1846
Heureux augures
[1] Cette année fut remarquable par l'apparition de la sainte Vierge à la Salette, par la mort de notre Saint Père le Pape Grégoire XVI et par l'élection de son successeur Pie IX, d'immortelle mémoire.
[2] Le C.F. François répondit ainsi, le 3 janvier, aux bons souhaits que les Frères des postes lui avaient adressés:
[3] "N.T.C. Frères, C'est auprès de la crèche de Jésus que nous apprenons quels sont les vrais biens que nous devons nous souhaiter mutuellement et nous efforcer d'acquérir pour passer d'heureux jours dans cette vie et mériter dans l'autre une éternelle félicité. Ces biens que le monde ne connaît pas et qu'il ne saurait nous donner, sont promis aux hommes de bonne volonté, à ceux qui désirent suivre sincèrement les exemples et les maximes du Sauveur.
[4] Ce Dieu fait homme pour rendre les hommes enfants de Dieu ne vient pas seulement pour nous délivrer du péché et de la mort éternelle, il veut encore se rendre notre maître et notre modèle pour nous donner des droits au bonheur éternel. Recevons donc avec docilité ses aimables leçons et tâchons de retracer dans notre conduite tous les traits de sa vie sainte et divine afin de le faire vivre en nous comme en ses fidèles serviteurs.
[5] Quels beaux exemples ne trouverons-nous pas de toutes les vertus dans les mystères du Verbe incarné et quels puissants motifs de le suivre! Qui n'embrassera volontiers la pauvreté en voyant Jésus dans une étable? Qui osera chercher les commodités et les plaisirs de la vie en voyant Jésus couché dans une crèche? Qui refusera d'obéir en voyant un Dieu soumis à ses créatures? Quel zèle et quel dévouement la vue de Jésus enfant ne doit-elle pas nous inspirer pour l'enfance?
[6] A l'exemple de Marie, notre bonne Mère, conservons précieusement dans notre cœur le souvenir de toutes ces choses et faisons-en le sujet ordinaire de nos méditations. C'est là que nous apprendrons à bien remplir le but de notre sainte et sublime vocation, à pratiquer fidèlement tous les devoirs qu'elle nous impose et à nous montrer toujours les fidèles disciples de Jésus et les vrais enfants de Marie.
[7] J'ai la satisfaction de vous annoncer, N.T.C.F. que notre petite Société se multiplie de jour en jour d'une manière bien consolante. Nous comptons présentement, dans nos diverses maisons, 670 Frères et 60 à 80 Postulants. Néanmoins ce nombre est loin d'être en rapport avec celui des demandes qui nous sont adressées de toutes parts pour de nouveaux établissements.
[8] Aussi je vous engage tout de nouveau à redoubler de zèle pour procurer de bons sujets à la Société par tous les moyens que la piété et la prudence peuvent vous fournir. Le Seigneur vous offre un vaste champ à cultiver et une abondante moisson à recueillir. Déjà plus de 20.000 enfants reçoivent une éducation chrétienne et religieuse dans 125 écoles, y compris les missions de l'Océanie où, comme vous le savez, nous comptons un bon nombre de Frères catéchistes. Quels puissants motifs de courage, de zèle et de confiance! Qui ne s'efforcerait, chacun dans sa fonction, de coopérer de tout son pouvoir à l'œuvre de Marie en travaillant à procurer, autant qu'il est en lui, la plus grande gloire de son divin Fils!
[9] N.T.C.F., je vous recommande de conserver toujours cet esprit d'humilité, de simplicité et de modestie qui doit être le caractère distinctif de la Société de Marie. Ne multipliez pas vos visites sans nécessité, même dans les établissements de votre district, car souvent on y perd beaucoup de temps et, au lieu d'édifier, on scandalise. Evitez aussi avec soin de vous produire au dehors.
[10] Je vous recommande encore de ne pas négliger les différentes pratiques de piété prescrites par la Règle: la messe, la fréquentation assidue et fervente des sacrements, les visites à N.S. et à la sainte Vierge, les pratiques journalières, l'enseignement du catéchisme et les autres.
[11] Toutes ces choses sont bien importantes, c'est ce qu'il y a de plus essentiel dans vos devoirs, c'est le vrai et l'unique moyen d'attirer les bénédictions du ciel sur vous et sur tous les enfants qui vous sont confiés.
[11] Vous le savez, N.T.C.F., si le Seigneur n'édifie et ne garde lui-même la maison, nos efforts et nos soins sont inutiles. Allons donc nous présenter souvent devant le trône de la grâce pour obtenir ce dont nous avons besoin dans toutes les circonstances de la vie. Je vous engage à vous unir toujours d'intention avec nous, à recommander spécialement les Pères et les Frères qui travaillent à la conservation des infidèles de l'Océanie et à offrir, à ces fins, autant qu'il vous sera possible, au moins 1/4 d'heure devant le saint sacrement, surtout le vendredi et le samedi de chaque semaine.
[12] Je vous prie, en finissant, de conserver toujours les uns pour les autres cette affection tendre et cordiale qui fait le bonheur de la vie religieuse. Notre Seigneur veut que l'on reconnaisse ses disciples à l'affection qu'ils auront les uns pour les autres, qu'on nous distingue aussi à l'union parfaite, à la concorde qui règnera parmi nous, en cette vie, jusqu'à ce qu'elle se consomme en Dieu dans le sein de la bienheureuse éternité."
Nouveaux accroissements
[13] Mme la comtesse de la Grandville qui avait fondé l'école de Beaucamps, en 1842, était enchantée de son œuvre. Voulant procurer l'extension de l'enseignement religieux au plus grand nombre possible de paroisses, elle avait fait bâtir une assez vaste maison, en 1845, tout en maintenant aux Frères la ferme qu'elle avait donnée pour l'externat dont le revenu annuel était de 1.800 fr. Elle avait pourvu cette maison de tout ce qui était nécessaire et le germe de noviciat, établi à Saint-Pol-sur-Ternoise, fut installé à Beaucamps ayant le F. Cyprien pour premier directeur lequel perdit la tête et retourna chez lui plus tard. M. le curé de Beaucamps présida une vêture dans le nouveau noviciat, le 15 avril de cette année.
