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PREMIERE ETAPE



De 1775 à 1816

Sommaire: Marlhes, naissance du vénéré P. Champagnat, sa famille, son enfance, ses études, ses condisciples, la pomme rouge, son ordination, son arrivée à Lavalla.


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Le village de Marlhes


[1] La commune de Marlhes, située dans le canton et à 10 km. de Saint-Genest-Malifaux, arrondissement de Saint-Etienne, est à environ 30 km. de l'Hermitage par les sentiers des montagnes.
[2] La paroisse était autrefois du diocèse du Puy, de l'archiprêtré de Monistrol, de l'élection de Saint-Etienne, de la justice de la Faye, Clavas, L'Hôpital du Temple, et de Saint-Sauveur; elle ressortissait du baillage de Bourg-Argental; l'évêque du Puy était collateur12 de la cure. La paroisse de Marlhes avait une seigneurie appartenant à l'ordre des Templiers; on sait que cet ordre célèbre fut détruit au milieu du XIVe siècle, par suite de l'exécution du grand-maître, Jacques de Moloy, et de 39 de ses chevaliers, ordonnée par le roi Philippe-le-Bel.
[3] Avec le bourg qui était peu important, la paroisse comprenait les hameaux du Coin, de la Faye et du Rozet13.
[4] Le hameau du Coin14 est devenu paroisse depuis une cinquantaine d'années. Les découvertes qu'on y a faites vers ce temps, prouveraient que la paroisse de Marlhes est très ancienne. On y trouva les restes d'un temple druidique dont la forme était parfaitement conservée. A travers ces ruines, on découvrit une sorte d'ossuaire dont les débris, en partie calcinées, permettaient encore de distinguer les divers âges des victimes.
[5] Le hameau de la Faye était le siège d'une seigneurie qui comprenait une partie de la paroisse de Marlhes et une partie de celle de Saint-Genest-Malifaux. L'étymologie toute druidique du nom de ce hameau, Faya, sa position très rapprochée du Coin où se trouvaient les ruines de temple susdit, n'indiquent-ils pas que ce pays fut habité dès le temps des Gaulois, que la seigneurie de la Faye remontait à une haute antiquité et que, par conséquent, la paroisse de Marlhes est très ancienne.
[6] L'église, sous l'invocation de Saint-Saturnin, vient d'être reconstruite sur un plan grandiose et digne d'une ville. Elle est du style gothique, à trois nefs avec une croix latine15. La crypte suffirait seule pour la population; on s'en sert cependant l'hiver. L'église supérieure, d'une superficie double, est très belle. Une fois achevé, l'édifice aura coûté 300.000 fr.
[7] Non loin du bourg, se trouvait placé sur une tertre une pierre dite des trois évêchés. La tradition raconte que les prélats des trois diocèses dont cette pierre triangulaire formait la limite, se réunissaient pour faire annuellement une collation, et que, tous les trois, étant assis autour de cette pierre, chacun d'eux se trouvait placé dans son diocèse: c'était l'archevêque de Lyon, les évêques du Puy et de Viviers.
[8] Le peu de fertilité du territoire communal qui ne produit pas de quoi nourrir ses 2800 habitants, a du moins contribué à leur conserver la foi et les pratiques religieuses de leurs ancêtres. En 1793, ces braves gens prirent peu de part aux folies et aux convulsions révolutionnaires. Ils restèrent relativement tranquilles et religieux. Les prêtres trouvèrent parmi eux de nombreux asiles où leur vie fut à peu près en sûreté et qui leur permirent de continuer leurs soins, sans de trop grands dangers, aux énergiques chrétiens de ces montagnes.
[9] Parmi les hameaux de la commune, nous avons compté celui du Rozet, situé à 15 minutes du bourg. Peu important par lui-même, ce hameau a été rendu célèbre dans nos annales par la naissance de notre vénéré Fondateur de notre Institut. Il est regrettable qu'une souscription n'ait pas été tentée auprès des bonnes âmes de toutes les communes dans lesquelles nos Frères sont établis, à l'effet d'acquérir, de restaurer et de conserver comme un précieux souvenir, la maison dans laquelle il vit le jour.

Les ascendants


[10] Son grand-père, Jean Champagnat, possédait cette maison. Nous ne savons en quelle année il naquit16, mais il était mort en 1775. Sa grand-mère, Marianne Ducros, mourut le 11 mars 1806, âgée de 75 ans.
[11] Son père, Jean-Baptiste Champagnat, naquit le 16 juillet 1755 et sa mère, Marie-Thérèse Chirat, en 1746. Ils reçurent la bénédiction nuptiale le 21 février 1775, des mains de l'abbé Buisson, vicaire. Le curé qui prenait le titre de prieur, était M. Boët de Lacombe. Nous tenons à reproduire l'acte de mariage des pieux époux, le voici:
[12] "L'an 1775 et le 21 février, ont reçu la bénédiction nuptiale, honnête Jean-Baptiste Champagnat, marchand, habitant du lieu du Rozay, paroisse de Marlhes, fils légitime de défunt Jean Champagnat et de vivante Marianne Ducros, habitante du susdit lieu; d'une part, ledit époux soussigné;

Et honnête Marie-Thérèse Chirat, fille légitime de Charles Chirat, aussi marchand, habitant au lieu de Malcognière, paroisse de Marlhes et de défunte Catherine Pollet, d'autre part.


