1860
[1] Le besoin d'une chapelle convenable se faisait déjà sentir à N.-D. de Saint-Genis-Laval. Le C.F. Louis-Marie surtout désirait ardemment la faire construire au plus tôt, mais il voulait faire un monument le plus digne possible de Celui qui devait l'habiter. Pour cela il fallait beaucoup d'argent, du temps pour le trouver et pour construire le temple qui ne fut inauguré que 6 ans après.
[2] Son éminence le cardinal de Bonald avait donné une lettre de recommandation pour cette œuvre. Le R. Frère en fit part à toutes les maisons de l'Institut par la circulaire suivante dans laquelle il donnait une statistique faite à la hâte et qui n'était pas d'une exactitude mathématique, on s'en étant tenu à des nombres ronds :
[3] "Mes Chers Frères, Je suis heureux de vous donner copie de la lettre de recommandation que son éminence a daigné nous accorder pour la construction de la chapelle de N.-D. de Saint-Genis. Elle sera pour vous, comme pour nous, un puissant motif de confiance et d'encouragement. Vous pourrez en donner connaissance aux personnes que vous intéressez à notre œuvre.
[4] Nous nous plaisons, dit son éminence, à recommander l'œuvre que les Frères Maristes entreprennent de la construction d'une chapelle pour leur noviciat. Ces bons Frères rendent de très grands services dans le diocèse et au dehors, par l'instruction qu'ils donnent à une multitude d'enfants. C'est bien mériter de la religion que de concourir, par une généreuse offrande, à la réalisation de leur pieux projet. Lyon, le 24 décembre 1859.
[5] Son éminence, en nous délivrant cette lettre qui témoigne si hautement de l'intérêt tout particulier qu'elle nous porte, nous a également autorisé à offrir aux bienfaiteurs de l'Institut le portrait de notre pieux Fondateur et à leur faire connaître les secours et biens spirituels auxquels ils ont part :
1 — participation aux prières des Frères et des enfans et à toutes les bonnes œuvres qui se font dans la Congrégation
2 — tous les jours en communauté, un Pater et un Ave pour les membres et bienfaiteurs vivants de l'Institut et un De profundis pour les défunts;
3 — tous les ans, les premiers jeudis de janvier, d'avril, de juillet et d'octobre chaque maison fait dire une messe pour les Frères, les parents des Frères et les bienfaiteurs défunts
4 — ces mêmes jours, communion et office des morts à la même intention par tous les Membres de l'Institut.
[6] Aujourd'hui la Congrégation compte 5 maisons de noviciat, 2.000 frères, 360 établissements et 60.000 enfants dans les écoles. C'est donc, dans l'année 1440 messes, 8000 communions et 8000 offices qui sont offerts aux intentions des membres et bienfaiteurs défunts de l'Institut."
* * *
[7] Les héritiers de Mme de Loras, laquelle avait fondé l'école de Saint-Quentin d'Isère, voulaient se débarrasser de l'immeuble et insistaient auprès du Révérend pour le lui faire accepter. Il répondit le 26 février qu'il ne pouvait l'accepter dans les conditions que l'on voulait lui faire. L'école était gratuite. On ne lui offrait que 30.000 fr. à 4 ½ % pour le traitement des trois Frères et l'entretien du local, lequel avait été construit assez légèrement et devait avoir besoin plus tard de fortes réparations. Les héritiers se résignèrent à payer le 5% du capital et le Révérend se résigna à accepter l'immeuble. L'Institut s'aperçut bientôt de cette nouvelle charge, ajoutée à tant d'autres.
Cimetière particulier à Saint-Genis
[8] La demande adressée au sénateur, préfet du Rhône, pour la création d'un cimetière dans la propriété de Saint-Genis-Laval n'avait pas abouti. La lettre de M. Billaut, insérée dans celle que l'on va lire, nous donnera la raison de ce refus :
[9] "M. le Maire, Je vous prie de vouloir bien autoriser dans la propriété du noviciat des Petits Frères de Marie de Saint-Genis-Laval, Rhône, l'inhumation individuelle du sieur Douillet Célestin, né à la Frette, Isère, membre de notre Institut, décédé aujourd'hui dans notre maison de Saint-Genis-Laval, à 6 heures 3/4 du matin.
[10] Je fonde ma demande :
1 — sur le décret du 23 prairial an XII qui reconnaît à tout particulier le droit individuel de se faire inhumer sur sa propriété si elle se trouve à 35 mètres au moins de l'enceinte des villes et des bourgs;
[11] 2 — Sur une lettre de M. Billaut, ministre de l'Intérieur, en date du 28 novembre 1856, s'exprimant ainsi : "Le décret du 23 prairial an XII, en reconnaissant à tout particulier le droit individuel de se faire inhumer sur sa propriété si elle se trouve à 35 m. au moins de l'enceinte des villes et bourgs, n'a pas entendu conférer à des individus, ni parents, ni alliés, l'autorisation générale et indéfinie de se faire enterrer successivement sur un terrain indivisément possédé par eux et d'établir ainsi de véritables cimetières. Un tel privilège que chaque communauté civile ou religieuse pourrait réclamer à son profit, rendrait illusoire les sages précautions prises par la loi dans l'intérêt de l'ordre public.
[12] Il est dès lors préférable et plus conforme à l'esprit du décret précité, de ne pas autoriser l'établissement de cimetières particuliers, même pour les communautés religieuses, sauf à leur demande des inhumations individuelles sur leur propriété d'après la demande spéciale qui en serait faite pour chaque membre décédé, en supposant d'ailleurs que la condition de la distance légale se trouve remplie. Cette interprétation du décret de l'an XII est, du reste, conforme à la jurisprudence du Conseil d'Etat telle qu'elle a été définitivement fixée par un avis du 12 mai 1846."