[14] M. Ferrouillat, curé de Roussillon et M. Bourbonnais, adjoint au maire, vinrent demander des Frères en janvier. On les laissa greloter au parloir pendant deux heures en leur disant que le C.F. François donnait une leçon de civilité. Ils ne voulaient que deux Frères et le C.F. Directeur général vint enfin leur dire qu'il ne pouvait pas leur en donner moins de trois. Froissé de la réception qu'on lui faisait, M. Ferrouillat se retira en colère et voulait aller immédiatement demander des Frères des Ecoles Chrétiennes. M. Bourbonnais le décida à retourner à Roussillon et à réfléchir.
[15] Le C.F. Jean-Baptiste chargea ensuite le F. directeur de Bougé-Chambalud d'aller préparer cette fondation et à décider M. le curé à accepter trois Frères. M. Ferrouillat s'y décida, à condition d'un petit pensionnat dont il fit les frais, mais la visite à l'Hermitage lui resta sur le cœur et l'on ne put jamais le décider à revoir les supérieurs ni même à leur écrire un mot.
Demande d'autorisation légale
[16] M. Villemain n'était plus ministre de l'Instruction publique. M. Thiers et M. Guizot étaient les chefs des deux partis qui se disputaient ardemment le pouvoir. D'après eux, le roi régnait et ne gouvernait pas et la France était assez riche pour payer sa gloire. Ils se culbutèrent mutuellement plusieurs fois par an. Le gouvernement était devenu un véritable jeu de bascule. Le parti qui se trouvait au pouvoir, lors des élections, promettait tout aux électeurs pour avoir des députés de son choix.
[17] Espérant que cet état de chose les favoriserait, nos supérieurs reprirent les démarches pour l'obtention de la reconnaissance légale de l'Institut. Le 26 janvier, ils adressèrent la lettre suivante au ministre de l'Instruction publique:
[18] "M. le Ministre, les Frères de Marie de l'Instruction Chrétienne, établis à N.-D. de l'Hermitage sur Saint-Chamond (Loire), en faveur de l'instruction primaire des enfants de la campagne et des petites villes, ont l'honneur d'exposer à votre excellence:
1 que depuis près de 15 ans ils sollicitent avec les plus vives instances le bienfait de la reconnaissance légale;
2 que le Conseil général du département de la Loire a constamment appuyé leur demande et que, depuis plusieurs années, dans chacune de ses sessions il émet de la manière la plus favorable le vœu que leur Congrégation soit légalement constituée;
3 que la même faveur a été sollicité à plusieurs reprises, et individuellement et collectivement, par tous les députés de la Loire et la plupart de ceux des autres départements où sont établis les Frères de Marie;
4 que le gouvernement du roi, bien que la sage maturité qui préside à tous ses actes ne lui ait pas permis encore d'accorder aux Frères de Marie une autorisation définitive, les a néanmoins toujours soutenus et protégés.
[19] C'est au gouvernement de sa majesté qu'ils doivent l'approbation de leurs statuts par le Conseil royal de l'Instruction publique, en 1834. C'est à la demande et par la faveur du gouvernement que les Frères de Marie ont formé plusieurs établissements dans le département du Pas-de-Calais.
[20] Le Ministre de l'Instruction publique, M. Villemain, a accueilli, en 1841, avec une bonté toute particulière, leur demande d'autorisation légale. Son Excellence avait à cœur de terminer cette affaire selon leurs désirs, et les Frères de Marie conserveront avec reconnaissance la lettre où elle leur en donnait, de sa main, l'assurance expresse.
[21] Ils savent aussi, M. le Ministre, que votre Excellence s'est montrée pleine de bienveillance à leur égard, soit au printemps dernier lorsque M. le Préfet de la Loire a eu la bonté de lui écrire pour leur autorisation et, plus tard, de lui en parler encore de vive voix, soit dans ces derniers mois lorsqu'il a plu à votre Excellence de les désigner pour remplir d'importantes demandes qui leur étaient soumises.
[22] C'est par tous ces motifs, M. le Ministre, et dans des vues de reconnaissance et de dévouement envers le gouvernement du roi que les Frères de Marie osent aspirer à l'honneur de former le premier corps de Frères instituteurs auquel il aura donné l'existence égale. Ils conjurent instamment votre Excellence de prêter une oreille favorable à leurs humbles supplications et de les faire jouir bientôt d'une faveur si longtemps désirée.
[23] Rien ne saurait égaler la reconnaissance qu'ils lui en conserveront à jamais, eux et leurs successeurs, devant Dieu et devant les hommes. etc. ..."
[24] Si les ambitieux qui gouvernaient la France, en se disant les amis du peuple, avaient su apprécier l'humilité et le sentiment chrétien, ils se seraient pressés d'exaucer l'humble prière qu'on leur adressait depuis 15 ans dans l'intérêt de ce même peuple. Mais ces belles choses étaient des énigmes pour eux. Ils s'obstinèrent à la repousser jusqu'à ce que leur roi-fantôme qui se croyait bien assis, fut jeté bas, selon la prophétie d'Orval.
[25] En même temps, le C.F. François écrivit à M. Baude, député de la Loire, pour le prier d'appuyer notre demande auprès du gouvernement. Peine inutile.
Déboires: Marsac, Breteuil
[26] M. le Chanoine Vernot avait demandé des Frères pour Gensac, diocèse de Bordeaux. On les lui avait promis, mais les Frères ayant échoué aux examens de mars, le C.F. lui écrivit ainsi:
[27] "M. le Chanoine, J'attendais, pour vous répondre, le résultat des examens de mars. Je suis affligé de vous dire que nous n'avons pas été heureux et que presque tous nos sujets ont été ajournés jusqu'au mois de septembre prochain. Ce petit échec que nous devons en partie au mauvais vouloir de certains membres de la commission et aux exigences de ceux qui dressent le programme de l'examen, nous met dans l'impossibilité de vous donner des Frères à Pâques. Et comme je craindrais de nuire à votre œuvre en vous demandant un nouveau délai, je vous prie de porter vos vues ailleurs. etc."
