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1856




Circulaire : 20-01-1856


[1] Au début de cette année, le Révérend Frère envoya une circulaire pour engager les Frères à remercier Dieu et la bonne Mère de la prospérité toujours croissante de l'Institut. Les noviciats étaient pleins, les nouvelles fondations nombreuses, les demandes plus nombreuses encore. Les solliciteurs s'accrochaient à toutes les cordes et se faisaient appuyer par tous les personnages influents. Il était pénible de leur opposer des refus, mais les sujets disponibles manquaient.
[2] Le Révérend priait tous les Frères, surtout les directeurs, de redoubler de piété, de régularité et de zèle, afin de découvrir de plus nombreux et meilleurs postulants.
[3] A cause de la cherté des vivres — le pain coûtait 0.50 fr. le kg. — il les engageait à redouble encore d'économie pour venir en aide le plus possible aux constructions entreprises.
[4] Il annonçait que le cantique noté était imprimé et que les Frères pourraient se le procurer aux vacances.
[5] Il ajoutait : "Il est probable que nous serons dans le cas de réunir le Grand Conseil cette année. Voici les noms des Frères choisis et nommés par le Régime pour en faire partie : Frères Malachie, Marie, Andronic, Léon, Chrysogone et Louis-Régis."
[6] La réunion du Grand Conseil, tel qu'il était ainsi organisé, resta dans l'ombre pour n'avoir lieu qu'aux calendes grecques213.

Extension des œuvres


[7] L'école de la Seyne avait été fondée gratuite. Le F. Urbain, directeur au nom de la mairie, demanda une classe payante. Le C.F. Jean-Baptiste lui répondit que, sans y tenir, il n'acceptait qu'un demi-internat, c'est-à-dire que les élèves seraient reçus de 6 heures du matin à 7 heures du soir et prendraient leur repas chez eux. Il voulait que le prix fut très élevé pour ne pas nuire aux classes gratuites et afin que les riches seuls pussent y prétendre.
[8] La loi de 1854 avait supprimé les recteurs de chaque département institués par celle de 1850 et en avait réduit le nombre à 16. Le 20 février, le Révérend pria M. le recteur de Paris d'autoriser la maison de Breteuil à recevoir des stagiaires. Cette maison allait devenir école normale et de nombreux instituteurs laïcs allaient y être formés.
[9] En quittant Beaucamps, le F. Louis-Bernardin était allé à Londres pour essayer d'y fonder un noviciat. Mal secondé, n'ayant que des attributions mal définies, il y tomba malade et rentra en France après sa guérison, sans avoir rien fait. Il fut replacé à La Côte Saint-André qu'il dirigea pendant 22 ans.
[10] Mgr. Mardoch, vicaire apostolique en Ecosse, demanda des Frères pour Glasgow et Dundee. Il se fit appuyer par l'évêque d'Arras, la comtesse de la Grandville et un M. Thiébaud, riche négociant. On répondit à l'un comme aux autres que l'on regrettait infiniment de ne pouvoir entrer dans leurs vues.
[11] Le 21 mars, on refusa également des Frères à M. l'abbé Chambost, appuyé par un Père Mariste, pour la Nouvelle-Orléans.


