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1852




Faits divers


[1] M. le maire de Chaumont pria le Révérend de régulariser la donation faite pour cette école, en 1839, par M. Bordel à M. Mazelier. Le Révérend lui répondit que la chose lui paraissait difficile, attendu que les Frères de Saint-Paul n'étaient pas reconnus dans le Puy-de-Dôme, que cette donation ne nous était venue qu'indirectement par notre fusion avec ces Frères et sans la participation du Gouvernement, etc. Nous nous permettons de dire que la lettre du maire dénonçait les intrigues du F. Jean Bordel pour recouvrer sa dot.
[2] M. Chavassieu, inspecteur primaire à Saint-Etienne, était un drôle. Un Frère indiscret lui ayant appris que dans nos visites nous donnions des dictées et des problèmes aux Frères, il alla dire au Directeur de Saint-Jean-de-Terrenoire qu'il nous connaissait bien, qu'il nous voyait souvent et que nous lui avions montré les résultats que nous avions recueillis dans l'examen des Frères. Ces directeurs, justement froissés, allèrent raconter le tout au C.F. Louis-Marie. Celui-ci nous fit appeler et nous donna une mercuriale des mieux conditionnées. Nous lui répondîmes : "Si M. Chavassieu nous a vu qu'il dise à qui nous ressemblons, notre physique est assez caractérisé. Nous n'avons vu ce Monsieur qu'une fois de loin et par derrière, nous ne lui avons jamais parlé." Devant cette déclaration, le C. Frère se calma, les Frères froissés furent avertis et cette calomnie tomba dans l'eau.
[3] Le 15 février, on envoya au préfet de l'Isère la liste des écoles publiques de son département avec la date de leurs fondations et le nom des titulaires qui les avaient dirigées, afin d'obtenir le remboursement des retenues exercées sur les traitements de ces titulaires.
[4] M. Carnot, ministre de l'Instruction publique, en 1848, avait poussé les instituteurs dans la voie révolutionnaire. Un assez grand nombre d'entre eux s'y étaient distingués. La réaction qui se produisit en 1852 leur fut fatale. Celui de Marcigny, M. Noirard, venait d'être révoqué par le préfet qui demanda son remplacement par nos Frères. M. le curé Alamartin faisait tous les frais d'installation.
[5] Nous lui fûmes envoyé pour préparer les voies. Nous voulûmes, malgré M. le curé, acheter le mobilier chez les boutiquiers les plus opposés aux Frères, chez ceux qui les avaient le plus dénigrés auprès d'une population légère. Ne pouvant nous en empêcher, M. le curé nous accompagna. Une foule nous suivait dans les rues, s'entredisant : "Si tous les Frères sont comme setulà, ils ne sont pas bêtes comme on nous l'a dit." Au retour, M. Alamartin nous dit : "Brave homme! vous venez de faire tomber toutes les préventions que l'on avait accumulées contre les Frères. Si je vous avais eu pour acheter mon mobilier, vous m'auriez économisé 1.500 fr."
[6] Les trois Frères n'arrivèrent pas au jour indiqué. M. le curé, croyant son oeuvre compromise, en était très agacé. A son insu, nous avions pris nos mesures pour ouvrir l'école avec l'un des seconds de Semur. Nous croyant parti et son oeuvre manquée, M. le curé, en maugréant, alla loqueter la porte des classes. Il fut agréablement surpris d'y trouver les deux Frères avec 80 enfants aussi indisciplinés que possible. Ces deux Frères firent les classes pendant 8 jours après lesquels les enfants n'étaient plus reconnaissables. Les trois Frères arrivèrent enfin et les remplacèrent.
[7] M. le curé de Decize demanda des Frères. Mgr. Dufêtre, son évêque, appuya sa demande et voulait la préférence sur d'autres, attendu que sa Grandeur avait été condisciple du P. Champagnat. On les lui promit pour l'année suivante.


CHAPITRE GENERAL202

Préparation de la Règle


[8] La Règle que nous avait donnée le pieux Fondateur, étant trop succincte et sujette à trop d'interprétations, le Régime se proposa de la compléter à l'aide des instructions et des écrits du bon Père. Il s'en occupait depuis 6 ans. Son projet allait former trois petits volumes contenant les Règles communes, le Guide des Ecoles et les Constitutions proprement dites. Avant de soumettre ce projet au Chapitre général, le Révérend l'envoya au R.P. Lagniet, le pria de l'examiner et de lui dire ce qu'il en pensait.
[9] Le R.P. répondit ainsi le 14 avril :

"M.T.C. et T.H. Frère, Je suis bien en retard, mais enfin je vous renvoie votre manuscrit avec quelques observations que je vous adresse tout simplement avec ma franchise ordinaire et obligée à cette occasion. Le T.R. Père est absent, j'ai prié le Père Maîtrepierre, moins occupé et plus au courant que moi en ces sortes de matières, de me dire son avis. Nos observations sont les mêmes.


[10] 1 L'ensemble de vos Règles est basé sur le vrai esprit religieux et me paraît convenir au but de votre Institut. La rédaction est en général claire et à la portée des jeunes Frères qu'on suppose avoir besoin de beaucoup de détails. Je n'ai rien remarqué qui méritât d'être signalé sous le rapport de la doctrine et de la discipline religieuse. Mais ces Règles me paraissent bien étendues et trop minutieusement détaillées pour être soumises à l'approbation et proposées ensuite à la pratique d'un grand nombre de Frères comme Règles approuvées.
[11] 2 Telles qu'elles sont rédigées, ces Règles pourraient porter le nom de coutumier ou directoire. Alors, mon avis serait de faire un extrait bien substantiel, réduit en quelques articles courts et précis qu'on ferait approuver et auxquels on donnerait le nom de Règles.
[12] On donnerait ensuite à part, le coutumier ou directoire que l'on pourrait aussi faire approuver comme convenable à votre Institut et propre à former les jeunes Frères et les élèves.
[13] Je viens au détail :

1ère Partie, Ch. 1er, n 1 : Je dirais : nécessaires et utiles. — n 7 : manquer la vocation, je dirais : abandonner.

Ch. 4 : Les directions au F. Supérieur g[éné]ral, au maître des novices, au directeur local, ne seraient-elles pas multipliées?

Ch. 6, n 4 : Les fêtes de Marie sont très nombreuses si on comprend toutes celles dont on fait l'office, — une neuvaine avant chacune, chargerait beaucoup. Ne pourrait-on pas désigner les fêtes principales? — Nos 11 et 12 : Les instructions faites par les Frères sont sujettes à caution : parler de prédestiné, de prédestination, est bien délicat. Les Frères ne feraient-ils pas mieux de lire les pratiques dans les livres approuvés, se contentant de s'assurer si les enfants comprennent, sans donner des développements qui sortiraient de l'ordinaire. Le supérieur pourrait, dans les maisons nombreuses et dans les écoles supérieures, indiquer en particulier les Frères qui pourraient donner des instructions plus étendues.

[14] Ch. 7 : Ce chapitre traitant des questions qui touchent la conscience, est tout à fait délicat et très difficile à rédiger. Son importance pratique demande bien des réflexions et je n'oserais le recommander tel que. Il est important de bien distinguer ce qui est d'obligation, comme matière du voeu, de ce qui est de perfection ou de conseil. Ainsi le n 2 § 1, 2, 3, qui expriment une obligation déterminée pour l'objet même, sont compris sans complication pour la conscience, tandis que les nos 4, 5, 6 du même paragraphe qui expriment la fin ou la perfection des voeux et les dispositions où doit être le religieux, ne peuvent se préciser pour la conscience comme les articles précédents. On doit les donner comme perfection, comme but ou comme moyen d'atteindre le but et bien les séparer des obligations déterminées.

Au même chapitre, n 2, § 2, je retrancherais ces mots : tant qu'ils vivent selon la Règle. — N 3, les mots : époux de leurs âmes, à retrancher — N 6, Le voeu d'obéissance que font les novices pourrait être indépendant de l'obligation d'entrer en religion. Le P. Colin a modifié la formule de ce voeu pour la branche des prêtres. Tel qu'il est énoncé, l'article de la règle sur ce voeu laisse bien des inconvénients à la sortie des Frères qui auraient fait un peu légèrement ce premier voeu et qui sortent avec la même légèreté. Ne pourrait-on pas se contenter d'un voeu fait, en général, pour le temps qu'on passe dans la maison, comme Frère-novice? — N 7, qu'entend-on par un voeu de stabilité fait à l'évêque et dont le Pape seul pourrait dispenser? S'il s'agit du voeu de chasteté perpétuelle, indépendamment des Constitutions approuvées par l'évêque seul, il n'y a pas de doute, le recours au Pape est de droit. Mais les voeux faits selon les Constitutions qui dépendent de l'évêque, doivent eux-mêmes dépendre de l'évêque. C'est un point que l'évêque seul peut résoudre.