[28] Malgré les promesses réitérées de M. le curé, les Frères de Breteuil étaient toujours dans une position très critique. Leurs classes, très humides, étaient à peine suffisantes pour 100 enfants et ils en avaient près de 200. Leur mobilier était très insuffisant, leur traitement était tel qu'ils avaient dû contracter des dettes pour ne pas mourir de faim. Le C.F. Directeur général exposa cette pénible situation à Mgr. l'évêque de Beauvais et le pria d'agréer que les Frères fussent retirés de Breteuil. Sa Grandeur s'y opposa sans doute et intervint auprès des autorités locales, du moins on l'espérait.
Saint-Didier-sur-Chalaronne
[29] Nous avons vu que Mgr. l'évêque de Belley avait été froissé du refus d'un noviciat à Saint-Didier-sur-Chalaronne et nous avait tourné le dos. Sa Grandeur venait de recevoir un Coadjuteur en la personne de Mgr. Chalandon qui devait lui succéder. Les supérieurs crurent devoir profiter de l'occasion pour rentrer dans les bonnes grâces de cet évêché. Dans ce but, ils consentirent à signer un arrangement très onéreux pour l'Institut et dont voici la teneur:
[30] "Entre les sousignés, Mgr. Alexndre Raymond Devie, évêque de Belley, où il réside, d'une part; et M. Gabriel Rivat, en religion F. François, Supérieur des Frères de Marie, demeurant à N.-D. de l'Hermitage, canton de Saint-Chamond, département de la Loire, agissant en qualité de Supérieur et pour le compte de la Société, d'autre part; ont été faites les conventions suivantes:
[31] Mgr. Alexandre Raymond Devie, évêque de Belley, vend et cède avec les garanties de droit au susdit F. François acceptant, une maison sise à Saint-Didier-sur-Chalaronne avec cour et jardin et une terre séparée de la maison et du jardin par le chemin qui conduit au cimetière, le tout formant une superficie d'environ 95 ares, confinée au nord par une terre de M. Berrud et le cimetière de Saint-Didier, à l'orient, par une terre de Mme de Vallin, au sud par un chemin vicinal et au couchant, par une terre de M. Badoud, pépiniériste, sauf meilleurs confins, le tout en un mot, tel que le vendeur le possède et que les Frères Maristes, instituteurs à Saint-Didier, en jouissent actuellement.
[32] Le prix des immeubles vendus a été fixé à la somme de 15.000 fr. Pour le prix de ces immeubles vendus, le F. François s'engage à fournir à perpétuité à ses frais et dépens, pour une école primaire gratuite:
1 dans la maison vendue, 4 Frères de sa Société pour la paroisse de Saint-Didier,
et 2 un Frère pour la paroisse de Thoissey, sauf à lui, si bon lui semble, de tenir un pensionnat payant à Saint-Didier, après avoir rempli les formalités voulues par la loi et de se charger de l'école communale, soit à Saint-Didier, soit à Thoissey. Ainsi convenu réciproquement, fait double et signé, le 20 mai 1846."
[33] Six jours après, la lettre canonique suivante fut signée par Messieurs Guillemain, Poncet, Perrodin et Humbert, vicaires généraux et par le C.F. François pour préciser les conditions de la vente ci-dessus:
[34] Entre les soussignés:
Messieurs Poncet, Perrondin, Guillemain et Humbert, vicaires généraux, composant le conseil d'administration du diocèse de Belley et sous l'approbation de Mgr. Alexandre Raymond Devie, évêque dudit diocèse d'une part; et M. Gabriel Rivat, en religion F. François, Supérieur de la Congrégation des Frères de Marie, domicilié à l'Hermitage, canton de Saint- Chamond, Loire, agissant en sa qualité de Supérieur des Frères de Marie, d'autre part; il a été convenu ce qui suit:
[35] Art 1er Par acte sous seing-privé du 20 mai courant, Mgr. Alexandre Raymond Devie, évêque de Belley, a vendu audit F. François une maison avec ses dépendances, située à Saint-Didier-sur-Chalaronne, moyennant le prix de 15.000 fr. à la condition que la Congrégation des Frères de Marie dont il est le Supérieur et au nom de laquelle il agit, entretiendra dans la maison de Saint-Didier vendue par Mgr. Devie, 4 Frères instituteurs qui devront donner l'instruction morale et religieuse gratuitement aux jeunes garçons de la paroisse de Saint-Didier-sur-Chalaronne et un autre Frère instituteur qui devra également donner l'instruction gratuite aux garçons de la commune de Thoissey.
[36] Art. 2e La somme de 15.000 fr. produit de la rente susdite, n'a point été comptée à Mgr. Devie par le F. François acquéreur, elle reste entre les mains de M. le Supérieur de la Congrégation des Frères de Marie pour contribuer à l'entretien des cinq Frères chargés des écoles de Thoissey et de Saint-Didier-sur-Chalaronne.
[37] Art. 3e De plus, le diocèse de Belley ayant profité d'une somme de 34.000 fr. mise à la disposition de Mgr. Devie pour former le traitement des Frères de Thoissey et de Saint-Didier, le conseil d'administration du diocèse, sous l'approbation du prélat, s'engage à payer aux cinq Frères placés dans les deux paroisses mentionnées plus haut, une somme annuelle de 17.000 fr., laquelle sera payable par trimestre et prise sur les fonds de la caisse diocésaine.
[38] Art. 4e Néanmoins le conseil diocésain se réserve le droit de se libérer de ladite rente annuelle en remboursant la totalité du capital au dernier 20, ou même partiellement par une somme qui ne serait pas moindre de 8.000 fr.
[39] Art. 5e Dans le cas où les Frères de Marie se trouveraient dans l'impossibilité, pour une cause quelconque, de remplir les engagements arrêtés ci-dessus à l'égard des écoles de Thoissey et de Saint-Didier, il est convenu que la vente de la maison telle qu'elle est stipulée dans le sous-seing privé du 20 mai courant n'aurait aucun effet en faveur de la Congrégation des Frères de Marie et que la propriété de cette maison reviendrait à Mgr. Devie, évêque de Belley, ou à ses successeurs légitimes, pour y placer tels autres instituteurs qu'il jugerait convenable.
[40] Art. 6e Dans le même cas, c'est-à-dire si la Congrégation des Frères de Marie avait reçu la totalité ou partie du remboursement du capital représentant la rente annuelle de 1.700 fr., et qu'elle se trouvât dans l'impossibilité de tenir les deux écoles de Saint-Didier et de Thoissey, la Congrégation serait tenue de rendre à l'administration diocésaine la totalité ou partie du remboursement qu'elle aurait reçue.