Enquête sur les noviciats


[12] Les inspecteurs d'académie de Saint-Etienne et de Valence adressèrent un questionnaire inquisitorial au Révérend sur les noviciats de l'Hermitage et de Saint-Paul. Il leur répondit ce qui suit :
[13] "M. l'Inspecteur, Les diverses questions que vous m'avez adressées étant peu en rapport avec ce qui se pratique dans notre noviciat, je ne pourrais y répondre que d'une manière générale.
[14] Le personnel de la maison est de 200 Frères ou postulants.
[15] Nous ne présentons jamais à l'examen pour le brevet de capacité; on ne les y prépare même que d'une manière très secondaire. Toute notre attention se porte à les former à la vertu et aux pratiques de la vie religieuse et à nous assurer de leur vocation. Il n'y a au noviciat, outre l'instruction religieuse, que des leçons de lecture, d'écriture, d'orthographe et d'arithmétique. En été seulement, on commence à initier les plus avancés au dessin linéaire, à l'arpentage et à la tenue des livres. Ces leçons particulières prennent 5 à 6 heures par semaine. Le chant a lieu tous les jours pendant une demi-heure.
[16] Nous n'avons pas tenu note de ceux de nos candidats qui ont échoué aux examens. Le tiers de nos sujets sont munis d'un brevet de capacité : 500 à peu près sur 1500.
[17] Sur l'article des examens, je me permettrai de vous faire observer, M. l'Inspecteur, que l'épreuve d'orthographe, avec une tolérance de 4 fautes seulement, me paraît exagérée. Nos jeunes Frères y arrivent à force de travail et d'efforts, mais les sujets mûrs et un peu avancés en âge, ceux par là même qui sont les plus sûrs et les plus propres à conduire un établissement et à élever les enfants, n'y parviennent qu'avec d'extrêmes difficultés et en épuisant totalement leur santé."
[18] Autres temps autres moeurs, dit le proverbe. Si notre R. Frère s'avisait d'adresser une lettre semblable aux républicains de notre époque, il provoquerait leur dédain et leur fou-rire. Un tel aveu les comblerait d'aise.
[19] Constatons néanmoins que les études profanes étaient plus en honneur au noviciat en 1856 qu'elles ne l'avaient été en 1840, ce qui ne veut pas dire que l'on y formait des sujets d'une vertu plus solide.

L'homme propose, Dieu dispose


[20] Le 21 juin, le R. Frère annonça l'époque des retraites. Elles eurent lieu comme les années précédentes, à quelques jours près. Les Frères devaient être rendus dans les maisons provinciales 4 jours d'avance.
[21] Le Révérend engageait ensuite les Frères à redoubler de piété pour apaiser la colère de Dieu qui venait de se manifester par les terribles inondations du Rhône et de la Loire, inondations qui avaient couvert de ruines les rives de ces deux fleuves.
[22] A Lyon, les quartiers sur la rive gauche, avaient été bouleversés et des milliers de familles étaient sans abris. L'empereur était venu voir ce désastre, avait distribué quelques secours et avait blâmé le cardinal de Bonald de ne s'être pas montré au milieu des inondés, se contentant de les faire secourir de son mieux.
[23] L'administrateur, gérant la Compagnie Paris-Lyon et Méditerranée, on l'a vu, avait accordé à nos Frères ainsi que d'autres compagnies, le droit de voyager à demi-tarif. Le directeur de la gare de Perrache avertit le Révérend que notre nom ne figurait pas sur la liste qu'il venait de recevoir et l'engageait à se pourvoir auprès de l'administration centrale. Le R. Frère écrivit donc le 4 juillet à l'administrateur-gérant et le pria de nous renouveler cette faveur : elle lui fut accordée.
[24] Les Pères Maristes avaient pris la direction du collège de Saint-Chamond en 1850. Leur maison de Valbenoîte, n'ayant plus sa raison d'être, ils la vendirent à nos supérieurs pour y placer notre pensionnat, devenu trop exigu et trop mauvais. Cette vente fut consentie moyennant 37.000 fr. avec l'intérêt 5% dont la maison de Valbenoîte resta chargée jusqu'au complet paiement. Le C.F. Théophane, directeur de cette maison, éteignit cette dette en payant 42.000 fr., intérêts compris, sur ses économies.
[25] L'église paroissiale étant trop petite, M. le curé demandait que l'Institut fit bâtir une chapelle latérale pour les Frères et leurs élèves. Le Révérend refusa, alléguant les grandes charges actuelles de l'Institut, et la mauvaise position de la chapelle projetée.