[13] Les dites parties ayant été duement publiés deux fois, sans qu'il ait paru aucun empêchement et ayant dispense de la 3e publication, ainsi qu'il conste par le castel signé par M. S. de Labrosse, vicaire général, duement informé.
[14] Présents à ce, Charles Chirat, Marcellin Chirat, père et fils, ainsi que Maurice Fraicinès et Louis Riviers qui ont déclaré ne savoir signer, de ce enquis."

Le père


[15] Jean-Baptiste Champagnat avait une grande réputation, un jugement incomplet, un caractère faible et une instruction assez avancée pour son temps. Il était très estimé de ses concitoyens qui acceptaient facilement ses décisions dans tous leurs différents. Habile expert, il était appelé dans les partages et arrangeait si bien toutes choses que dame chicane n'y trouvait pas son compte. A ce noble emploi, il joignait celui de marchand, de cultivateur, et, lorsque le temps était favorable, il exploitait un de ces petits moulins que dans le pays on appelait: Ecoute s'il pleut, ce qui veut dire que la roue et la meule étaient souvent en repos, faute d'eau.
[16] Marie, une de ses soeurs, fut mariée à un nommé Chirat de Saint-Sauveur, dont les trois filles furent mariées à MM. Courbon, Pérachon et Roux. La famille Roux, une des plus riches de Saint-Sauveur, comptait trois fils prêtres dont deux sont morts. Le dernier est présentement curé de Saint-Denis-sur-Coise.
[17] Deux autres soeurs de Jean-Baptiste furent religieuses de Saint-Joseph, à Marlhes même. L'une, dont nous ignorons le nom en religion, donna un petit bois de pins à son couvent. Ce bois est encore appelé: pinée Champagnat par les habitants. Elle mourrut, croyons-nous, en 1798, à Vernaison. L'autre, nommée soeur Thérèse, se retira chez son frère en 1791. Nous en parlerons encore dans ce récit.

La mère


[18] Marie-Thérèse Chirat, épouse de Jean-Baptiste Champagnat, était une descendante de la femme forte dont parle l'Ecriture. Ferme, active, amie de l'ordre et de la vie retirée, très pieuse, grandement dévouée à la Sainte Vierge, elle donnait tout son temps aux exercices d'une piété vraie, à son ménage et à l'éducation de ses enfants.

Frères et soeurs: actes de naissance


[19] Les regitres de la paroisse constatent que les époux Champagnat eurent 5 fils et 5 filles dont nous tenons à donner les actes de baptême:
[20] 1 L'an 1775 et le 11 décembre, est née et baptisée Marie-Anne Champagnat, fille légitime à Jean-Baptiste Champagnat, laboureur, et à Marie-Thérèse Chirat, mariés, du Rozey. Parrain, honnête Charles Chirat, aïeul soussigné; marraine, honnête Marianne Bonnefoy, illétrée. Enquis, Chirat, Boët de Lacombe, prieur curé.
[21] 2 L'an 1777 et le 12e de mars, est né et baptisé Jean-Barthélemy Champagnat, fils légitime à Jean-Baptiste Champagnat, laboureur, et à Marie-Thérèse Chirat du Rozey. Parrain, Barthélemy Chirat, oncle; marraine, Madeleine Champagnat, tante, soussignés. Chirat, Champagnat, Boët de Lacombe, prieur curé.
[22] 3 L'an 1779 et le 20e de février est née et baptisée Anne-Marie Champagnat, fille légitime à Jean-Baptiste Champagnat, laboureur, et à Marie-Thérèse Chirat, du Rozey. Parrain, honnête Charles Chirat, germain, soussigné; marraine, Anne-Marie Vachier, tante par alliance, illétrée. Enquis, Chirat, Lacombe, p. c.
[23] 4 L'an 1780 et le 11e de septembre, est né et baptisé Jean-Baptiste Champagnat, fils légitime au autre Jean-Baptiste Champagnat, laboureur, et à Marie-Thérèse Chirat, du Rosey. Parrain, Jean-Baptiste Ducros, grand-oncle; marraine, Marguerite Chirat, tante, soussignés. Ducros, Marguerite Chirat, Frappa, Barallon, Lacombe, p. c.
[24] 5 L'an 1782 et le 20e de février, est née et a été baptisée Marguerite-Rose Champagnat, fille légitime à Jean-Baptiste Champagnat, laboureur, au lieu du Rozey, paroisse de Marlhes, et à honnête Marie-Thérèse Chirat. Parrain, Jean-Pierre Ducros, cousin-germain dudit Champagnat, du lieu de la Rouchouse, paroisse de Jonzieux; marraine, honnête Marguerite-Rose Courbon, sa tante par alliance, du lieu de Malcognière. Présents: Jean Barallon, du bourg de Marlhes, signé avec le parrain et la marraine: Ducros, Courbon, Chirat, Courbon, Barallon, Allirot, prieur curé.
[25] 6 L'an 1784 et le 1er d'août, est née et a été baptisée Marguerite-Rose Champagnat, 2e du nom, fille légitime à Jean-Baptiste, lab[oureur], dudit lieu du Rozey, paroisse de Marlhes, et à Marie-Thérèse Chirat. Parrain, Pierre Ducros, oncle paternel dudit père; marraine, Marguerite Chirat, sa tante maternelle: Ducros, Allirot, p. c.
[26] 7 L'an 1786 et le 25e de juillet, est née et a été baptisée Anne-Marie Champagnat, 2e du nom, fille légitime à Jean-Baptiste, habitant du lieu du Rozey, paroisse de Marlhes, et à Marie-Thérèse Chirat de Malcognière. Parrain, Jean-Barthélemy, frère de la baptisée; marraine, Marianne Champagnat, soeur de la baptisée; ils ont déclaré ne savoir signer. Laurens, vicaire.
[27] 8 L'an 1787, et le 26 décembre, est né et a été baptisé Jean-Pierre, fils à Jean-Baptiste Champagnat, et à Marie-Thérèse Chirat, mariés au lieu du Rozey, paroisse de Marlhes. Parrain, Jean-Pierre Ducros, signé; marraine, Marianne Champagnat, sa soeur, illettrée. Ducros, Laurens, vicaire.
[28] 9 L'an 1789 et le 20º de mai, est né et a été baptisé, le lendemain, Marcellin-Joseph-Benoît-Champagnat, fils légitime à Jean-Baptiste Champagnat, laboureur, au Rozey, paroisse de Marlhes et à Marie-Thérèse Chirat. Son parrain, Marcellin Chirat, son oncle, et sa marraine, honnête Marguerite Chatelard, sa cousine par alliance. Chirat, Chatelard, Allirot, prieur curé.
[29] 10 L'an 1790, et le 27 d'octobre, est né et a été baptisé Joseph-Benoît, fils légitime à Jean-Baptiste Champagnat et à Marie-Thérèse Chirat, du Rozey, paroisse de Marlhes. Parrain, Jean-Baptiste Champagnat, son frère; marraine, Anne-Marie Champagnat, sa soeur. Ils ont déclaré ne savoir signer. Laurens, vicaire.
[30] Il ressort de ces actes que M. Allirot était déjà prieur curé de Marlhes en 1782. C'est lui qui fit faire la première communion au pieux Fondateur en 1800, qui exigea deux de ses premiers Frères pour son école en 1818, qui se les vit retirer en 1821, et mourut vers 1830, avant leur retour.

