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1838

[306] Le R. Père annonça aux Pères et aux Frères de l'Hermitage, le 10 janvier116 que Mgr. Pompallier et ses compagnons étaient à Valparaiso au commencement du mois d'août précédent. Il ajouta qu'ils devaient être alors rendus à leur destination et il nous invita tous à prier Jésus et Marie de bénir leurs longs et pénibles travaux.



Séjour à Paris


[307] Le vénéré Fondateur partit pour Paris avec le F. Marie-Jubin auquel il voulait faire apprendre la lithographie. Il allait renouveler ses instances, visiter tous les personnages sur lesquels il croyait pouvoir compter et faire tout ce qui était en son pouvoir, mais sans oublier de répéter souvent le Nisi Dominus. Il confia l'administration de l'Institut pendant son absence aux Frères François, Jean-Baptiste et Jean-Marie. Il écrivit ce qui suit au C.F. François le 25 janvier:
[308] "Nous voici arrivés depuis huit jours non sans avoir souffert de plusieurs manières comme vous devez bien le concevoir. Nous avons déjà bien fait des courses dans Paris et bien des visites et nous ne sommes pas au bout. Dieu en soit mille fois béni! Toutes les personnes que nous avons vues paraissent bien s'intéresser à notre affaire. Je ne crois pas que M. Ardaillon eût fait grand chose si nous n'étions pas venus. Continuez à recommander fortement la chose au bon Dieu et à sa Sainte Mère, sans cela que pourrons-nous? Nous espérons réussir.
[309] Envoyez-moi de suite deux douzaines de prospectus sous bande, comme vous savez que cela doit s'arranger, pour que le port ne soit pas trop élevé.
[310] Je me porte bien et M. Chanut aussi. Le froid seul nous ennuie à cause de la charté du combustible. Nous acquittons nos messes à la décharge de la maison. Adieu, mon cher Frère, mille choses aux bons Pères Besson, Matricon, à messieurs les ecclésiastiques qui vous demanderont de nos nouvelles. Nous nous échauffons en courant de chez l'un chez l'autre, nous ne cessons de courir depuis que nous sommes arrivés. Nous n'avons point de neige, mais la glace ne manque pas. L'eau qu'on met dans nos chambres, gèle la nuit et le jour. Le froid recommence depuis quelques jours.
[311] Nous sommes bien résolus à ne pas lâcher prise que nous n'ayons obtenu ce que nous désirons. M. le ministre nous a dit qu'il fallait que la chose soit portée au Conseil d'Etat, que ce serait long: trois semaines. Nous fallut-il trois mois, nous sommes résolus à pousser jusqu'au bout.
[312] Je vous écris comme les choses me viennent. Je suis extrêmement pressé. Dans quelques jours je vous dirai où nous en sommes. Ayez soin de tout comme je vous ai dit, entendez-vous avec messieurs Matricon et Terraillon dans les choses difficiles. Nous quittons l'hôtel du bon La Fontaine pour aller au séminaire des Missions Etrangères, rue du Bac, 120."

Lettre du 04-02-1838


[313] Le bon Père écrivit encore au même le 4 février en ces termes:
[314] "J'ai reçu votre réponse et les prospectus que vous m'avez envoyés. J'ai vu que vous vous portez tous bien. Quant au bon Adjuteur, il paraît que Dieu veut recompenser sa vertu et ses bonnes dispositions. Adorons encore ici ses desseins et ne raisonnons jamais avec lui. Faites tout ce que vous pourrez pour l'aider à faire une sainte mort. Dites-lui que je ne l'oublie pas. Je me réjouis bien des bonnes nouvelles que vous m'annoncez, concernant la maison-mère et les établissements. Puisque le voyage du bon F. Cassien a eu un bon succès à Millery, envoyez-le passer une huitaine de jours à Vallebenoîte et à Neuville. Témoignez-lui toute ma satisfaction de sa bonne volonté. Dites-lui de bien prendre soin de sa santé dans ses petites courses. Vous ne me dites pas si le F. Pie est changé. Quel effet a produit ce changement? Avez-vous bien de la neige? Le froid est-il bien fort à l'Hermitage? Le fermier (de la Grange-Payre) se décide-t-il à partir purement et simplement? Enfin Poncet a-t-il bien coupé du rocher? Comment vont messieurs Matricon et Besson, Frères Jean-Marie, Stanislas, Jean-Baptiste, Pierre, Jérôme, Pierre-Joseph, etc.?
[315] Envoyez-moi l'engagement décennal du F. Martin et des autres sur lesquels on peut avoir quelque crainte. Nous espérons qu'ayant obtenu l'ordonnance, nous obtiendrons sans peine que les engagements soient reçus. Nous sommes toujours à rendre des visites tantôt aux uns tantôt aux autres. Nous arrivons de chez M. La Chaise117, à midi nous y retournerons, il n'était pas encore levé. Nous ne sommes pas encore sûrs de notre affaire, cependant nous comptons sur les bonnes prières qui se font. Marie, notre bonne Mère, nous secondera; prions-la par l'entremise des saintes âmes qui sont en purgatoire. Tous les jours ici, à Paris, nous disons le chapelet des morts.
[316] Nous attendons, depuis quelques jours, les réponses de Nos Seigneurs les évêques de Belley et de Lyon. Il paraît que M. Salvandi leur a écrit. Nous avons écrit nous-même de notre côté.
[317] Ce matin le froid pince plus qu'à l'ordinaire. Nous n'avons presque pas vu de neige à Paris, nos manteaux sont toujours bien utiles, que dis-je bien nécessaires. On nous presse fort pour un établissement à faire à Saint-Pol, petite ville près d'Arras, le traitement est assuré, 40.000 fr. ont été donnés pour cela. Nous sommes presque décidés à y aller voir, surtout si M. Delbèque nous en prie, comme on nous dit qu'il fera. On l'en a prié. Il paraît qu'il est de ces pays-là. Ne tirez point peine de nous, nous sommes bien portants, mais froidement logés.
[318] Les bons ecclésiastiques des Missions Etrangères qui nous donnent l'hospitalité nous édifient beaucoup par leurs vertus et leur dévouement pour l'agrandissement de l'Eglise chez les idolâtres.
[319] J'ai vu, la semaine passée, les bons Frères des Ecoles Chrétiennes, je leur ai demandé qu'ils voulussent bien nous passer leurs livres de classe au même prix qu'ils les passent eux-mêmes à leurs établissements.
[320] Voici ce qu'ils m'ont répondu après s'être réunis en conseil: "J'aime à croire, M. le Supérieur, que ces prix vous paraîtront très modérés étant presque les mêmes que ceux auxquels nos élèves les recoivent de nos chers Frères.
Grammaires 0,68