Etablissement de Charlieu


[26] La municipalité de Charlieu, croyant que l'Institut était déjà riche, proposa un arrangement en vertu duquel les 4 classes gratuites seraient en grande partie à notre charge. Le R. Frère ne pouvant accepter ces proposition trop onéreuses, le bail qui va suivre fut convenu et signé de part et d'autre. Il devait commencer le 11 novembre.
[27] Art. 1er — La ville de Charlieu loue aux Frères Maristes les bâtiments clos, cour et jardin, dits des capucins, tels qu'ils se comportent et tels que les Frères en jouissent présentement, aux termes du traité intervenu entre eux et la ville le 8 août 1845, pour une durée de 6 ans, à commencer le 11 novembre 1856 et finir à la même date de l'année 1862 au prix annuel de 500 fr.
[28] Art. 2 — Le prix du bail stipulé ci-dessus viendra en diminution de ce qui sera dû chaque année aux Frères, à raison du traitement des professeurs employés aux classes de l'école communale, conformément à l'article 3 ci-après.
[29] Art. 3 — Les Frères maristes seront chargés des classes de l'école communale où tous les enfants, domiciliés à Charlieu, seront admis gratuitement. Le F. Supérieur sera tenu de fournir pour les classes de cette école des maîtres ayant une capacité égale à celle des maîtres appelés à faire les mêmes classes au pensionnat et en aussi grand nombre que le conseil municipal le jugera nécessaire à la prospérité des classes de cette école, à la charge, par la ville, de payer pour chaque Frère employé dans cette école, la somme annuelle de 450 fr. Les Frères, à partir du jour où commencera le présent traité, seront au nombre de 4 pour faire les classes. Ils seront logés et nourris au pensionnat. Mais comme participation par la ville aux frais que nécessiterait, soit le logement, soit le traitement de celui d'entre eux qui serait chargé du temporel et de la cuisine, s'il n'y avait point de pensionnat, il est alloué aux Frères annuellement et pour toute la durée du bail, une somme de 150 fr.
[30] Art. 4 — Un des Frères employés à faire la classe à l'école communale devra être breveté et il aura le titre d'instituteur communal et de directeur de ladite école dont la tenue sera sous sa responsabilité particulière. Le F. directeur de l'école communale ne pourra pas avoir en même temps la direction du pensionnat.
[31] Art. 5 — L'enseignement, dans l'école communale, devant être entièrement gratuit, la ville se charge de payer le chauffage des classes et les fournitures à faire aux élèves pour l'encre et la craie. En conséquence il est alloué à forfait aux Frères Maristes qui se chargent dudit chauffage et desdites fournitures annuellement et pendant toute la durée du bail, la somme de 200 fr. En outre, il leur est alloué de la même manière une somme de 80 fr. pour les prix et encouragements à donner aux élèves de ladite école.
[32] Art. 6 — Tout le matériel nécessaire à l'école communale sera fourni et entretenu par la ville, comme aussi toutes les améliorations et réparations à faire dans les bâtiments de cette école restent à la charge de la ville.