Frères et sœurs: leur avenir


[31] Des 10 enfants des époux Champagnat, 4: Jean-Baptiste, Marguerite-Rose, 2e du nom, Anne-Marie, (filleule de Marianne17) et Joseph-Benoît moururent avant 1804. C'est probablement ce qui a porté le C.F. Jean-Baptiste à n'en faire aucune mention dans la vie du pieux Fondateur. Il eut pourtant mieux fait de ne pas affirmer que M. Champagnat eut 6 enfants et que le pieux Fondateur fut le 6e.
[32] Marianne épousa M. Arnaud, ancien séminariste et institeur à Saint-Sauveur. Philippe Arnaud, l'un de ses enfants, prenait des leçons de latin chez son oncle à Lavalla, avec le futur P. Matricon, en 1821, et apprenait aux Frères Hilarion et Paul à lire les manuscrits. Il laissa ensuite le latin, se fit menuisier, vint rejoindre son oncle à l'Hermitage en 1828, lui rendit de grands services et épousa une fille Patouillard en 1833. Il était encore vigoureux à Izieux en 1885 malgré ses 80 ans. Sa mère mourut en 1817. Une des filles de celle-ci épousa un tailleur, nommé Seu, (Seux) et devint mère des Frères Théonos (Théonas) et Tarsisse (Tharcise) encore vivants. Celui-ci est en Océanie et celui-là dans la province de Saint-Genis.
[33] Jean-Barthélemy resta cultivateur et habita la maison paternelle. Il eut 8 enfants parmi lesquels le F. Régis qui fut directeur à Tarantaise et l'ex-Frère Théodoret. Celui-ci fut dérouté par un oncle sous prétexte de soulager sa mère. Il mourut à la suite d'un accident en 1849, après avoir reçu les derniers sacrements. C'est à Jean-Barthélemy que le pieux Fondateur prêta 500 fr. qu'il envoya ensuite réclamer au Rozey par Philippe Arnaud. Il les avait empruntés pour son frère Jean-Pierre dont les affaires n'étaient pas brillantes. Les siennes ne brillèrent guère non plus, car il fut obligé de vendre la maison paternelle à M. Courbon qui se chargea des dettes laissées par Jean-Baptiste Champagnat, père. Jean-Barthélemy mourut en 1838.
[34] Anne-Marie Champagnat épousa M. Lachal et lui donna 3 enfants. Marguerite-Rose Champagnat épousa M. Chénet et devint mère de l'ex-Fère Straton, le trop petit savant qui nous a quittés. Jean-Pierre Champagnat épousa une femme qui ne le rendit pas heureux. Il en eut 6 enfants, dont 3, Jean, Marie et Barthélemy moururent à l'Hermitage et y furent inhumés en 1834. Un 4e, Marcellin, y mourut aussi et y fut enterré en 1837. Jean-Pierre, leur père, y était mort lui-même et y avait été inhumé en 1833. Deux de ses filles allèrent à Belley pour y être religieuses, croyons-nous. L'une y mourut et l'autre fut rappelée à Marlhes par sa mère. Elle vit encore à Firminy avec son mari et une nombreuse famille. Le nom Champagnat n'est plus porté par personne. Tous les autres Champagnat sont entrés dans leur éternité.
[35] La famille Courbon possède toujours la maison paternelle ainsi que les moulins qui en faisaient partie: l'un est attenant à la maison et l'autre est à quelques 50 mètres dans la prairie.

