1844
Réclamations de M. Mazelier
[1] M. Mazelier fit une très longue série de réclamations. Il trouvait le temps de la méditation trop court et qu'il était inconvenant de commencer les exercices du matin par le chant du Salve Regina avant d'avoir adoré N. S. Il demandait à remplacer l'office de la sainte Vierge par une visite au Saint Sacrement. Il trouvait nos lectures spirituelles trop courtes, il en aurait voulu d'une heure chaque jour avec une seconde méditation. Il réclamait des méditations plus sérieuses et plus longues aux retraites mensuelles et annuelles, un temps plus propice pour l'étude du catéchisme, un maître très habile pour faire deux fois par semaine un catéchisme devant servir de méthode, etc.
[2] Il conseillait un instrument pour aider le maître de chant et de musique et pour diriger le chœur. Un organiste lui offrait un orgue à deux octaves pour 40 ou 50 fr.
[3] En ce qui concerne l'enseignement et l'éducation, il désirait que l'histoire ecclésiastique en fit partie, que l'on adoptât le manuscrit Hachette, que l'on fit des retraites aux enfants pour les premières communions, que l'on visât à les préparer à l'étude du latin, qu'on les menât en promenade, etc.
[4] Ses interminables réclamations étaient l'effet d'un grand zèle, mais on y voyait percer le désir de substituer les anciens règlements de Saint-Paul à ceux de l'Hermitage. C'était une théorie assez diffuse dont le premier défaut était de n'être pas pratique, de n'avoir rien de fixe et de tout brouiller.
[5] L'année précédente, il avait demandé à Mgr. de Valence, que quatre missionnaires fussent établis dans la maison et servissent d'aumôniers aux Frères. Nos supérieurs n'avaient pu être de cet avis et l'aumônerie avait été confiée au P. Girard, Mariste.
Nombreuses demandes de Frères
[6] Les administrateurs de la nouvelle providence de Saint-Etienne, fondée en 1843, voulaient y placer des sœurs pour la cuisine, la lingerie et les petits soins à donner aux orphelins. Le C.F. François refusa nettement ce mélange.
[7] Le diocèse de Bourges revint à la charge pour avoir des Frères. On répondit qu'il était impossible, malgré la meilleure volonté, d'en donner avant quatre ans. Des refus analogues furent données à Mgr. de Troyes, pour sa ville épiscopale, à Mgr. Donnet, archevêque de Bordeaux, pour une providence, au diocèse d'Orléans, pour une école, et à la ville de Paris pour un établissement d'aveugles. On refusa aussi des Frères à M. le vicomte Mannigny, pour une ferme-école dans la Nièvre. Au reste les demandes devenaient de plus en plus nombreuses, de plus en plus pressantes, et les supérieurs avaient de la peine à s'en débarrasser, d'autant plus que 6 de nos écoles étaient encore sans brevets.
[8] L'école de Sorbiers avait été reprise l'année précédente avec deux Frères, après 6 ans de suspension.
[9] Le C.F. Directeur général adressa la lettre qui va suivre à Mgr. de Bonald, le 8 février:
"Monseigneur, Le 17 du mois passé, j'ai répondu à M. le curé d'Ardes qu'il nous était actuellement impossible de lui donner des Frères au mois d'octobre prochain et que tout ce que nous pouvions prudemment lui promettre pour le moment, c'était de commencer son établissement à la Toussaint de 1846, dans le cas où tout serait prêt.
[10] Mgr., cette réponse a été la conséquence de la détermination que nous avons prise, de concert avec le R.P. Colin, de n'accepter pendant deux ans aucun établissement nouveau, à moins qu'il ne soit dans le diocèse de Lyon et tout-à-fait à la convenance de la Congrégation.
[11] Dans l'espace de 27 mois, nous avons fondé 25 maisons et placé dans l'enseignement une centaine de sujets de plus. Eu égard à nos ressources, nous avons fait en cela un effort tout extraordinaire et nous nous sommes entièrement épuisés. Cependant, il nous reste encore 10 établissements déjà commencés à pourvoir des Frères brevetés et cinq promesses très positives à remplir d'ici à la Toussaint.
[12] Il est vrai que nous avons à la maison une soixantaine de sujets mais ils sont trop jeunes pour être envoyés ou pas assez avancés sous le rapport de l'instruction. D'ailleurs la plupart n'ont été reçus dans la Société que depuis quelques mois. Il faut les former à la vie religieuse. Tels sont, Mgr., nos besoins et nos ressources sous le rapport du personnel, etc."
Intervention du R.P. Colin
[13] Le 13 mars, le R.P. Colin envoya son approbation pour notre affiliation avec les Frères de Viviers. Il ne s'était pas mis en avant par prudence, disait-il, parce que la cour de Rome examinait encore si elle laisserait les Frères Maristes sous l'autorité des Pères.
[14] Le 17 du même mois, le R.P. pria le C.F. François de recevoir au noviciat le nommé Colin, son neveu, né à Saint-Bonnet-le-Troncy. Il désirait pour ce neveu un régime exceptionnel, bien qu'il ne put pas payer grand chose, attendu qu'il étudiait sa vocation.
Viviers: pourparlers d'union
[15] Le 28 mars, Mgr. Guibert écrivit ainsi aux supérieurs à propos de l'acte d'union:
"M.T.C. Frères, J'ai reçu votre lettre ainsi que le projet de convention avec les modifications que vous y avez apportées. Ces modifications me paraissent ne rien changer essentiellement au premier projet et je les adopte bien volontiers, à l'exception de l'article 14 qui me semble en contradiction avec tout le reste de la pièce.
[16] A mon avis, cet article doit être supprimé ou bien remplacé par celui-ci: Si les supérieurs des Frères croyaient qu'il fût de l'intérêt de la Congrégation de transférer le noviciat de La Bégude hors du diocèse de Viviers et de réunir cette Province à une autre, cette mesure ne serait effectuée que du consentement de l'évêque de Viviers et deviendrait l'objet d'une nouvelle négociation.
