de Sicile (1130). En même temps, un cadet de la maison ducale de Bourgogne fonde le royaume de Portugal aux dépens de la Castille et des Musulmans (1143). A la même époque un cadet de la maison comtale de Bourgogne fait souche de rois en Léon et Castille.
Qui plus est, les croisades auront, entre autres attraits, celui de faire luire la perspective d’une couronne royale. Un fils du comte de Boulogne devient roi de Jérusalem, un comte d’Anjou de même, puis un comte de Champagne, un comte de Brienne. Un simple seigneur de Lusignan devient roi de Chypre. Un comte de Flandre, empereur de Constantinople.
Ces hautes fortunes s’opèrent bien hors de France, mais leur renommée suffit, par contre-coup, à donner aux dynasties princières demeurées en France une haute idée de leur maison. Impossible que ce sentiment ne réagisse pas sur leur attitude vis-à-vis du roi de France. La dynastie provinciale à laquelle la plus haute fortune a été réservée, la dynastie angevine des Plantagenêts, est parfaitement consciente que, bien que vassale du roi en théorie, elle domine de fait le royaume.
La littérature des chansons de geste, de son côté, traduit le sentiment éprouvé envers le roi par l’aristocratie pour laquelle elle est composée. Le héros n’est plus Charlemagne, ni le roi Louis de Gormond et Isembart, c’est un grand feudataire révolté, Girard de Roussillon, Ogier le Danois, Renaud de Montauban, Garin le Lorrain, et s’il est révolté, c’est que le souverain s’est montré injuste à son égard : ce souverain, Charles, en qui se confondent Charlemagne, Charles le Chauve, Charles le Simple, ou Louis, qui est à la fois Louis le Pieux, Louis II, Louis III, Louis IV, Louis V, est représenté comme injuste, faible, capricieux, jouet des médisants, des « losengiers ». Au dénouement seulement le héros est puni : il a passé la mesure, son orgueil, sa « desmesure », l’a entraîné à des actes criminels contre l’Eglise et le souverain : il devra finir par la pénitence ou par la mort, en s’humiliant devant Dieu et le roi. Même dans le cycle de Guillaume d’Orange, où le héros reste fidèle, le roi est représenté sous des couleurs peu favorables.
En vérité, il était temps que les victoires de Philippe Auguste, et la sainteté de Louis IX, redonnassent à la royauté, alors identifiée à la nationalité française, un prestige que les vicissitudes historiques et ses propres fautes ne compromettront que trop aux siècles suivants.
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