Le père sous la Révolution


[36] Nous rétrogradons pour compléter les renseignements que nous ont fourni plusieurs vieillards sur les 14 dernières années de M. Jean-Baptiste Champagnat. Nous avons déjà dit ce qu'il était lors de son mariage en 1875. Il fut ensuite recteur des pénitents de Marlhes, mais l'avènement de la révolution lui fut fatale. Il n'était point méchant disent nos vieillards d'après leurs parents, mais son caractère faible lui fit commettre quelques actes répréhensibles. Lors de division de la France en départements, en districts et en cantons, l'an 1790, Marlhes fit partie du département de la Loire, du district de Saint-Etienne et devint chef-lieu de canton. Connaissant la grande influence dont Jean-Baptiste Champagnat jouissait auprès de ses concitoyens, les meneurs révolutionnaires le cajolèrent. Soit qu'il ne comprit pas la gravité des événements qui allaient s'accomplir, soit qu'il espérât en atténuer la portée par son influence personnelle, il se laissa glisser sur la pente fatale. Il y fut poussé par son cousin-germain Jean-Pierre Ducros, habitant le hameau de Rouchouse, commune de Jonzieux, qui était profondément pervers, républicain exalté, et par le citoyen Trillard, ancien élève des Jésuites de Tournon, ardent révolutionnaire et secrétaire de la municipalité.
[37] Les chefs du parti démagogue le nommèrent juge-de-paix en 1793, et le chargèrent de traquer les prêtres insermentés, les religieux et honnêtes gens. Il paraît qu'il [y] mettait peu de zèle, car il fut accusé de favoriser ceux qu'il devait poursuivre. En effet, sa soeur religieuse s'était retirée chez lui et il tolérait qu'elle assistât nuitamment, ainsi que son épouse, à la messe d'un prêtre caché dans un hameau. De plus, il empêcha les sans-culottes de Saint-Etienne de démolir l'église de Saint-Genest en les faisant gorger de vin. Il fut dénoncé et la lettre suivante qui a été copiée sur les régistres municipaux de Jonzieux, fut adressée au citoyen Ducros, son cousin-germain et l'un des chefs du parti:

