De Khiva, la perle du désert du Karakoum, à Samarcande, la ville aux «Mille et une nuits», la découverte de cette ex-république soviétique est une plongée dans l’histoire de la civilisation islamique



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L’Ouzbékistan, au fil du temps

De Khiva, la perle du désert du Karakoum, à Samarcande, la ville aux « Mille et une nuits », la découverte de cette ex-république soviétique est une plongée dans l’histoire de la civilisation islamique.
Par François Bostnavaron

Publié le 20 juin 2019 à 12h31

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Le mausolée de Shah i Zinda, classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO, à Samarcande.

Le mausolée de Shah i Zinda, classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO, à Samarcande. TUUL ET BRUNO MORANDI

L’Ouzbékistan est encore peu fréquenté par les touristes. Pourtant, qui ne rêve de découvrir Samarcande, Boukhara ou Khiva, ces villes-oasis aux noms évocateurs ? Ou de s’aventurer sur les pistes caravanières de l’ancienne Route de la soie, dans ce pays d’Asie centrale aussi grand que la France qui depuis la mort d’Islam Karimov en 2016, au règne sans partage pendant vingt-six ans, a commencé une certaine détente politique.
La porte d’entrée du pays se trouve à Tachkent. Pour ceux qui n’ont jamais eu l’occasion d’aller en URSS, c’est un bon exercice de remise à niveau : on n’efface pas d’un coup des années de gestion soviétique. Les avenues sont larges, bordées de blocs de béton, témoins de la reconstruction de la capitale après le tremblement de terre de 1966. La ville compte de nombreux exemples de cette architecture soviétique, tel l’hôtel Ouzbékistan, sûrement l’un des édifices les plus photographiés de la capitale. La meilleure vue : celle depuis la place Amir-Temur, avec en premier plan la statue de Tamerlan à cheval, le héros national, qui a remplacé celle de Karl Marx déboulonnée en 1991, à l’indépendance.
Lorsque l’on traverse les 450 km de désert rouge du Kyzylkoum qui séparent Khiva de Boukhara, on prend conscience de la difficulté rencontrée par les caravaniers de la Route de la soie.
L’opéra de Tachkent fait également partie de cet héritage. Inauguré en 1947, il fut bâti par Alexeï Chtchoussev, qui voulait lier par l’architecture la Russie impériale au style stalinien. Ironie de l’histoire, alors que nous assistions à une représentation du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev, dehors, sur le parvis de l’édifice, se déroulait un concert techno où des DJ locaux faisaient danser une jeunesse branchée et occidentalisée, qui dans ce pays à l’islam plutôt modéré cohabitent avec la génération des barbus chenus à calottes brodées…
Dans les rues de Tachkent, on s’étonne de ne croiser qu’un seul modèle de voiture, des petites Chevrolet, généralement blanches, de fabrication locale, plus abordables que n’importe quelle autre voiture européenne taxée à 120 %. Ici, on parle ouzbek, mais aussi arménien, tadjik et russe. Quelques notions d’anglais, parfois, tourisme oblige… Comme sur ce petit marché de la rue Mustafa Kemal Ataturk où l’on trouve des œuvres de peintres locaux mais aussi une profusion de pin’s, uniformes et ceintures militaires, et autres statues de Lénine, vraies ou fausses, comme en 1990 dans l’ex-Europe de l’Est.
Mouton noir et faïence bleue

Direction Khiva, première étape de notre périple. La perle du désert du Karakoum, jadis réputée pour son marché aux esclaves, est aimée ou détestée pour les mêmes raisons : c’est une ville-musée. Si la légende veut que cette cité fut fondée par Sem, le fils de Noé, autour d’un puits, le programme de réhabilitation engagé depuis près de trente ans l’a rendue tellement impeccable qu’on la croirait presque nouvelle. Cela n’enlève rien de son charme et la ville reste très attachante. Située au sud du fleuve Amou-Daria, la cité est donc bâtie en deux parties : Dichan-Kala, la ville extérieure, et Itchan-Kala, la ville intérieure.
Cette dernière, aujourd’hui complètement piétonne, est remplie d’échoppes pour touristes. Ici des toques et des écharpes en astrakan, ce mouton noir et frisé, là de l’artisanat en bois sculpté, comme ces traditionnels lutrins articulés, réalisés dans une seule pièce de bois de platane selon une technique éprouvée depuis des siècles.
Un travail du bois que l’on retrouve partout dans la ville, tant sur les portes que dans la mosquée Djouma, celle du vendredi, avec 218 piliers de bois délicatement ciselés. Plus loin on croise des chameaux pour la photo ou même des trônes en bois, pour prendre la pose, l’air martial, en Gengis Khan d’opérette pour quelques soms, la monnaie locale. Les ruelles tortueuses nous conduisent à travers la ville fortifiée à la découverte des medrasas, ces très belles écoles coraniques, et autres mosquées car Khiva recèle l’ensemble islamique le mieux préservé d’Asie. A découvrir aussi, le palais Tach Khaouli avec son harem, tous deux recouverts de faïence bleue, le minaret d’Islam Khodja haut de 44 mètres, les mausolées de Pakhlavan Makhmoud et Sayid Alaouddine.
Statue de Tamerlan avec l’hôtel Ouzbékistan en arrière-plan, à Tachkent.