[17] Je suis persuadé que cette éventualité ne se présentera pas. Le diocèse de Viviers offre un si grand nombre de vocations, la position de La Bégude est si favorable et si centrale, les bâtiments, avec quelques réparations, seront si vastes et si bien disposés qu'il sera toujours, à mon avis, avantageux à la Congrégation d'avoir en cet endroit une maison de noviciat. Ainsi, je le répète, cette supposition pourrait n'être pas prévue dans nos conventions.
[18] Mais si vous tenez à ce qu'il en soit fait mention, il est convenable qu'un tel changement ne soit fait que du consentement de l'évêque. Vous voyez les charges énormes, les dépenses considérables que j'impose au diocèse pour la fondation d'un noviciat à La Bégude. L'art. 4 des conventions pose comme condition de notre réunion le maintien d'un noviciat dans le diocèse. Il ne serait donc pas conséquent que la Congrégation pût de plein droit supprimer le noviciat et la Province de Viviers.
[19] Je comprends parfaitement les conditions d'existence d'une Congrégation générale et toute la liberté que les supérieurs doivent exercer pour le bien de toute l'oeuvre. Aussi je ne doute pas qu'un évêque, s'il reconnaît la nécessité des changements que vous voulez prévoir, ne s'y prêtât de bonne grâce, puisque l'intérêt même du diocèse se confondra désormais avec le succès de l'oeuvre générale. Telles sont les dispositions dont je suis personnellement animé et je ne doute pas qu'elles ne soient partagées par mes successeurs. Mais l'esprit de nos conventions et les convenances exigent que je réserve l'intervention de l'évêque dans un changement si notable.
[20] J'insisterais moins sur ces observations, M.T.C. Frères, si je stipulais pour moi personnellement. Je suis à la tête d'un diocèse, d'un clergé dont la coopération m'est nécessaire pour réaliser les fonds dont j'ai besoin, il ne faut donc pas que dans une convention je paraisse abandonner entièrement l'intérêt diocésain. Sans cela, je vous assure que je laisserais la chose aux soins de la Providence et que j'aurais admis l'art. 14 tel que vous l'avez rédigé."
[21] Mgr. nous apprenait que le noviciat de Viviers comptait 20 jeunes gens et qu'un grand nombre d'autres attendaient l'arrivée de nos Frères pour les rejoindre à La Bégude.
[22] La maison que sa Grandeur offrait n'était ni aussi vaste, ni aussi commode qu'Elle se plaisait à le dire. Elle était située sur la route royale d'Aubenas au Puy, route très fréquentée, ce qui était un grave inconvéniant pour un noviciat.
Maison de La Bégude
[23] Nous donnons ici l'analyse de l'acte par lequel Mgr. Guibert était devenu propriétaire de cet immeuble.
[24] Le 15 février 1844, par devant Hippolyte Mossam, notaire royal, résidant à Viviers, Ardèche, a comparu M. Paul-Emile Lantouzet, propriétaire et maire de la commune de La Bégude, près Aubenas, où il demeure, lequel a vendu avec toute garantie à Mgr. Joseph Hippolyte Guibert, évêque de Viviers, à M. Lucien Chambon de Contagnet, chanoine au chapitre de Viviers et à M. Jean-Claude Géry, directeur des Frères de l'Instruction Primaire établis à Viviers, et chanoine-honoraire au chapitre de la dite ville, tous les trois habitants à Viviers, ils sont ici présents et ils acquièrent conjointement, solidairement et pour que le dernier qui survivra reste seul propriétaire de l'objet ci-après.
[25] Une propriété qui est traversée par la grande route et située au lieu même de la commune de La Bégude, détaillée comme suit:
[26] La partie à l'ouest comprend un vaste bâtiment et un enclos complanté de mûriers, châtaigneraie et landes, le tout de la contenance de 2 hectares 83 ares 10 centiares. La partie à l'orient, close de murs, se compose d'un jardin et d'une terre, ensemble 85 ares 30 centiares.
[27] Cette vente est consentie moyennant la somme de 50.000 fr. payable en 5 annuités de 10.000 fr. chacune, par lesdits acquéreurs constitués en société civile, de telle sorte que le dernier survivant restera propriétaire des immeubles ci-dessus, sans que les héritiers des deux autres puissent y avoir droit.
[28] Les acquéreurs s'engagent à payer le 5% pour l'intérêt des annuités susdites, à dater de ce jour jusqu'à complète libération. Ils supporteront les servitudes passives et jouiront des actives, parmi lesquelles se trouve compris le droit de passage gratuit, à pied, à cheval ou en voiture, sur le pont de l'Ardèche, pour tous les habitans de la maison acquise ci-dessus.
[29] Cet acte ne porte que 50.000 fr., mais le prix des immeubles acquis est réellement de 60.000, comme nous l'a dit Mgr. Guibert.
Union avec les Frères de Viviers
[30] Tout étant convenu pour l'union de vive voix ou par écrit, le contrat qui va suivre fut signé le 15 avril par Mgr. Guibert, par le R.P. Colin et par notre C.F. Directeur Général.
[31] L'évêque de Viviers, agissant au nom des Frères de l'Instruction Chrétienne du diocèse de Viviers et en vertu du droit que lui confèrent leurs Constitutions, comme aussi pour se rendre aux vœux qu'ils lui ont exprimé, d'une part;
[32] Et le Frère François, Directeur Général des Frères de Marie, agissant en cette qualité et sous l'autorité du R.P. Colin, Supérieur Général de la Société de Marie, d'autre part;
[33] Considérant que les deux Congrégations de Frères susdits pourraient plus efficacement procurer la gloire de Dieu, le bien de la religion et le salut des âmes si elles réunissaient leurs efforts et leurs travaux sous une même direction,
[34] Que les Frères de Marie possèdent déjà plusieurs écoles dans le diocèse de Viviers, que les fins, l'esprit et les Règles des deux Congrégations sont identiques et que les différences qui peuvent exister sont peu importantes,
Ont d'un commun accord arrêté ce qui suit:
[35] Art. 1er - Les Frères de l'Instruction Chrétienne du diocèse de Viviers et les Frères de Marie sont et demeurent réunis en une seule et même Congrégation sous la direction, tant au spirituel qu'au temporel, du Frère François, Directeur Général, résidant à N.-D. de l'Hermitage et de ses légitimes successeurs, agissant sous la dépendance du Supérieur Général de la Société.