[13] Cette lettre concerne notre maison de Beaucamps, Nord. Elle était en réponse à une demande d'autorisation générale d'un cimetière particulier pour ce noviciat.
[14] 3 — Sur la considération que la partie de la propriété sur laquelle sera inhumé le sieur Douillet Célestin est à plus de 400 m. de toute habitation. C'est en vertu des décrets, avis et lettre sus rappelés que nous sont délivrés pour notre maison de Beaucamps, Nord, les autorisations d'inhumations individuelles qu'elle demande.
[15] J'ai la confiance, M. le Maire, que vous aurez la bonté de nous appliquer les mêmes règlements pour notre maison de Saint-Genis-Laval."
[16] On le voit, la maison-mère devait se résigner à demander une permission spéciale pour inhumer chacun de ses défunts, ce qui la laissait à la merci de la mairie. Encore lui chercha-t-on noise peu après, à propos de la position du premier cimetière qui était placé au fond et à l'angle sud-est de l'enclos, comme nous le verrons dans la suite.
Affaire de Nantua
[17] Le. F. Brunon, directeur à Nantua, s'était trop laissé influencer par les considérations humaines, par l'égoïsme. Il avait juré de ruiner le petit collège. Pour cela il avait allongé son programme, fait battre la grosse caisse à ses distributions de prix, exaspéré le principal, les professeurs et la municipalité par ses bravades dans sa classe et au dehors. Le collège était vraiment réduit à sa plus simple expression. Il coûtait beaucoup à la ville, mais les municipaux, avocats, avoués et autres paperassiers auxquels seuls il profitait, y tenaient. Ils soulevèrent un orage contre le F. Brunon et son école. Les inspecteurs, le sous-préfet, le préfet et trois ministres d'Etat les soutinrent.
[18] Nos supérieurs voulaient céder, reprendre le vrai programme de l'école et obliger le F. Brunon à rentrer dans la modestie mariste. M. le curé archiprêtre Rolet s'y opposa et, dans un sermon virulent le jour de Pâques, il jeta trop d'huile sur le brasier.
[19] M. l'abbé Tholon principal du collège comprit que sa soutane cadrait mal avec le rôle qu'on lui faisait jouer et, pour en atténuer les conséquences, il proposa au Révérend de placer les Frères comme professeurs dans son collège et sous sa férule. Cela ne pouvait se faire. Finalement, le F. Brunon fut révoqué, ceux que l'on envoya pour le remplacer furent refusés, même avec une école libre. L'école communale fut réunie au collège et l'établissement de Nantua resta fermé pendant 8 ans.
[20] Cette affaire fit beaucoup de bruit, non seulement dans le département, mais ailleurs. Trois ministres s'en étaient mêlés, ceux de l'Instruction publique, de l'Intérieur et de la Justice. Il y eut une correspondance active et des voyages entre la maison-mère, la préfecture et Nantua.
[21] M. le curé eut le tort de s'entêter et de ne vouloir rien céder, ni faire la part du feu, mais les notions les plus élémentaires de la justice furent violées au détriment des Frères et du bien.
[22] Au reste, la plupart de ceux qui avaient attisé le feu tournèrent mal. Le F. Brunon ne tarda guère à se défroquer. M. le curé Rolet mourut bientôt. Le maire fit banqueroute et alla finir misérablement ses jours à l'étranger. L'abbé Tholon alla végéter dans divers lieux. L'inspecteur d'académie devint fou, etc.
[23] M. l'abbé Clair-Cailloux était curé à Saint-Didier-sur-Chalaronne où il se plaisait, était aimé et faisait beaucoup de bien. Son évêque l'obligea à succéder à M. Rolet. Il rétablit les Frères à Nantua, mais il y éprouva de grands chagrins et y mourut dans la force de l'âge.
* * *
[24] Le bail pour le pensionnat de Breteuil dont nous avons parlé, étant expiré, on en signa un nouveau avec M. le comte de Maistre qui avait remplacé le duc de Montmorency.
Troisième Chapitre général
[25] Les maux de tête du Révérend Frère devenaient continuels, l'administration devenait de plus en plus considérable et compliquée, son goût pour la vie intérieure et paisible allait croissant. Tout cela lui rendait la position très pénible. D'ailleurs, depuis quelque temps déjà, ses 3 Assistants traitaient à peu près toutes les affaires. Dans une telle situation, sa responsabilité l'effrayait.
[26] Pour l'alléger, profitant d'une disposition transitoire prise par le dernier Chapitre général, il réunit tous les Frères stables à une assemblée capitulaire pour le 16 juillet.
[27] Ce nouveau Chapitre général, non élu, fut ouvert avec le même cérémonial qu'en 1852, mais à Saint-Genis-Laval. Il tint ses séances dans la grande salle, au premier du pavillon sud-est.
[28] Le Révérend lui proposa de le décharger de son fardeau sur le C.F. Louis-Marie, premier Assistant, qui prendrait le titre de Révérend Frère Supérieur. Le Chapitre accepta cette proposition et décida que le démissionnaire serait qualifié désormais de T.R.F. Supérieur général. Ce titre lui resta pendant deux ans.
[29] Le Chapitre élut ensuite trois nouveaux Assistants. Les CC. Frères Théophane, directeur à Valbenoîte, Philogone, directeur du noviciat et Chrysogone, directeur à l'Arbresle.
