CHAPITRE 5
Sommaire: Juvénats — Quêtes — Noviciats — Vêtures et Service militaire.
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Juvénat de Saint-Genis
[1] Nous avons dit qu'un juvénat avait été ouvert à l'Hermitage en 1868. Il fut fermé en 1871 et rétabli à Saint-Genis-Laval en 1875 sous la direction du C.F. Euthyme et du F. Frédéricus, aujourd'hui dans les missions. Nous avons ajouté que l'on y recevait facilement les enfants, surtout ceux dont les lyonnais tenaient à se décharger, que ces recrues se retirèrent bientôt ou durent être renvoyées.
[2] Le F. Angilbert fut mis à la tête de ce juvénat en 1877. Il était taillé pour cela et le choix ne pouvait être plus heureux. Sous sa main les juvénistes se multiplièrent vite. Il sut leur donner un excellent esprit, un grand amour du travail et de la discipline. Pendant une retraite des membres du Régime et de ceux de l'administration générale, ces enfants ne prirent la plupart de leurs récréations qu'à voix basse pour ne pas distraire les retraitants. Mgr. de Charbonnel qui donnait la retraite en fut très ému.
[3] Bien que les divers employés, excepté le F. Jean-Félix, maître de chœur, fussent, à dater de 1880, de la Province de Saint-Genis, ce juvénat était déjà commun à cette Province, à celles de l'Hermitage et du Bourbonnais comme il l'est encore aux deux premières.
[4] Il fut dès lors réglé:
1— que les enfants n'y seraient reçus qu'à 12 ans révolus, après leur première communion et qu'ils paieraient de 150 à 300 fr., autant que possible;
2— qu'ils diraient chaque jour, réunis, le chapelet, les vêpres et les complies de la Sainte Vierge;
3— qu'ils fréquenteraient les sacrements tous les 15 jours;
4— qu'ils se coucheraient dès après le souper en hiver, de 8 heures à 8h1/2 en été et se lèveraient en tout temps à 5 heures pour assister à la messe de communauté;
5— qu'ils auraient deux promenades par semaine en été, le mardi et le jeudi et une en hiver; 6— que les notes et les résultats de leurs études seraient proclamés chaque mois en présence des membres du Régime et autres Frères employés.
Ce règlement a été suivi depuis.
[5] Le F. Angilbert mourut en juin 1882. Ce fut une perte pour le juvénat. Le F. Ethelbert, déjà directeur, finit l'année et fut remplacé par le F. Classique pendant deux ans. Vint ensuite le F. Marie-Candide sous lequel les juvénistes se multiplièrent encore. Il y en eut de 170 à 200, même après l'établissement du juvénat du Bourbonnais à Digoin, comme nous le dirons.
[6] De son temps, comme avant lui, la proclamation des notes fut souvent accompagnée de chants, de compliments au Révérend, de dialogues et de poésies très bien choisies. Nous avions projeté d'en placer ici plusieurs, mais pour ne pas trop allonger cette esquisse, nous n'insérons que le spécimen que voici:
[7] "Le blé.
Cruel, pourquoi me battre ainsi,
Chasser mon grain, briser mon chaume?
Disait au laboureur l'Epi.
- Va, lui répondit Gros-Guillaume,
Tu n'es pas au bout, il faudra
Que ton grain, broyé sous la pierre
Soit moulu, réduit en poussière;
Puis, dans un four on le cuira,
Four où ton chaume flambera.
- Ah! dit l'Epi, quelle existence!
Pourquoi m'avez-vous moissonné?
Il vaudrait mieux n'être pas né!
- Tu blasphèmes la Providence
Dit Gros-Guillaume, ne crois pas
Que tu sois le seul ici-bas
Qui marche au but par la souffrance;
Vois l'olive, vois le raisin
Sans le pressoir qui les écrase
Point de flots d'huile ni de vin
Et sans le bûcher qui l'embrase
Point d'encens au parfum divin.
Pour que la feuille de la menthe
Livre sa senteur odorante,
Il faut la froisser dans la main
Et le gommier, l'arbre à résine,
Le pin de la forêt voisine
Quand versent-ils mieux leur liqueur?
Quand on les perce jusqu'au cœur.
Oui c'est la loi, la loi suprême.
Gros-Guillaume ne mentait pas.
Le Ciel éprouve ceux qu'il aime
Voilà pourquoi des choses d'ici-bas
Les meilleures, les plus parfaites,
Semblent quelques-fois n'être faites
Que pour servir de cible aux flèches du trépas.