[33] Art 7 — Il sera ouvert dans les bâtiments loués, un pensionnat primaire séparé et indépendant de l'école communale où devront être admis comme externes tous les enfants domiciliés à Charlieu dont les parents le désireront, à la charge, par eux, de payer la rétribution qui sera fixée par le F. Supérieur, sans que, dans aucun cas, cette rétribution puisse dépasser 6 fr. par mois pour chaque élève admis au cours supérieur, ni 5 fr. par mois pour chaque élève admis aux autres cours.
[34] Art. 8 — L'inspection de l'école communale et du pensionnat s'exercera conformément à l'art. 21 de la loi du 15 mars 1850. En conséquence, au pensionnat l'inspection ne pourra porter sur l'enseignement que pour vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, à la constitution et aux lois. Il est entendu que les Frères auront toute la facilité pour observer les Règles et les usages de leur Institut.
[35] Art. 9 — Toutes les grosses réparations à faire aux immeubles loués, telles qu'elles sont déterminés par l'art. 606 du code Napoléon, seront à la charge de la ville ainsi que les impôts de toute nature, même celui des portes et fenêtres. Si les grosses réparations étaient occasionnées par le défaut de réparation et d'entretien, depuis l'ouverture du bail, dans ce cas, les preneurs en seraient aussi tenus.
[36] Les Frères seront tenus de toutes les réparations d'entretien aux mêmes immeubles, telles qu'elles sont déterminées dans les articles 606 précité et 1754 du code Napoléon. Ils auront la faculté d'y faire toutes les bonifications et améliorations qu'ils jugeront nécessaires à l'établissement, à la condition que ces bonifications et améliorations resteront à la ville à la fin du bail, sans indemnité et que, dans le cas où lesdites bonifications et améliorations ne pourraient pas se faire sans une démolition ou un changement intérieur, il ne pourra y être procédé avant d'avoir obtenu l'autorisation du conseil municipal.
[37] Art. 10 — Dans le pensionnat, l'enseignement comprendra toutes les matières énumérées dans l'art. 23 de la loi du 15 mars 1850. Dans l'école communale on se bornera aux matières comprises dans le premier paragraphe du même article, en y ajoutant le chant et, au besoin, le dessin linéaire, l'arpentage et des notions élémentaires sur la tenue des livres.
[38] Art. 11 — Chaque année, à l'époque qui sera convenue entre le directeur et les autorités, des prix seront distribués aux élèves de l'école communale. Il ne sera pas nécessaire que cette distribution soit précédée ou accompagnée d'aucun exercice, il suffira qu'elle ait lieu publiquement, en présence des parents et des autorités qui auront dû être prévenus d'avance et avoir été invités à y assister.
[39] Nonobstant les dispositions de l'article 1737 du code Napoléon portant que : le bail cesse de plein droit à l'expiration des termes fixés, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé, les parties seront réciproquement tenues de se donner congé trois ans avant l'expiration du bail. En conséquence ce congé devra être consenti ou signifié avant le 11 novembre 1859. A défaut de quoi, il s'opérera un nouveau bail pendant une nouvelle période de 6 années, à partir de la fin du bail, pour continuer de la même manière et sous les mêmes conditions, de 6 années en 6 années.