[30] Il prit encore plusieurs décisions promulguées par le T.R.F. François, le 21 juillet, dans sa dernière circulaire convoquant aussi les Frères aux diverses retraites. Nous donnons la plus grande partie de cette circulaire, comme souvenir du T.R.F. François :
[31] "Mes B.C. Frères, Nous venons de terminer le Chapitre général et tous ceux qui s'y est passé me remplit de consolation, d'espérance et de joie. L'union, le bon esprit, le zèle et le dévouement des Frères capitulants, leur affection, leur attachement pour leur supérieur, leur sollicitude pour l'observation des Règles et pour le bien de l'Institut s'y sont montrés d'une manière bien sensible et bien éclatante, à la grande satisfaction de tous ceux qui en ont été témoins.
[32] Oh! M.B.C. Frères, que la Providence de Dieu a été admirable et que la protection maternelle de Marie sur la Société a paru visiblement dans cette circonstance solennelle et dans chacun des actes importants qui s'y sont accomplis!...
[33] Tout s'est passé dans ce Chapitre aussi heureusement que nous aurions pu le désirer et nous y avons eu le précieux avantage de procéder au choix de mon remplaçant, selon les vues de Rome même dont les intentions nous ont été manifestées d'une manière directe et toute providentielle quelques jours avant l'ouverture du Chapitre.
[34] Après que j'ai eu fait connaître aux membres de l'Assemblée capitulaire l'état de ma santé et l'impossibilité où je me trouve de porter plus longtemps, sans préjudice commun, le lourd fardeau du gouvernement de l'Institut, ils ont été unanimes pour m'accorder un entier repos en me donnant un remplaçant capable de satisfaire à la tâche que je ne pouvais plus remplir. Le Chapitre, à l'unanimité, a donc confié le gouvernement de l'Institut au C.F. Louis-Marie, premier Assistant et lui a donné, pour le bien de tous et pour le plus grand avantage de la Congrégation, toute l'autorité et toute la responsabilité dont je venais de me décharger.
[35] Cet excellent Frère sera donc désormais votre Supérieur. Ma volonté expresse et celle du Chapitre est que vous le regardiez comme tel et lui rendiez en cette qualité une obéissance entière comme vous avez toujours fait à mon égard.
[36] Le Chapitre a ensuite, sur notre demande, procédé à l'élection de trois nouveaux Assistants et a nommé à cette charge les FF. Théophane, Philogone et Chrysogone.
Statuts capitulaires
[37] Il a enfin, sur notre proposition, examiné, arrêté et fait les statuts suivants :
[38] 1 — La fête du glorieux Saint Joseph sera chômée et célébrée dans les maisons de noviciat, comme les cinq principales de la Sainte Vierge. Dans les établissements, le jour de cette fête, les Frères tâcheront de faire la sainte communion et conduiront les enfants à la messe, autant que possible.
[39] 2 — Pour le vœu de stabilité, il n'y a aucune demande à faire et les Frères ne doivent s'occuper de ce vœu que lorsqu'ils ont été avertis par le Supérieur qu'ils sont appelés à le prononcer.
[40] 3 — Les maisons de noviciat appartiendront ordinairement à l'Institut afin qu'on aie toute la liberté d'y faire les réparations et agrandissements nécessaires. Dans tous les cas, pour éviter toute contestation, l'on ne fera jamais bâtir que sur le terrain de l'Institut.
[41] 4 — On n'acceptera jamais de fondations de messes à perpétuité. Tout ce qu'on pourra accorder aux bienfaiteurs, sera de leur donner part aux prières et bonnes œuvres faites dans l'Institut.
[42] 5 — Le tricot est un habillement personnel : chacun doit donc le faire suivre avec ses effets. Le tricot est fourni par le F. procureur à ceux qui en ont besoin.
[43] 6 — Comme le gilet de flanelle ne fait point partie du vestiaire des Frères, on ne pourra s'en servir qu'en cas d'infirmité grave et après en avoir obtenu la permission du Supérieur.
[44] 7 — L'usage du tabac n'est point autorisé parmi les Frères. Le besoin et l'habitude d'en prendre sont un cas de non admission à la profession.
[45] 8 — On doit se montrer difficiles pour accorder aux Frères la permission de visiter leurs parents, surtout avant la profession. Les seules raisons qui peuvent faire accorder ces visites sont les arrangements de famille ou l'avantage de l'Institut.
[46] 9 — Aucun Frère ne se permettra de délivrer des lettres ou certificats de recommandation aux marchants ou passants quelconques, ni de signer les livrets qui lui seraient présentés à cette fin.
[47] 10 — Le Chapitre émet le vœu que dans toutes les maisons de 3 Frères et au-dessus, où il n'y a pas un Frère des 4 vœux, il y ait au moins 2 profès et que le F. sous-directeur soit toujours un homme capable de remplir les attributions que lui donnent la Règle.
[48] 11 — Pour maintenir l'uniformité et le bon ordre dans les maisons de l'Institut, il sera établi une procure générale avec des succursales dans les maisons de la Société en nombre suffisant pour la commodité du service. Les Frères directeurs seront tenus d'y prendre tous les articles de bureau, de bibliothèque, de récompenses et de lingerie. Le procureur général et sous lui, les procureurs particuliers seront soumis à une règle délibérée par le Régime de manière que les divers objets soient à un prix égal ou inférieur à celui des principaux marchands..."
Retraites et professions
[49] La première retraite de Saint-Genis fut prêchée par le R.P. Jantin, la deuxième par le R.P. Deville, celle de La Bégude par le R.P. Châtel, celle de Beaucamps par le R.P. Dupont, tous les 4 Maristes. Celles de Saint-Paul et d'Hautefort furent présidées par MM. les curés.