[15] Je serais d'avis que le chapitre seul sur l'obligation des voeux fût entièrement refondu et qu'il fût soumis à part à une commission de bons théologiens désignés par l'évêque, s'il ne pouvait l'examiner lui-même.
[16] Ch. 8, n 5 : changer le mot inconduite. — N 10, On ne comprend pas les termes : avis du Régime. On parle du roi au même rang que du pape et on ne dit rien de l'évêque diocésain dont on relève immédiatement, qui approuve la Règle, qui dispense des voeux et avec qui la Société a tous ses rapports.
[17] Les divers exercices, soit pour les Frères, soit pour les élèves sont bien accumulés. C'est nécessaire pour les écoles d'externes, dans les pensionnats on doit prendre une division plus large.
[18] 2 Partie. Ch[apitre] Chasteté, trop détaillé, trop de moyens, cela monte l'imagination. Les Frères directeurs doivent avoir des instructions particulières pour la surveillance dans leur maison.
[19] Vous voyez, M.T.C. Frère, que nous ne vous flattons pas. J'avoue que votre expérience peut vous dire le contraire, mais je vous devais mon avis. Si vous le voulez, je parlerai à son Eminence, mais il me semble que je ne serais guère utile à votre affaire. Le T.R. Père, n'ayant pas lu la Règle, ne peut donner son avis, je le regrette. Je crois que Mgr. est actuellement à Vernaison, il doit être en tournée au commencement de la semaine prochaine, mais le sacre de Mgr. Lyonnet, le 25 du courant, le retiendra à Lyon. Je ne pense pas [m'] absenter longtemps avant cette époque.
[20] Je crois bien faire en vous faisant passer votre manuscrit par le Frère au cas où vous en auriez besoin. Je n'ai pas examiné le style, ni les moyens de discipline. Vous avez votre pratique basée sur une bonne expérience, cela vous vaut plus que des Règles nouvelles. Je me recommande, etc. ..."
[21] Si le lecteur veut connaître les modifications que la lettre ci-dessus a fait faire au projet du Régime, par le Régime lui-même ou par le Chapitre général, il n'a qu'à comparer les observations de cette lettre avec l'ensemble de nos Règles communes, sur les points qu'elle indique.

Election des capitulants


[22] Connaissant la pensée des Pères sur le projet qu'il avait étudié, pensée qui lui arriva par le P. Lagniet, le Régime fit procéder à l'élection des membres qui devaient composer le Chapitre général, par la circulaire du 17 avril que voici :
[23] "N.T.C. Frères, La 1ère édition de notre Règle se trouvant entièrement épuisée, nous sommes dans la nécessité d'en faire une nouvelle. A cette occasion, nous avons cru qu'il convenait de revoir avec vous tout le travail, afin de classer par ordre chaque chose et de compléter les parties qui, jusqu'à ce jour, sont demeurées imparfaites, c'est-à-dire que nous nous proposons de mettre par écrit les choses qui ont passé en usage dans l'Institut et qui, sans être exprimées dans la Règle, ont cependant force de loi parmi nous. Mais quoique, dans le fond, cette nouvelle édition de la Règle ne doive renfermer que ce qui s'est toujours pratiqué dans la Congrégation, ce que nous tenons de notre pieux Fondateur, nous ne pouvons ni ne voulons la présenter aux Frères sans que le corps de l'Institut l'ait examiné, l'ait approuvé, l'ait accepté, car à lui seul il appartient de statuer définitivement sur ce sujet.
[24] Notre désir aurait été que tous les Frères profès eussent pu être consultés sur cette importante question, d'abord parce que la chose nous regarde tous et ensuite parce que vos lumières et votre bon esprit n'auraient pu que nous être extrêmement utiles. Mais une réunion de tous les membres de l'Institut étant impossible eu égard au nombre des profès, à l'éloignement des maisons et surtout à la difficulté d'abandonner les écoles en ce moment, nous avons dû nous contenter d'appeler auprès de nous un certain nombre de Frères qui aient votre confiance et qui vous représenteront.
[25] Pour le choix de ces Frères qui doivent composer le Chapitre, nous avons tenu compte, autant que possible, de tous les genres de mérites, non seulement afin de répartir également les suffrages, mais surtout pour nous entourer d'hommes capables et expérimentés, propres à nous aider de leurs lumières et à servir les intérêts de l'Institut qui, dans cette circonstance se trouve gravement engagé.
[26] Ainsi nous avons établi trois catégories ou trois sortes de Frères qui pourront être élus pour faire partie du Chapitre.

1 Ceux qui ont 15 ans de profession et que nous appelons anciens s'ils sont ou s'ils ont été directeurs;

2 Pour les Provinces de Saint-Paul et de Viviers, ceux qui faisaient partie de ces maisons et qui étaient directeurs lors de la réunion;

3 Les directeurs des maisons principales pourvu qu'ils soient profès et qu'ils aient au moins 10 ans de communauté..."


[27] La remarque faite ci-dessus, pourvu qu'ils soient profès, s'appliquant aux directeurs des maisons principales, étonnerait nos descendants si nous ne leur disions que depuis l'origine jusqu'à ce jour, il y avait eu des Frères directeurs qui n'étaient point profès. La nécessité du brevet pour les titulaires des écoles mettait le pieux Fondateur et ses successeurs dans l'impossibilité d'agir autrement.
[28] La circulaire dit ensuite que le Chapitre général allait compter 33 membres, y compris le Révérend et ses deux Assistants. Elle donnait les noms des Frères éligibles selon les catégories ci-dessus. Elle engageait les profès à s'adresser à Dieu et à réfléchir sérieusement avant de faire leur choix. Voici cette lettre :
[29] Province de l'Hermitage
Frères :

Jean-Marie, ancien directeur provincial

Aidant, directeur de l'Hermitage Avit, Visiteur

Hilarion, directeur à Bourg-Argental

Matthieu, directeur à Frontonas

Bonaventure, ancien maître des novices

Polycarpe, directeur à Perreux

Maurice, directeur à Fruges

Apollinaire, directeur à Neuville-sur-Saône

Ignace, directeur à Charlieu

Marie, directeur à Millery

Sulpice, directeur à La Côte-Saint-André

Pascal, directeur à Digoin

Raphaël, directeur à Firminy

Sylvestre, directeur à la Grange-Payre

Philippe, ancien directeur

Cariton, directeur à Craponne

Pierre-Marie, dir. aux Bois-Sainte-Marie

Dominique, directeur à Monsols

Paul, directeur à Ampuis

Xavier, directeur à Saint-Paul-en-Jarret

Cyprien, directeur à Boulieu

Etienne, directeur à Tarentaise

Théodose, directeur à Viriville

Eloy, directeur à Serrières

Cassien, ancien directeur

Nizier, dir. à Saint-Didier-sur-Chalaronne

Benoît, ancien directeur

Marie-Lin, ancien directeur

Ignatius, directeur à Lorette

Alexandre, directeur à Semur-en-Brionnais

Charles, directeur à Saint-Sauveur

Rémi, dir. à Saint-Maurice-sur-Dargoire

Marie-Stanislas, directeur à Ecully

Maxime, dir. à Saint-Martin-en-Coallieux

Théophile, directeur à Chaumont

Marie-Jubin, ancien directeur

Pothin, directeur à Saint-Pierre-de-Boeuf

Zozime, directeur à Thodure

Flavien, ancien directeur

Paulin, ancien directeur
[30] Province de Saint-Paul
Frères :

Léonide, directeur du noviciat

Paul-Marie, ancien directeur

Jean-Baptiste de Saint-Paul, ancien dir.

Victor, directeur à Saint-Marcel-d'Ardèche

Benoît, directeur à la Calmette

Léon, directeur aux Vans

Antoine, directeur à Caderousse

Laurent, ancien directeur

Onésiphore, directeur à Courthézon

François-Michel de Saint-Paul, directeur à

Saint-Didier-sur-Rochefort

Simon, directeur à La Roque
[31] Province de Viviers
Frères :

Malachie, directeur au noviciat

Louis-Régis, directeur à Largentière

Antoine-Régis, dir. à Villeneuve-de-Berg

Ambroise, directeur au Cheylard

Euthyme, directeur à Saint-Ambroix

François (Boudet), ancien directeur

Juste, directeur à Notre-Dame

Acquilas, directeur à Vernoux

Marie-Laurent, directeur à Montréal

Barthélemy, directeur à La Voulte

Pacôme, directeur à Saint-Remèze

Jean-Chrystome, directeur à Robiac
[32] Province du Nord
Frères :

Louis-Bernardin, directeur du noviciat

Andronic, dir. à Saint-Pol-sur-Ternoise

Photius, dir. du pensionnat de Breteuil

Fructueux, directeur à Carvin.

