Conclusion.
Les Lumières correspondent à un phénomène historique, intellectuel, culturel qui a marqué le continent européen et dans lequel la France a pris une part importante. Les idéaux des Lumières, avant d’exploser en 1789, s’expriment d’abord dans le champ littéraire. Une grande diversité de genres se déploie dans les salons, académies, clubs, journaux, lettres… À partir de 1750, c’est sur un mode plus engagé que se jouera la fiction romanesque. Voltaire caractérise ce nouveau mouvement, avec Marivaux et Montesquieu notamment. Mais des auteurs au style marqué s’imposent aussi : Perrault, Fénelon, Fontenelle, Crébillon fils, Prévost, Saint-Simon et Vauvenargues, par exemple.La période des Lumières naissantes cherche sa poésie, inaugure le roman moderne, développe comme jamais la littérature d’idées, et trouve son théâtre. Rarement société s’est à ce point tournée vers sa propre représentation : l’écriture théâtrale envahit les autres genres, animant le poème, actualisant le récit, faisant dialoguer les idées. L’activité littéraire romanesque est débordée par l’histoire qui s’écrit. Les styles sont souvent mêlés et correspondent à la confusion des genres qui éclate au XVIIIe siècle : « histoires », « lettres », « voyages », « aventures », « contes » et autres « Mémoires » contribuent à installer le roman. Romans baroque, réaliste, épistolaire, merveilleux, libertin sont en résonance avec l’esprit du siècle, jusqu’à l’avènement d’une littérature
Montesquieu est à l’avant-garde du mouvement. Noble bordelais, fils de magistrat, grand propriétaire terrien, conseiller au Parlement de Bordeaux, il représente l’idéal d’une aristocratie éclairée. Son ouverture d’esprit s’exprime lorsqu’il épouse une riche héritière de confession protestante alors que sa famille est catholique. Grand érudit, défenseur de la liberté d’expression, soucieux d’établir des lois justes au service de tous, Montesquieu est un homme de son temps qui ouvre la voie aux philosophes français. En dénonçant le despotisme et le fanatisme, il présente des alternatives à la monarchie absolue dont il souligne les limites et les injustices.
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, tout ouvrage doit obtenir le privilège royal pour être publié. L’Église peut mettre à l’index certaines œuvres qui nuisent à la doctrine catholique. Ces interdictions entrainent la circulation d’œuvres clandestines et la publication anonyme ou depuis l’étranger. Nombreux sont les écrivains qui mettent en place d’inventives stratégies pour échapper à cette censure. Montesquieu fait publier les Lettres Persanes anonymement et à Amsterdam. En outre, il défend l’authenticité de ses lettres et nie les avoir écrites et inventées se présentant comme simple traducteur d’une correspondance que des amis persans lui ont confiée: « Les Persans qui écrivent ici étaient logés avec moi ; nous passions notre vie ensemble. Comme ils me regardaient comme un homme d’un autre monde, ils ne me cachaient rien. En effet, des gens transplantés de si loin ne pouvaient plus avoir de secrets. Ils me communiquaient la plupart de leurs lettres ; je les copiai.»
L’œuvre de Montesquieu s’inscrit dans la mode artistique orientaliste, très en vogue en ce début de siècle. Les Lettres persanes prolongent le succès des Mille et une nuits traduits par Antoine Galland. L’imaginaire des lecteurs se nourrit de fantasmes: l’univers clos du sérail siège d’Eros (l’amour) et Thanatos (la mort), la beauté et sensualité des femmes d’Orient, la valorisation des plaisirs de la chair, l’exotisme des paysages sont autant de clichés qui séduisent le public. La littérature n’est pas le seul art à s’emparer de ces représentations: l’orientalisme transparaît aussi dans la peinture (Liotard, Boucher, Van Loo), la musique (Rameau, Mozart), la décoration intérieure ou les thèmes des bals à la Cour. Le succès des Lettres persanes s’explique donc en partie par cette fascination des contemporains pour l’Orient.
Do'stlaringiz bilan baham: |