[50] Dans ces retraites, bien qu'il parût effrayé de la nouvelle position qui lui était faite et que ses larmes trahissent plusieurs fois son effroi, le nouveau Révérend préludait à ses instructions, à ses conférences savantes, énergiques, souvent trop longues et très fatigantes dont il orna désormais toutes les retraites de l'Institut pendant son généralat.
[51] A l'issue de ces retraites, l'Institut s'augmenta de 145 profès dont voici les noms : Frères Adelme, Agathange, Agobard, Alfred, Amantius, Arétius, Bénignus, De la Croix, Elme, Eucaire, Evremont, Géminus, Gracilien, Hermès, Honorat, Joël, Juventin, Kostka, Malachie, Marcellinus, Marie-Josué, Marie-Vincent, Meinard, Osée, Rambert, Rodrigues, Rufinien, Tobie, Symmaque, Théodosius, Théocliste, Théoton, Thibaud, Titianus, Alphius, Alphonsus, Amos, Borromée, Clotilde, Crescentius, Elpide, Josaphat, Kenny, Libérius, Némèze, Vincent-de-Paul, Vital, Walthen-Joseph, Walotan-Vincent, Wigbert, Abdias, Abylius, Achille, Amabilis, Basilien, Bertinus, Chrysologue, Fabricien, Herménégilde, Jude, Marie-Honorat, Méthode, Mucien, Patience, Pompée, Primitif, Tropez, Agiric, Audry, Auzonne, Ausonnius, Auxibe, Avitus, Barsabias, Calixte, Crescence, Dioscore, Florence, Frédéric, Gatien, Jean-Chrysostôme, Jean-Chrystophe, Lambert, Louis-Bertrand, Lublin, Ludger, Marie-Amédée, Marie-Claudius, Marie-Joseph, Mélas, Ménalippe, Nazaire, Olympe, Othmar, Paramon, Tertullin, Umothée, Ubald, Vaast, Vilmer, Vulsin, Agnan, Abbon, Acacius, Acyllini, Ananias, Antigone, Antonio, Austremoine, Claver, Cléomène, Côme, Constant, Constantin, Dacius, Déicole, Démétrius, Dioclès, Dométius, Donatus, Emétère, Facile, Fortunatien, Gallican, Gézelin, Léandre, Léger, Marie-Martyrius, Marie-Victoire, Maville, Melchiade, Orcise, Pacôme. Palmace, Paulien, Polycrône, Potentien, Priam, Sébastiani, Servule, Sicoès, Théophanie, Ugolini, Virgile, Vindicien et Viventiol.
[52] Dans ce nombre monumental de profès, renfermant sans doute des inconstants, la province du Midi figurait pour 61 et celle du Centre pour 68. Celle-là l'emportait relativement sur celle-ci. Elle sentait que le C.F. Jean-Baptiste qui dirigeait la section de Saint-Paul depuis 18 ans et celle de La Bégude depuis 16 ans, allait lui échapper. 61 Frères novices qu'il connaissait très bien, voulurent affirmer la bonne direction qu'ils en avaient reçue en faisant profession. Ceux du Centre purent calculer par ce qu'on leur avait fait croire que l'Assistant qu'ils prévoyaient serait plus rigide, moins cordial que celui dont ils perdaient la direction immédiate.
[53] Cette abondance de profès terminait très bien le généralat du T.R.F. François, comme elle inaugurait bien aussi celui de son digne successeur.
[54] Il n'y eut pas de stable en 1860.
[55] Parmi les nouveaux profès qui se montrèrent inconstants, nous croyons pouvoir signaler :
[56] F. De la Croix qui ne fut jamais directeur, mais qui rendit la tâche pénible à ceux sous lesquels il exerça, surtout au bon F. Polycarpe auquel il joua des tours pendables. Après sa sortie, il afficha et il affiche encore l'impiété en 1890.
[57] F. Théothiste alla très bien comme inférieur, mais songea trop à sa famille comme directeur et se perdit par ses rapports irréguliers avec le dehors. Il vient de mourir piteusement, laissant une femme et des enfants dans la misère.
[58] F. Hermès et F. Marie-Vincent quittèrent leur soutane après l'avoir déshonorée : celui-ci qui était directeur passa en Amérique.
[59] F. Marcellinus exagéra d'abord la piété et le zèle. Nommé directeur, il alla en déclinant. Dans son dernier poste, il se permit de diriger un certain nombre de personnes plus ou moins pieuses et que les gens du pays appelèrent la confrérie des petassons. Il alla, ainsi que le F. Othmar son successeur, se mettre au service d'un comité catholique qui fondait des écoles libres dans le Nord. On nous dit qu'ils y sont encore.
[60] F. Osée fut mort dans l'Institut s'il n'eût jamais été directeur. Il se mit dans les dettes irrégulièrement, l'Institut refusant de s'en charger, le malheureux sortit et mourut insolvable.
[61] N'étant que second, F. Amos alla se mettre au service des adversaires des Frères à Firminy. Il fut nommé titulaire de l'école laïque qui remplaça celle des Frères en 1863 et qui fut surnommée école des Caffres.
[62] Etant directeur, F. Barsabas fit sournoisement le commerce des montres. Les supérieurs lui en enlevèrent adroitement une vingtaine pendant une retraite. Il est encore chef de pension, c'est-à-dire marchand de soupe, entre Lyon et l'Arbresle. Les pratiques religieuses ne le gênent guère.
[63] F. Tropez fut attiré hors de l'Institut par son frère, curé de Saint-Victor, diocèse de Nîmes. Il tient encore un pensionnat à Marseille, mais il s'y conduit bien tristement d'après nos Frères établis dans cette ville.