Critiques sur le mode d'élection


[33] Les électeurs avaient donc 68 noms sur lesquels ils pouvaient porter leur choix. Néanmoins la pauvre vanité humaine trouva le moyen de critiquer. Certains esprits douteux voulaient que les voix pussent se porter sur tous les profès, ce qui aurait été un beau gâchis. D'autres prétendaient que les supérieurs avaient fait les placements aux vacances précédentes de façon à faire arriver leurs préférés, etc. ...
[34] Nous plaçons ici un spécimen des critiques qui furent faites afin que le lecteur puisse en juger par lui-même. Il fut écrit par l'un des directeurs du Nord, un des plus capables de l'époque et bon religieux au fond, lequel dirigea plus tard nos pensionnats de Largentière et d'Aubenas, le 17 mai 1852 :
[35] "Tout le monde s'accorde à dire que vous avez pris le meilleur mode d'élection pour réveiller le plus de susceptibilité possible. Pourquoi, dit-on, amender l'article 5 des statuts déjà beaucoup trop restreint? Les supérieurs nous font la part que nous a faite le Président quand il nous a pour ainsi dire imposé les candidats qu'il nous voulait faire nommer. Pourquoi, dit-on encore, les supérieurs ne comptent-ils que 17 profès dans le Nord quand il y en a 29? Comment peut-on avec de telles erreurs "tenir compte de tous les genres de mérites" comme il est dit dans la circulaire? Il est trop de sujets hors des rangs pour que cette promesse s'accomplisse.
[36] De bonne foi et en conscience, confieriez-vous indistinctement le même poste avec la même assurance de succès aux Frères Flavien et Anastase, aux Frères Etienne et Angilbert, aux Frères Théophile et Jean-Philomène, aux Frères Paulin et Pontien, etc. ...? Cependant les premiers sont éligibles et les seconds hors des rangs.
[37] Il est donc impossible de tenir compte du mérite parce que les Frères profès ne peuvent pas nommer en conscience ceux qui ont leur confiance, vu qu'ils ne sont pas éligibles. Ce mode d'élection que vous avez adopté laisse donc à désirer sous le rapport du choix.
[38] Maintenant, les membres que nous envoyons au Chapitre sont-ils élus pour toujours, pour un temps ou pour une fois?... Nous faisons les choses sans savoir ce que nous faisons...
[39] En général, les Frères auraient désiré que tout profès ayant dix ans de communauté, directeur ou non, fut éligible comme ayant les mêmes droits. Il est d'ailleurs des Frères à la tête des pensionnats qui jouent un rôle souvent plus important qu'un directeur... Ainsi, F. Pascal, demeurant à Beaucamps, n'était pas candidat et F. Césaire, demeurant au pensionnat, était éligible. La maladie du premier l'a mis sur les rangs, trois années de misères et d'embarras en ont rejeté l'autre. Quel caprice du sort! et l'on tient compte du mérite!...

Constitution du Chapitre


[40] Nous parlerons plus loin des manoeuvres occultes d'un autre directeur.

Une seconde circulaire annonça l'ouverture du Chapitre général pour le 31 mai et convoqua les élus pour une retraite préparatoire qui devait commencer le 27. Elle donna ensuite le résultat des élections comme il suit :


[41] Province de l'Hermitage
Frères : voix

Jean-Marie 186

Ignace 178

Avit 167


Aidant 159

Maurice 158

Bonaventure 151

Hilarion 143

Apollinaire 140

Marie-Lin 140


Suppléants :

Frères :


Matthieu 85

Marie-Jubin 85

Raphaël 139

Philippe 137

Polycarpe 128

Cariton 119

Marie-Stanislas 103

Cassien 99

Eloy 99

Marie 95


Charles 80

[42] Province de Viviers


Frères : voix

Malachie 51

Achilas 38

Ambroise 35


Suppléant :

Frère :


Euthyme 25

Louis-Régis 33

Antoine-Régis 29
[43] Province du Nord
Frères : voix

Louis-Bernardin 28

Andronic 19
Suppléant :

Frère :


Photius 8

[45] Les membres du Chapitre se réunirent le 27 mai et firent une retraite préparatoire pendant laquelle le R. Frère leur fit des instructions sur l'importance capitale de la mission qu'ils avaient reçue des électeurs. Le 31, après une messe votive du Saint-Esprit, ils furent conduits processionnellement dans l'ancienne chapelle de l'Hermitage où ils devaient tenir toutes leurs séances générales. Le R.P. Matricon bénit la salle, leur fit un sérieux discours et le clergé se retira. On procéda ensuite à la vérification des élections. Chaque capitulant exhiba sa lettre de convocation, puis le Révérend déclara le Chapitre général régulièrement ouvert.



Dispositions des capitulants


[46] Notre intention n'est point de faire ici l'historique de ce Chapitre qui eut trois sessions, non plus que de ceux qui ont suivi. Ces assemblées périodiques étant la première autorité de l'Institut, il convient qu'elles aient leur histoire à part. Nous n'en donnerons donc ici que quelques traits, parmi les plus saillants.
[47] Le Chapitre nomma les Frères Malachie et Louis-Régis scrutateurs, les Frères Louis-Bernardin et Avit secrétaires. Ceux-ci remplirent cette fonction pendant les trois sessions et y furent maintenus pendant les Chapitre généraux de 1860 et 1862 et 1863.
[48] Nous avons dit que certains esprits avaient critiqué les bases données à l'élection par le Régime. Deux capitulants, les Frères Cassien et Paul-Marie, mieux intentionnés et plus vertueux qu'éclairés, crurent devoir déclarer, l'un d'eux par écrit, qu'ils avaient été élus pour écouter le Régime, le soutenir et voter tout ce qu'il voudrait. Ces déclarations produisirent une impression contraire à celle qu'ils attendaient. Le Révérend, Président de droit, leur fit remarquer qu'ils comprenaient mal leur mandat. Du reste, les deux tiers des capitulants n'étaient pas des orateurs. Ils écoutaient les discussions, l'un d'eux dormait souvent, ils votaient selon leurs lumières et leur conscience, mais ils n'osaient pas prendre la parole, même pour amener les décisions qu'ils désiraient.
[49] Cela fut remarqué surtout lorsqu'il fut question du mobilier des Frères dans les établissements. Le projet du Régime avait supprimé les montres et l'un des Assistants soutenait vivement cette suppression. La majorité des membres en était visiblement contrariée et avaient les yeux braqués sur l'un des secrétaires. Celui-ci se leva enfin et parla ainsi : "Vous avez tort de réclamer des montres. On peut s'en passer même en promenade. Il suffira que l'un des promeneurs porte l'horloge avec la caisse sur son dos à l'aide des bretelles. Il passera le premier et les autres auront toujours ainsi l'heure sous les yeux." Cette facétie originale fit rire tous les membres excepté trois. Le Président proposa le vote sur la question et les montres passèrent d'emblée. Elles se sont tellement multipliées depuis qu'il en est résulté un abus et que le secrétaire susdit a regretté souvent d'avoir contribué à les faire passer. Il est vrai que la pauvre humanité abuse des meilleurs choses.
[50] Quand vint le tour du chapitre sur le costume des Frères, un des Assistants déploya sa grande éloquence pour faire admettre les bas de drap par acclamation. Quelques membres seulement se levèrent. L'orateur devint aussi pâle que son rabat. Cet article passa donc par la discussion et par le vote comme les autres.

Intervention du R.P. Colin


[51] Le 11 juin, le R.P. Colin adressa la lettre qui suit au R. Frère203 :

"Je reçois dans ce moment de plusieurs côtés des lettres de vos Frères dont quelques-unes même sont très longues et anonymes. Ils réclament :

1 plus de messes et de prières pour les défunts. Ils se plaignent de ce qu'on n'a pas mis en exécution sur ce point, depuis plusieurs années, les Règles du P. Champagnat.

2 Ils gémissent de voir la santé de tant de jeunes Frères dépérir et de précieux sujets s'éteindre avant le temps. Ils ajoutent que cela nuit singulièrement à votre Congrégation et que plusieurs curés en détournent des jeunes gens pour cela.



3 Ils croient que ce qui contribue singulièrement au dépérissement de la santé, surtout des jeunes Frères, c'est que, 1 ils n'ont pas assez de temps pour déjeuner, pas assez de temps pour le dîner et que la nourriture n'est peut-être pas assez substantielle. Ils n'ont pas assez de récréations et, par là-même, pas assez d'exercices indispensables à leur âge, etc. ...
[52] Je vois par ces lettres que ce ne serait pas difficile d'exciter dans la Congrégation un mouvement de plaintes et de réclamations, ce qui doit rendre prudents. Souvenez-vous que notre premier devoir est de prendre les moyens de conserver la santé de nos inférieurs. Les plaintes qui s'élèveraient sur cet article porteraient un terrible coup à la Congrégation. Communiquez ma lettre aux deux Assistants et voyez ensemble pendant que vous êtes en Chapitre s'il n'y aurait pas moyen de céder quelque chose et de donner à la Congrégation une petite satisfaction qui aurait un heureux résultat., etc..."