[36] Art. 2e Comme les Frères réunis ne doivent avoir tous qu'un seul et même but, une seule et même Règle, un seul et même gouvernement, les Supérieurs de la Société auront soin de ramener insensiblement l'uniformité nécessaire dans toute la Congrégation religieuse.
[37] Art. 3e Les Frères réunis prendront le nom de Frères de Marie de l'Instruction Chrétienne, néanmoins ils conserveront le nom de Frères de l'Instruction Chrétienne de Viviers dans leurs rapports avec l'autorité civile qui les a reconnus sous ce titre, à moins qu'une nouvelle ordonnance approbative de la réunion ne vienne sanctionner la première dénomination.
[38] Art. 4e Les maisons d'école des Frères réunis déjà existantes ou à établir dans le diocèse de Viviers, formeront une Province de la Congrégation générale dont les limites néanmoins pourront s'étendre au-delà du diocèse de Viviers et il sera maintenu un noviciat pour cette Province à La Bégude ou dans tout autre lieu du diocèse qui serait jugé plus convenable. Le F. Directeur Général nommera, après avoir pris l'avis du Supérieur Général, un Frère Directeur Provincial pour gouverner, sous son autorité, la maison du noviciat et les autres établissements de la dite Province.
[39] Art. 5e Les sujets pourront être transférés de la Province de Viviers dans une autre par le Supérieur de la Congrégation, de manière cependant que le diocèse de Viviers ait dans ses écoles ou établissements un nombre de Frères à peu près égal à celui des sujets qu'il aura fournis, supposé d'ailleurs qu'il présente un nombre suffisant de demandes remplissant les conditions exigées pour le placement des Frères.
[40] Art. 6e Les écoles de la Province de Viviers, comme celles des autres Provinces, seront établies et maintenues conformément aux Statuts et conditions marquées dans la Règle des Frères de Marie. Par exception néanmoins, on pourra dans quelques cas rares et pour un plus grand bien, envoyer un Frère seul. Ce Frère alors devra être logé et nourri chez M. le curé.
[41] Art. 7e Les immeubles actuellement occupés par les Frères de Viviers, tels que la maison de La Bégude et ses dépendances, l'établissement de La Blachère et celui de Thueyts, continueront d'être la possession du diocèse. L'usage et l'usufruit des susdits immeubles sont concédés purement et simplement à la Congrégation des Frères réunis dans l'intérêt de l'instruction chrétienne du diocèse de Viviers.
[42] Art. 8e Les Frères réunis administreront les immeubles dont l'usage et l'usufruit leur sont concédés, en bons pères de famille.
[43] Art. 9e Les réparations locatives des immeubles précités, ainsi que les impositions, seront à la charge des Frères. Néanmoins, l'évêque de Viviers s'engage à donner à la Congrégation des Frères réunis la somme de 10.000 fr. pour approprier la maison de La Bégude à sa nouvelle destination et la pourvoir d'un mobilier suffisant. Les réparations de la maison, le mobilier de la chapelle, celui de la maison, les clôtures de la propriété nécessiteront sans doute une plus grande dépense, mais les Frères réunis se rappelleront que Mgr. l'évêque est leur père et, dans l'occasion, ils lui exposeront avec confiance leurs besoins.
[44] Art. 10e Les legs, les donations seront fidèlement employés selon les intentions des donateurs et conformément à la Règle. Les dons et les revenus d'une Province ne seront point transférés de cette Province dans une autre. Néanmoins, comme la Province de Viviers participera aux avantages et aux bienfaits généraux de la Congrégation, elle devra également participer aux charges générales.
[45] Art. 11e Les Frères pourront à leurs frais, avec le consentement de l'évêque de Viviers, améliorer, agrandir, modifier l'état des bâtiments et, dans le cas où par force majeure, ou autrement la Congrégation des Frères réunis cesserait d'exister dans le diocèse, la dite Congrégation serait indemnisée au prorata de la plus-value des bâtiments.
[46] Art. 12e Si les ressources du diocèse permettaient de concourir par de nouveaux sacrifices aux susdites améliorations, la portion supportée par le diocèse devrait être déduite dans l'estimation de cette plus-value.
[47] Art. 13e Dans le cas prévu par l'art. 11e, l'on se conformera de part et d'autre à la Règle des Frères de Marie qui a prévu le cas relatif au mobilier de chaque établissement.
[48] Art. 14e Si les Supérieurs des Frères réunis croyaient qu'il fût de l'intérêt de la Congrégation de transférer le noviciat de La Bégude hors du diocèse de Viviers et de réunir cette Province à une autre, cette mesure serait prise de concert avec l'évêque de Viviers et deviendrait l'objet d'une nouvelle négociation. Le noviciat ne pourrait être enlevé au diocèse et la Province être réunie à une autre qu'avec le consentement de l'évêque de Viviers.
[49] Art. 15e L'évêque de Viviers exprime le désir que la Congrégation des Frères réunis exerce la plus grande influence possible sur les instituteurs laïcs du diocèse et qu'on réunisse tous les ans, dans une retraite, au noviciat ou dans tout autre établissement, ceux d'entre eux qui auraient assez de bonne volonté pour se rendre à ces pieux exercices.
[50] Art. 16e S'il s'élevait quelques difficultés sur l'exécution des présentes, elles seraient levées par les explications réciproques de l'évêque de Viviers et du Supérieur Général de la Congrégation qui, étant animés d'un même esprit, ne peuvent manquer de s'entendre sur ce qui intéresse la gloire de Dieu et le bien de la religion.