Statistiques
[64] A la place du Bois-Sainte-Marie qui fut fermée cette année, l'Institut fonda les 17 maisons dont les noms suivent : Paris, les Ramoneurs, Glasgow, Saint-André, Pont-Salomon, Evaux, Régny, Saint-Laurent-de-Médoc, Sainte-Cécile, Rochessadoule-les-Bessèges, Verdun-sur-Doubs, Coublevie, Torteron, Andance, Grans, Loos, Renescure, Néronde et Marseille, Saint-Louis. Ces 17 fondations avaient été préparées sous le T.R.F. François et conséquemment appartenaient à son gouvernement.
[65] Nous avons dit que le vénéré Fondateur avait fondé 53 maisons y compris l'Hermitage et la Grange-Payre, qu'il en avait fermé 4 et suspendu Vanosc et qu'il en restait 48 à sa mort. Pendant les 20 années de son généralat, le T.R.F. François avait fondé 331 maisons y compris celles qui existaient dans le Midi, lors des réunions avec les Frères de Saint-Paul et de Viviers. Il en avait fermé 12 de ses fondations en exercices, ce qui, avec les 48 qui existaient à la mort du pieux Fondateur, portait le nombre de nos établissements à 379 à la fin de la présente année, y compris les noviciats.
[66] 1.385 Frères étaient employés dans les écoles ou les pensionnats, 60 dans les maisons de noviciat, soit 1.445 sujets employés. Dans ce nombre n'étaient pas compris les vieillards, les malades, les étudiants, les novices et les postulants résidants dans les divers noviciats.
Mélanges
[67] Après les retraites, le T.R.F. François se retira à l'Hermitage, objet de ses affections, qu'il dirigea pendant quelques années. Il se déchargea ensuite de tout et ne s'occupa qu'à prier et à méditer, à édifier tous les Frères par ses nombreuses et éminentes vertus, auprès du tombeau du vénéré Fondateur.
[68] Il existait une congrégation d'hommes, dite de l'Immaculée Conception, à Soissons. Voyant qu'elle végétait, Mgr. l'évêque proposa à nos supérieurs de se l'annexer. Ceux-ci y virent de grandes difficultés et refusèrent cette annexion.
[69] Dans le courant de cette même année, les 5 noviciats revêtirent 264 postulants de l'habit religieux. Il y eut de non-valeurs. S'il n'y en avait jamais eu, ç'aurait été un mauvais signe, le triage ne pouvant pas se faire complètement pendant le noviciat. Si l'Institut gardait tous ceux qui revêtent l'habit et n'éprouvait les vocations que pendant le séjour au noviciat, il irait infailliblement à sa ruine. Nous faisons cette remarque en passant et une fois pour toutes.
Nos défunts
[70] Dans le cours de cette année, 20 défunts dont un postulant, allèrent rejoindre leur Fondateur et leurs Frères aux pieds de la Souveraine de l'Institut. Voici leurs noms : Frères Agilée, Isidore, Emilien, Sérapion, Adventeur, Eold, Hadelin, Firmin, Martius, André-Corsini, Marin, Pie, Jean-Silas, Osvinus, François d'Assise, Autal, Artème, Bénen, Vaast et Marse Ferdinand, postulant.
[71] Le F. Isidore était un sujet d'avenir. Une cruelle maladie le fit souffrir beaucoup. Quelques instants avant sa mort, il voulut voir ses élèves et les Frères de la maison pour leur dire le bonheur qu'il goûtait en mourant religieux. Il excita fortement les premiers à l'imiter et les seconds à persévérer dans leur sainte vocation.
[72] Le F. Martius, ancien élève du C.F. Euthyme à Saint-Ambroix, eût été un brillant sujet pour l'Institut. Il y était entré par conviction à 16 ans contre les répugnances de la nature : "Je suis venu, disait-il, et je resterai bon gré mal gré, parce que Dieu le veut." Il avait pour devise qu'il faut tout bien faire et que, quelque soit l'emploi dont on est chargé, il faut s'y dévouer tout entier et ne rien négliger pour le bien remplir. Le ciel le convoita vite et nous le prit à 24 ans.
Situation financière
[73] Pendant les années 1857, 58, 59 et 60 le F. procureur g[éné]ral avait reçu 33.974 fr. pour les primes, 287.306 fr. pour le vestiaire des Frères, 293.912 fr. pour la caisse commune, 170.320 fr. des novices et postulants de la maison-mère, 15.989 fr. des dons et 113.550 fr. de divers emprunts, soit 899.047 fr.
[74] Parmi ses dépenses nous relevons 227.412 fr. pour le vestiaire des Frères, 249.802 fr. pour les immeubles et 131.961 fr. pour les remboursements, soit 609.175 fr. Nous ne parlons pas des dépenses courantes, elles étaient allées naturellement en augmentant comme le personnel de la maison-mère.
[75] Dans son inventaire final pour l'année 1860, l'actif figurait pour 75.607 fr. et le passif pour 74.719 fr. L'actif net n'était donc que de 888 fr., dans une maison aussi considérable, on pouvait le considérer comme nul.
Aménagements à la maison-mère
[76] Après les deux retraites de Saint-Genis-Laval, le R.F. Louis-Marie fit organiser la grande salle du pavillon sud-est dans laquelle s'étaient tenues les séances du Chapitre général qui lui avait confié les destinées de l'Institut. Il la fit diviser en 3 pièces et un petit vestibule et il s'y logea. Cette division existe encore en 1890.
