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population urbaine française, vivent aujourd'hui dans ce que l'on peut appeler "le
grand Paris". Il occupe une surface de 1450 km; il est divisé en 200 communes. En
l'an 2000, il y aura entre douze ou seize millions d'habitants.
Comme toute agglomération géante, Paris a ses problèmes. Encore sous
Napoléon III il y a plus de 100 ans, le baron Haussmann osa démolir de belles choses,
tranchant des avenues, des boulevards et des places au cœur même
des anciens
quartiers.
Pour son époque, Haussmann avait vu loin, nais pas assez pour préparer Paris à
la vie moderne.
Déjà après la guerre, dans la folie de la liberté retrouvée, l'automobile devint
vite le symbole de cette liberté, en même temps que celui de la réussite sociale. On
pensa qu'elle résoudrait de façon idéale tous les problèmes de transport: partir quand
on veut, aller où l'on veut, telle était la double libération, dans le temps et dans
l'espace, qu'elle signifiait. Les transports collectifs tendaient à être réservés à un
nombre de gens qu'on estimait devoir diminuer sans cesse.
C'est alors qu'on s'aperçut que pour: favoriser et même rendre possible la
circulation automobile, le seul moyen était d'en détourner le plus possible d'usagers,
afin de permettre aux autres de rouler. C'est dans ce but, et non dans le contexte d'une
politique générale de transports, que fut décidée et douloureusement réalisée la
construction du premier tronçon du RER (Réseau express régional):
entre
l'automobiliste, noyé à 18 heures dans les embouteillages de la Place de l’Étoile et le
voyageur du RER qui roule à 80 km/heure vers la Défense, le plus "captif" c'est
l'automobiliste. Plus de 130000 voitures passent chaque jour sur la Place de la
Concoide: à Paris, à certaines heures et surtout aux heures d'af-fluence, dans certains
quartiers, on ne peut plus rouler. Pour permettre aux voitures d'entrer dans Paris ou
d'en sortir facilement, on a construit, autour de la ville, un boulevard périphérique de
56 km de long. La "voie express" permet de traverser la capitale, sur le côté droit de
la Seine, sans rencontrer de feu rouge. Et, au centre même de Paris, on a procédé au
grand déménagement des Halles. Le "ventre de Paris" s'en est allé à Rungis, sur la
route
d'Orly,
et
un
nouveau
quartier
est
né
à
sa
place.
Cependant, la pollution et la crise de l'énergie allaient croissant. Il n'y a à Paris, qu'un
mètre carré
de jardin par habitant, alois qu'il y en 9 m2 à Rome, 25m2 à Vienne,
44m2 à Moscou. On a fini par comprendre qu'il fallait développer les transports
collectifs parce qu'ils sont moins polluants et parce qu'ils consomment moins
d'énergie. Outre ses conséquences désastreuses sur la santé physique et, surtout, le
comportement psychologique de ses utilisateurs (agressivité, égoïsme, orgueil) que
chacun commence à découvrir, l'automobile
rend la ville invivable, et la
conséquence,
c'est
que
les
gens
la
fuient
Avant la dictature de l'automobile, la capitale d'un État était la ville où se manifestait,
avec le plus d'éclat, le prestige de cet État : les monuments, les musées, les jardins,
les commerces, les spectacles, le passé el le présent s'y mariaient harmonieusement.
Le Parisien visitait sa ville le dimanche, la montrait et l'expliquait amoureusement à
ses enfants. Dans Paris on pouvait se promener, sans être obligé pour cela de
contourner des océans de tôle, sans cesse renouvelés, ni d'essuyer des carrosseries.
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Aujourd'hui, dès la moindre demi-journée de liberté le
Parisien fuit la ville pour
laquelle il n'a plus d'attachement. Alors que le provincial rêve de "monter à Paris", le
Parisien tente de quitter Paris pour la province. Pourquoi ? Pour trouver un endroit où
l'on puisse respirer. L'automobile ronge non seulement l'espace, mais le temps.
Craignons le résultat de cette évolution qui commence déjà à se faire sentir : la
grande ville perd peu à peu sa substance vivante : après être devenue inhabitable, elle
devient ingouvernable, appauvrie par le départ de ses citoyens les plus représentatifs,
et incapable d'assurer sa fonction. C'est un cri d'alarme qu'il faut lancer, pour éviter à
Paris, le sort de New-York, perpétuellement en faillite, sale, désertée, abandonnée la
nuit à la pègre et au banditisme. Nous sommes en Europe, nous sommes en France,
nous devons donner l'exemple de la mesure et du bon sens, nous le devons à nous-
mêmes et au monde, que notre paysage urbain puisse être respecté, être admiré, être
aimé. Ce qu'il faut exiger, c'est que le transport collectif devienne un transport non
seulement de quantité mais de qualité, qu'il ne soit plus réservé à
des usagers,
condamnés, à l'emprunter, qu'il ne soit plus possible d'en faire une sorte
d'antichambre du bagne comme le sous-entend la pénible formule: Métro-Boulot-
Dodo, mais qu'il soit le transport de chacun et de tous, dans une qualité de vie,
favorable à l'épanouissement de la paix sociale et du bonheur de chacun!
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