Opposants


[53] Cette lettre fatigua les membres du Régime déjà très peinés par les intrigues dont nous avons parlé. Il était évident que ce n'étaient pas les Frères à leurs devoirs qui avaient porté des plaintes au R.P. Colin, mais bien les auteurs des critiques susdites. D'ailleurs leurs plaintes étaient fort exagérées et ne partaient que d'un certain nombre des moins réguliers.
[54] L'un d'eux, après les élections, s'était permis de vanter tels choix et d'en blâmer beaucoup d'autres. Cela arriva aux oreilles du Régime et l'inclina à croire que les capitulants vantés seraient en opposition avec lui sur toutes les questions. La discussion qui avait lieu en ce moment même fortifiait encore cette idée.
[55] Il s'agissait du chapitre réglant les suffrages pour les défunts. Le projet attribuait 30 messes pour le R. Frère dans la maison où il mourait et 3 dans chaque poste. Il en attribuait 9 à chaque Assistant au lieu de son domicile et une dans chaque poste. Il n'en accordait que 3 aux profès dans la maisons où ils mouraient204. Une longue et assez vive discussion s'engagea sur ce chapitre. Les 7 ou 8 capitulants qui prenaient ordinairement la parole demandaient que les profès fussent mieux traités.
[56] Le Régime craignait une opposition systématique de leur part. Le Révérend crut devoir lire en pleine séance, la lettre qu'il avait adressée au F. directeur de Lavalla principal meneur. Voici cette lettre205 :
[57] "M.C. Frère, Je suis bien peiné et bien affligé en apprenant la manière dont vous vous êtes comporté et les lettres que vous avez écrites à l'occasion de la convocation du Chapitre général. Les Frères Assistants partagent ma peine et mon indignation à ce sujet. En effet, votre conduite n'est pas celle d'un religieux soumis, docile, respectueux, obéissant, qui reconnaît la voix et l'autorité du Seigneur dans ses supérieurs et évite avec soin tout ce qui pourrait les contrarier et scandaliser ceux qui leur sont soumis. On dirait au contraire que l'ange rebelle vous a séduit et que le serpent infernal vous a communiqué son souffle empesté et son venin mortel.
[58] Vos lettres sont remplies de mensonges, de calomnies. Elles tendent à exciter le murmure, le mépris de l'autorité, l'insubordination, les cabales, les partis, le schisme, la révolte même dans la Société.
[59] Et ce qui surtout me désole, c'est que vous ne paraissez pas disposé à vous amender et à réparer le mal que vous avez fait, car j'ai appris, avec un surcroit de douleur et d'affliction, que, loin de profiter de la réprimande, de la correction et des avis que vous avez reçus, vous avez encore depuis parlé et écrit à peu près dans le même sens qu'auparavant. Ce qui dénoterait opiniâtreté, entêtement, obstination, bien que j'aime mieux croire qu'il y a plutôt manque de tête, défaut de jugement, pour ne pas dire absence de raison. Je vois que plusieurs autres Frères partagent ce sentiment par pitié et par compassion pour vous et qu'ils désirent et demandent qu'on ne vous traite pas comme vous le méritez.
[60] Ainsi, après avoir prié, réfléchi, de concert avec les Frères Assistants, nous avons résolu, pour maintenir intacte l'autorité qui nous est confiée, réparer autant que possible le scandale et prévenir les suites d'une pareille faute, de vous priver désormais : 1 de tous les droits de Frère profès; 2 de toute voix active ou passive; 3 de tous les suffrages accordés aux Frères profès défunts. Vous ne porterez plus la croix de profession.
[61] La présente lettre sera communiquée au Chapitre général et une copie en sera gardée dans les archives de la maison-mère.
[62] Je désire, mon cher Frère, que cette mesure produise un effet salutaire pour vous et pour toute la Société. Puissiez-vous, en vous remettant au rang des novices, acquérir toutes les vertus qui leur sont spécialement recommandées et prendre le véritable esprit de la Société des Petits Frères de Marie! Puissent tous nos chers Frères conserver toujours l'esprit et le caractère de cette Société et ne jamais déchoir de leur beau titre, ni perdre leurs saints privilèges! Dans cette douce confiance, je suis avec une affection toujours bien sincère..."
[63] Cette lettre et le temps pris pour la lire, produisirent une impression pénible sur l'assemblée. Tous partageaient l'indignation du Révérend contre le coupable, mais on se demandait pourquoi cette lecture en séance générale et pendant la discussion qui avait lieu sur les suffrages pour les défunts206. Un grand nombre de membres se figurèrent que l'on voulait étouffer ainsi cette discussion et obtenir le vote du Chapitre tel qu'il était dans le projet. Le Révérend, voyant que les esprits n'étaient plus assez calmes, leva la séance et le Régime se retira très préoccupé.
[64] Nous devons dire que, parmi les 8 ou 10 capitulants que l'on prenait pour des opposants, deux seulement paraissaient l'être de parti pris. L'un des deux, celui qui avait envoyé une provision d's au C.F. Malachie, comme nous l'avons dit ailleurs, était procureur général. Ils quittèrent l'Institut tous les deux en 1855 et allèrent se marier à Saint-Etienne. Le coupable de Lavalla se retira chez des religieux italiens dans le Var.
[65] A la séance suivante, les esprits étaient redevenus calmes et le chapitre des suffrages fut voté207 tel que les Frères peuvent le lire dans les Règles communes. Les autres chapitres de ces Règles, examinés dans les trois bureaux du Chapitre, puis discutés en séance générale, furent adoptés sans incidents remarquables.
[66] Les faits que nous venons de rapporter ne sont consignés nulle part208 que nous sachions. L'auteur de la vie du pieux Fondateur n'y fait qu'une allusion très discrète, dans le dernier chapitre du premier volume.
[67] La vérité de l'histoire nous engage à dire en passant que les procès-verbaux des secrétaires, avant d'être lus et adoptés en séance générale, passaient sous la plume du C.F. Louis-Marie, après comme avant son élévation au généralat209.
[68] L'examen et le vote du Guide des Ecoles furent réservés pour la deuxième session et les Constitutions pour la troisième.
[69] Avant de se séparer, les capitulants adressèrent à tous les Frères la lettre qui est en tête des Règles Communes.
* * *

Manque d'ouvriers pour la moisson


[70] M. le comte de Damas projetait de fonder un noviciat de nos Frères près de son château princier à Hautefort, Dordogne. Son frère, célèbre Jésuite et le P. Chavas, Mariste, supérieur à Verdelais, en firent simultanément la demande. Ils reçurent une réponse négative. Son Eminence le cardinal de Lyon et Mgr. de Périgueux insistèrent si bien que le Révérend promit l'ouverture de ce noviciat pour l'année suivante.
[71] Mgr. de Digne revint encore à la charge pour le noviciat des Mées. On lui répondit que M. Aurran paraissait vouloir y mettre des entraves.
[72] Mgr. de Soissons insista pour la fondation d'un pensionnat à Marle. On le pria d'attendre un peu.
[73] Le. R.P. Colin adressa, le 29 juin, 8 jours après la clôture de la première session du Chapitre210, au C.F. Directeur général, une lettre dans laquelle il déclarait qu'il donnerait un prédicateur pour la première retraite de l'Hermitage, sans autres confesseurs que les aumôniers, qu'il n'en pourrait point trouver pour la deuxième, non plus que pour celles de Saint-Paul et de La Bégude, qu'il ne pouvait remplacer le P. Gronge revenu de l'Océanie, décédé depuis quelques semaines à Saint-Paul et qu'il fallait chercher ailleurs. Il ajoutait que les décisions du Chapitre général lui paraissaient produire un bon effet. etc.

Les pensionnats


[74] A M. le curé de Neuville qui l'excitait à acquérir un terrain en vente pour y installer plus convenablement le pensionnat, le Frère Directeur général répondit ainsi :

[75] "M. le Curé, Je sens depuis longtemps que la maison que nos Frères habitent à Neuville ne convient nullement pour un pensionnat et je suis plus désireux que personne de les voir dans une autre mieux appropriée à cette destination. Je crois même qu'il n'est pas possible que le pensionnat se soutienne sans cela, car, outre que les Frères et les enfants ont à souffrir beaucoup de l'exiguïté du local, la mauvaise distribution des appartements fait qu'il est comme impossible d'y avoir une discipline parfaite et de faire la surveillance comme il conviendrait. Je prévois donc que nous serons forcés, tôt ou tard, ou d'abandonner le pensionnat et demander à la ville qu'elle se charge de son école communale et qu'elle fasse le traitement des trois Frères qui en resteraient chargés, ou de viser à nous procurer une autre maison.