[51] Art. 17e Au reste, l'évêque de Viviers, disposé à intervenir dans les relations de la Congrégation avec l'autorité civile, selon que l'intérêt de la Communauté l'exigera, n'entend s'immiscer en aucune manière dans son gouvernement intérieur. Il ne se réserve que le droit inhérent à sa charge, de l'environner dans toutes les circonstances de sa bienveillance et de son affection.
[52] Fait et signé double à Viviers, le 15 avril 1844.
Signé: J. Hippolyte, évêque de Viviers, Colin, Supérieur et F. François, D.G.
On y comprit la signature de son Eminence le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, qui approuva la réunion des Frères de Viviers avec nous comme Elle avait approuvé celle des Frères de Saint-Paul deux ans auparavant.
Suites de l'union
[53] L'article 14e ci-dessus ne fut complètement exécuté qu'en 1860 en ce qui concernait la Province. Jusque-là, les Frères unis de Viviers, comme ceux de Saint-Paul, restèrent placés sous la main énergique du C.F. Jean-Baptiste et ne formèrent ainsi, en réalité, qu'une Province ayant deux noviciats.
[54] Après cette nouvelle annexion, l'Institut se trouvait légalement autorisé dans les départements de la Drôme, de l'Isère, des Hautes-Alpes, de l'Ardèche et de la Loire. Dans les trois premiers, par l'ordonnance royale octroyée aux Frères de Saint-Paul. Dans le 4e, par celle donnée aux Frères de Viviers. Dans le 5e, à la demande du conseil général de la Loire.
[55] L'entente étant complète, le C.F. Louis-Bernardin fut envoyé à La Bégude comme directeur des 20 postulants montés de Viviers et les Frères Marcien et Anastase comme professeurs. D'autres jeunes gens ne tardèrent pas à les rejoindre.
[56] Le C.F. Jean-Baptiste nous a dit, il y a plus d'un an, que les Frères de Viviers étaient au nombre de 40, plus une vingtaine de postulants et qu'ils dirigeaient 14 écoles. Il paraît qu'une de ces écoles avait été fermée, car on ne donna que les 13 noms suivants179: Montréal, Le Cheylard, Largentière, Thueyts, Viviers, Le Teil, Saint-Remèze, Quintenas, Serrière, Lanas, N.-D. de Bon-Secours, Valvignière et Saint-Désirat. Encore Saint-Désirat, Le Teil, Lanas et Quintenas furent-ils fermés deux ans après, les Frères ne pouvant pas y vivre, et N.-D. le fut en 1854 comme nous le verrons. Quintenas et Le Teil furent repris plus tard180.
[57] Mgr. Guibert écrivait en 1843 que tous les Frères de Viviers voyaient l'union avec plaisir. Ce plaisir fut de courte durée, car quatre d'entre eux n'acceptèrent pas cette union et se retirèrent. Plusieurs de ceux qui restèrent ne l'acceptèrent qu'avec peine, surtout le F. François Boudet, directeur du pensionnat de N.-D. qui avait pris l'habit en 1827.
Historique des Frères de Viviers
[58] Ce Frère nous apprend aussi que M. l'abbé Vernet gouvernait le diocèse avant le rétablissement du siège épiscopal, sous l'autorité de l'évêque de Mende; qu'il continua comme vicaire général et supérieur du grand séminaire sous Mgr. Molin et Mgr. Bonnel, évêques de Viviers; qu'il dirigea Mme Rivier, la vertueuse et habile fondatrice des Soeurs de la Présentation; qu'il fit un bien immense dans le diocèse.
[59] F. François nous apprend encore que la fondation des Frères de Viviers fut lente et pénible de 1810 à 1834 sous les abbés Richard, Boisson et Rivière; que M. Vernet, en 1834, envoya 10 jeunes gens au noviciat d'Avignon pour y prendre l'esprit des Frères du Bienheureux de la Salle; que, pour ne pas s'endetter, il les rappela au bout de 3 mois, leur donna quelques règles de conduite, un costume semblable au nôtre moins le cordon et la croix, avec les noms religieux qui suivent: Frères Paul, Xavier, Marie, Martin, Stanislas, Antonin, Louis, Laurent, Vincent et François. Celui-ci n'était pas allé à Avignon, mais l'un des dix avait déjà déserté.
[60] Avant 1834, nous dit F. François, les Frères portaient le costume ecclésiastique avec le rabat bleu. Ils avaient presque tous déserté. Il nous dit encore qu'en envoyant les nouveaux Frères à Notre-Dame, M. Vernet nomma l'abbé Rivière supérieur, le F. Paul maître des novices et lui, F. François, chef du pensionnat; que l'abbé Rivière et F. Paul se brouillèrent en 1837; qu'ils furent appelés à Viviers pour s'expliquer devant lui et devant Mgr. Bonnel; que, à la suite de cette explication, F. Paul fut renvoyé; que le noviciat fut rappelé à Viviers avec F. Marie, âgé de 22 ans, pour maître des novices; que peu après, F. Marie alla fonder Serrières et s'y défroqua bientôt, comme F. Antoine, son successeur dans ce poste.
[61] F. François nous dit encore que Largentière avait eu des Frères de Viviers; qu'ils y avaient été remplacés par ceux de M. Coindre; qu'après le départ de ceux-ci, F. Xavier alla de nouveau fonder ce poste en 1838 et s'y défroqua. Il nous dit enfin que F. Stanislas se défroqua aussi, se conduisit très mal ensuite et refusa les sacrements avant de mourir; qu'un F. Régis fonda Thueyts, en 1838, y réussit d'abord très bien et déserta ensuite, ect... Tout cela n'était guère encourageant pour M. Vernet et Mgr. Guibert avait eu grandement raison en y mettant ordre.
[62] Si le lecteur est surpris de ne pas voir figurer M. Vernet dans l'affaire de la réunion, qu'il se tranquillise: ce saint homme était mort en mai 1843.