Voilà pourquoi, Sainte Eglise, ô ma Mère,
La paix pour vous n'est jamais qu'éphémère,
C'est malgré les tyrans que vous avez grandi,
Persécutée au Nord quand tranquille au Midi,
Objet tantôt de rage et tantôt de risée.
De votre propre sang chaque jour arrosée,
Vous ne cessez jamais d'avoir
Quelque membre sous le pressoir.
Ah! c'est que vous êtes l'arôme
De la science et de la liberté,
Vous êtes le froment, le vin pur et le baume
Qui nourrit, réjouit, guérit l'humanité.
Aussi béni soit Dieu qui raffermit sans cesse
Votre inépuisable jeunesse,
Dieu qui vous associe à son éternité!
Allocution de M. Lajont
[8] Voici l'allocution que M. Lajont, vicaire général de Lyon, adressa aux juvénistes en présence des membres du comité formé dans cette ville pour le soutien du juvénat, dans une visite de ces MM. à Saint-Genis:
[9] "Mes chers enfants, Ces MM. se sont arrachés à des occupations bien sérieuses pour venir passer un moment au milieu de vous. Ils comprennent la grandeur de l'œuvre des juvénats et se font un plaisir de venir s'occuper plus particulièrement à ce grand travail.
[10] Votre Juvénat est un abri pour votre foi. Combien d'enfants ne sont pas, comme vous, retirés dans une sainte maison, préservés des embûches du démon. Aujourd'hui que le monde est si pervers, combien d'enfants sont exposés et finissent par devenir les victimes des maximes mensongères du monde. Pour vous, la vertu vous est facile. Retirés dans la maison de la Sainte Vierge, vous pouvez résister aux assauts du démon.
[11] Votre œuvre est une œuvre de protection pour votre vocation. Une société de cœurs généreux s'est formée, ils se sont associés eux, leur personne, leurs biens, leur vie même dans l'intention de retirer au plus tôt, d'arracher au monde ces cœurs que N.S. appelle à son service. Ils évitent ainsi à la plupart de ces fleurs que chérit la Sainte Vierge une plus grande connaissance du mal. Retirés dans cette maison religieuse, sous les exemples des bons Frères qui prennent soin de vous, vous coulez d'heureux jours dans la pratique de la vertu et vous vous préparez à la lutte terrible entre satan, le monde et J.C.
[12] Votre œuvre est une œuvre d'espérance. Oui, mes chers enfants, vous êtes l'espérance de la congrégation des Frères Maristes, du Saint-Père, de l'Eglise et du monde chrétien. Votre œuvre est une œuvre importante. Ne trompez pas l'attente de ceux qui espèrent en vous. Aimez le travail, ne vous laissez jamais décourager. Préparez-vous à lutter vaillamment contre ces palais, plus somptueux au-dehors que riches au-dedans, contre ces écoles où l'on ne parle ni de Dieu ni de diable, contre ces écoles où l'on pourrait mettre: Ici règne le démon.
[13] N'oubliez pas la prière. Que votre cœur s'attache aux sentiments que peuvent inspirer les paroles que vous prononcez. Priez pour vos bienfaiteurs. Priez Dieu qu'il daigne leur donner le centuple en ce monde en attendant qu'ils aient la récompense éternelle que nous espérons tous.
[14] A la prière joignez l'obéissance, soyez très dociles aux avis des bons Frères que Dieu vous a donnés, regardez leurs paroles comme celles de Dieu, leurs avis comme ceux de Dieu. Quand vous allez vous confesser, faites-le très sérieusement, avec toute la gravité que mérite cet acte si important. Pensez que le sang de N.S.J.C. est en jeu dans ce sacrement. Préparez-vous aussi à la sainte communion avec une grande ferveur, vous qui avez le bonheur de la faire si souvent."
[15] Le F. Marie-Candide ayant été choisi pour la mission de Pékin et s'étant embarqué avec 5 autres Frères à Marseille le 8 mars dernier, le F. Acyndinus lui succède au juvénat.
Juvénats des autres Provinces
[16] Les Provinces du Nord et de Saint-Paul imitèrent vite celle du Centre en établissant des juvénats qui, sous la mains de maîtres habiles, devinrent bientôt florissants, surtout celui de Saint-Paul.
[17] Néanmoins, le C.f. Assistant de cette Province trouva ensuite le moyen de créer un second juvénat à Serres en 1885 pour recueillir les nombreuses vocations du diocèse de Gap. M. le curé de cette paroisse, aujourd'hui évêque du diocèse, en fit les principaux frais.