Ainsi fait et signé double à Charlieu, etc..."



Le temporel et le spirituel mêlés


[40] Le 21 juillet, le Révérend envoya une lettre d'affiliation à l'Institut et de participation aux prières des Frères et des enfants à Me Firraz et à M. le marquis de Montdragon qui l'avaient demandé. La fortune ne rend pas heureux, M. le marquis en faisait l'expérience. Son épouse se conduisait mal et faisait enregistrer les fruits de sa mauvaise conduite sous le nom de son mari. Pour leur214 enlever le droit légal d'héritiers de ses biens, il se vit obligé de les vendre. Il n'avait pas d'enfants.
[41] Mgr l'évêque de Moulins, pour peupler ses séminaires, donnait 50 fr. à ses prêtres pour chaque élève qu'ils commençaient et qu'ils y faisaient entrer. La plupart de ces élèves ne persévéraient pas, mais les 50 fr. restaient à ceux qui les avaient reçus. M. le curé d'Arfeuilles et ses deux vicaires donnaient des leçons à un certain nombre de ces sortes d'élèves. M. le curé voulait organiser une manécanterie dont le côté onéreux aurait reposé sur les Frères. Il en fait la demande au Révérend qui la lui refusa et lui montra les graves inconvénients pour les Frères.

Retraites, professions, persévérance


[42] Le R. Frère alla présider les diverses retraites comme à l'ordinaire. Elles se firent bien et sans incident particulier, sinon que, pour la profession, la condition introduite dans la formule en 1850 fut supprimée : les supérieurs ne tenaient pas au droit, surtout à la responsabilité, de délier les profès de leurs vœux.
[43] Les nouveaux profès furent les suivants : Frères Marie-Domnin, Exupérance, Fabius, Géréon, Crescent, Longin, Bède, Hermel, Marie-Lucius, Godescal, Volusien, Privat, Macédone, Arige, Bienvenu, Pacifique, Véronique, Yves, Hermias, Néry, Edouard, Druon, Norbert, futur Assistant, Diomède, Patrick, Hervieux, Nicaire, Jovinien, Edilbert, Embert, Archange et Antonio.
[44] Les Frères Bède et Hermel nous quittèrent plus tard pour entrer dans le sacerdoce. Celui-ci y fit triste figure. Celui-là alla en Afrique, devint vicaire général de Mgr. de Lavigerie, à Alger et ne se fit pas aimer de ses subordonnés. Néanmoins il put espérer la mitre. A l'instant où il croyait la coiffer, il fut disgracié. Mgr. voulut le nommer curé. L'abbé Geai, c'était son nom de famille, refusa et dut quitter le diocèse. On nous dit qu'après avoir séjourné en divers lieux, notamment à Paray-le-Monial, il vient d'y rentrer et d'accepter un poste.
[45] Le F. Exupérance, par un excès de dévouement, mourut de la vérole noire, 30 ans après et dût être inhumé de suite. On dut laisser son corps hors de la chapelle pendant que l'on y faisait les prières prescrites.
[46] Nommé directeur plus tard, le F. Volusien eut une idée bien singulière. Il mit une certaine somme à part, déchira plusieurs feuillets de son grand livre de comptes et alla déclarer au maire qu'on l'avait volé. Celui-ci dénonça le vol au juge-de-paix lequel fit faire une enquête. Il fut démontré que le voleur n'était autre que le F. Volusien. On dut donc le faire passer en Belgique. Il fut néanmoins condamné à plusieurs années de prison, comme contumace. Il put rentrer en France après le 4 septembre 1870, mais il finit par se défroquer.
[47] Le F. Néry se conduisit mal ensuite dans l'établissement qu'on lui avait confié et donna un grand scandale en quittant ce poste avec une créature.
[48] Les Frères Hervieux et Antonio allèrent plus tard en Océanie.
[49] Pour le voeu de stabilité, il y avait une messe spéciale à laquelle néanmoins tous les retraitants assistaient. Les stables se rendaient à l'autel pour émettre leur vœu et recevoir ensuite la sainte communion. Voici les noms des stables de cette année-là : Frères Avit, futur Assistant, Ignace, Philogone, futur Assistant, Polycarpe, Théophane, futur Assistant puis Supérieur général, Callinique, Conrad, Marie-Lin, Aidant, Euthyme, futur Assistant, Claude, François-Michel et Césaire.
[50] Pendant que le C.F. Avit était Visiteur, un bruit s'était accrédité durant l'une de ses tournées : on répétait partout qu'il avait jeté le froc au buisson. Cette malheureuse inclination des moines, des religieux, nous allions dire des ecclésiastiques à s'occuper de la conduite d'autrui plus que de la leur, est infiniment regrettable : c'est un terrible problème à résoudre.