[63] Après cette revue rétrospective durant laquelle les digressions interminables du F. François Boudet nous ont fait suer, nous reprenons le fils des annales de notre maison-mère.
Visite du cardinal de Bonald
[64] Le 20 mai, son éminence Mgr. le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, voulut bien nous honorer de son auguste et aimable visite, célébrer la sainte messe et donner la confirmation dans la chapelle. Au moment de son arrivée, on sonna la cloche et toute la communauté sortit au-devant de son éminence qui, étant arrivée dans la cour intérieure, se rendit dans la salle de réception pour s'y revêtir de ses ornements. Ensuite on se rendit à la salle des exercices où l'on avait préparé un prie-Dieu sur lequel Mgr., en arrivant, se mit à genoux. Le P. Matricon, environné des officiants et revêtu d'un rochet et d'une chape, lui présenta, debout, la croix à baiser.
[65] Après cette cérémonie, on se rendit en procession à la chapelle où son éminence célébra pontificalement la sainte messe et donna la confirmation à une vingtaine de Frères ou novices et à une centaine d'étrangers. Dans l'admirable discours que Mgr. le cardinal nous fit à cette ocassion, il nous exhorta particulièrement à prier sans cesse pour obtenir les secours et les lumières du Saint-Esprit et à nous efforcer d'acquérir la perfection de notre état pour correspondre aux vues de la divine Providence sur la Société et travailler efficacement à la sanctification des enfants.
[66] Son Eminence dîna à la maison avec les Pères, MM. les ecclésiastiques qui l'accompagnaient, le F. Directeur général et plusieurs bourgeois de la ville de Saint- Chamond qui étaient invités. Elle voulut bien passer la journée presque entière au milieu de nous, dans notre chère solitude, nous témoigner la plus grande bienveillance et nous donner les plus touchantes marques d'intérêt.
Convocation à la retraite
[67] Les Frères furent convoqués à la retraite annuelle comme il suit:
"N.T.C.F., Cette année la retraite annuelle commencera le dimanche premier septembre. Vous aurez par conséquent à terminer vos classes du 22 au 27 août, afin de pouvoir vous rendre à la maison-mère durant les 4 derniers jours du mois. Nous désirons beaucoup que tout le monde soit arrivé au plus tard le samedi 31, afin que chacun prenne sa place et s'arrange avant l'ouverture de la retraite et qu'à ce moment l'ordre soit parfaitement établi dans la maison.
[68] Vous connaissez, N.T.C.F., les prescriptions de la Règle relatives à votre départ des établissements, à votre voyage et à votre arrivée à la maison. J'espère que vous y serez très fidèles et que par là, vous vous disposerez à profiter des grâces précieuses de la retraite. Nous vous invitons dans ce but à faire une neuvaine à la sainte Vierge pendant les jours qui suivront la fête de sa glorieuse Assomption. Vous pourrez, dans cette intention, assister à 9 messes, faire 3 communions et réciter pendant 9 jours le Veni Creator et le Souvenez-vous. En attendant..."
Vers un avenir florissant
[69] Le R.P. Epalle avait été sacré évêque de Sion pour la Mélanésie et la Micronésie. A son retour de Rome, sa Grandeur voulut bien présider la retraite annuelle, dire la messe et donner la communion générale le jour de la clôture, puis administrer le sacrement de la confirmation à quelques Frères des postes, enfin faire une instruction,
[70] recevoir le vœux d'obéissance de 29 novices et la profession de 15 Frères dont voici les noms: Frères François-Michel, Hyacinthe, Agricole, David, Frédéric, Fructueux, Lucius, Photius, Martial, Rogatien, Sanctus, Gennade, Flavius, Aristide et Bertrand. Après l'émission des vœux ceux qui les avaient faits précédemment les renouvelèrent. Cela se faisait tous les ans nous n'en parlerons plus désormais.
[71] La retraite du nouveau noviciat de La Bégude fut présidée par le R.P. Epalle, frère de l'évêque. 23 novices y firent le voeu d'obéissance dont quelques-uns de l'Hermitage, et 9 émirent les 3 vœux perpétuels, savoir: Frères Laurent, Martin, Arsène, Ambroise, Ignatius, Louis-Joseph, Marie-Pacôme, Jacques et Lucien.
[72] F. Marie-Pacôme nous quitta bientôt pour le latin, bien qu'il fut déjà âgé. Il fit ses études en Afrique, y remplit les fonctions curiales pendant quelques temps et vint ensuite demander une petite cure à Mgr. de Viviers. Ce n'était pas une étoile de grande dimension.
[73] F. Martin était un peu peintre; ce n'est pas notre but.
[74] La retraite de Saint-Paul se termina le 11 octobre présidée par M. Mazelier. Dix novices y firent le voeu d'obéissance et les Frères dont les noms suivent firent profession: Frères Antoine, Alexandre, François-Régis, Michel, Sulpice. Deux sont de l'Hermitage. Dans le Nord, F. Aphrodise fit profession.
[75] Le F. François-Régis était un religieux fervent mais très scrupuleux. Etant directeur à Séon-Saint-Henri, en faisant la cuisine, il allait à la messe des 8 heures. C'était l'heure à laquelle les filles sortaient des fabriques. Pour ne pas les voir, le bon Frère fermait les yeux à leur approche. L'une d'elles le remarqua un jour et avertit ses compagnes. Elles se tinrent par les bras, occupèrent toute la largeur de la rue, entourèrent notre scrupuleux et l'une d'elles l'embrassa aux éclats de rire de toutes les autres. Le pauvre Frère ne sut où se mettre.
[76] Nous n'avons pas besoin de dire que le C.F. François et le C.F. Jean-Baptiste assistèrent aux retraites de La Bégude et de Saint-Paul.