[18] Le juvénat de Saint-Paul devait être commun à cette Province et à celle d'Aubenas, mais celle-là garda tout, bien qu'un grand nombre des juvénistes vinsent de l'Ardèche. Voyant cela, la Province d'Aubenas a demandé et a obtenu qu'un juvénat serait créé pour elle à La Bégude et que la caisse commune lui viendrait en aide. La maison a été exhaussée, fortement réparée et le juvénat y a été ouvert en mars 1890, sous la direction du F. Sévérino. Il eut d'abord 40 juvénistes, à peu près gratuits.
[19] Le pensionnat de Digoin ne pouvant se défendre contre ses nombreux concurrents, fut fermé en 8bre 1884 et remplacé par le juvénat de la Province, mal placé et peu nombreux, à Saint-Genis. Il fut mis sous la direction du F. Cléomène, habile glaneur qui eut bientôt 80 juvénistes, autant que la maison peut en loger, avec les trois classes de l'externat libre. F. Cléomène enthousiasmé, électrise son monde, ce qui n'est pas, selon nous, le meilleur genre: nous n'avons pas à en donner ici la raison.
[20] Nous nous contentons de remarquer que ce juvénat envoie une trentaine de postulants au noviciat de Saint-Genis chaque année, mais que le plus grand nombre n'y prennent pas l'habit religieux ou le jettent aux orties, peu de temps après l'avoir pris.
[21] La section de l'Ouest n'a pas de juvénat proprement dit, mais une vingtaine d'enfants y sont comme dans l'antichambre du noviciat.
[22] La Province des Iles n'a pas de juvénat non plus. Il est remplacé dans une certaine mesure par les enfants que les lois anglaises autorisent à enseigner sous l'œil des titulaires des écoles et auxquels le gouvernement fait un traitement annuel de 500 fr. La plupart de ces petits instituteurs entrent dans les noviciats de Dumfries ou de Sydney lorsqu'ils ont l'âge requis.
[23] Mataró en Espagne a déjà un juvénat.
"L'œuvre des Juvénats"
[24] En mai 1891, le juvénat de Saint-Genis compte 221 enfants dont 30 prennent le bon air à Monsols et 31 à Lavalla. On travaille à placer ceux de l'Hermitage dans leur Province. Celui de Saint-Paul en compte 105, celui de Serres 67, celui de Beaucamps 95, celui de Digoin 80, celui de La Bégude 50 et celui de Mataró 52, soit 670 juvénistes y compris ceux de l'Ouest, mais non compris les 80 des Iles.
[25] Pour soutenir ces juvénats on forma des comités à Lyon, à Saint-Etienne, à Bordeaux et à Lille. Le premier ne fonctionne presque pas, les trois autres le font bien, surtout celui de Lille et chacun de leurs membres paye une cotisation plus ou moins forte.
[26] Mais les meilleures ressources sont amenées par les Frères quêteurs. Le F. Barnabé, le plus ancien et l'un des plus habiles, mourut à la peine. Il avait quêté pour le juvénat du Bourbonnais et pour celui de Saint-Paul. Ces quêtes suffirent au premier jusque deux ans après sa mort. La Province n'a pu le remplacer. Les quêteurs du Nord, de l'Ouest et de l'Hermitge ont toujours facilement couvert les dépenses de leurs juvénats respectifs. Celui de Saint-Paul qui a deux juvénats à soutenir, est aidé parfois par le bénéfice sur le biphosphate. La Province de Saint-Genis emploie divers expédients et celle d'Aubenas compte sur la caisse commune.
[27] "L'oeuvre des Juvénats" fut approuvée par Sa Sainteté Léon XIII le 9 juin 1879. Plusieurs évêques l'approuvèrent aussi et permirent de quêter dans leurs diocèses. Quelques-uns firent exception. Celui de Périgueux y persiste.
[28] A dater de 1878 des bulletins annuels ont été imprimés pour constater les progrès de l'œuvre, donner les noms des principaux souscripteurs, tenir les bienfaiteurs au courant des faits intéressant les juvénats et leur faire connaître les produits annuels des quêtes. Ces bulletins sont utiles aux Frères quêteurs, en ce sens qu'ils flattent et encouragent la plupart des bienfaiteurs et des soutiens de l'œuvre. Nous n'avons pas à entrer dans d'autres détails, cela nous mènerait trop loin.