Statue de Tamerlan avec l’hôtel Ouzbékistan en arrière-plan, à Tachkent. TUUL ET BRUNO MORANDI

Prochaine étape, Boukhara l’un des carrefours majeurs de la civilisation islamique. C’est précisément lorsque l’on traverse les 450 km de désert rouge du Kyzylkoum qui séparent Khiva de Boukhara que l’on prend conscience de la difficulté rencontrée par les caravaniers qui empruntaient cette fameuse Route de la soie. Celle d’aujourd’hui, pratiquement droite sur l’ensemble du parcours, est en très bon état. Un trajet d’une demi-douzaine d’heures où il ne faut surtout pas négliger les étapes, qui sont autant de rencontres dans des sortes de Bagdad Café isolés, façon Asie centrale où les chauffeurs routiers se restaurent avant de rependre la route, décidément monotone, à travers ce désert de broussailles.
Si Khiva est un musée à ciel ouvert, Boukhara se défend tout aussi bien de ce point de vue ! L’Unesco ne s’y est pas trompé, classant ainsi plus de 140 monuments au patrimoine mondial de l’humanité. Le meilleur endroit pour souffler après la route, reste la place Liab-i Khaouz. Près d’un bassin et de mûriers centenaires, on boit un thé devant la mosquée Bolo Khaouz, comme ces « anciens » portant la traditionnelle tioubeika brodée. Surnommé la mosquée aux 40 colonnes, l’édifice n’en compte que 20 alors que le khan en voulait 40. La légende dit que, pour sauver sa tête, l’architecte eut l’idée de créer le bassin, le reflet de l’eau doublant le nombre de colonnes.
Les 218 colonnes de la mosquée Juma, à Khiva.

Les 218 colonnes de la mosquée Juma, à Khiva. TUUL ET BRUNO MORANDI

La ville est considérée comme un lieu saint de l’islam ; Boukhara était à la religion musulmane ce que Samarcande était à la science. Pour preuve : Boukhara aurait abrité jusqu’a 365 mosquées, une par jour de l’année avant d’être détruite par Gengis Khan et ses hordes en 1220, puis reconstruite aux XVe et XVIe siècles. De la période prémongole, seuls quatre monuments subsistent : les mausolées d’Ismail Samani et de Tchachma Ayoub, la mosquée Nomozghok et la mosquée Kalon, contigüe au minaret du même nom. Ce minaret haut de 47 mètres faisait la fierté de Boukhara, à tel point qu’aucun envahisseur n’a jugé bon le détruire. Gengis Khan l’aurait épargné tant il était fasciné par sa majesté. Certains ajoutent qu’il l’aurait conservé pour précipiter de son sommet les prisonniers, d’où son surnom de tour de la mort.
Il faut aussi aller au bazar et dans les caravansérails, qui proposent des tapis en laine ou en soie rouge, rivaux des fameux chiraz ; mais ce sont surtout les suzanis, cotonnades brodées de soie ou de coton, aux motifs allant des fleurs aux oiseaux que l’on trouve le plus facilement. A des prix bien plus abordables que les magnifiques tapis.
Un ciel de 1 018 étoiles