[41] Ainsi fait double et réciproquement convenu à Lyon.
[42] L'acquisition des immeubles ci-dessus cédés avait été faite par actes sous seing-privé et non enregistré. La première de ces pièces ne fut pas enregistrée non plus. Le fisc y perdit les droits d'enregistrement, mais l'Institut n'a pas pu se prévoir de ces actes pour affirmer qu'il est propriétaire. Il n'a pas su se baser que sur la prescription, après 1866.
[43] Quand à la lettre canonique devant rester secrète, elle ne put être enregistrée.
[44] Cet arrangement, nous le répétons, fut onéreux pour l'Institut:
1 en ce qu'il l'obligeait de fournir 4 Frères pour Saint-Didier et, la Règle s'opposant à l'envoi d'un seul, au moins deux pour Thoissey, soit six Frères pour l'intérêt des 15.000 fr. et la rente de 1700 fr. fournie par l'évêché, encore cette rente fut-elle réduite à 1.500 fr., en 1854, l'évêché n'ayant pas payé de soulte.
2 en ce qu'il met l'entretien des bâtiments, du mobilier personnel et du matériel scolaire à la charge des Frères, ainsi que les impôts.
3 en ce qu'on peut l'obliger à se charger du capital de 34.000 fr. à ses risques et périls.
4 en ce que, dans le cas où les Frères abandonneraient les écoles de Saint-Didier et de Thoissey, l'évêché reprendrait les immeubles sans fournir aucun dédommagement pour les améliorations que l'on y aurait faites.
[45] Plus tard, lorsque l'école communale a été retirée aux Frères, à Thoissey, l'un des successeurs de Mgr. Devie, Mgr. de Soubiranne, a su tirer partie des avantages que l'arrangement précité offrait à l'évêché.
Activitès intérieures
[46] Le R.P. Epalle qui devait prêcher les prochaines retraites à Saint Paul et à La Bégude, appuya les demandes des trois curés du diocèse de Fréjus. Le C.F. François lui répondit que le C.F. Jean-Baptiste devait faire un voyage dans ce diocèse mais qu'il en était empêché par l'absence du C.F. Louis-Marie occupé à l'impression des exercices orthographiques.
[47] Cela nous donne lieu de réparer une omission. Dès son élection à la charge d'Assistant, le C.F. Louis-Marie s'était occupé de la création d'une grammaire française avec exercices orthographiques à l'usage de l'Institut. Ces deux ouvrages, savants pour l'époque, étaient imprimés depuis plusieurs années. Le C. Frère s'occupait alors de leur réimpression.
[48] M. Beaujolin, vicaire général de Lyon, et le R.P. Cholleton nous honorèrent d'une visite et présidèrent une vêture le jour de la Fête-Dieu.
Les aventures d'un escroc
[49] Le prétendu postulant qui avait volé le bon F. Etienne à Bougé-Chambalud, en 1844, avait pris aussi une paire de souliers neufs aux Frères de Viriville. Il s'était présenté ensuite à Saint-Lattier comme pensionnaire. Le rusé F. Vincent refusa de l'admettre dans la maison. De là le filou se rendit chez les Frères de la Vendée, dans leur noviciat de Provence, où il prit l'habit. Placé dans un poste, il vola le brevet de son directeur avec 400 fr. et disparut.
[50] Il se présenta ensuite au noviciat de Saint-Paul. Le bon F. Jean-Marie le reçut. Le flibustier se montra si édifiant que le bon Père Codinat, aumônier, en raffolait et voulait l'admettre à la communion tous les jours. Après sa vêture, cet hypocrite fut envoyé à Courthézon. Après son départ, les novices communiquèrent au F. Jean-Marie les diverses remarques qu'ils avaient faites sur son compte.
[51] On alla aux informations à la suite desquelles le voleur fut arrêté, conduit en prison à Orange, jugé et condamné à trois mois sans qu'aucun des Frères qui auraient pu le charger fut interrogé. Les agents de Louis-Philippe n'aimaient pas plus les moines que leur maître.
Gouverner avec douceur et fermeté
[52] Le 25 juillet, le C.F. Directeur général refusa de remplacer les Frères des Ecoles Chrétiennes à Paray-le-Monial comme il avait refusé de remplacer ceux de Thiers l'année précédente.
[53] Nous avons dit que le supérieur des Frères de la Vendée avait offert les 4 postes que ces Frères possédaient en Provence à notre Institut, ainsi que ceux de ces Frères qui occupaient lesdits postes, s'il leur plaisait d'entrer chez nous. Plusieurs de ces Frères écrivirent à notre C.F. François, le 21 juillet. Ils demandaient un an de répit pour avoir le temps de réfléchir. Les uns, disaient-ils, voulaient retourner en Vendée, les autres se faire Trappistes ou Capucins ou retourner dans le siècle, etc.
[54] Le C.F. Directeur général envoya la lettre collective de ces Frères à leur Supérieur général. Il y joignit de sages considérations. Il avait accepté les 4 postes en questions, mais il n'y tenait pas, il ne voulait pas que les Frères qui les occupaient se servissent de ce prétexte pour être infidèles à leur vocation.
[55] Ayant reçu la réponde du F. Supérieur de la Vendée, notre C.F. François écrivit comme il suit au F. Etienne, directeur à Bargemont:
[56] "M.B.C. Frère, Je reçois à l'instant la réponse de V.T.H.F. Supérieur à votre supplique et à ma lettre et je m'empresse de vous en donner connaissance. Cet excellent Supérieur, ayant égard à votre désir et voulant avec nous vous donner tout le temps nécessaire pour prendre votre parti avec calme et maturité, consent à ce que vous, M.C. Frère, et ceux qui ont écrit avec vous, vous preniez une année pour réfléchir.
[57] « Je consens, dit-il, à ce qu'ils vivent sous notre habit et selon notre Règle encore pendant un an, mais, ajoute-t-il, j'ai bien fait observer aux Frères de Bargemont que s'ils venaient à tomber malades ou même à mourir, je ne me chargerais pas de leur trouver des remplaçants. Je leur ai fait observer également que je ne croyais pas cet état de chose avantageux ni à eux, ni aux établissements. Je suis persuadé que ces bons Frères se fatigueront de cet isolement. »
[58] Voilà, M.B.C. Frère, le texte essentiel de la lettre de V.C.F. Supérieur. Elle vous donne une année de délai, mais elle exprime des craintes dont je laisse l'appréciation à votre sagesse.