[77] Pour avoir le C.F. Jean-Baptiste près de lui, il le décida à se placer dans celle des trois pièces qui est à l'est. On y arrivait par un couloir pris dans la chambre qu'avait habitée le R.F. François. Le reste de cette chambre et celle du n 2 furent consacrés au secrétariat. Le C.F. Jean-Baptiste trouva bientôt le moyen de retourner dans sa grande chambre du château.
Fr. Euthyme, réputé savant
[78] Cependant, le C.F. Euthyme qui avait dirigé la maison de Saint-Ambroix pendant 17 ans, fut nommé secrétaire général. Un fait que nous avons rapporté dans les annales de la maison d'Aubenas, mais que nous tenons à répéter ici, avait mis ce Frère en relief l'année précédente.
[79] Son ami, M. de Malbosc, savant géologue, avait donné sa riche collection, non classée, au département de l'Ardèche. Il avait désigné le C.F. Euthyme à M. Levert, alors préfet, comme étant seul capable de classer cette collection. M. le préfet l'avait obtenu, d'autant plus facilement, que le Conseil g[éné]ral223 votait 2.000 fr. pour le noviciat de La Bégude, depuis plusieurs années.
[80] Le C.F. passa donc 4 mois à Paris, logeant et vivant à l'hôtel, aux frais du département. Le préfet allait souvent s'entretenir avec lui pendant son travail.
[81] Le C. Frère en profita pour lui démontrer la fausseté d'un rapport malveillant que l'Inspecteur d'académie venait de faire au Conseil g[éné]ral, contre plusieurs de nos écoles, bien qu'elles n'eussent pas été inspectées depuis 4 ans. L'Inspecteur s'aplatit devant le C. Frère et le pria de ne pas ébruiter la chose.
[82] Le classement de la collection étant terminé, le C. Frère reçut des remerciements du Conseil g[éné]ral224 rédigés en ces termes : "Le Conseil vote des remerciements au modeste savant géologue, le F. Euthyme, de la Congrégation de La Bégude, au zèle désintéressé duquel le département doit le classement de la collection Malbosc et il invite son président à adresser à cet homme distingué l'expression de sa reconnaissance pour les soins qu'il a bien voulu apporter au classement des objets qui composent cette précieuse collection."
Les Frères dans leurs fonctions
[83] F. Abrosime continua ses fonctions de procureur g[éné]ral, le F. Narcisse, celle de sacristain et le F. Jean-Claude, celle de chef linger que lui avait donné le pieux Fondateur en 1838 et qu'il remplit encore en 1890. Le F. Hippolyte resta chargé de la taillerie, le F. Benoît de la librairie et le F. Adelfer de la cordonnerie. F. Léonard, son devancier, retourna ensuite dans le monde où il vit encore dans la misère.
[84] Nous avons dit que le R.P. Matricon et surtout le C.F. Louis-Marie avaient collaborés aux circulaires du T.R.F. François. Placé à la tête de l'Institut, le nouveau Supérieur écrivit seul ses circulaires. Elles furent savantes, instructives et souvent très longues. Plusieurs Congrégations de femmes et un bon nombre d'ecclésiastiques voulurent les lire, les méditer, s'en édifier et y prendre même les sujets de leurs instructions.
[85] Sa première circulaire termina l'année 1860. Elle excita puissamment les Frères à la régularité. Elle assigna ensuite à chaque Assistant la Province qu'il aurait à diriger. Ne voulant pas encore partager nettement celle du Centre, le Révérend maintint les deux sections de Saint-Genis et de l'Hermitage, créées l'année précédente pour les Visiteurs.
[86] Le C.F. Jean-Baptiste fut chargé de la section provinciale de Saint-Genis; le C.F. Pascal des deux Provinces réunies de Saint-Paul et de La Bégude, le C.F. Théophane de la Province du Nord comprenant la section d'Hautefort, la Belgique et les îles britanniques et le C.F. Philogone de la section de l'Hermitage. Quand au C.F. Chrysogone, il resta chargé du noviciat de la maison-mère pendant un ans.
[87] La circulaire ajoutait : "Pour nous conformer aux dispositions du chapitre XI des Constitutions, 1re partie, concernant l'administration du temporel et pour que les Frères directeurs soient moins dérangés dans la direction générale des Frères, des élèves et des classes, après avoir pris l'avis du Régime, nous avons arrêté qu'il y aurait un Frère économe dans nos principaux pensionnats."
[88] Dans son grand zèle, le nouveau Révérend terminait sa circulaire par un règlement renfermant 18 articles à l'usage des Frères Visiteurs. C'était une seconde Règle ajoutée à la première, déjà très détaillée. Les Frères Visiteurs peuvent lire ces 18 articles dans la dite circulaire.
Epis oublies
Ayant écrit les Annales de l'Institut de 1775 à la fin de 1860, ayant moissonné les faits remarquables du gouvernement du pieux Fondateur et de celui de son successeur, ayant dessiné la situation lors de la démission de celui-ci et de l'avènement de son remplaçant, nous sentons le besoin de poser ici un point d'arrêt pour jeter un coup d'œil sur le passé et y glaner quelques épis oubliés.
1 — Parmi nos condisciples au noviciat en 1838 se trouvait un nommé Mercier. Un matin, au lever, il roula dans l'escalier étroit de la maison. On en avertit le P. Champagnat, ajoutant qu'il ne s'était pas fait mal. Le bon Père dit en riant : "Eh bien! nous l'appellerons F. Barulas." Le postulant susdit reçut ce nom, mais il retourna bientôt baruler dans son pays.