Avec son cousin Ducros


[38] "Le 11 octobre 1793, Benoît Pignon, commissaire des représentants du peuple, dans toute l'étendue du district de Saint-Etienne, considérant que le citoyen Champagnac18, délégué, dit-il, par notre frère Beraud, pour faire séquestrer les biens des scélérats dans toute l'étendue du canton de Marlhes, ne donne pas aux ordres qui lui ont été confiés toute l'activité nécessaire. Considérant que le citoyen Jean-Pierre Ducros a déjà réuni la confiance des représentants du peuple et qu'il doit être de la nôtre, nous avons arrêté que, en vertu de nos pouvoirs, nous adjoignons audit Champagnac ledit sieur Ducros pour coopérer conjointement avec lui et en conformité de leur commission au salut de la chose publique. Ils pourront opérer séparément, si besoin est, avec défense néanmoins d'entraver leurs opérations et de rien faire qui puisse nuire aux intérêts de la République. En conséquence, nous enjoignons à notre susdit délégué de surveiller toutes les municipalités du canton de Marlhes et de dresser tous procès-verbaux nécessaires contre les délinquants, comme aussi nous autorisons notre susdit commissaire, toujours en vertu de nos pouvoirs, de faire arrêter, apposer les scellés sur les papiers, et séquestrer tous leurs biens de tous ceux généralement quelconques qui ont présidé les assemblées primaires, illégalement convoquées, qui ont été membres de la commission populaire de Lyon, ou qui ont été jurés du jugement depuis le mois de juillet dernier, comme encore de tous ceux qui ont porté les armes en faveur de la ville rebelle de Lyon, qui les ont favorisés directement ou indirectement, ou qui ont engagé le peuple à se recruter pour se réunir dans la dite ville de Lyon. Nous autorisons également ledit Ducros à en agir de même contre tous ceux qui ont un domicile connu à Lyon, ou qui y étant domiciliés n'en sont pas sortis dans le délai de trois jours fixé par le décret du 12 juillet dernier, ou tous ceux qui enfin qui s'y sont réunis postérieurement à la publication de la dite loi; lui enjoignons également de faire arrêter et transférer dans les prisons de Saint-Etienne, toutes les filles béates et fanatiques et tous les prêtres réfractaires dont il pourra s'emparer dans ledit lieu et dans les circonvoisins et d'en agir comme sus est dit sur leurs papiers et leurs immeubles, comme aussi dans tous les cas ci-dessus énoncés, de mettre en sûreté tous les effets mobiliers, denrées, marchandises et facultés généralement quelconques, les présents pouvoirs devenant communs audit Champagnac, lequel, ainsi que Ducros, demeure autorisé à réquérir toute force armée nécessaire pour l'exécution des présentes. Enjoignons en outre à nos délégués, conjointement avec les municipalités, de nous donner une liste de tous ceux qui se sont rendus suspects, soit par leurs écrits, soit par leurs discours, de tous ceux qui ont prêché l'incivisme et le fanatisme le plus criminel, ainsi que le royalisme et le fédéralisme, pour ensuite être par nous, commissaire susdit, être pris tel parti qu'il appartiendra; rendons toutes les municipalités dudit canton responsables de tout refus d'obéir au présent ordre, comme aussi les susdits Ducros et Champagnat solidairement responsables de tous ordres arbitraires qui excèderont le présent pouvoir."
[39] Ainsi placé sous la tutelle de son terrible cousin, Jean-Baptiste Champagnat fit quelques actes regrettables. D'après les régistres municipaux de Marlhes, il pérora un jour de décade, en chaire, dans l'église transformée en club. Il fit remarquer que les récoltes étaient magnifiques et en attribua la gloire à la déesse Raison. C'était au mois de mai. Deux ou trois jours après, le 24, une gelée et une forte couche de neige détruisirent complètement les récoltes si vantées. Les habitants maugréèrent contre l'orateur mal avisé.
[40] D'après les anciens que nous avons consulté, Jean-Baptiste Champagnat aurait conduit lui-même les ornements sacerdotaux de la paroisse à Saint-Etienne pour y être brûlés. Ce fait ne nous semble pas assez prouvé. Les mêmes anciens l'accusent aussi d'avoir fait prendre des délibérations subversives pendant qu'il était président de la municipalité, l'an VIII et l'an VII. On nous a lu une douzaine de délibérations signées par lui comme président. Elles ne renferment rien de vraiment répréhensible. Nous remarquons, en passant, qu'il signait: Champagniat.
[41] Du reste, son terrible cousin l'engagea dans des affaires matérielles dont il retira habillement les profits. La fortune de sa victime que les anciens évaluent de 80 à 100.000 fr, en fut fortement ébréchée.
[42] Ce malheureux cousin eut une fin bien tragique. Voulant continuer à terroriser ces montagnes après la chute de Robespierre, il fut conduit à Saint-Etienne et enfermé dans une prison provisoire. Sa femme obtint la permission de le voir. Elle lui remit un poignard. Des gendarmes étant allés le prendre pour le transférer dans une autre prison, il en tua un. Pour avoir raison de ce furieux, les gendarmes firent une ouverture dans le plancher supérieur de la prison et l'étendirent mort d'un coup de fusil. Ainsi finit Jean-Pierre Ducros après avoir été la terreur de ses concitoyens, après avoir fait le plus grand tort à Jean-Baptiste Champagnat, son cousin-germain. Celui-ci mourut le 24 prairial, an XII (13 juin 1804) à peine âgé de 49 ans. On prétend qu'il fut trouvé mort dans son lit, mais cela n'est pas assez prouvé.

* * *


[43] Nous avons déjà dit que 4 de ses enfants l'avaient précédé dans la tombe. La veuve quitta cette vie pour une meilleure le 24 janvier 1810. La tante, Soeur Thérèse, leur survécut jusqu'au 2 mai 1824 et mourut à 72 ans.
[44] Après avoir payé un juste tribut à la mémoire des nombreux parents de notre bien-aimé Fondateur, nous abordons le côté pratique de notre récit.
*

* *


Marcellin, première formation


[45] Marcellin-Joseph-Benoît était venu au monde à une époque triste et bien tourmentée. Il est vrai, nous l'avons déjà dit, que les habitants de Marlhes restèrent relativement chrétiens et paisibles, mais le petit Marcellin dut néanmoins être témoin de bien des choses pénibles qui frappèrent vivement sa jeune intelligence. Sa bonne mère et sa vertueuse tante, ancienne religieuse, l'avaient préparé de leur mieux à sa première communion, par leurs bons exemples, en lui apprenant à prier, en lui inculquant une tendre dévotion à la Sainte Vierge et en l'instruisant des principales vérités de la religion. Sa mère y avait d'autant plus tenu que l'enfant, étant encore au berceau, elle avait été frappée d'un signe lumineux indiquant clairement qu'il serait appelé à de grandes choses. Les habitants de Marlhes étaient bons, mais grossiers et ignorants, ce qui donna peut-être dès lors au petit Marcellin la pensée qu'il y avait là un mal à guérir. Il écrivit lui-même, plus tard, au roi Louis-Philippe, combien de difficultés il avait eues à vaincre pour apprendre à lire19. Sa mère et sa tante, ayant imparfaitement réussi à le lui apprendre, il fut placé chez un maître d'école à Marlhes.
[46] Il dut y apprendre aussi à écrire et à compter, comme on disait en ce temps-là. Plusieurs actes de brutalité dont il fut témoin à l'école et dont ses camarades furent les victimes, le firent réfléchir et furent le germe de plusieurs points de la règle qu'il donna plus tard à ses Frères: tels que ceux défendant de frapper les enfants, de leur donner des sobriquets, etc.
[47] Attentif aux leçons de sa mère et de sa tante, le jeune Marcellin était devenu bien pieux, très dévôt à la Vierge Immaculée et très judicieux. Ce que sa vertueuse tante, chassée de son couvent de Marlhes, lui racontait des turpitudes de la révolution, des vexations et des souffrances qu'elle avait fait subir au clergé et aux religieux, l'étonnait si fort qu'il lui demanda un jour si la révolution était une personne ou une bête féroce. S'il y eut de la naïveté dans cette question, on put dès lors entrevoir aussi une horreur innée contre tout ce qui était mal, horreur qui se développa encore dans la suite.