[59] Pour moi, je suis, comme je vous l'ai déjà dit, tout disposé à ne rien précipiter. Je souhaite que vous puissiez encore cette année faire tranquillement le bien dans le poste où la Providence vous a placés et où elle consent à vous laisser. Je prie Dieu qu'il vous accorde à tous l'esprit de paix et de charité, l'onction sainte de sa grâce et les forces nécessaires pour bien remplir vos devoirs. Si pendant l'année vous éprouvez quelques ennuis et qu'il nous soit possible d'aller à votre secours, nous nous ferons un plaisir de le faire. Dans ces dispositions, etc..."
[60] La maison de Digoin était terminée, mais elle coûtait 40,000 fr. et le bon curé, M. Page, était bien loin d'avoir cette somme. Le F. directeur pria les supérieurs de lui venir en aide et annonça que le pensionnat allait s'ouvrir en octobre. Le C.F. François lui répéta ce qu'il lui avait déjà dit, à savoir qu'il n'était pas d'avis que le pensionnat fut ouvert avant d'être autorisé par le gouvernement et que l'Institut ne pouvait pas intervenir financièrement pour cette maison. Le pensionnat s'ouvrit quand même. Les Frères payèrent l'augmentation du mobilier personnel et du matériel scolaire, ainsi que la literie des élèves. M. le curé quêta, comme nous l'avons déjà dit, et se réduisit au plus strict nécessaire pour payer la construction.
Convocation aux retraites
[61] La circulaire pour les retraites, datée du premier août, en fixait les époques comme il suit: A l'Hermitage, du 31 août au 7 septembre; à La Bégude du 14 septembre au 21 id.; à Saint-Paul du 24 septembre au premier octobre; et à Beaucamps, du 15 au 22 août. Après avoir renouvelé les divers avis qu'il donnait chaque année, le C.F. Directeur général continuait ainsi:
[62] "Les vertus auxquelles on devra s'exercer particulièrement pendant les vacances sont la fidélité au règlement, l'observation exacte du silence dans le temps marqué et une grande union et une cordiale charité les uns pour les autres. Point de paroles ou de rapport qui puissent fatiguer ou scandaliser qui que ce soit de vos confrères. Vous ne devez taire aucune des observations qui intéressent le bien général de la Congrégation et le bon ordre des établissements, mais il faut que ces observations aillent toutes aux supérieurs et à eux seulement.
[63] N.T.C. Frères, nous ne pourrons pas tous nous réunir de corps dans l'enceinte d'une même maison, mais nous nous réunirons tous de cœur et d'esprit dans les sacrés Cœurs de Jésus et de Marie. C'est là que nous confondrons nos désirs, nos sentiments et nos vœux et que [dans] l'union et l'intimité d'une seule et même famille nous prierons les uns pour les autres, nous conjurerons Jésus et Marie d'opérer en nous un renouvellement complet, renouvellement de zèle, de piété et de régularité. Pendant que dans le silence de la retraite les uns méditeront sur leurs devoirs, approfondiront les vérités de la religion et repasseront leurs faiblesses, d'autres, au souvenir des mêmes exercices ou en s'y préparant, recommanderont leurs confrères au bon Dieu, à la sainte Vierge et solliciteront pour eux les lumières et les grâces qui assurent le succès d'une bonne retraite. Ainsi nous nous aiderons à réparer nos forces, à nous affermir dans l'esprit de notre vocation et nous fortifierons les liens sacrés qui nous rassemblent et nous unissent tous sous les ailes de Marie.
[64] N.T.C.F., voici la grande fête qui approche, c'est notre fête patronale, c'est la fête de notre Mère. Qu'elle soit pour nous l'occasion de lui témoigner tout notre amour, notre respect et notre reconnaissance. Que chacun s'efforce de mériter de plus en plus, pour lui et pour la Société, la continuation de ses bienfaits et sa maternelle protection. Que ferions-nous, que deviendrions-nous sans l'assistance continuelle de cette bonne et tendre Mère?... Je désire que pendant l'octave de la fête, ou dans les 8 jours qui précèdent, on récite tous les jours le Veni Creator et le Souvenez-vous pour demander la grâce d'une bonne retraite et que tous les exercices ordinaires se fassent dans la même intention.
[65] Je recommande à vos prières le C.F. Bérénique, décédé à l'Hermitage, le 19 du courant. La mort de ce bon Frère a été des plus douces et des plus édifiantes. Quand on se rappelle quelle a été sa piété fervente, sa constante régularité, sa rare modestie et surtout sa parfaite résignation à la volonté de Dieu, tout le temps qu'a duré sa maladie de langueur qui l'a emmené, on ne peut douter que Dieu ne lui ait fait miséricorde et qu'il ne soit déjà au ciel occupé à prier pour nous comme il nous l'a promis.
[66] Nous nous proposons de faire réimprimer après les vacances le recueil des cantiques à l'usage de nos écoles, d'y joindre les airs notés. Si vous avez quelques observations à faire sur le choix des cantiques et quelques beaux airs à faire entrer dans ce recueil, vous voudrez bien nous le communiquer aux vacances, nous en profiterons avec plaisir dans l'intérêt de tous...
[67] ... D'importantes réparations nécessitées par l'augmentation rapide de la Société et par le besoin d'assainir et de régulariser certaines parties des bâtiments ont été faites dans nos diverses maisons de noviciat et notamment cette année à l'Hermitage. Ces réparations ainsi que la cherté des vivres ont augmenté de beaucoup les dépenses annuelles que la Congrégation est obligé de faire et, par suite, ses besoins sont devenus bien grands, bien pressants. J'ai la confiance, N.C.T.C., que vous ferez, chacun dans votre ressort, tous les efforts possibles pour nous venir en aide dans cette circonstance. etc..."
[68] C'est la première fois que, dans ses circulaires, le C.F. François sentit le besoin de ranimer le zèle des Frères directeurs pour le versement de leurs économies à la caisse commune. Il s'apercevait qu'ils commençaient à se négliger sous ce rapport. A l'avenir, lui, son successeur surtout revinrent sur ce point.