2 — F. Etienne qui avait fait une grande partie de ses études, fut le premier directeur de Chavanay. Il fut ensuite aide du F. Bonaventure au noviciat. Sa modestie était telle qu'elle le rendait pénible à ses auditeurs dans ses catéchismes. Le noviciat comptait un nommé Barrot qui avait étudié aussi. F. Etienne lui demandait souvent si ses explications étaient bien orthodoxes. Le postulant dont les idées étaient souvent dans les brouillards, répondait d'une façon plus ou moins vague. Il en résultait un dialogue qui amusait parfois beaucoup les auditeurs au détriment du respect dû au catéchisme.
3 — La trop grande naïveté du postulant Barrot égayait quelques fois les autres, pendant les récréations et les portait à le gasconner. Il leur dit un jour avec aplomb : "Sachez que j'ai le pouvoir de faire de l'eau bénite et vous n'oserez plus vous moquer de moi." Cette phrase ne tomba pas par terre.
4 — En sortant du noviciat, nous fûmes placé à Pélussin pour la petite classe sous la direction du F. Pie. Celui-ci se moqua d'abord de notre inexpérience, de nos pratiques pieuses et les tourna en ridicule devant ses élèves. La maison avait des internes. Il nous en chargea aux études, les jeudis et les dimanches, pour courir la prétentaine ou écrire des lettres inutiles. Ses maladresses apprirent aux élèves que nous en savions plus que lui. Il avait la manie de garder les plus grands internes en récréation, avec les Frères, après souper, en hiver. Un soir, croyant se réhabiliter à leurs yeux, il se mit à nous taquiner et à nous tirailler pour prouver qu'il était le plus fort. Impatienté, nous le saisîmes et lui emboîtâmes le postérieur dans un seau d'eau. Les jeunes gens s'enfuirent au dortoir en riant. Cet imprudent ne désignait les directeurs de District que sous le nom de Grands-Boudras. Il nous succéda à Bougé 8 ans après, s'y compromit gravement et dut quitter l'Institut en 1848. Nous dûmes paraître dans le pays pendant quelques semaines pour empêcher la ruine de cette maison et les poursuites qui auraient certainement conduit ce malheureux aux galères.
5 — Vers 1845, le F. Joseph, surnommé Joselou, un des 8 qui étaient arrivés à Lavalla en 1822 était cuisinier des Pères Maristes à Valbenoîte. Il allait lui-même acheter ses provisions sur les marchés publics de Saint-Etienne, sa soutane crasseuse et relevée jusqu'au-dessus des genoux. Les femmes du marché l'appelaient à l'envie dès qu'il paraissait, tenant à lui vendre du beurre, du fromage, des œufs, des fruits, etc. Le F. Castule, cuisinier des Frères, allait parfois lui demander quelques objets. Il en recevait toujours cette réponse : "Gardera ce qu'aura, garderons ce qu'aurons!" Surpris un jour à lui prendre des œufs, F. Castule prit la fuite, passa lentement un bras du Furens sur une planche mobile et se mit à gambader dans un pré. Poursuivi par le F. Joseph qui voulait rattraper ses œufs, il repassa adroitement la même planche et la tira à lui. Le volé fut forcé d'implorer sa pitié et de lui abandonner les œufs.
6 — Nommé directeur ensuite, F. Castule habilla un âne d'une large crinoline et le promena ainsi dans les rues de l'endroit, à la suite de ses enfants marchant sur deux rangs et suivant lui-même la bête, armé d'une grande gaule. Les hommes riaient aux éclats, mais les femmes se cachèrent et les crinolines disparurent de la paroisse. Du reste, la litanie des farces du F. Castule serait longue. On peut les voir dans les annales de Saint-Martin-la-Plaine et de Saint-Georges-sur-Couzan225.
7 — Le F. Honoré dont nous avons déjà parlé, servait de goujat au F. Pierre qui l'appelait souvent : la grande vache de la Bardella et s'en accusait ensuite à la coulpe. Il demeura peu dans les établissements. Visitant un jour les Frères de Chavanay, il aperçut un abricotier chargé de fruits. C'était après dîner. Voyant qu'il en avait envie, les Frères lui permirent de les goûter. Pour en avoir le goût, il n'en mangea que 80 qu'il paya par une terrible indigestion.
8 — Nous avons déjà parlé du F. Spiridion en 1839. Voici un autre trait de lui. Il avait souvent les mots diasque et satrechien à la bouche, c'était ses jurons. Se confessant un jour au P. Besson, il s'accusa d'avoir scandalisé les petiots Frères. Le sachant ignorant, le Père lui demanda comment il les avait scandalisés : "Je leurs y racontions l'histoire de Saint-Antoine. - Quelle est cette histoire? - Vous la savi dont pas? - Non. - Eh ben! je va vous la ranconter, diasque! : un jor, Saint-Antoine y gardions ses cochons avec le diable. Pendant qu'ils causions, leurs cochons se méclèrent, satrechien! Alors le diable y dit à Saint-Antoine : Quoi que nous allons faire? V'là que nos chochons se sont mêclés. - Je connaissions les miennes, diasque! - Ils ont donc une marque les vôtres, satrechien! - Oui. - Alors, diasque! prenez tous ceux qu'ont cette marque! - Quoiqu'elle est cette marque? - Mes cochons ont tous un trou sous la queue, disaque! - Et Saint-Antoine il prit tous les cochons qu'avions un trou sous la queue, satrechien| et le diable n'en eut point, diasque!" Le P. Besson dut être bien édifié de cette histoire saugrenue.
9 — Au temps du pieux Fondateur et même après lui, les Frères ne jouaient pas aux boules durant les jours de grandes fêtes, par respect pour ces solennités, ni le jour des Morts, par une sorte de deuil. Du reste, les jeux les plus pratiqués alors étaient celui de boules, celui de barre et celui de la paume. En hiver, après souper, on jouait aux dominos, au jeu de l'oie et au jeu de la couverture. Celui-ci prêtait à des farces indignes des religieux. Nous en fûmes scandalisés une fois n'étant encore qu'élève dans notre paroisse natale.