Eveil de sa vocation


[48] Le culte catholique avait été officiellement rétabli, les églises étaient réouvertes à la piété des fidèles, les diocèses et les paroisses étaient réorganisées. Celle de Marlhes venait d'être réunie à l'archidiocèse de Lyon dont le cardinal Fesch, oncle de Napoléon Premier, était archevêque. Fort de l'appui de son neveu, ce prince de l'Eglise avait établi plusieurs séminaires dans l'archidiocèse. Il avait chargé M. l'abbé Courbon, natif de Saint-Genest-Malifaux et l'un de ses vicaires généraux, de lui recruter des séminaristes dans les montagnes de son canton natal. M. Courbon avait prié un ecclésiastique, professeur dans l'un des séminaires, de parcourir les montagnes dans ce but pendant les vacances de Pâques, croyons-nous.
[49] Adressé à la famille Champagnat par M. le curé Allirot, ce professeur vit le jeune Marcellin et fut enchanté de sa candeur, de sa franchise et de sa piété. Il lui déclara nettement que Dieu le voulait parmi les ministres de ses autels. L'enfant reçut cette déclaration comme un ordre du ciel et suivit résolument dès lors la voie qui lui était tracée. Ses parents essayèrent de l'en détourner, alléguant son peu de talent et le peu de goût qu'il avait montré jusque-là pour l'étude. Marcellin tint bon. Comme il ne savait ni assez lire, ni assez écrire pour commencer le latin, on le plaça chez M. Arnaud, son beau-frère, instituteur à Saint-Sauveur et ancien séminariste. Au bout d'une année, son beau-frère lui dit formellement qu'il n'avait point assez de talent pour réussir dans les longues études ecclésiastiques, qu'il y userait sa santé, y ferait vainement de grandes dépenses et serait enfin contraint d'y renoncer.

Le séminariste


[50] L'enfant ne se laissa pas déconcerter. Il avait prié, mûrement réfléchi et sa résolution restait ferme. Il fit si bien auprès de ses parents (nous avons dit déjà que son père était mort) qu'ils se décidèrent à tenter un essai et à le placer au petit Séminaire de Verrières en octobre 1805. Sa timidité et ses allures montagnardes firent d'abord plaisanter ses nouveaux camarades. Il gagna bientôt leur estime et leur affection par sa franchise, sa piété, ses bons procédés à leur égard. Il devint même un bon conseiller pour quelques-uns d'entre eux. Il était dans sa 17e année et déjà de haute taille. Le trouvant trop en retard, on voulut le laisser dans la classe de français. Ses humbles instances lui obtinrent d'être placé en 8e. S'il eut été moins résolu, moins humble, son amour propre eût souffert de se voir avec de petits enfants et de se trouver le dernier de sa classe. Ses vertus lui gagnèrent l'estime de ses supérieurs qui le nommèrent chef de dortoir. Il en profita pour étudier pendant plusieurs heures de chaque nuit, et il fit deux classes cette première année.
[51] Six ans plus tard, ses basses classes étant terminées, il entra au grand séminaire en octobre 181220. Il trouva là un appui, un excellent conseiller et un directeur expérimenté dans la personne du célèbre M. Gardette qui dirigea le grand séminaire pendant très longtemps, qui forma une phalange d'ecclésiastiques pieux, réguliers, sérieux, lesquels ont fait tant de bien dans le diocèse. On disait de lui qu'il était la règle vivante du séminaire. En effet, il n'y supportait aucune irrégularité. Sous Mgr. de Pins, une dame de la cour de Louis-Philippe vint à Lyon et désira voir le grand séminaire. Apprenant que M. Gardette ne recevait aucune personne du sexe ailleurs qu'au parloir, elle obtint de Mgr. une lettre de recommandation. Admise au parloir, elle présenta cette lettre à M. Gardette qui, l'ayant lue, lui dit en bégayant (il était un peu bègue): Madame, Mgr. gouverne son diocèse et moi mon séminaire. Et il la congédia poliment.
[52] Si les talents du jeune Marcellin ne le firent pas briller dans cette sainte maison, sa piété, sa charité, sa modestie et bien d'autres vertus y jetèrent un vif éclat. Il y prit les fortes résolutions que l'auteur de sa vie a eu soin de nous conserver et y fit une guerre incessante à l'orgueil auquel son caractère énergique l'inclinait beaucoup. Aussi le dompta-t-il parfaitement et se fit-il estimer et chérir de ses nombreux condisciples. Il va sans dire que les voisinages du sanctuaire de Fourvière agrandit encore la dévotion du jeune Marcellin pour la Vierge Immaculée que les Lyonnais vénèrent en ce lieu depuis tant de siècles.
[53] Pendant ses vacances, le jeune séminariste suivait un règlement sévère, très détaillé et que l'on peut voir dans l'histoire de sa vie. Il se l'était tracé lui-même et y fut constamment fidèle. Tout son temps était consacré à la prière, à l'étude, au catéchisme qu'il faisait aux enfants, même aux grandes personnes et aux soins qu'il prenait pour déraciner toute espèce de désordre parmi ses compatriotes21.