Réparations à la maison de l'Hermitage
[69] Parmi les réparations faites à l'Hermitage nous devons noter:
1 le remplacement de l'escalier étroit, tortueux et incommode, par un escalier en pierre plus vaste et plus régulier;
2 la création du double portail au pied de cet escalier, dans l'aile du midi;
3 la transformation du dortoir sainte Marie en plusieurs chambres pour les supérieurs et le secrétariat. Les chambres au-dessus furent désormais à l'usage des pères aumôniers;
4 l'élargissement de la tranchée creusée dans le rocher devant le noviciat.
Engagements et persévérance
[70] La retraite de l'Hermitage fut encore présidée par le R.P. Cholleton. Celles de Saint-Paul et de La Bégude furent prêchées par le R.P. Epalle; celle de Beaucamps le fut par le R.P. Mauriel.
[71] A l'issue de ces retraites, 25 novices firent profession, savoir: A l'Hermitage, les Frères Auguste, Basilide, Basilée, Bassus, Calixte, Dalmas, Didyme, Evariste, Grégoire, Godefroy, Lambert, Théogène; à Saint-Paul, les Frères Palémon, Pierre-Damien, Marie-Augustin, Sabinien, Galmier; à La Bégude, les Frères Martinien, Albert, Réole, Jucondien, Sébastien, Séraphin, Rénobert, Symphorianus.
[72] Les Frères Dalmas, Lambert, Théogène, Marie-Augustin, Sabinien, Galmier, Martinien et Grégoire ne moururent pas dans l'Institut.
[73] Le premier dirigea la providence Denuzière pendant de longues années, se laissa embéguiner par une adroite bégueule qui l'endetta beaucoup, ce qui le fit chasser de l'Institut.
[74] Le dernier fut Visiteur entre en 1855 et 1860, se mit ensuite dans un mauvais cas dans le Nord et alla chez les Prémontrés à Frigolet.
[75] Fr. Marie-Augustin profita de sa charge d'économe à Saint-Genis-Laval, se maria et continua néanmoins de faire sa direction au C.F. Assistant plusieurs fois par an. Chez lui, le cœur avait toujours gouverné la tête.
[76] Le F. Martinien fit comme le précédent et poussa l'inconvenance jusqu'à écrire au C.F. Louis-Marie qu'il avait donné son nom à son premier-né.
[77] On aurait le droit de s'étonner de ces tristes anomalies si l'on ne savait que la plupart des ex ne sortent qu'après avoir perdu la tête dans une certaine mesure.
Mme la comtesse de la Grandville
[78] Nous avons vu que Mme la comtesse de la Grandville avait fondé un externat près de son château à Beaucamps et qu'elle avait affecté une propriété dont le revenu était de 1.800 fr. pour le traitement des Frères employés dans cet externat. Cette pieuse et charitable dame ne se contenta pas de cette bonne oeuvre. Elle donna une propriété de 2 hectares, 63 ares, 96 centiares. Elle fit construire de vastes bâtiments avec une belle chapelle, les pourvut d'un mobilier et d'un matériel scolaire bien conditionnés pour un pensionnat et un noviciat. Elle y dépensa plus de 400.000 fr., sans y comprendre le prix du terrain.
[79] Le pensionnat commença en 1843 avec le C.F. Pascal, futur Assistant, pour premier professeur, sous la direction de l'ex-f. Cyprien. Il n'y eut que 10 pensionnaires la première année, mais ce nombre grandit ensuite et dépassat 150.
[80] Le noviciat du Nord, commencé à Saint-Paul-sur-Ternoise, fut transféré à Beaucamps dans le courant de cette année-ci et la retraite venait d'y avoir lieu, comme nous l'avons déjà dit.
[81] La généreuse fondatrice ne regrettait point les fortes dépenses qu'elle avait faite. Elle était enchantée de son oeuvre et bénissait Dieu tous les jours de la lui avoir inspirée. Les Frères et leurs élèves furent désormais ses enfants. Elle se plut parmi eux, eut sa place à la chapelle et assista avec bonheur, chaque année, aux exercices de leur retraite, surtout aux conférences du C.F. Supérieur.
Nouvelles fondations
[82] Le C.F. Directeur général reçut cette année 72 demandes pour des fondations nouvelles. La plupart étaient appuyées par nos seigneurs les archevêques de Lyon, de Bordeaux, les évêques de Nîmes, de Troyes, de Belley, de Chartres et les vicaires généraux de Digne, et de Mobile, aux Etats-Unis.
[83] De toutes ces demandes, on ne prit que celles de Roussillon, Denicé, Chasselay, Marsac, Varenne, Cremeaux dans la Province de l'Hermitage; de Montdragon, Lorgues, Bargemont, Mirabel, La Roque, dans celle de Saint-Paul; de Robiac dans celle de La Bégude; de Hénin-Liétard, Quesnoy, dans celle du Nord.
[84] Nous avons dit que le F. [Avit], directeur de Bougé, avait été chargé de préparer le poste de Roussillon, avec pensionnat. Les autorités locales l'avaient ensuite demandé et obtenu pour diriger ce nouveau poste. M. le curé de Bougé où il y avait aussi quelques internes, l'avait fortement réclamé et, ne pouvant l'obtenir, il avait exigé qu'il ne fut pas placé à Roussillon, disant qu'il y attirerait tous les pensionnaires de Bougé.
[85] Ce Frère fut envoyé dans le midi, placé à Montdragon, dont aucun Frère de Saint-Paul ne voulait, et chargé en même temps de visiter les autres maisons de la Province de Saint-Paul. Il dut y joindre l'année suivante les maisons de La Bégude.
[86] Les Frères de la Vendée qui avaient demandé un an de répit s'étaient ensuite retirés dans leur maison des Mées et nous dûmes les remplacer dans celles de Bargemont, de Lorgues et de Montdragon. Dès que M. Rey, curé de cette dernière paroisse, connut le départ des Frères de la Vendée qu'il s'était perdus aux yeux des enfants et des parents en se soumettant à tous ses caprices, il alla trouver le directeur des Frères d'Avignon, en obtint les pièces de l'un de seconds et remit ces pièces à la mairie de Montdragon, afin que ledit Frère fût nommé instituteur communal.