[77] L'Institut fonda les maisons de Saint-Laurent-de-Chamousset, Boën et Saint-Jean-Bonnefonds dans la Province de l'Hermitage, celles de Marguerites et de Piolenc dans celle de Saint-Paul et le noviciat de La Bégude. Nous avons déjà nommé les 10 autres maisons de cette nouvelle Province.
[78] Le 9 décembre, le R.P. Collin, écrivit ainsi au C.F. François:
"J'ai lu attentivement votre nouveau prospectus181. Je le touve trop long, trop surchargé de détails. Il me semble qu'il y a bien des choses dans la marche d'une Congrégation qu'il ne faut pas mettre légèrement sous les yeux de tout le monde. Je crains que ce prospectus n'épouvante, ne décourage et ne vous fasse manquer plusieurs établissements. Du reste, je puis me tromper, ce ne sont que de simples observations que je vous fais.
[79] M. Rigotier pense établir la musique instrumentale dans son pensionnat de Vauban et il me demande mon avis. La musique entre assez dans l'éducation du jour si on veut faire fucum182. Comme je ne sais pas quels sont vos usages dans vos pensionnats, je vous prie de faire vous-même la réponse à M. Rigotier, etc..."
[80] Le 26 décembre, le R.P. Poupinel avertissait le C.F. François que Mgr. Epale, évêque de Sion, allait partir d'Angleterre le 25 janvier suivant. Il le priait de préparer les Frères Gennade, Aristide, Bertrand, Hyacinthe, Amaranthe, Gérard, Optat, Paschase, Lucius qui devaient accompagner sa Grandeur en Océanie.
[81] Ceux qui étaient déjà en Polynésie nous avaient envoyé de leurs nouvelles. Ils désiraient vivement savoir ce qui s'était passé dans l'Institut depuis leur départ, ceux surtout qui étaient partis en 1836 et en 1838.
[82] Voulant profiter du voyage des 9 confrères qui allaient suivre Mgr. Epalle, les Frères Marie-Jubin, Evagre, Victor, Andéol et Appolinaire adressèrent la longue lettre qui va suivre à leurs bien-aimés Frères de l'Océanie. Nous y rectifions quelques inexactitudes183.
[83] "N.T.C. Frères, La distance des lieux et la durée du temps n'ont point affaibli notre charité pour vous. C'est afin de vous en donner des preuves et en même temps pour nous conformer aux intentions de nos vénérables supérieurs que nous vous adressons cette lettre.
[84] Depuis votre départ d'Europe, que de fois notre pensée s'est portée au milieu de vous! Que de fois nos cœurs ont compati à vos souffrances et pris part à vos travaux! Que de fois nous avons prié le ciel de soutenir votre courage et de bénir votre dévouement! Nous sommes comblés de joie d'apprendre l'ardeur de votre zèle et le succès des missions de l'Océanie. Chaque fois que nous lisons les annales des missions ou les lettres qui nous parviennent de votre part, nous nous sentons pressés du désir de partager votre gloire en bravant comme vous les dangers des mers et la fureur des cannibales, pour étendre le royaume de Dieu. Mais comme la volonté du Seigneur ne s'est pas manifestée sur nous à cet égard, nous nous résignons à demeurer dans notre patrie, nous contentant d'admirer votre magnanimité et de joindre nos prières à vos glorieux efforts.
[85] Maintenant, pour répondre à vos désirs et à l'intérêt que vous nous portez, nous vous transmettons quelques renseignements sur la Société des Frères de Marie à laquelle nous avons l'honneur d'appartenir.
[86] Héritier du zèle et des vertus de notre vénéré P. Champagnat, le R.F. François continue de diriger les Frères et les établissements avec la tendresse d'un père et la piété d'un saint. Il est secondé dans ses importantes fonctions par les chers Frères Louis-Marie et Jean-Baptiste dont vous connaissez le dévouement et la capacité. Avec des supérieurs aussi sages et aussi éclairés, la Société ne pouvait manquer de prospérer. Aussi a-t-elle pris un accroissement surprenant depuis quelques années. On a fondé plus de 30 établissements depuis 1840. L'année dernière, 42 Frères ont fait des vœux perpétuels, et 55 celui d'obéissance. [Cette année, il y a eu 27 vœux perpétuels et 69 d'obéissance.] Depuis la retraite de 1843, on a donné l'habit religieux à plus de 120 novices. La part de l'Hermitage dans ce nombre est de 84.
[87] Vous voyez, N.T.C. Frères, que nous avons raison de nous applaudir de nos supérieurs et de bénir la Providence qui nous envoie des sujets. Espérons donc que celui qui multiplie les années184, multipliera aussi les Petits Frères de Marie et que, par de nouvelles recrues, nous pourrons chaque année fonder de nouveaux établissements, soutenir ceux que nous avons déjà faits et remplacer les sujets que le temps emporte dans l'éternité. Il nous est mort 23 Frères ou novices depuis le 1ier janvier 1842. Nous les recommandons tous à vos prières, spécialement les bons Frères Caste, Julien, Abbon, Siméon et Damien qui avaient des vœux perpétuels. Vous savez que ces Frères étaient tous de bons religieux. Tâchons d'imiter leurs vertus et de nous disposer comme eux par une bonne vie à faire une bonne et sainte mort.
[88] On a construit peu de choses à l'Hermitage depuis votre départ, mais on y a fait beaucoup de réparations, principalement au noviciat, dans les cours, aux dortoirs, etc. On a aussi allongé la promenade du bois d'environ 20 mètres et l'on y a planté deux belles lignes d'arbres.
[89] Le noviciat de l'Hermitage est composé d'une cinquantaine de braves gens. Les supérieurs viennent d'envoyer les plus jeunes à la Grange-Payre, sous la conduite des chers Frères Photius, Arsène et Fidèle. Les autres sont formés aux vertus religieuses par le respectable F. Bonaventure qui est toujours bien cher à la Société à cause de son zèle et de son dévouement.
