une telle proposition aussi tôt, mais c’est l’une des différences majeures entre
la France et les États-Unis. En France, du moins à cette époque, tout était très
hiérarchisé et codifié. Au CNRS par exemple, vous passez de chercheur 1 à
chercheur 2, directeur 1 puis directeur 2 avant de finir directeur hors cadre,
chaque étape prenant environ cinq ans. Vous montez en grade en fonction de
votre ancienneté, il y a très peu d’évolution au mérite. C’est très compliqué et
rare de sortir du lot et de pouvoir créer quelque chose de nouveau comme
Jean Tirole, prix Nobel d’économie en 2014, a pu le faire avec son labo à
Toulouse parce que c’est quelqu’un de vraiment exceptionnel. Aux États-
Unis, au contraire, tout s’appuie sur le mérite. Les diplômes, presque tout le
monde s’en moque. On est embauché sur diplôme, mais ensuite, il faut
montrer ce qu’on a dans le ventre. Au SRI, je n’ai été chercheur que pendant
trois ans, avant que le CEme demande si je voulais avoir mon propre labo.
J’avais à peine plus de 30 ans et ça me donnait l’opportunité de passer à la
vitesse supérieure, mais il fallait quand même convaincre des employés en
interne de rejoindre l’équipe. J’ai demandé à Adam Cheyer, qui était arrivé au
SRI quelques mois avant moi et m’y avait accueilli, de codiriger CHIC avec
moi. Il a accepté et nous n’avons pas mis longtemps à réunir une dizaine de
chercheurs de différents labos pour vraiment commencer cette aventure. Le
budget de démarrage n’était que de 200 000 dollars, mais nous n’avions pas à
payer le personnel. Le
deal
était d’avoir cette enveloppe initiale pour un an
environ, le temps de trouver des clients. Le SRI était, après tout, une
entreprise privée comme les autres, il fallait créer des revenus pour se
financer. Comme on l’a vu, il vivait essentiellement sur des budgets
militaires. En tant que Français, je n’avais pas l’autorisation d’accéder aux
contrats financés par l’armée américaine. Nous avons donc été obligés de
trouver et de passer des contrats avec des partenaires à l’extérieur du SRI,
quelque chose que j’avais fait de façon artisanale quelques années auparavant
avec LuxTour, mais que je devais faire beaucoup plus professionnellement
ayant maintenant la responsabilité d’une équipe. Avec Adam, nous nous
sommes mis à diffuser les idées que nous avions pour CHIC, nous parlions de
visions que la plupart des gens ne comprenaient pas parce que c’était
nouveau, et pour les convaincre, on leur décrivait le futur sans savoir nous-
mêmes exactement comment ça allait marcher concrètement. De mon côté, je
savais que ça allait fonctionner, car ces visions qui me guidaient étaient
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