[87] Les Frères de Saint-Paul avaient déjà occupé ce poste. Ils en étaient partis en laissant des dettes et M. Rey qui ignorait leur fusion avec nous, ne voulait pas entendre parler d'eux. En apprenant ce tripotage, M. le chanoine Reboul, principal bienfaiteur de l'école et aumônier des Frères d'Avignon, arriva à Saint-Paul en toute hâte malgré son grand âge et ne tint ni paix ni trêve au C.F. François jusqu'à ce qu'il lui eût promis des Frères pour Montdragon. M. Rey eut donc l'embarras de renvoyer les pièces qu'il avait apportées d'Avignon et se trouva dès le début mal à l'aise avec nos Frères.
Circulaire du 06-11-1846
[88] En novembre, une circulaire du C.F.Directeur général annonça la mort du F. Côme à Boën et recommanda de faire les prières d'usage pour le repos de son âme. Le même jour, 6 octobre, le jeune F. Sidronius décéda à Saint-Paul-3-Châteaux.
[89] Le C.F. François profita de ces deux défunts pour engager fortement les Frères à se préparer [à] une bonne mort par l'exacte observance de la Règle, par le zèle à bien remplir leurs devoirs de religieux et d'instituteurs. Il saisit cette occasion pour leur signaler deux abus dont il désirait la destruction:
1 les visites fréquentes des Frères entre eux. Il ne voulait qu'ils allassent à plus de 6 km. sans une permission écrite;
2 le goûter qui tendait à se généraliser. Il l'interdit à tous ceux qui n'étaient pas munis d'une permission régulière.
[90] Le C.F. Directeur général ajoutait diverses considérations pour faire comprendre aux Frères toute l'importance qu'ils devaient attacher à l'éducation chrétienne de tous les enfants qui leur étaient confiés.
[91] "Chaque professeur, disait-il, doit avoir une liste en forme de tableau où seront les noms de tous ses enfants avec les notes indiquant tout ce qu'ils savent des prières ou du catéchisme. Le F. Visiteur verra ces notes et interrogera les enfants pour s'assurer s'ils savent en effet tout ce qui est porté sur le tableau. Il verra aussi la méthode que suit chaque Frère, les moyens d'émulation qu'il emploie, les punitions et les récompenses qu'il donne. Nous vous avertissons que nous mettrons la plus grande importance à ces visites et que nous exigerons que le F. Visiteur entre dans le plus grand détail et nous donne les renseignements les plus minutieux.
[92] Que nous serions contents, que nous serions heureux si à la suite de ces visite l'on nous disait que tous vos enfants qui ont l'âge de raison savent les prières du matin et du soir, que tous savent se confesser et connaissent la manière d'entendre la sainte messe avec piété, que tous savent le catéchisme et qu'aucun n'est négligé, qu'ils sont pieux, qu'ils sont soumis et obéissants, soit à vous, soit à leurs parents et que la crainte du péché et l'amour de Dieu règnent dans vos maisons et parmi vos enfants. C'est là le sûr moyen, non seulement d'assurer votre salut, mais encore d'obtenir que Dieu bénisse toute la Société et la fasse prospérer de plus en plus chaque jour."
Dispositions administratives
[93] Le C.F. François décida que les Frères devaient se contenter du léger bénéfice suivant sur nos classiques, savoir: 0f.10c sur la grammaire, autant sur les exercices et 0f.15c sur les deux livres réunis; 0f.05c sur les principes de lecture et 0f.10c sur le cantique. Les Frères directeurs trouvèrent cela peu rémunérateur, mais les familles ne s'en plaignirent pas. Il décida encore que les pensionnaires ne pouvaient être reçus à moins de 30 f. par mois. Il exhorta les Frères qui n'avaient pas payé tout leur noviciat à prier leurs parents de le faire au plus tôt.
[94] "Vous ne nous amènerez aucun postulant, ajoutait-il, sans nous en avoir préalablement écrit et sans nous avoir fait connaître sa taille, l'état de sa santé, ses ressources pécunières, ses qualités physiques, le degré de son instruction et ses dispositons morales. Après cela vous attendrez notre réponse et vous ne les présenterez que sur notre approbation et après que vous serez bien convenus de tout avec les parents."
[95] Si les Frères directeurs avaient bien suivi cette prescription, les noviciats ne se seraient pas remplis de sujets incapables, sans vocation et qui, pour la plupart, ne payaient rien ou peu de chose. C'était la chèreté des vivres qui amenait le C.F. supérieur à faire toutes ces recommandations.
Les Frères Visiteurs
[96] Jusqu'à cette année la visite des maisons s'était faite à l'amiable, sans régularité et sans méthode fixe. Elle s'était faite tantôt par les chers Frères Assistants et tantôt par d'autres Frères. Les Frères Mathieu, Apollinaire, Anastase avaient été Visiteurs. Le 1ier allant voir le curé de Bourg-Argental, lui avait dit: "Je ne vous demande pas si vous êtes content du Frère directeur, ce Frère est incapable, maladroit et ne fait pas bien." Le Frère Apollinaire, dans ses visites, s'était fait la réputation d'un habile joueur de boules, mais il n'avait pu inspecter utilement les classes. Le Frère Anastase faisait bien, mais il ne tint pas à voyager. Du reste, aucun de ces Visiteurs n'avait eu à écrire des rapports méthodiques, détaillés et qui missent les supérieurs au courant.
[97] Le Régime comprit qu'il y avait là une lacune à combler. Il nomma donc des Frères Visiteurs régionaires auxquels il remit une longue lettre devant leur servir de directoire. Elle était la même pour tous. Voici celle qui fut envoyée, le 1ier décembre, au Frère directeur de Montdragon dont nous avons déjà parlé.
Rôle du Frère Visiteur
[98] "Vous savez que c'est par la régularité que les maisons religieuses se soutiennent et procurent la gloire de Dieu, qu'un religieux ne peut trouver le bonheur ici-bas que dans la fidélité à tous ses devoirs et dans l'observance exacte de ses Règles. Or, comme la visite des maisons est un grand moyen de maintenir, de conserver l'esprit de l'Institut, de notre état, l'amour, l'estime et la pratique des Règles, nous vous conjurons de faire tout ce qui est en vous pour profiter de celle qui vous est annoncée et qu'est chargé de faire notre cher Frère Avit.