La pomme rouge


[54] Nous plaçons ici le témoignage de l'un des auditeurs du pieux catéchiste, auditeur qui devint ensuite prêtre, père mariste, évêque "in partibus" et fut massacré par les antropophages de l'Océanie. Mgr. Epalle aimait à raconter qu'il devait la première idée de sa vocation au P. Champagnat. Voici comment: pendant les vacances, le P. Champagnat, alors séminariste, réunissait les enfants de son hameau pour leur faire le catéchisme.
[55] Un jour, pour rendre sa leçon plus intéressante, il s'avisa de leur donner une leçon de cosmographie. Il leur montra une grosse pomme rouge qui attira toute leur attention. Imaginez-vous, mes enfants, leur dit-il, que la terre est une grosse boule qui a la forme à peu près de cette pomme. Les hommes habitent la surface de la terre comme s'il y avait de petits insectes à peine visibles autour de cette pomme. Si l'on pouvait percer la terre par le milieu comme l'on peut percer cette pomme, on trouverait au côté opposé à celui que nous habitons, des hommes comme nous, mais bien plus malheureux. Ils ne connaissent pas le bon Dieu. Ils vivent comme des bêtes. Ils se mangent les uns les autres. On appelle missionnaires ceux qui aiment bien le bon Dieu, qui quittent leurs parents et leur pays pour aller faire le catéchisme à ces pauvres gens et pour en faire de bons chrétiens. Pour mieux faire comprendre sa leçon et pour la graver dans la mémoire de ses auditeurs, le P. Champagnat partagea la pomme et il en donna à chacun un morceau. Mgr. Epalle pouvait avoir alors 6 à 7 ans. Cette leçon de catéchisme et ce morceau de pomme lui donnèrent l'idée d'être un jour missionnaire et cette idée ne l'avait plus quitté depuis.

Fatigue, surmenage


[56] Déjà très mortifié, le pieux séminariste se contentait de l'ordinaire grossier usité dans les campagnes et ne souffrait pas qu'on lui préparât rien de mieux. Il ne se permettait rien contre la mortification et la charité, rien qui put le porter à la médisance, à la mollesse et à la vanité. Un genre de vie si sévère, la peine que lui donnaient ses études à cause de son peu de talent, altérèrent bientôt sa forte constitution. Il fut obligé d'interrompre l'étude de la théologie pendant la 3e année. L'air de la campagne et les travaux des champs lui rendirent vite la santé. Il rentra au séminaire au moment où Napoléon rentrait en France, y reprit ses études et toutes ses pratiques de piété.