10 — Au reste, la manie des farces était alors fort en vogue. On en faisait de toutes les couleurs aux Frères candides surtout aux jeunes, aux débutants. Les inférieurs en faisaient aussi parfois à leurs directeurs. Ainsi le gros F. Emile fit croire à son directeur que le coffret au sel était plein de vers. Le brave homme courut s'en assurer.
11 — Les seconds d'un directeur trop exigeant mirent un soir un énorme fromage frais dans son lit. On devine ce qui arriva au coucher.
12 — Ce même directeur condamna son petit cuisinier à travailler au jardin toute une journée. Il s'arrangea avec son second pour faire un dîner qu'ils mangèrent tous deux. Ramassant ensuite une croûte dans la cour, il dit à un élève : "Tiens! porte cela à ce Frère qui travaille là-bas." L'élève en fut révolté et perdit l'idée qu'il avait eue d'entrer au noviciat. Les farces avaient quelques fois un but utile. L'annaliste en fit deux de ce genre.
13 — Dînant un jour, en 1839, à Chavanay, il dut aller quelque part. Il trouva les cases mal propres. Il entra dans l'une des classes et écrit le quatrain suivant qu'il placarda dans l'une des cases :
Oh vous qui, dans ces lieux étroits,
Venez décharger vos entrailles,
Vous feriez mieux de vous lécher les doigts
Que de les frotter aux murailles.
Le bon F. Laurent, directeur, fut très ennuyé de ce quatrain. Il joua vainement des pieds et de la langue pour en découvrir l'auteur.
14 — Directeur à Bougé, le même fit échouer une fête baladoire. Il n'y en avait jamais eu dans la paroisse. Un jeune dévergondé en décida d'autres à en établir une et il obtint l'autorisation du maire. Le bon curé en était très contrarié. L'annaliste dicta le contre-ordre suivant à 5 de ses élèves les plus discrets : "Pour une raison imprévue, la vogue de Bougé est renvoyée à plus tard. Une affiche ultérieure en fixera le jour." Les élèves susdits allèrent afficher une copie de ce contre-ordre à la porte de toutes les églises des environs, avant l'aube du jour indiqué. La vogue n'eut pas lieu : quelques vieux et quelques vieilles du pays dansèrent seuls. Le bon curé fut ravi de l'échec. Le maire et les habitants connurent l'auteur du contre-ordre, mais ils ne jugèrent pas à propos de l'inquiéter. Il ne serait pas prudent de faire cela aujourd'hui...
15 — Pendant les vacances de 1838, avant de donner le sujet de méditation un samedi soir, le P. Besson reprocha vivement aux Frères de faire trop de bruit pendant les récréations et de marcher trop pesamment dans les corridors. Le pieux Fondateur le fit ensuite appeler dans sa chambre et lui donna une verte réprimande : "Ces Frères qui vous ennuient, lui dit-il, gagnent leur pain et le nôtre ; ne l'oubliez pas." Le P. Besson se le tint pour dit.
16 — Comme on le voit, l'usage de donner et d'expliquer le sujet de méditation les dimanches et les grandes fêtes, fut établi dès l'origine. Le P. Champagnat et chacun des aumôniers le donnaient à tour de rôle. On aimait entendre celui-là. Les aumôniers continuent cet usage, mais la plupart donnent une instruction plus ou moins préparée et ne se prêtant guère à la méditation, d'ailleurs ils n'en laissent pas le temps.
17 — Jadis, le P. Sautel, né dans la Haute Ardèche dont il avait fortement l'accent, fut bien embarrassé un dimanche matin. Visitant ensuite les Frères de Millery, il leur raconta son embarras en ces termes : "J'avais terminé et je ne savais plus que dire, mais le malheureux F. Abel trouvait que ce n'était pas l'heure et ne se mettait pas à genoux pour finir. Une bonne idée me vint et je la saisis avec bonheur, ce fut de répéter tout mon premier point!..."
18 — A l'origine, le vénéré Père chantait lui-même l'oremus après le Salve Regina du matin, mais le F. Bonaventure le chantait en l'absence du bon Père lequel autorisait ainsi ce chant par un Frère.
19 — Aux funérailles des profès, on chantait aussi cette antienne à la fin de l'absoute. Après ces mots : exilium ostende, 2 Frères en surplis, à genoux aux pieds du catafalque, chantaient les versets suivants : "Salve, Virgo singularis, porta coeli, stella maris, ex te lapis angularis jungens Deum hominis. Le choeur : O clemens! Les 2 Frères : Salve, Sancta Virga Iesse, te laudare est necesse : universis vis prodesse, tu respici omnia. Le choeur : O pia! Les 2 Frères : Salve, rubus visionis, sanctum vellus Gedeonis; tu es thronus Salomonis plenus sapientia. Le choeur : O dulcis Virgo Maria. Les 2 Frères : Ora pro nobis et pro defunctis, sancta Dei Genitrix. Le choeur : "Ut digni, etc. Le célébrant chantait ensuite l'oremus : famulorum tuorum, etc.
20 — Ce bon usage cessa lors du transfert de la maison-mère à Saint-Genis-Laval. Nous exprimons ici le désir qu'il soit repris, ne connaissant rien qui s'y oppose. Nous avons copié les versets ci-dessus, parce qu'ils ont disparu de nos livres actuels de chant, mais on peut les trouver dans les livres lyonnais.
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