[99] Voici, N.T.C. Frères, ce que vous devez faire pour profiter de cette visite.
1 Tous les Frères adresseront au ciel de ferventes prières afin qu'il éclaire le Frère Visiteur, lui fasse connaître tous les abus qui pourraient s'être introduits dans la maison et lui donne l'esprit de sagesse et la grâce nécessaire pour y apporter remède. Ils demanderont encore la grâce de bien profiter de la visite, la docilité, la soumission pour suivre tous les avis du Frère Visiteur.
[100] 2 Tous les Frères verront le Frère Visiteur en particulier et pourront lui demander les avis qui leur seront nécessaires.
[101] 3 Chaque F. est tenu, sous peine de désobéissance, de faire connaître au Frère Visiteur les abus qui règneraient dans la maison et tout ce qui s'y serait passé contre la Règle.
[102] 4 Chaque F. réfléchira quelque temps en lui-même et examinera ce qu'il y a à réformer dans la maison, afin de le faire connaître au Frère Visiteur. Cet examen se fera sur les points suivants:
[103] 5 Si les exercices de piété se font régulièrement à l'heure et si les Frères y assistent; si on se lève et on se couche à l'heure; si les personnes du sexe n'entrent jamais dans la maison; si on garde le silence dans le temps des études et comment se font les études; si les Frères sont toujours deux quand ils sortent; si l'on ne perd pas le temps dans les visites que l'on reçoit et que l'on rend; si les enfants ne restent pas dans la maison avant ou après la classe; si les Frères ne sont pas trop familiers avec eux; si les pensionnaires sont toujours surveillés; si la paix et l'union règnent parmi les Frères; s'ils s'aiment, s'aident et se supportent; si rien ne manque aux Frères; si l'on suit la Règle pour la nourriture et pour tout ce qui concerne les repas; si les Frères ne sont pas trop sévères avec les enfants; si le public se plaint d'eux; si le mobilier, le linge est soigné et si rien ne se gâte.
[104] Après que les Frères auront réfléchi sur ces divers articles et qu'ils auront connu ceux à quoi l'on manque, ils le déclareront franchement.
[105] 6 Ils s'appliqueront surtout à rendre un compte bien exact de leur propre conduite tant intérieure qu'extérieure, se faisant connaître tels qu'ils sont avec simplicité et humilité.
[106] 7 Enfin, ils recevront les avis du Frère Visiteur avec beaucoup de respect, de docilité, s'efforceront de les mettre en pratique et de corriger tout ce qu'il leur aura fait remarqué de contraire à la Règle et à la sainteté de leur état.
Devoirs des Frères Visiteurs
[107] Voici maintenant, N.T.C.F., ce que le Frère Visiteur doit faire dans sa visite. Il est bon que vous le sachiez afin que vous compreniez toute l'importance que nous y attachons.
[108] 1 Le Frère Visiteur, avant de commencer sa visite, lira aux Frères réunis cette lettre et la laissera même entre leurs mains afin que chacun puisse la lire et bien comprendre ce qu'il y a à faire pour bien profiter de cette visite;
2 La lecture de cette lettre sera précédée du Veni Sancte et de l'Ave Maris Stella;
3 Le F. Visiteur verra d'abord le F. directeur afin de s'informer de lui, de la conduite de chaque Frère;
4 Il verra ensuite chaque Frère en particulier;
5 Il visitera toute la maison pour s'assurer si tout est en ordre, en commençant par la cuisine, ayant soin de s'assurer si rien ne se gâte, si tout est propre, bien tenu, si le Frère cuisinier est exact et économe;
6 Il se fera rendre compte de la manière dont les Frères font leurs études, s'ils ne négligent pas le catéchisme;
7 Il n'oubliera pas de s'assurer si le silence est observé, si tout le monde s'occupe;
8 Après cela, il verra les classes, les visitant chacune en particulier, faisant surtout attention à la discipline, à l'ordre et à la propreté. Il verra la méthode que suivent les Frères, les moyens d'émulation qu'ils emploient, les pénitences qu'ils donnent;
9 Après la visite des classes, il verra M. le curé et M. le maire pour s'assurer s'ils sont contents des Frères;
10 Enfin il verra encore le Frère directeur en particulier, lui faisant remarquer tout ce qu'il aura trouvé de contraire à la Règle et aux usages de l'Institut, lui faisant part aussi de toutes les observations qu'on lui aura faites sur son administration;
11 Il examinera les livres de compte et suivra scrupuleusement les dépenses et les recettes;
12 Il laissera par écrit les observations qu'il aurait faites et tous les ordres qu'il aurait donné pour réformer les abus qu'il aurait trouvé;
13 Il dressera un procès-verbal de sa visite et l'enverra au Supérieur général, s'il est possible."
[109] Cette longue lettre servit de guide au Chapitre général, en 1854, pour établir les règles particulières des Frères Visiteurs.
Marche ascendante
[110] Cent soixante-treize postulants échangèrent leurs défroques mondaines contre les livrées de Marie pendant cette année, savoir: 98 à l'Hermitage, 27 à Saint-Paul, 36 à La Bégude, 8 à Vaubans et 4 dans le Nord.
[111] Ce que le pieux Fondateur avait dit plusieurs fois à ses Frères, ce qu'il répétait au bon Frère Stanislas peu avant sa mort commençait à se vérifier: "Le bon Dieu n'a pas besoin de moi pour son œuvre, la Congrégation ira mieux et grandira plus vite après ma mort que durant ma vie." Nous pouvons considérer ces humbles paroles comme une prophétie, mais le bon Père n'était pas étranger à la marche ascendante d'une œuvre qui lui avait tant coûté.
[112] Les Frères dont les noms suivent allèrent le rejoindre dans le ciel: Frères Hilaire, Martin, Béronique, Ursicin, Théotiste, Côme, Eudoxe, à l'Hermitage; Frères Parfait, Sidronius, à Saint-Paul; Frères Servule, Hostien, à La Bégude.
Etat financier
[113] Le noviciat fournit cette année 22.934fr. 65 et les établissements versèrent 60.728 fr. 15 sur lesquels il fallut prendre 22.618 fr. 90 pour le vestiaire des Frères. Sur les réparations faites à la maison, on a payé 10.680 fr. 90. La caisse contenait 8.132 fr. 05.
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