Dernière étape du périple, Samarcande nous transporte véritablement, sans rougir du cliché, au pays des « Mille et une nuits ». La ville doit tout à la mégalomanie d’un seul homme, Timour le Grand ou le Boîteux, c’est selon. Tamerlan pour nous, qui en a fait la capitale de son empire avant de projeter d’en faire celle du monde. Pour y parvenir, il n’hésita pas à contraindre les meilleurs ouvriers des pays conquis à venir embellir Samarcande.
Rien d’impossible pour ce conquérant auquel on attribue quelque 17 millions de morts… Une image sanguinaire contre laquelle chaque ouzbek se bat, précisant que ce sont les Russes qui sont à l’origine de cette piètre réputation, plaçant désormais Tamerlan au centre du « roman national ».
Depuis l’indépendance de l’Ouzbékistan, en 1991, Samarcande a fait l’objet d’une grande restauration. Un embellissement parfois décrié, car la plupart des grands sites historiques sont séparés de la ville nouvelle par un mur. Il n’empêche : impossible de ne pas tomber sous le charme de la place du Registan ou du moins, d’être frappé par le gigantisme de l’endroit avec ses trois medersas, Chir Dor, Tillya Kari qui datent du XVIIe siècle et Ulugh Begh, plus ancienne, qui date du XVe siècle. Couvertes de mosaïques et d’un dome bleu, avec des minarets vernissés, ces trois medersas méritent une seconde visite, de nuit, lorsqu’elles sont mises en valeur par les projecteurs.
Des Ouzbeks en chapan, habit traditionnel, à Boukhara.

Des Ouzbeks en chapan, habit traditionnel, à Boukhara. TUUL ET BRUNO MORANDI

Mais ce ne sont pas les seuls trésors de Samarcande. La nécropole de Chakh-i-Zinda, avec ses superbes mosaïques bleues et la mosquée Bibi Khanoum, l’une des plus belles représentations d’art islamique, sont autant de monuments qui laissent pantois, tout comme le Gour Emir, mausolée où repose le corps de Tamerlan. Mais l’un des lieux les plus émouvants reste l’observatoire d’Ulugh Begh, du nom du petit-fils de Tamerlan, féru d’astronomie, qui avait réuni dans la ville les meilleurs astronomes de son époque. Grâce à des instruments de mesure perfectionnés, dont un sextant géant (avec un rayon de 40 mètres), il releva jusqu’à sa mort, en 1449, la position exacte de 1 018 étoiles. A Samarcande, le charme vient aussi du ciel.
Carnet de route

Notre journaliste a organisé son voyage avec l’aide du voyagiste Asia.
Y aller

Au départ de Paris, Asia propose un voyage de 11 jours/9 nuits de Tachkent à Khiva, avec traversée du désert du Kyzylkoum jusqu’à Boukhara, et Samarcande. Transport en véhicule privé avec chauffeur, train rapide, nuits en hôtels quatre étoiles ou de charme. A partir de 2 136 euros en pension complète, vols compris. Asia.fr et 01-56-88-66-75.
Uzbekistan Airways dessert Tachkent au départ de Paris-CDG, à raison de deux vols par semaine, les mardis et vendredis à partir de 538 euros AR TTC en classe éco. Uzairways.com et 01-42-96-10-10. Air Astana, la compagnie aérienne du Kazakhstan, propose pour sa part deux vols pars semaine pour Tachkent, les mercredis et dimanches au départ de Paris-CDG avec un stop à Nur-Sultan (ex-Astana), la capitale du Kazakhstan. A partir de 516 euros AR en classe éco. Airastana.com.
A noter que, depuis le début de l’année, il n’est plus demandé de visa aux touristes français pour l’Ouzbékistan. L’automne comme le printemps sont deux périodes propices au voyage.
Depuis huit ans, l’Afrosiab, un TGV de conception espagnole, relie plusieurs fois par jour Tachkent à Boukhara via Samarcande en 3 h 30. Idéalement, prendre les billets dans les gares locales. A noter que le train à grande vitesse n’est pas plus cher que le train classique.
Se loger

Tachkent Le Residence Park Hotel, pour sa tranquillité et son calme, autrefois propriété de l’Etat russe. Environ 120 chambres réparties entre un bâtiment principal et plusieurs pavillons au charme suranné situés dans un grand parc. A partir de 93 euros la nuit.
Khiva L’Arkanchi Hotel est idéalement placé et bénéficie, en outre, d’une superbe terrasse qui donne sur la vieille ville. Trois types de chambres de 47 à 75 euros la nuit. Hotel-arkanchi.uz.
Boukhara L’Emir Hotel est un agréable boutique hôtel situé dans le quartier juif de Boukhara à deux minutes à pied du bassin, de la vieille ville et des bazars. Un havre de paix dans une vieille maison de marchands, restaurée avec goût avec deux très belles cours intérieures. A partir de 50 euros la nuit pour deux personnes. Emirtravel.com.
Shopping

