Il est donc important d’essayer de chercher des solutions qui
fonctionneraient plus comme notre cerveau humain, c’est-à-dire en utilisant
beaucoup moins d’énergie. Pour vous donner une idée, DeepMind consomme
plus de 440 000 watts par heure juste pour jouer au go,
alors que notre
cerveau fonctionne avec seulement 20 watts par heure et peut effectuer bien
d’autres tâches… La réalité est que les méthodes et algorithmes utilisés en IA
sont très différents des raisonnements effectués par les humains, qui utilisent
une quantité infime d’énergie et de données. À l’avenir, au lieu de continuer
dans la voie du big data, il faudrait se tourner vers le small data, qui
consommerait beaucoup moins d’énergie. Nous ne savons pas encore
comment, mais, grâce à la multimodalité et à la diversité des sources, je suis
persuadé que nous ferons d’énormes progrès dans les années qui viennent.
Avec le small data, il va falloir modifier les algorithmes, changer de méthodes
et de stratégies, tout en obtenant des résultats similaires.
Il y a beaucoup de
recherches et de travail à faire pour y arriver, ce n’est pas très à la mode
aujourd’hui, parce que les méthodes basées sur le big data marchent bien et
permettent d’avoir des résultats impressionnants,
mais cette solution de
facilité va bientôt montrer ses limites. Le cloud IoT que j’ai développé pour
Samsung pourrait faciliter l’implémentation du small data et, comme je l’ai
dit, ouvrir l’ère de l’
Intelligence of Things
. Dans la mesure où on connecte
des objets élémentaires qui utilisent chacun le volume d’énergie suffisant à
leurs tâches, les services rendus provenant de l’interopérabilité et de la
collaboration entre ces objets ne nécessitent aucune énergie supplémentaire.
Par exemple, une lampe qui n’utilise que 12 watts pour éclairer une pièce et
se met à clignoter quand je reçois un mail, a
toujours une consommation de
12 watts, mais sa nouvelle fonction, augmentée par le service de mail, a été
rajoutée pour un coût énergétique minimal.
Aujourd’hui, quand on marche dans la rue, on est percuté en permanence
par des gens scotchés à leur téléphone,
qui ne nous regardent pas, et qui, la
plupart du temps, ne s’excusent même pas. Le but n’est pas que nous soyons
esclaves de la technologie ou que nous vivions notre vie sur des réseaux
pseudo sociaux en ne prêtant même plus attention à celles et ceux qui nous
entourent. J’aspire à une technologie qui nous aidera dans nos activités
quotidiennes et nous permettra de faire le contraire de ce que font beaucoup
de personnes aujourd’hui quand elles sont retranchées dans « leur » univers.
J’aspire à un monde avec de meilleures interactions sociales et je porte l’idée
que l’intelligence augmentée va nous rapprocher ; nous permettre de
conserver et de renforcer notre sens critique, notre empathie, notre humanité,
tout ce qui fait la différence entre un humain et une machine. Car le but n’est
pas de recréer un homme, ce qui, de toutes façons,
est impossible, mais de
renforcer ses capacités. Dans les soixante dernières années, les technologies
dérivées de l’IA nous ont apporté un plus grand confort de vie, ont favorisé la
croissance économique, et ont parfois même fait reculer les guerres, la famine
et les épidémies. Je pense également que nous trouverons des solutions pour
réduire son impact écologique qui est une réelle menace aujourd’hui.
L’intelligence artificielle n’existe pas, mais l’intelligence augmentée, elle,
est en marche. Je fais le pari qu’elle nous ouvrira, dans les années à venir, de
nouvelles perspectives, qui vont encore beaucoup nous surprendre, dans bien
des domaines.