Les noviciats
[29] Après 10 ans d'union plus ou moins cordiale avec ceux de la Province de Saint-Genis, les novices du Bourbonnais vont enfin habiter la spacieuse maison de Varennes. Ce sera le 13e noviciat de l'Institut, (si nous étions superstitieux, ce chiffre nous ferait peur). Les 12 qui existent déjà sont ceux de la maison-mère, de l'Hermitage, de Saint-Paul, de Beaucamps, d'Aubenas, de La Cabane, d'Arlon, de Dumfries, de Sydney, d'Uitenhage, en Afrique, de Saint-Athanase et de Mataró qui est tout récent.
[30] Grâce aux juvénats, les 4 premiers sont très nombreux. Les autres le sont moins, bien qu'assez prospères. On peut néanmoins se demander si les sujets formés dans ces noviciats seront plus constants que ceux qui les y ont précédés et qui n'avaient point passé par des juvénats. Le doute est permis si l'on en juge par ce qui se passe dans le Bourbonnais depuis une dizaine d'années et peut-être ailleurs.
Les vêtures
[31] Quoiqu'il en soit, les 12 noviciats susdits ont eu 139 vêtures, du mois de mai 1883 au mois de mai 1891 et ont donné le costume de l'Institut à 2.177 novices ainsi répartis: Saint-Genis: 521 dont 200 pour le Bourbonnais, l'Hermitage: 397, Saint-Paul: 433, Aubenas: 242, Beaucamps: 283, La Cabane: 112, Arlon: 25, Dumfries: 59, Sydney: 65, Uitenhaga: 4, Saint-Athanase: 36, Mataró se prépare.
[32] Ces diverses vêtures furent présidées par les aumôniers des noviciats ou par les RR. PP. Maristes, ou par des curés voisins. M. Coupat, curé de Saint-Genis, en prêcha une. Celles de Dumfries ont été généralement prêchées par l'évêque du diocèse.
[33] Voici un passage du discours fait par M. Pagnon, membre de la commission qui s'occupe de la cause de notre pieux Fondateur, à la vêture du 2 février 1889:
[34] "Le Seigneur est la part qui m'est échue et qui me vient en héritage, la portion qui m'a été destinée et que le péché m'avait ravie (Ps 16).
Mes biens chers enfants, ces paroles du prophète royal trouvent en vous aujourd'hui une application bien touchante. Vous venez vous unir à Dieu, vous lier plus étroitement à lui, en un mot, le prendre pour votre part et votre héritage. Ce ne sont pas des biens et des jouissances qui vous sont donnés en partage, c'est le Seigneur lui-même qui se donne à vous sans réserve. Il est la source des seules et véritables jouissances. Vous quittez tout, mais vous retrouvez tout en ce nouvel héritage. Etes-vous dans la peine, dans la contradiction, Dieu vous applique un baume salutaire qui vous en enlève toute l'amertume. Suivant votre position, il se transforme en joie, en consolation, en lumière.
[35] Le Seigneur est ma part. Voyez, mes c. enfants, quelle impression profonde produisait sur les saints cette ineffable maxime. Ecoutez les mélodieuses harmonies qui s'échappaient de leurs cœurs et allaient se perdre dans le cœur même du Dieu d'amour:
Le sort, s'écrie David, m'a fait échoir une part merveilleuse, le Seigneur est mon partage! Oh mon Dieu! que votre louange ne quitte jamais mes lèvres, que toujours mon cœur n'aime que vous! Oui, continue-t-il, un jour passé aux pieds de vos sacrés autels vaut mieux qu'un siècle aux palais des mortels. La dernière place dans votre maison, la place la plus méprisable aux yeux du monde, je la préfère aux palais des grands."
[36] Entendez aussi cette parole qui est comme le résumé de tous les transports d'amour échappés au cœur des saints, parole qu'ils ne cessaient de répéter: "O mon Dieu! O mon tout!" Tels étaient les sentiments des élus de Dieu, de ceux qui l'avaient pris pour leur partage et tels, je n'en doute pas, sont aussi les vôtres. Vous venez lui dire que vous ne voulez avoir d'autre part que lui, c'est là le lot que vous vous êtes choisi.
[37] Heureux êtes-vous d'avoir compris que le monde est rempli d'amertumes et que les vraies joies sont bien loin de lui. Les contradictions ne vous manqueront pas, quoique vous soyez en religion..."
[38] Un novice, malgré son heureuse mémoire, releva ce sermon assez médiocrement, nous avons dû l'amender un peu. Un autre réussit mieux en reproduisant le discours de Mgr. Gravel, évêque de Nicolet, en Canada, comme il suit:
[39] "Mes bien chers Frères, C'est une grande joie pour moi de me trouver parmi vous dans cette maison où j'ai reçu un si cordial accueil et une si bienveillante hospitalité. Je serai à même de connaître un peu mieux cet Institut avec lequel j'ai déjà eu le bonheur d'avoir quelques rapports, Dieu s'étant servi de mon humble personne, il y a trois ans, pour faciliter la création d'une colonie de Frères dans le Canada, colonie qui maintenant fait la prospérité et la richesse de la paroisse qui est tout heureuse de la posséder.