Boukhara De très beaux suzanis de toutes tailles brodés coton ou soie, anciens ou modernes chez Rakhmon Toshev. Nasiba Tosheva, la fille de Rakhmon, maître suzani, a appris le français avec les élèves étrangers de son père. On peut même organiser un déjeuner sur place. Levi-Babahanova, 21, dans le quartier juif. Un choix incroyable de tapis au Bukhara Silk Carpets, dans le centre historique de Boukhara, à l’angle des rues Khodja Nurobobod et Choykhonai Kozi Kalon. De quelques dizaines à plusieurs milliers d’euros.
Lire

Ouzbékistan, guide Olizane, 352 p., 23 €. Le Petit Futé Ouzbékistan, 360 p., avec sa version numérique, 15,95 €. Lonely Planet Asie centrale, 540 p., 33 €.
François Bostnavaron
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Ancienne république socialiste soviétique, l’Ouzbékistan est devenu indépendant en 1991.

Terme générique : Asie centrale

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Des signaux encourageants sont observés en matière de droits de l’Homme, même si les organisations des droits de l’Homme appellent à la prudence. Les autorités ouzbèkes estiment que la question des droits de l’Homme n’est plus un tabou en Ouzbékistan : des progrès importants dans le domaine ont été réalisés depuis 2016 (libération des prisonniers politiques, fin du travail forcé organisé par l’Etat, notamment dans les champs de coton : l’OIT a reconnu la fin du travail forcé des enfants). La question des droits des personnes LGBTI+ reste cependant sensible, des incidents et des violences à caractère homophobe ont été rapportés à Tachkent au printemps 2021.
Politique étrangère

L’Ouzbékistan, pays doublement enclavé, mène une politique dite « multivectorielle », qui consiste à diversifier ses partenariats afin d’éviter un tête à tête pesant avec puissances régionales. Le Président Mirziyoïev a fait de la coopération régionale en Asie centrale une priorité de sa politique étrangère, confiée à son ministre des Affaires étrangères, Abdulaziz Kamilov. Des progrès significatifs ont été faits depuis quatre ans pour appaiser les relations entre l’Ouzbékistan et ses voisins, après 25 ans d’autarcie, et le pays cherche maintenant à se positionner comme tête de pont d’une politique d’ouverture et de bon voisinage. La démarcation des frontières héritées de l’URSS avec le Tadjikistan et le Kirghizstan est activement négociée (malgré des tensions locales qui subsistent, notamment dans les enclaves), et l’Ouzbékistan démine ses frontières pour faciliter les échanges avec ses voisins centrasiatiques.
L’Ouzbékistan entretient de bonnes relations avec la Russie et la Chine tout en développant les échanges avec les pays du Golfe, la Turquie, les pays occidentaux et d’autres pays d’Asie. La France est considérée comme un partenaire important de l’Ouzbékistan parmi les pays occidentaux.
L’Ouzbékistan considère également l’Afghanistan comme partie intégrante de l’Asie centrale dont la stabilisation, mise à mal par le retrait américain, permettrait aux Ouzbeks d’accéder au marché afghan ainsi que de réduire des coûts pesant sur le transit des biens vers l’Iran (port de Chabahar en particulier) et le Pakistan. L’Ouzbékistan qui possède des liens solides avec le Nord afghan et ses notables issus de la minorité ouzbèke, promeut et recherche activement des financements pour ses ambitieux projets de chemin de fer (Mazar-e-Charif-Herat-Iran ; Mazar-e-Charif-Kaboul-Peshavar) et se positionne dans les formats régionaux de paix et de stabilisation de l’Afghanistan.
Membre fondateur de la CEI, il s’est en revanche retiré de l’Organisation du traité de sécurité collective à deux reprises, en 1999 (retour en 2006) et en 2012. Il est membre observateur du Conseil turcique depuis 2018, et membre de l’Organisation de coopération économique (ECO). Depuis décembre 2020, l’Ouzbékistan est observateur auprès de l’Union économique eurasiatique, UEE.
L’Ouzbékistan est par ailleurs membre de l’Organisation de coopération de Shanghai, dont Tachkent accueille depuis 2002 le centre de coordination de la lutte anti- terroriste. L’Ouzbékistan a entammé des procédures d’adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et à l’Organisation mondiale du Tourisme en 2021.
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