Un air des missions


[51] Mgr. Bataillon vint nous rendre une 2e visite. Il arriva à l'Hermitage le lendemain de la clôture de la seconde retraite, c'est-à-dire le 22 septembre. Il célébra la sainte messe, donna la communion à la communauté et administra le sacrement de confirmation à une vingtaine de Frères.
[52] Sa Grandeur était accompagnée de trois jeunes Océaniens. Ils chantèrent en leur idiome et Mgr. avec eux, le cantique : Unis au concert des Anges... Toute la communauté chantait en français le refrain : De Marie qu'on publie... C'était beau de les voir entourés par les Frères dans la cour, pendant la récréation, ils ne perdaient nullement contenance. L'un d'eux servit au déjeuner du salon et s'en acquitta parfaitement.
[53] Les Pères Maristes avaient transformé l'idiome Samoan en une véritable langue, avec un dictionnaire et des règles très simples. Nous donnons ici le Pater et l'Ave en langue samoane :
[54] Pater. Ko tamatou Tamai e i selo, Ke tapuha tou huafo; ke au mai tou pule; ke fai tou finegalo e te ke le kele o hage ko selo. Ke foakimai hamatou meu kai i te a ho nei, pea ke faka moemole tamatou agahahla o kage ko tamatou faka molemole kea natou, e agahala mai kia matou; ki te holi kovi, kae fake moule matou mai te kovi. Amene.
[55] Ave Maria. Alofa, Malia, e ke fomu i te kalasia, e ia te koe te Aliki, e ke manuia koe i te fa fine fuape, pea e manuia ia sesu ko te fua o tou alo.

Sayata Malia, ko te Fae a te Atua, ke ke hufia matou agahala i te aho-nei, pea mo te aho o tomatou mate. Amene.


[56] Les indigènes donnaient à leurs chants et à leur parler une expression douce et mélancolique qui élevait l'âme et l'excitait à la méditation.

Fondations, agrandissements


[57] On fonda les maisons dont les noms suivent : Berre, Grand-Serre, Saint-Cannat, Montfrin, Bon-Encontre, Courpière, Noyant, Montluel, Roybon, Saint-Antoine, Thurins, Joncquières-Saint-Vincent, Bédarrides, La Bastide, Beaulieu, Saint-Fortunat, Cazouls, Paris Plaisance (externat) et Menerbes.
[58] Le pensionnat de Neuville fit sa rentrée dans la nouvelle maison, sous la direction du C.F. Philogone. Ce Frère permuta ensuite avec le F. Placide et alla diriger le noviciat de l'Hermitage. Dans ce nouveau local, consacré à Marie,sous le titre de N.-D. de Bellegarde, la pension acquit vite une bonne renommée.
[59] En demandant des Frères, le clergé et la municipalité de Cours avaient demandé aussi un pensionnat. On le leur avait fait espérer. Bien qu'ils n'eussent pas de local convenable, ils insistèrent. On leur répondit : "Procurez-vous d'abord un local. Avant de commencer à bâtir ils voulaient avoir une promesse positive et par écrit. Ne recevant que des réponses évasives, ils se fâchèrent et menacèrent de renvoyer les Frères. On leur promit donc ce qu'ils désiraient. Ils se mirent en quatre pour bâtir et Thizy, Saint-Vincent, Perreux et Charlieu eurent un concurrent de plus.
[60] Le 4 novembre, le Révérend écrivit à Mgr. de Charbonnel, évêque de Toronto dans le Texas, qu'il avait le profond regret de ne pouvoir lui envoyer les Frères qu'il demandait pour sa mission, faute de sujets disponibles.
[61] Le 4 décembre, le Révérend écrivit au préfet de la Loire et le pria d'obtenir de la compagnie du chemin de fer une station à Izieux, attendu que la nouvelle gare de Saint-Chamond était trop éloignée de l'Hermitage. Le bon Révérend attend encore une réponse favorable.
[62] Nous avons dit que M. le curé de Digoin s'était endetté pour loger l'école et le pensionnat de nos Frères, qu'il avait quêté par monts et par vaux sans couvrir toutes ses dettes, que M. Ischier lui avait prêté 20.000 fr. moyennant une rente viagère de 1.200 fr. Nous avons dit aussi que, ne pouvant payer seul cette rente, il avait offert son immeuble à la ville, à la fabrique, à l'Institut et que tous l'avaient refusé. Le brave homme s'est donc saigné à blanc pour payer la dite rente. Une volumineuse correspondance avait eu lieu entre lui et nos supérieurs, entre ceux-ci et Mgr. d'Autun, pendant plusieurs années.
[63] La mort de M. Ischier changea la face des choses. Avant de mourir cet ancien missionnaire envoya son testament et toute sa correspondance sur cette affaire à Mgr. d'Autun. Son testament léguait ce qui lui était dû à l'oeuvre des Frères, à la charge de payer 1.000 fr. pour messes, 1.000 fr. pour deux églises désignées, 1500 fr. pour la Propagation de la Foi et autant pour la Sainte Enfance.
[64] Mgr. excita notre Révérend à accepter l'immeuble avec les dites charges. Le Révérend temporisa, alléguant que les dettes de l'Institut ne lui permettaient pas de payer les 5.000 fr. susdits, qu'il craignait une revendication des héritiers Ischier, etc...
[65] L'affaire traîna en longueur, mais M. le curé ne s'inquiéta plus, n'ayant plus de rente à payer. Mgr. fit acquitter les messes. Les 2 églises, la Propagation de la Foi et la S[ain]te Enfance attendirent. L'affaire ne fut terminée qu'en avril 1864 par une donation, sous forme de vente, que M. le curé fit de son immeuble à l'Institut, sous la condition d'y continuer l'oeuvre commencée autant que les ressources pourraient le permettre. Mgr. ne réclama rien sur les 5.000 fr. dus. Peut-être les paya-t-il sur les 20.000 fr. qu'il nous avait promis lors de la vente de Vauban.
[66] Nous en finissons enfin avec cette éternelle question de Digoin. M. le curé, un saint prêtre, alla plus tard recevoir la récompense qu'il avait si bien mérité par 48 ans de labeurs parmi des mauvais paroissiens.