[76] Ce dernier parti n'est pas celui qui nous sourit le plus, car nous tenons aujourd'hui, moins que jamais, à avoir des pensionnats. Plus nous allons, plus nous voyons que le meilleur pour nos Frères est de n'avoir que de simples écoles et de pouvoir ensuite vaquer tranquillement à leurs exercices de piété et vivre dans le recueillement et dans l'exacte observance de leurs Règles. Je dois vous avouer, M. le Curé, que cette considération qui nous fait le plus balancer dans le projet d'acquisition dont on nous parle. etc. ..."
[77] La pensée qu'exprimait le C. Frère était parfaitement partagée par le C.F. Jean-Baptiste qui avait fermé le pensionnat de Saint-Paul, qui ferma bientôt celui de N.-D. de La Blachère et qui n'en acceptait aucun nouveau.
[78] Le C.F. Louis-Marie partageait moins cette idée. Il paraissait même tenir aux pensionnats bien organisés, ayant un personnel suffisant et qui pourraient créer des ressources financières à l'Institut.
* * *
[79] Le 16 juin, le C.F. Directeur général demanda et obtint la faveur de voyager à demi-tarif sur les lignes ferrées des compagnies du Nord et de Paris à Lyon pour tous les Frères munis d'une obédience régulière, écrite de sa main ou de celle de l'un de ses Assistants.

Circulaire sur le Chapitre général


[80] Le 10 juillet, le F. Supérieur transmit la circulaire qui va suivre à tous les Frères :

"C'est pour nous un besoin, en vous donnant la circulaire des vacances, de vous dire un mot sur le Chapitre général que nous avons tenu dans le courant du mois passé. Nous devons le déclarer tout d'abord, nous attendons de grands résultats de ce qui s'est fait dans cette assemblée et en cela nous sommes certains que nous ne nous faisons pas illusion, car déjà les effets s'en sont faits remarqués. Chacun a senti son courage et sa confiance se ranimer, son attachement à sa vocation et à l'Institut redoubler, en voyant que les Règles sont définitivement arrêtées et que désormais la forme de vie de la Congrégation et son avenir paraissent assurés. Les sentiments des Frères se sont exprimés à ce sujet par des marques visibles de satisfaction et de bonheur. La charité, l'union et le bon esprit qui règnent parmi vous, comme ravivé par cette mesure, se sont montrés en cette occasion avec une force toute nouvelle et nous ont donné la plus douce consolation...


[81] Pour témoigner à Dieu notre reconnaissance, comme nous le devons, nous ferons une neuvaine comme il suit : 1 à compter du 16 du présent mois, pendant 9 jours, on récitera le Te Deum à la suite de la méditation et le Magnificat à la prière du soir; 2 toutes les communions et tous les exercices de piété, pendant ce temps, se feront en action de grâce des bienfaits accordés à l'Institut et à chacun de nous; 3 tous les Frères sont instamment conjurés de faire un retour sérieux sur eux-mêmes et de s'appliquer d'une manière particulière à se renouveler dans l'esprit de piété, d'humilité, de zèle pour le salut de leurs enfants et d'attachement à leur sainte vocation, afin de correspondre aux desseins de Dieu sur eux et sur l'Institut.

Quantité et qualité


[82] Le recteur de la Loire — il y en avait alors un par département — se plaignit des Frères de Bourg-Argental. Le rapport de l'inspecteur primaire, disait-il, constate que leur école n'obtient que des progrès beaucoup trop faibles. On le remercia de son avis, on promit d'y mettre ordre, mais on lui fit observer que la première classe avait 88 élèves et l'autre 120, que les progrès étaient nécessairement faibles dans de telles conditions et qu'une troisième classe devenait indispensable.
[83] L'Hermitage était devenu insuffisant pour loger tous les Frères de la Province pendant la retraite et l'on se voyait forcé d'en faire deux. La première fut prêchée par un P. Mariste, sans autres confesseurs que les aumôniers. On s'arrangea comme on put pour la deuxième, ainsi que pour celles de La Bégude et de Saint-Paul. Le P. Reculon prêcha celle de Beaucamps. M. Mazelier était chanoine titulaire à Valence, mais il continuait de présider les retraites de Saint-Paul.
[84] Voici les noms des 47 novices qui firent profession à l'issue de ces cinq retraites : Frères Acheul, Euphrone, Annet, Sabin, Vénérand, Agathodore, Lothier, Arpin, Vérissime, Théodote, Adelphère, Agabe, Candide, Bajule, Bessarion, Dace, Tite, Clair, Alphonse, Nil, Tharcisse, Austremoine, Arétas, Blandine, Conrand, Cadroël, Calétrie, Cécilius, Congall, Décorose, Eleusippe, Elzéar, Félicité, futur Assistant, Nivard, Aristonique, Argée, Amable, Barsès, Ceslas, Crescentien, Donat, Eliphe, Ephrem, Flore, Isaac, Isidore et Nicéphore.

Destinées diverses


[85] Les Frères Acheul, Clair et Aristonique n'avaient pas les vertus nécessaires pour être directeurs. Ils le furent pour leur malheur.
[86] Le dernier, après 15 ans de communauté, trouva notre genre de vie trop modeste et se figura que Dieu l'appelait au sacerdoce. Après de maigres études, il fut ordonné prêtre, partit pour la Chine, en revint de suite et remplit maigrement les fonctions de vicaire à Sury-le-Comtal pendant de longues années. Il espérait y remplacer son curé. Son espérance fut déçue. L'archevêché le nomma curé d'une chétive paroisse, dans le canton de Givors. Il s'y ennuya bien vite et mourut de chagrin après quelques mois. Ses restes furent réclamés par une partie de la population de Sury qui avait goûté son genre goguenard et volage.
[87] Le F. Dace, bon religieux, très dévoué devint plus tard somnambule à Saint-Genis-Laval et courut les champs pendant la nuit. Il prétendit avoir vu la Sainte Vierge dans l'église de Bonnand par le trou de la serrure et en avoir reçu l'ordre d'aller donner des conseils au pape. Avec une herbe indiquée par lui, quelques naïfs composèrent un liquide qu'ils nommèrent eau-dace et qu'ils donnèrent comme merveilleux. Ce bon Frère mourut néanmoins dans l'Institut.
[88] La guerre que l'on fit au Pape en 1860211, fit perdre la tête à l'excellent F. Nicéphore. On l'empêcha avec peine d'aller tuer l'empereur. Bien que sa folie ne fut pas furieuse, elle le rendit dangereux et l'on fut forcé de le placer dans une maison de santé où il vit encore, en 1890.
[89] Le F. Amable découvrit un liquide, sous le nom de biphosphate, qui acquit bientôt une grande vogue et devint une ressource providentielle pour l'Institut.
[90] Les Frères Acheul, Clair, Adelphère, Nil, Arétas, Cadroël et Eleusippe renièrent ensuite leurs promesses et jetèrent leurs soutanes aux orties.

Tentation de la facilité


[91] Le Président de la République s'était fait nommer empereur. Sentant que son trône avait besoin d'appuis solides, il favorisa le clergé, les congréganistes et les honnêtes gens. Les agents pourchassèrent les instituteurs que le ministre Carnot avait révolutionnés. Aussi, demandait-on des Frères de tous côtés. Les curés, les vicaires généraux, les évêques, les familles riches, les inspecteurs eux-mêmes firent de telles instances qu'il devint difficile de leur résister. Mgr. de Moulins insista pour plusiexamen breveteurs postes de son diocèse et écrivit une lettre charmante au Révérend. Le curé de Voiron voulait des Frères pour une ferme-école. Mgr. de Soissons en voulait pour la maîtrise de sa cathédrale.
[92] Cette salutaire réaction pouvait nous devenir fatale. Nos supérieurs étaient entraînés malgré eux à accepter trop de fondations. Pour y subvenir, il fallut employer les novices avant qu'ils eussent fait un noviciat convenable et placer à leur tête des directeurs faiblement vertueux. Les commissions d'examen se montraient faciles, mais le brevet ne donnait, comme aujourd'hui, ni la vertu, ni l'art de gouverner.
[93] On commença à se laisser entamer, cette année-là, et l'on fonda les 22 maisons dont les noms suivent : Marcigny, Bourbon-Lancy, Santes, Morbecque, Arques, Marle, Beaucroissant, Bully, Saint-Forgeux, Saint-Romain-de-Popey, Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, Grandris, le Chambon, Cassis, Dieulefit, Gonfaron, Ganges, La Seine, Le Bausset, Saint-Bauzille, Gemenos et Meyras.
[94] Le bon F. Jean-Marie alla fonder la maison de Gonfaron dont la population n'était pas bonne. M. le curé et le maire, un simple menuisier, étaient seuls à vouloir les Frères, mais le préfet les imposa. Le bon Frère força ces gens-là à admirer ses vertus qu'il perfectionna, comme nous l'avons déjà dit, au milieu des épreuves de tous genres, pendant plus de 30 ans.