[90] Les anciens Frères de l'Hermitage parlent souvent de vous. Ils vous aiment tous beaucoup. Nous croyons vous faire un plaisir en vous donnant de leurs nouvelles et pour commencer par le doyen de tous, nous vous dirons que le F. Louis est tellement possédé de l'esprit mercantile que si le voyage de l'Océanie n'était pas plus difficile que celui de Lyon il irait tous les mois vous offrir des livres et du papier. Le bon F. Stanislas rêve toujours les jolies Saintes Vierges, les beaux ornements et les belles cérémonies. Le vénérable [Frère] Jean-Joseph passe la navette aussi courageusement que s'il n'avait que 30 ans. Les soutanes et les culottes sont toujours gouvernées par le F. Hyppolite et F. Jacques rode sans cesse autour de ses vaches et de ses poules. Quant aux Frères Pierre et Honoré, ils ne se lassent pas de manier la pierre et les briques. Le F. Jérôme sait toujours bien conduire le cheval. Les Frères Marcellin, Jean-Claude, Colomban et Pierre-Joseph sont toujours occupés aux mêmes emplois. Vous apprendrez sans doute avec plaisir que le F. Spiridion voudrait vous porter des souliers et aller voir le F. Basile, mais ses forces trahissent son courage.
[91] Parlons un peu maintenant de nos maisons provinciales. Vous n'ignorez pas, sans doute, notre réunion avec les Frères de l'Instruction Chrétienne de Saint-Paul-3-Châteaux. Cette Congrégation s'est beaucoup améliorée sous la direction du bon F. Jean-Marie. On y compte aujourd'hui 16 établissements et 75 Frères ou novices. La régularité et la piété ont pris un accroissement très sensible parmi les Frères de cette Province. Nos Frères Visiteurs ainsi que le C.F. Directeur général ne peuvent se lasser de nous en dire du bien.
[92] Dans le courant du mois de mai dernier, les Frères de Viviers ont été également réunis aux Frères de Marie, aux mêmes conditions que ceux de Saint-Paul. La maison-mère de cet Institut était à Viviers. Mgr. l'évêque de cette ville l'a transportée à La Bégude près d'Aubenas, Ardèche. Sa Grandeur a acheté à cette fin une vaste maison avec ses dépendances. Le C.F. Louis-Bernardin a été envoyé dans cette maison en qualité de Provincial et le R.P. Besson comme aumônier qui a été remplacé à l'Hermitage par le R.P. Déclas, le premier Père de la Société. C'est un excellent vieillard, plein de zèle et d'érudition qui seconde parfaitement le R.P. Matricon.
[93] [Plusieurs sujets de cette Congrégation paraissaient d'abord peu disposés à l'union mais, grâce au zèle du R.P. Epalle, frère de Mgr. de Sion, qui a prêché la retraite, et à l'esprit conciliant du C.F. Directeur général, tous ont témoigné un dévouement admirable. Le succès de cette retraite a été si complet qu'on ne peut assez en bénir le bon Dieu: 9 Frères y ont fait des vœux perpétuels, 22 celui d'obéissance et l'on a donné l'habit religieux à 11 novices.] Cette Province qui se compose de 53 sujets a fondé 11 établissements dans le département de l'Ardèche.
[94] Vous voyez, nos T.C F., combien Marie se plaît à bénir et à étendre sa société. Comme Elle a su par la réunion de Saint-Paul et de Viviers, suppléer à l'autorisation que le gouvernement français nous refuse si constamment! Oh! oui, Marie est une bonne Mère! Soyons donc ses véritables enfants.
[95] Le noviciat de Vauban commence aussi à devenir important. Cette maison compte actuellement 32 sujets qui donnent beaucoup à espérer. Nos établissements du Nord vont très bien néanmoins le noviciat n'est pas encore bien en vigueur185.
[96] N.T.C. Frères, nous terminerions ici nos détails si nous ne craignions de vous ennuyer, mais, persuadés que vous avez autant de plaisir à lire ces renseignements que nous en avons à vous les donner, nous mettrons encore sous vos yeux la liste de tous les établissements fondés par l'Hermitage. Au moyen de cette liste vous pourrez connaître les nouveaux établissements, l'époque de leur fondation et savoir le poste qu'occupent les principaux Frères de votre connaissance."
[97] Suivait un tableau dont nous ne donnons que le résumé186.
Noms Hermitage Saint-Paul La Bégude Nord Vauban Totaux
FF. profès 171 20 9 2 0 202
FF. non profès130 19 22 1 13 185
FF. novices 93 21 12 0 7 133
Postulants 50 15 10 3 12 90
Totaux 444 75 53 6 32 610
Détails supplémentaires
[98] Les auteurs de la lettre ci-dessus encourageaient ensuite leurs confrères missionnaires. Ils exaltaient leur vie de privation et la sublimité de leur apostolat. Ils leur apprenaient que Sa Sainteté Grégoire XVI venait d'accorder aux Petits Frères de Marie une indulgence plénière à chacune des fêtes de la sainte Vierge et aux autres principales fêtes de l'année.
[99] Le ton de cette lettre indique la plume joviale du F. Victor. Deux de ses auteurs, les Frères Andéol et Evagre pratiquèrent mal ce qu'ils prêchaient à ceux de l'Océanie: le premier se mit dans un cas grave et fut renvoyé, le second sortit de lui-même.
[100] Nous avons déjà dit que M. Rigotier n'avait des yeux que pour ses pensionnaires. Il en avait glané 80 cette année-là grâce aux services que leur rendaient les novices et les postulants qui les considéraient comme des bourgeois, bien que venus de la campagne et n'étaient pas encore assez vertueux pour accepter leur position servile de bon cœur. On permit la musique à M. Rigotier; il aurait pu passer outre.
[101] Dans le courant de l'année, 79 postulants prirent l'habit religieux à l'Hermitage, 9 à Saint-Paul-3-Châteaux, 11 à La Bégude, 15 à Vauban et 1 dans le Nord. C'était donc 115 nouveaux Frères en une année, mais il y eut des rossignols.