Ceux qui viennent et ceux qui partent


[67] L'Institut s'enrichit cette année de 163 novices parmi lesquels il y eut des non-valeurs comme toujours.
[68] Il perd ou mieux il gagne comme protecteurs au ciel les Frères Vitalique, Cloman, Sor, Géronce, Léon, Evergile, Roger, Népomucène, Célien, Maximilien, Martien, Bénilde, Auré, Renobert, Illuminé, Guislin, Aphrodise, Marie-Attale, Attale (mort en Océanie), Héliménas, Judes, Licard et un postulant Martinaud.
[69] La vie du F. Léon peut se traduire par cette maxime qui lui était familière : "Il vaut mieux être un bon cheval durant 10 ans qu'une rosse pendant 40!" Du reste, sa biographie fut imprimée et les Frères ont pu la méditer.
[70] Le F. Maximilien par mégarde s'était empoisonné en étudiant la botanique et en tenant une fleur d'aconit à la bouche pendant quelques minutes. Il était capable et dans la force de l'âge.

Statistiques


[71] Cette année le F. Econome paya 175.011 fr. pour les constructions, mais il avait emprunté 100.075 fr. Il fut obligé de clore son année par un passif net de 86.286 fr.
[72] Nous la terminons, nous, par l'incomplète statistique qui va suivre : "L'Institut est admis dans 23 départements. Il y compte 288 externats ou pensionnats, 1.043 Frères, 721 classes et 48.250 élèves inscrits, y compris une maison en Angleterre et une en Belgique. Dans ces nombres ne sont pas compris les 18 Frères de l'Océanie, non plus que les novices, les Frères en réserve et ceux employés dans les maisons provinciales de l'Hermitage, de Saint-Paul, de La Bégude, de Beaucamps et d'Hautefort."
[73] Nous ignorons quel fut l'auteur de cette statistique, mais elle nous paraît trop incomplète quand au nombre des élèves dans nos écoles. Nous avions établi ce nombre l'année précédente et nos souvenirs nous rappellent qu'il était aux environs de 52.000. Il était encore éloigné des 80.000 que le C.F. Louis-Marie avait mis en avant, en 1851, pour obtenir l'autorisation légale.


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