L'affaire de Charolles


[95] Nous avons vu qu'en accordant des Frères à M. le curé de Charolles en 1850, on avait froissé son évêque. La ville avait un mauvais collège qui végétait. Voulant lui rendre un peu de vie, les nouveaux édiles proposèrent à M. le curé de le confier aux Frères Marianistes de Bordeaux, à condition qu'il y joindrait l'école libre de nos Frères avec la propriété donnée pour cette école et servant de base à leur traitement. M. Cuénot y consentit. Les Frères Marianistes furent demandés et acceptèrent.
[96] Tout cela fut convenu à l'insu du F. Placide, directeur. M. le curé confia ce projet à des confrères réunis à Baron pendant un dîner, entre la poire et le fromage. A ceux qui lui demandaient ce qu'il ferait de nos Frères, il répondit : "Tout est prévu. Ceux de Bordeaux viendront les remplacer pendant qu'ils seront en retraite à l'Hermitage. J'avertirai ensuite leurs supérieurs." M. le curé de Génélard, l'un des convives, ne dit rien, mais, révolté de cette manière d'agir, il avertit le C.F. Supérieur pendant la 1re retraite. Les Frères de Charolles devaient assister à la 2e.
[97] Le C.F. Louis-Marie, Assistant, appela l'annaliste alors Visiteur, lui communiqua la lettre et lui dit : "Laissez-là vos occupations, allez de suite à Charolles et n'en revenez pas sans avoir tout arrangé." Ce Frère partit à 6 heures du soir et passa la nuit en voiture. Arrivé à Charolles, il se présenta à M. Cuénot et le dialogue suivant eut lieu :
[98] "M. le curé, veuillez accepter mes respects. - Mon bon ami, je vous croyais en retraite. - J'y étais en effet et très occupé, mais des affaires m'ayant appelé dans ces parages, je n'ai pas résisté au plaisir de vous saluer en passant. - Mon bon ami, vous êtes bien aimable. - Je serais bien aise de savoir si vous êtes toujours aussi content des Frères que vous l'étiez lors de mes deux visites précédentes. - Très content, mon bon ami. - Les Frères sont-ils réguliers, pieux? - Ils sont très gentils, sous tous les rapports. - Tiennent-ils assez au catéchisme? - Cela va très bien, mon bon ami. - Surveillent-ils les enfants à l'église? - Très bien, leurs enfants se tiennent comme de petits anges. - Leurs rapports avec l'extérieur sont-ils convenables? - Très convenables, mon bon ami; ils sont très prudents. - Le public est-il content de leurs classes? - Tout le monde en est enchanté. - Sont-ils convenables à votre égard? - Enfin, mon bon ami, je suis satisfait sous tous les rapports et très reconnaissant à vos supérieurs de m'avoir donné des Frères. Ce nom de Petits Frères de Marie m'a attiré vers votre Congrégation.
[99] - Nos supérieurs, vous le savez, venaient de refuser des Frères à Mgr. lorsqu'ils vous en ont envoyé. Sa Grandeur a été peinée. - J'en suis bien reconnaissant, mon bon ami. -S'il en est ainsi, M. le curé, d'où vient que vous manoeuvrez pour renvoyer nos Frères? (en toussant) - Que me dites-vous là, mon bon ami? - Ce que je sais bien, M. le curé. - Ah! Bah! - Voici votre projet : vous donnez à la ville la propriété qui sert de fondation à notre école, la ville consent à recevoir des Frères Marianistes dans son collège. Ceux-ci sont avertis et acceptent. Ils arriveront ici pendant que les nôtres seront en retraite. Est-ce la vérité? (en toussant) - Qui vous a dit cela, mon bon ami? - M. le curé, c'est mon secret, mais vous savez que je suis bien au courant. Et tout cela se fait dans l'ombre. - Je voulais bien vous en écrire plus tard. - Oui, lorsque nous serons remplacés. C'est une singulière reconnaissance.
[100] - Puisque les sujets vous manquent, vous les placerez ailleurs et tout sera dit. - Pas tout à fait. Charolles est un centre. Les journaux et les adversaires prôneront partout que nos Frères ont échoué ici, qu'on les a jetés dehors, ce qui relèvera peu notre honneur, car l'Institut doit en avoir. - Il faudra pourtant que vous partiez. - M. le curé, les Frères Maristes se font demander, ils tâchent d'obtenir des conditions supportables, mais ensuite ils se cramponnent. - Vous vous opposerez donc au bien? - Non, M. le curé, en vous laissant faire, nous perdrions votre oeuvre. Dans un temps plus ou moins éloigné, la ville renverrait les Marianistes et votre propriété serait flambée. En vous résistant, nous l'assurerons à votre école de pauvres. (avec force). - Il faudra pourtant partir. - Je vous ai dit que nous ne partirons pas. Je vais défendre à nos Frères de venir à la retraite. - Comment! vous les en priveriez? - Ils la feront ici en faisant une bonne oeuvre. (avec force). - Ils partiront. - M. le curé, il vous reste un moyen : faites-les mettre à la porte par la gendarmerie. Usez-en si vous l'osez, il n'y en a pas d'autre. M. le curé, je vous salue."
[101] M. le vicaire qui n'approuvait pas son curé, apprit au F. Visiteur que Mgr. l'évêque était à Cluny, que Sa Grandeur connaissait et approuvait le projet de M. Cuénot. Ayant mis le F. Placide au courant, le F. Visiteur s'en fut à Cluny, rencontra Mgr. chez les Soeurs de St Joseph et plaida chaudement l'affaire de Charolles.
[102] Après l'avoir écouté sans l'interrompre, Sa Grandeur répondit : "C'est bien mon Frère, j'écrirais au curé de Charolles qu'il doit renoncer à son projet". Elle invita ensuite le Frère à souper avec Elle. Celui-ci s'excusa et dit qu'il devait rentrer incessamment à l'Hermitage où de nombreuses occupations l'attendaient.
[103] Il les reprit après un voyage et une insomnie de 40 heures. Le poste de Charolles fut sauvé, mais M. Cuénot resta brouillé avec son évêque et très froid à l'égard des Frères. Le C.F. François écrivit la lettre suivante au Supérieur des Marianistes : "On m'informe que vous êtes en pourparlers avec la ville de Charolles pour prendre la direction du Collège et l'on ajoute que vous seriez même disposé à accepter les écoles de la ville.
[104] M. le Supérieur, j'ignore si ces bruits ont tout le fondement qu'on semble supposer, mais je ne puis m'empêcher de vous dire que nous avons été appelés nous-mêmes, il y a deux ans, par M. le curé de Charolles pour les écoles libres de cette ville et que nous tenons essentiellement à les conserver. Je ne puis croire, M. le Supérieur, que vous consentiez ainsi à nous supplanter dans un poste que nous n'avons jamais sollicité, mais qui nous a été offert spontanément, que nous avons accepté avec empressement et que nous ne pouvons quitter sans porter le plus grave préjudice à notre Société.
[105] J'ai écrit à Mgr. et à M. le curé pour protester contre toute démarche qui tendrait à nous enlever les droits que nous donnent les engagements qui ont été pris avec nous et j'espère, M. le Supérieur, que les connaissant mieux, vous serez le premier à les défendre..."
[106] Contre l'attente du Cher Frère, les Marianistes allèrent prendre le Collège de Charolles y échouèrent et s'en retirèrent piteusement au bout de six ans. M. Cuénot comprit enfin que nous avions eu raison de nous opposer à son funeste projet, mais il ne l'avoua pas et se tint à l'écart.