[102] La mort nous enleva Frères Sidoine, Damien, Arétas et Diogène, M. Boiron (54 ans bienfaiteur), Frères Samuel, Exupère et François-Marie (portier).
Frère Damien
[103] Le F. Damien était un type de simplicité et de droiture. Ce n'était pas un religieux à demi. Il savait les quatre évangiles, les épîtres [et les Actes des] Apôtres par cœur, même un peu l'Apocalypse. Néanmoins, dès qu'il avait un moment de libre, il en lisait quelques passages en se promenant et on l'entendait parfois se dire à lui-même: "C'est bien cela, je ne l'avais jamais bien compris." Il était un peu vouté et avait une démarche assez gauche.
[104] Etant à Saint-Sauveur, M. Colomb de Gaste, maire, lui dit un jour: "Allons! F. Damien, marchez donc droit. - Ah! M. le maire, je me suis bellement habitué à marcher ainsi en conduisant les ânes de mon père qu'il me serait bien difficile de marcher autrement!" Il était infirmier pendant les dernières années de sa vie et ses malades ne manquaient pas de conseils pieux.
[105] Ce bon Frère était le type d'un véritable enfant de l'Institut. Né à Saint-Just-la-Pendue, il y resta jusqu'à la maturité de l'âge. Ayant assisté un jour à la messe de M. Cholleton, il se sentit inspiré d'aller le trouver à la sacristie et le pria de lui apprendre à aimer Dieu. "Qui vous a dit de me faire cette question? - C'est mon bon ange qui me l'a dit pendant votre messe." Muni d'une lettre de M. Cholleton, Jean-Marie Mercier, c'était son nom, alla trouver le P. Champagnat en 1824. "Que venez-vous faire chez nous? - Aimer Dieu de tout mon cœur. - Que ferez-vous pour aimer Dieu de tout votre cœur? - Tout ce que vous voudrez, je suis entre vos mains et disposé à vous obéir en tout. - Voilà une excellente disposition. Combien durera-t-elle? - Toute ma vie s'il plaît à Dieu. - Il y a-t-il longtemps que vous avez la pensée de vous faire Frère? - Oui, depuis plusieurs années, je me suis senti porté à quitter le monde pour servir Dieu plus parfaitement. - Quelle est votre profession? que faisiez-vous chez vous? - Mon père est meunier et je conduisais les ânes du moulin. - Alors vous avez trouvé le trésor de la vie religieuse en conduisant les âmes." Le Père le reçut, lui donna l'habit et le nom de F. Damien.
[106] Le nouveau Frère se distingua par sa piété, son obéissance, sa ponctualité à suivre tous les points de la Règle et son horreur pour les moindres fautes. Il ne comprenait pas qu'un Frère pût commettre un péché véniel et rester ensuite en paix. Lorsque j'ai eu ce malheur, disait-il, il me semble que j'ai avalé du poison et le remords me travaille jusqu'après la confession.
[107] Pendant l'hiver de 1835, une fièvre typhoïde avait failli le conduire au tombeau. Dans un moment de délire il lui avait semblé être au jugement de Dieu et que le démon lui rappelant toutes les fautes de sa vie, menaçait de l'entraîner dans un profond abîme de feu. Il avait cru voir en même temps son ange gardien qui présentait à Dieu une longue liste contenant le nom de tous les enfants qu'il avait instruits et préparés à la première communion. L'esprit céleste se prosternant devant le trône de J.-C., lui avait dit en lui offrant cette liste: "Laisserez-vous périr, Seigneur, ce Frère, serviteur de votre divine Mère qui vous a préparé et gagné tant d'enfants? Notre Seigneur, en agréant cette liste, avait jeté un regard sévère sur le démon qui s'était précipité à l'instant dans l'enfer avec le livre où il avait écrit les péchés du Frère.
[108] Cette espèce de vision avait fait une telle impression sur l'esprit du Frère que, même quand il fut guéri, il n'avait pu y penser sans trembler, mais il n'en avait eu que plus de zèle pour instruire les enfants et depuis, il avait fait une liste de tous ceux à qui il avait fait le catéchisme et qu'il avait préparé à la première communion, l'avait conservée soigneusement et avait dit: "Elle me servira au jugement de Dieu." Une longue et douloureuse maladie perfectionna ses vertus. Sa mort édifia tellement les Frères que, pendant longtemps, les malades en danger demandèrent à être placés sur le lit où l'excellent F. Damien était parti pour le ciel.
Etat financier
Voici l'arrêté de comptes pour 1844.
[109] Recettes:
En caisse au 1ier janvier 9 426.70
Reçu des établissements 50 318.25
Reçu Mobiliers remboursés 3 040.15
Reçu Diverses primes 5 560.00
Reçu des postulants et FF. 27 711.15
Reçu Dons 1 170.00
Reçu des Sœurs 17 750.00
Reçu de diverses rentes 845.05
Reçu du F. Jean-Joseph façon de toile 200.70
Reçu emprunté à la bibliothèque 659.90
Reçu Restes de voyages 545.40
Reçu Divers 104 526.15
[110] Dépenses:
Vestiaire de tous les FF. 13 445.75
Epiceries, fruits, p. de t. 7 039.05
Vin 2 885.35
Farine 18 249.35
Viande 4 954.75
Chaussures 2 820.95
Infirmerie 458.45
Voyages 4 338.60
Voiture, cheval, etc. 1 086.70
Vaisselle, etc. 1 315.95
Réparations, ouvriers 5 381.05
Linge et literie 7 169.10
Charbon 499.45
Impositions 747.30
Lessives 422.55
Rendu aux postulants 3 040.40
Payé à la bibliothèque 1 922.00
Dettes anciennes acquit.[ées] 14 002.50
Prêté à Saint-Paul-3-Château 9 000.00
Diverses dépenses 932.00
Lettres 293.45
10 004.70
Total des recettes 104 526.15
Total des dépenses 10 004.70
Balance 5 421.45
Do'stlaringiz bilan baham: |