Les écoles après la Révolution


[57] La révolution avait ruiné autant qu'elle l'avait pu tout ce qu'il y avait de bien en France. L'enseignement n'avait pas été plus épargné que le reste: tout y était désorganisé. Les lois et les décrets révolutionnaires avaient aboli la religion et toute morale religieuse. On ne pouvait plus enseigner aucun principe où il y eut quelque allusion à un culte quelconque et la seule morale dont les enfants entendaient parler était la morale républicaine basée sur la raison et la révolution. Cette morale était des plus étranges et, ce qu'elle gardait de la morale naturelle, était singulièrement contredit par les actes et la conduite des maîtres qui étaient censés l'enseigner. Un maître était toujours assez instruit, même ne sachant rien, s'il avait un certificat de civisme portant quelque mention du greffier chargé de contrôler sa capacité et conçue comme celle-ci: s'ayant toujours conduit comme un vrai républicain. A cet égard les témoignages abondent.
[58] Les droits de l'homme furent substitués partout au catéchisme. Le signe de la croix fut proscrit. On donnait des soufflets aux enfants qui le faisaient. Souvent on le remplaçait, pour mieux en détruire la trace, par cette formule: Pelletier, Rousseau, Marat, la loi. Des livres scolaires furent publiés sous ces titres: Catéchisme républicain, la Grammaire républicaine, les Abécédaires républicains, Manuel des théophilanthropes, l'Office des décades, contenant une parodie sacrilège et idiote des Commandements de Dieu, les Epîtres et Evangiles républicains pour toutes les décades. Ce dernier pamphlet qui était immonde, fut couronné par la Convention.
[59] On forçait les enfants à se rendre aux fêtes décadaires, ainsi qu'à celles du 14 juillet, du mois d'août et du 21 janvier et à y chanter des hymnes républicains, à y débiter des extraits de Confucius ou de Rousseau. Ces débauches de parodie sacrilège et grotesque ne pouvaient se comparer qu'à l'ineptie du langage officiel: "Nos enfants sont républicains, disait-on, en 1798, car dès l'âge le plus tendre, ils connaissent la Constitution. Ils seront orateurs. Cette récompense qu'on leur accorde de réciter aux décades quelques morceaux choisis, leur donne l'assurance de l'homme libre et le germe de l'éloquence." On s'applaudissait des succès des enfants de 4 à 5 ans déjà lancés dans la carrière républicaine. Telle fut à ce point de vue cette époque aussi grotesque qu'atroce.
[60] Le 17 brumaire, an VI, (8 novembre 1797) un arrêté du Directoire exigea des candidats aux fonctions publiques un certificat constatant que leurs enfants fréquentaient les écoles officielles. Le député Bonnaire proposa la suppression de toute école particulière, et un autre, la déportation des maîtres qui ne possédaient pas l'amour de la République.
[61] Après ces abrutissantes utopies, voulant se rendre compte de l'état des écoles en France, le gouvernement ordonna une enquête en 1800. Voici ce qu'écrivait Fourcroy l'un des enquêteurs:
[62] "La fréquentation des habitants des campagnes, la visite des départements m'ont prouvé que la grande majorité des hommes a besoin de religion, de culte et de prêtre... C'est une erreur de quelques philosophes modernes, dans laquelle j'ai été moi-même entraîné, que de croire à la possibilité d'une instruction assez répandue pour détruire les préjugés religieux... La guerre de la Vendée a donné aux gouvernements modernes une grande leçon que les prétentions de la philosophie voudraient en vain rendre nulle. Il n'est plus temps de résister à cette pente nationale... Les parents n'envoient pas leurs enfants chez les maîtres où l'on n'enseigne point la religion... Ils l'exigent de ceux qu'ils paient pour les instruire... On espère trouver chez eux une meilleure instruction, des mœurs plus pures et des principes de religion auxquels on tient beaucoup..."
[63] Fourcroy concluait en proposant d'obliger les prêtres, désirant rentrer dans leurs presbytères, d'apprendre à lire et à écrire aux enfants. Ce conventionnel ajoutait dans ses rapports que l'instruction primaire n'existait pas, que les instituteurs manquaient presque partout, ou que leurs écoles étaient vides, que les écoles, créées en l'an VI, étaient peu suivies, mal organisées et ne pourraient suffire, même avec une organisation achevée, à constituer un système d'enseignement suffisant.
[64] Les préfets furent consultés sur le même sujet. Tous adressèrent des rapports dans le même sens et conclurent comme les conseillers d'Etat. Et tous ces hommes étaient des révolutionnaires, des sceptiques, ou même des rénégats, mais un reste de franchise les obligeait à dire ce qu'ils voyaient. Les plans des utopistes révolutionnaires n'avaient abouti qu'à de folles dépenses et au désordre le plus complet. Les autres rapports officiels de l'époque prouvent que l'ignorence et l'immoralité régnaient partout.

Fondations de congrégations enseignantes


[65] Napoléon Ier avait rétabli les Frères des Ecoles Chrétiennes en réorganisant l'Université en 1808, mais ces bons Frères, décimés par la révolution, étaient loin de suffire aux besoins urgents, aux désirs des populations qui se révélaient de toute part. Aussi surgissait-il de tous côtés des hommes de foi qui se dévouaient pour cicatriser cette immense plaie nationale. M. de Lamennais fondait des Frères pour la Bretagne, M. Deshayes, pour la Vendée, M. Vernet, vicaire général de Viviers, en fondait pour ce diocèse, M. Bochard, vicaire général de Lyon, fondait ceux de la Croix, M. Querbes, curé de Vourles, créait les Clercs de Saint-Viateur, M. Fiere, vicaire général de Valence, préludait à la création des Frères de Saint-Paul-3-Châteaux, M. Douillet essayait d'en faire autant pour le diocèse de Grenoble, et M. Rouchon, curé de Valbenoîte, pour le département de la Loire.
[66] Mais toutes ces créations étaient loin de suffire à l'immensité des besoins. Du reste, plusieurs de ces fondateurs, malgré leur zèle et leur grand dévouement, n'avaient pas donné des bases solides à leur œuvre. L'amour de Dieu et du prochain qui dirigeaient ces amis de l'enfance, inspirèrent à l'abbé Champagnat, aux deux abbés Colin, à l'abbé Pompallier, aux abbés Terraillon, Courveille et à quelques autres séminariste en 1815, la pensée de créer une triple congrégation de prêtres, de frères et de soeurs, pour combattre l'ignorence de l'humanité. Ils communiquèrent leurs projets à M. l'abbé Cholleton, alors directeur du grand séminaire, plus tard vicaire général du diocèse et enfin Père Mariste. Cet homme de Dieu goûta et appuya fort bien l'idée. Il les réunissait même et leur faisait des conférences dans sa chambre.
[67] Comme ils étaient tous dévots à la Mère de Dieu, il leur parut très convenable de placer l'oeuvre qu'ils méditaient, en attendant qu'ils pussent la réaliser, sous sa puissante et maternelle protection. Ils allaient fréquemment la lui recommander dans son antique et béni sanctuaire de Fourvière. Sous de tels auspices et avec de tels ouvriers, une oeuvre aussi éminemment catholique ne pouvait manquer de réussir. Ceux qui l'avaient [projetée] n'attendaient plus que leur ordination pour s'en occuper effectivement.

Ordination de M. Champagnat


[68] L'abbé Champagnat avait reçu la tonsure, les 4 ordres mineurs et le sous-diaconat, le 6 janvier 1814 des mains du cardinal Fesch dans la chapelle du grand séminaire. Il avait alors 24 ans, 7 mois et 17jours.


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