L'affaire de Lorgues


[107] Voyant que l'on ne se pressait pas pour fonder un noviciat à Lorgues, M. Aurran, qui tergiversait souvent, s'adressa aux Frères de la Vendée. Ces Frères qui nous avaient priés d'accepter leurs postes de Provence en 1846, paraissaient les regretter et acceptaient les avances de M. Aurran. Celui-ci en avisa nos supérieurs. Le Frère Directeur général lui répondit que rien ne le portait à croire qu'il fût si pressé pour le noviciat et que la municipalité y avait mis des obstacles. Du reste, ajoutait-il, nous fondons autant de maisons dans votre département et nous y faisons autant de bien que s'il existait un noviciat à Lorgues. J'ai donné l'ordre au C.F. Jean-Marie d'aller l'ouvrir incessamment, etc. ...
[108] Le C. Frère écrivit ensuite au F. Siméon, nouveau Supérieur des Frères dans la Vendée et lui exprima son étonnement sur la tournure que prenaient les choses à Lorgues. Nous ne consentons jamais, disait-il, à supplanter les autres congrégations et cela dans leur intérêt comme dans le nôtre. Si je n'ai pas encore fondé le noviciat que demande M. Aurran, c'est que j'avais promis celui de Mées à Mgr. de Digne, etc. ...
[109] Quelques jours après, il écrivit encore au même en ces termes : "M.C. Frère, Je ne pensais pas avoir à vous écrire encore au sujet des affaires de Lorgues que je regardais comme terminées en votre faveur, mais votre honorée lettre du 4 courant me fait un devoir, dans votre intérêt, de vous donner quelques explications dont vous me saurez gré, j'en suis sûr.
[110] D'abord, je dois vous déclarer que j'ai ignoré complètement les démarches que faisait M. Aurran depuis plus d'un an pour vous rappeler dans sa maison de Lorgues. Cela est si vrai que l'an passé, à cette époque, nous traitâmes avec lui pour y faire un pensionnat et un noviciat, s'il était possible. En février dernier, il nous a encore écrit pour le noviciat. A cette époque, comme nous avions arrêté celui des Mées, nous lui conseillâmes de mettre à sa maison de Lorgues un Institut secondaire dirigé par nos Pères, tout en y conservant nos Frères. On ne nous répondit pas.
[111] M. ne nous a prévenu de son projet que le 12 du mois d'août dernier, encore ne l'eut-il sans doute pas fait sitôt si je ne lui en eusse donné l'occasion par une lettre que je fus obligé de lui écrire pour autre chose. Et en me prévenant de disposer de nos Frères, il ne me disait pas qui devait les remplacer. Je n'ai su que c'était vous que quand vos Frères ont paru dans le pays.
[112] Les desseins de M. Aurran n'ont pas été secrets pour nous seuls. M. le curé et les autorités civiles de Lorgues ne savent pas encore que vos Frères doivent y retourner. Hier, ils m'ont écrit au sujet d'un déficit de traitement et me prient de vite envoyer un Frère pour ouvrir l'école. C'est moi, dans ma réponse, qui leur ai donné connaissance des desseins de M. Aurran et j'ignore s'ils entrent dans ses vues. Ceci, M.C. Frère, ne vous paraît-il pas étrange?
[113] Une autre chose que je crois bon de vous déclarer, c'est le refus que j'ai fait à Mgr. de Digne de prendre la maison des Mées, quoique je lui eusse déjà fait une promesse formelle dès que j'ai su que vous prétendiez y avoir quelques droits. Une bonne personne de Marseille que je n'ai pas l'honneur de connaître, m'ayant écrit en mai dernier pour m'informer de cela, j'envoyai de suite cette lettre à Mgr. en lui disant : "Respectant les droits de chacun, je vous annonce, Mgr., que je ne puis accepter l'établissement des Mées."
[114] Ces explications données, vous comprendrez, mon C. Frère, que je suis loin de vous disputer le poste des Mées dont vous venez de reprendre possession. Je désire que la divine Providence vous donne la main et vous mette dans le cas de vous établir dans une foule d'autres communes qui manquent de bons instituteurs. etc. ..."
[115] Les Frères de Saint-Gabriel n'écoutèrent rien, renvoyèrent des Frères à Lorgues et à Dargemont d'où nous fûmes obligés de retirer les nôtres pour éviter un conflit scandaleux.

Autres affaires


[116] Le C.F. François faisait les fonctions d'Assistant dans le Nord. Voulant retirer le F. Didyme de Lens, il fit vainement trois visites dans cette maison pour conjurer l'opposition de la municipalité à cette mesure. Celle-ci menaçait de retirer l'école communale aux Frères si ce changement avait lieu. Le C.F. François écrivit à M. l'Adjoint et le flatta pour l'amener à laisser faire le changement projeté.
[117] La maison de l'Hermitage était devenue insuffisante pendant les retraites. De plus, les médecins soutenaient qu'elle était malsaine et que les fortes fraîcheurs nocturnes, occasionnées par le Gier, étaient nuisibles à la santé des Frères, surtout à celle des invalides. Les supérieurs se préoccupaient de cette situation. Déjà pendant l'été, ils avaient projeté l'acquisition d'une propriété située au dessus du Creux, à l'ouest. Le Supérieur, ses Assistants et les principaux Frères l'avaient visitée. Ils en avaient fait le plan géométral. La chose avait été examinée dans un conseil plénier. La plupart des conseillers avaient opté pour cette acquisition.
[118] A notre retour, ce conseil fut réuni de nouveau et l'on désira avoir notre avis. "Si l'on tient à mon avis, dîmes-nous, c'est une raison pour moi de ne pas le donner à la légère. - Nous trouvons la propriété convenable répondirent plusieurs conseillers, vous pouvez bien vous en rapporter à nous. - Je ne puis rien dire sans avoir vu, répondîmes-nous. - Hé! bien, allez voir, répondit le C.F.François." Nous allâmes donc voir.
[119] A notre retour le grand conseil fut réuni derechef. Que pensez-vous maintenant que vous avez vu? nous demanda le F. Supérieur et nous de répondre : "Mon C. Frère, je ne puis donner un avis favorable. - Pourquoi cela? cria-t-on de tous côtés. - Parce que, répliquâmes-nous, la propriété est très exposée à tous les vents, parce qu'elle est trop loin de la gare et surtout trop rapprochée des centres ouvriers. Je préfère encore l'Hermitage à cette position." Le président ne répondit rien, mais ce projet fut abandonné.

Jean Bordel et l'école de Chaumont


[120] Le F. Jean Bordel avait levé le masque. Il était allé chez lui et manoeuvrait pour reprendre la propriété que son père avait donnée à M. Mazelier comme fondation de l'école de Chaumont. Le F. Antoine-Régis, procureur général, lui fut envoyé pour essayer de lui faire entendre raison. Il écrivit aux supérieurs que la chose lui paraissait difficile. Il en reçut la réponse suivante :
[121] "Je verrais avec plaisir que l'affaire de Chaumont s'arrangeât de manière à conserver l'établissement. Le bien de la Société, l'honneur de la famille Bordel, la tranquillité personnelle du F. Jean, le bon exemple qu'il doit à tous les Frères qui connaissent l'état des choses et par-dessus tout la justice qui protège les contrats demandent que la bonne oeuvre soit conservée. C'est uniquement dans ce but que j'ai demandé le C.F. Jean ici, afin de m'entendre avec lui de vive voix, de discuter les choses à fond de part et d'autres et d'arriver à un accommodement, ce qui ne me paraissait possible par lettre. Il s'est refusé à venir malgré mon commandement et, en cela, il m'a fait une peine extrême, mais si vous pouvez traiter les choses vous-même sur les lieux et les mener à bonne fin avec lui, je ne demande pas mieux. A mon avis, le meilleur, le plus sûr et le moins dispendieux pour tous, est que le F. Jean fasse donation de son immeuble à la commune, à la condition qu'elle le tiendra à la disposition des Petits Frères de Marie pour une école et un pensionnat primaires dirigés par eux avec la clause expresse que si l'immeuble était détourné de son objet, il ferait retour au donateur d'abord, ensuite à sa famille ou à telle autre fin que le F. Jean désignerait..."
[122] Du reste de la lettre qui est très longue, il résulte :

1 que le père Bordel avait reçu de l'argent pour la bonne oeuvre qu'il avait faite;

2 qu'il avait avantagé son fils Jean dans le partage de ses biens parce que cette oeuvre devait reposer sur sa portion;

3 que ses frères et soeurs étaient mécontents du partage et réclamaient 3.000 fr. d'indemnité; 4 que la donation faite à M. Mazelier n'étant pas acceptée par le gouvernement, le F. Jean et sa famille devaient la faire de nouveau à la commune ou à la Congrégation;

5 que la commune avait tout intérêt à l'accepter et que la Congrégation n'y tenait nullement;

6 que, néanmoins, elle l'accepterait si la commune la refusait absolument, à condition de ne rembourser que 2.000 fr. à la famille, en 10 annuités égales;



7 que, dans ce cas, le F. Jean s'engagerait à rembourser les 2.000 fr. à l'Institut, s'il le pouvait sur le reste de sa dot et que le Supérieur ne voulait rien terminer avant que ce Frère ne fut venu s'entendre avec lui.
[123] Du reste, le Supérieur ne comptait guère sur un arrangement à l'amiable avec le F. Jean et sa famille. La lettre suivante qu'il écrivit à M. le curé d'Ambert quelques jours après, va nous le dire :
[124] "M. le Curé, La tournure que prend l'état des choses de l'établissement de Chaumont me donne de bien vives inquiétudes. Il me paraît inévitable que cette affaire puisse se terminer sans y faire intervenir le tribunal. La famille du F. Jean persiste toujours dans ses dispositions à l'égard des Frères. J'ai cependant cru, pour ménager autant qu'il était en mon pouvoir les intérêts de la Congrégation et l'avantage de la commune, de revêtir de mon acceptation la donation qui a eu lieu à cet égard par le F. Jean. Néanmoins je désirerais bien ardemment, s'il était possible, de pouvoir terminer sans y faire intervenir la justice.
[125] Dans ce but, le F. Jean nous propose, si nous voulons nous désister de toutes prétentions sur la propriété dont les Frères sont actuellement en possession, de contribuer pour quelque chose dans l'acquisition ou la construction d'une nouvelle maison. Comme vous avez eu l'obligeance de nous faire des offres avantageuses dans l'intérêt de cette oeuvre, je vous prie M. le Curé, de vouloir bien me dire si, en abandonnant l'immeuble en litige, vous voudrez bien disposer en faveur de la nouvelle maison de la somme que vous offriez précédemment pour engager la famille Bordel à se désister de ses prétentions. Dans ce cas, je viserais à prendre une voie de conciliation pour conserver l'établissement."
[126] Cette question de Chaumont prit tristement la tournure d'un roman. L'ex-f. Jean, avec une insigne mauvaise foi, l'agita devant les tribunaux pendant 25 ans, roula nos Frères Procureurs, occasionna de grands frais à l'Institut et parvint enfin à s'emparer de l'objet de ses convoitises, comme nous le verrons dans la suite.