[40] Qu'elle n'a pas été aussi ma joie, ce matin, en vous distribuant à tous la sainte communion. Si, d'après quelques auteurs ascétiques, celui qui la donne participe aux grâces que reçoivent les communiants, quels n'ont pas été les trésors de richesse spirituelle que j'ai reçus ce matin.
[41] Ca été aussi une grande joie pour moi de pouvoir m'agenouiller avec vous aux pieds des autels, d'adorer avec vous J.C. qui y réside réellement, de pouvoir assister à quelques-uns de vos nombreux exercices de piété, d'entendre vos chants si pieux et si bien exécutés qui montent vers le trône de la majesté infinie de Dieu comme un parfum d'une agréable odeur.
[42] Mes chers Frères, je profite de ces quelques moments pendant lesquels il m'est donné de vous parler, pour vous faire entendre quelques paroles d'édification. Il y a trois ans, avant de repasser en Amérique, je me fis un devoir d'aller m'agenouiller aux pieds de N.S.P. le Pape. Je priai Léon XIII, après lui avoir rendu mes hommages de filiale affection, de me laisser un mot, une pensée comme souvenir et qui pût me servir de ligne de conduite, qui fut ma devise et l'étoile avec laquelle je pusse me diriger comme avec une boussole.
[43] Le Saint-Père s'étant recueilli un instant me répondit: "Dans toute l'étendue de votre diocèse, propagez de plus en plus l'esprit de prière, car sur la terre il n'y a que la prière qui soit une véritable puissance, il n'y a que ceux qui prient qui fondent des établissements, au contraire, ceux qui ne prient pas n'ont que des succès passagers."
[44] Je recueillis pieusement ces paroles de Sa Sainteté et je les conservai dans mon cœur. Depuis je me suis toujours appliqué à réaliser ce désir du Souverain Pontife, soit en instituant de nouveaux exercices de piété dans mon diocèse, soit en y recommandant la prière. Je voudrais donc aussi ranimer dans vos cœurs l'esprit de prière, si cela se peut et si c'est nécessaire.
[45] Nous autres, Canadiens-français, nous jouissons de toutes les libertés possibles, nous sommes dans notre élément comme le poisson dans l'eau et l'oiseau dans l'air, nous n'éprouvons aucune contradiction... Mais vous, quoique dans un pays catholique, vous avez à souffrir les travers des méchants qui voudraient vous empêcher d'accomplir la noble mission que l'Eglise vous a confiée qui est de porter la lumière de l'Evangile aux quatre vents du monde. Dans ces circonstances difficiles, votre secours est dans la prière et quand la tempête grondera sur vos têtes, priez avec confiance, vous verrez bientôt vos ennemis s'enfuir et selon l'expression de Sa Sainteté le Pape Léon XIII, vous pourrez fonder des établissements durables..."
[46] Nous n'avons pas besoin de dire que sur les 2.177 novices qui ont pris l'habit religieux depuis 8 ans, il y a eu, comme toujours, de nombreuses non-valeurs, sans compter celles qui se produiront encore.
Service militaire
[47] Avec l'infernale loi militaire, appliquée depuis le mois de 9bre 1889 et qui nous a déjà enlevé une centaine de jeunes Frères, les non-valeurs se multiplieront davantage encore, malgré la peine que se donnent nos supérieurs et les sages mesures qu'ils prennent pour atténuer les effets de cette loi néfaste. Après 3 ans de caserne, il est fort à craindre qu'un certain nombre de ces Frères ne rentrent pas dans l'Institut ou n'y rentrent que très endommagés.
[48] En vertu de l'article 50 de cette loi inique, les sujets, pourvus d'un emploi hors de l'Europe et des colonies françaises, sont exempts du service s'ils sont agréés par le consul français des pays qu'ils habitent avant leur 19ième année révolue. Mais nos rares établissements à l'étranger ne nous permettront pas d'y placer tous nos jeunes gens réclamés par la caserne.
[49] Humainement parlant, si les francs-maçons ne sont pas balayés avec leurs infernales lois, le clergé sera fort maltraité et les congrégations religieuses d'hommes devront disparaître à bref délai. Les francs-maçons ont pris Dieu directement à parti. Lui seul peut et doit les réduire à l'impuissance.
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