Noviciat de Vauban


[127] Nous avons dit en son lieu que le pensionnat de Vauban avait tué le noviciat. Ce pensionnat fut réuni à celui de Digoin, en 1852, et l'on envoya le F. Aidant à Vauban avec un noyau de postulants pour essayer de relever le noviciat. Pensant qu'il était mal placé, Mgr. d'Autun proposa à nos supérieurs de le transférer dans l'ancienne abbaye de Paray-le-Monial. Le C.F. Louis-Marie alla voir cette abbaye. A son retour, on écrivit ainsi à Mgr. :
[128] "Après avoir visité Paray-le-Monial et Charolles, je crois que le mieux pour le moment est de laisser le Noviciat à Vauban. La position de l'abbaye de Paray ne m'a pas paru bien saine. La maison est dans un enfoncement et toute entourée d'eau, les cours intérieures sont extrêmement humides, la prairie dépendante du clos était toute inondée à notre passage.
[129] D'un autre côté, cette maison ne pourrait être appropriée qu'à grands frais à sa nouvelle destination. Elle coûterait toujours beaucoup d'entretien et je ne sais même si l'on pourrait y avoir quelque chose de bien pour notre spécialité.
[130] Avec cela, on ne pourrait y mettre le noviciat qu'en déplaçant les Frères des Ecoles Chrétiennes et peut-être plus tard la cure elle-même, ce qui serait souverainement désagréable pour tous.
[131] De plus, le noviciat se trouverait là sans aucune ressource, n'ayant pour toute propriété qu'un vaste jardin, tandis qu'à Vauban le domaine dépendant du château suffit à peu près pour nourrir le personnel des employés de la maison. Or la Province n'est pas encore assez considérable pour supporter tous les frais du noviciat.
[132] Il faut dire encore que Paray n'est pas un point assez central pour les rapports avec l'autorité supérieure et pour les communications avec les établissements dépendants du noviciat.
[133] Je préférerais de beaucoup Charolles et pour la salubrité et pour la centralisation et surtout à cause du domaine qui est affecté aux écoles de la ville. Ce domaine pourrait être tenu par les Frères et servir à l'entretien du noviciat, sauf l'obligation pour l'Institut de continuer les trois classes gratuites qui se font aujourd'hui sur le revenu dudit domaine, mais comme dans d'autres postes, les Frères de l'école vivraient avec la communauté et dépenseraient beaucoup moins. Le domaine, sans être détourné aucunement de sa fin, servirait cependant très utilement l'oeuvre du noviciat. Il est à moins d'une heure de Charolles sur la route d'Autun.
[134] Cela étant, il y aurait à faire l'acquisition d'un emplacement bien convenable aux environs de Charolles et à y construire une maison de noviciat. Ce serait une dépense de 100 à 150.000 fr. qui ne pourrait se faire en ce moment, mais qu'on peut prévoir et préparer peu à peu. Je crois qu'il vaut mieux la faire, afin d'avoir quelque chose de bien convenable sous tous les rapports, que de précipiter le déplacement du noviciat de Vauban sans avantage réel et bien marqué.
[135] Vauban, au reste, n'a que l'inconvénient d'être un peu éloigné des grandes routes, mais on nous assure qu'il va s'en ouvrir deux qui passeront tout près du château. La maison est d'ailleurs toute préparée pour le noviciat et elle peut marcher sans de nouveaux frais. Déjà les sujets commencent à s'y présenter. On en a reçu une huitaine depuis la rentrée et j'ai vu avec beaucoup de plaisir que le clergé des environs prend de plus en plus confiance en cette maison depuis la suppression du pensionnat et que MM. les curés sont tout disposés à favoriser de tout leur pouvoir le développement du noviciat. Nous travaillerons pour notre part à l'organiser le mieux possible et à y diriger tous les sujets qui se présenteront de ces côtés, de sorte que, tout considéré, je crois qu'il n'y a pas lieu de songer à un déplacement.
[136] Ce que je supplierais Votre Grandeur de faire en ce moment pour assurer l'avenir du noviciat dans son diocèse soit à Vauban, soit plus tard à Charolles ou dans telle localité qui serait jugée plus convenable, ce serait de rattacher le plus d'établissements possible à ce noviciat. Il faudrait au moins 50 à 60 établissements pour alimenter le noviciat soit sous le rapport des ressources matérielles, soit sous le rapport des postulants. Nous avons onze maisons dans le diocèse et 45 Frères employés. Je crois qu'il faut viser en avoir au moins le double avant de songer au transfert du noviciat. En conséquence, Mgr., nous sommes disposés à accueillir et à remplir les conditions indispensables d'un établissement de Frères. Nous désirons même qu'il plaise à Votre Grandeur de les diriger vers nous, comme font nosseigneurs les évêques de Viviers et de Valence pour les noviciats que nous avons dans leurs diocèses et qui prennent un développement extraordinaire parce que tous les efforts du clergé, en fait de vocations et d'établissements de Frères, se portent uniquement sur ces maisons.
[137] A l'égard du diocèse de Moulins qui se rattache comme naturellement à celui d'Autun pour le noviciat en question, nous nous prêterons aussi à faire tous les établissements que Mgr. ou MM. les curés nous demanderont. Il ne m'a pas été possible d'aller à Moulins dans ce voyage parce que j'ai été rappelé à la maison-mère par des besoins trop pressants, mais j'espère que dans quelques jours, nous pourrons aussi voir Mgr. pour les différentes maisons que Sa Grandeur a déjà eu la bonté de me présenter et pour celles qu'elle a encore en vue."
[138] Quinze jours après l'envoi de cette lettre, une belle propriété se trouvait en vente aux portes de Charolles. On excita les supérieurs à l'acquérir pour y placer le noviciat de Vauban. Mme de Rocca, dont nous parlerons plus loin, offrit une propriété de 40.000 fr. que l'on pouvait vendre pour cela. Le C.F. François se laissa tenter. Il écrivit à Mgr. :

1 que la propriété de Charolles, de 5 hectares, avec un bâtiment, coûterait de 50 à 60.000 fr.;

2 qu'elle convenait parfaitement;

3 que Mme de Rocca offrait 40.000 fr.;

4 que l'on pourrait vendre le château de Vauban une pareille somme;

5 que l'on pourrait prélever 15.000 fr. sur la propriété donnée pour l'école de Charolles, en sus du traitement des Frères;

6 que les quêtes et les aumônes recommandées par Mgr. faisaient le reste.

Le Cher Frère ajouta que cette occasion lui paraissait providentielle, mais que l'Institut ne pouvait fournir aucun subside. Il s'engageait seulement à trouver un excellent personnel pour ce nouveau noviciat. Ce beau projet tomba dans l'eau comme tant d'autres.



Situation en fin d'année


[139] Le F. directeur de Beaucamps annonça au C.F. Directeur général que Mme de la Grandville avait l'intention de donner à l'Institut la vaste maison et le bel enclos où elle avait installé le noviciat et le pensionnat. Le C.F. écrivit à cette bienfaitrice pour la féliciter de sa générosité et lui répéter combien il désirait de voir cette fondation ainsi assurée.
[140] 170 postulants prirent l'habit cette année dans les divers noviciats.
[141] Les Frères dont les noms suivent terminèrent cette vie d'épreuves et s'en allèrent recevoir leur récompense : Frères Héraclée, Landolphe, Anscaire, Victor et Géry.
[142] L'économe avait reçu cette année 82.049 fr. des établissements et 18.758 fr. du noviciat. Il avait payé 26.838 fr. pour le vestiaire des Frères, 2.746 fr. pour fers de nouveaux lits et 930 fr. d'impôts. Il avait en caisse 30.221 fr.


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