Dictées 0,68

Exercices 0,68

Arithmétiques 0,78

Solutions 0,30

Dessin linéaire 1,05

Devoirs du chrétien 0,85

Histoire de France 0,98



Géographies 0,83

Lettre du 28-02-1838


[321] Le bon Père écrivit encore le 24 février et parla de son insuccès pour faire accepter les engagements décennaux de plusieurs Frères, ainsi que pour faire exempter le F. Théodore qui était obligé de rejoindre son régiment, puis il ajouta:
[322] "Quant à la grande affaire, que de demarches! que de courses! que de vistes! Vous ne vous en faites pas une idée. Voilà deux jours que nous sommes à faire rouler voiture pour avoir une audience du ministre sans pouvoir en venir à bout. Une fois nous ne trouvons pas M. Ardaillon, il est est au ministère des finances où le ministre l'a mandé fort pressé, une autre fois c'est le ministre qui n'y est pas. Mon Dieu! quel commerce, qu'il est peu rendant, disons mieux, qu'il est dispendieux, car, comme vous pensez bien, il faut payer les voitures jusqu'à la minute.
[323] Nous venons, accompagnés de M. Ardaillon, de voir M. Delbèque qui nous a dit que nos pièces étaient enfin toutes arrivées et que vendredi, 2 mars, elles passeraient au Conseil universitaire. Nous sommes, en ce moment, à chercher quel est ce Conseil, nous n'en avions pas encore entendu parler. M. Jovin Deshayes qui se met en quatre pour nous aider, nous a promis de s'en informer et de nous rendre raison. M. Delbeque nous a encore dit que notre affaire serait terminée dans trois semaines. Nous avons répondu: "Le soit-elle bien dans un mois. Qui sait encore si elle se terminera heureusement. Me voici donc encore pour un mois à Paris. M. Chanut se dispose à se mettre en route sous peu.
[324] Recommandez mon pauvre frère aîné aux prières de la communauté. Me voici seul de toute la famille, de dix enfants que nous étions. Mon tour, je pense, ne sera pas loin. Que Dieu m'accorde de bien m'y préparer. Voilà tout ce que je lui demande. Avec tout cela, je me porte depuis que je suis à Paris, comme je ne me suis jamais porté. Je ne prends presque pas les eaux chaudes118. J'ai très bon appétit. Le F. Marie-Jubin fait des merveilles, il réussit on ne peut mieux. J'achèterai peut-être une presse lithographique.119 J'ai déjà acheté un très beau ciboire. Voilà une partie de ce que nous avions promis à la Sainte Vierge, elle est bien obligée de nous protéger et de nous obtenir ce que nous désirons avec tant de raison..."

Lettre à sa belle-soeur


[325] Pour encourager sa belle-sœur, veuve, le pieux Fondateur lui écrivit l'instructive et touchante lettre que voici: (l'original était entre les mains du F. Regis)120.
[326] "Ma Belle-sœur, J'ai bien du regret de n'avoir pu me rendre auprès de mon pauvre frère pendant sa maladie. Je ne la croyais pas mortelle. On m'avait dit qu'il allait mieux. Il n'y a que quelques jours qu'on m'a annoncé cette nouvelle à Paris. J'ai offert et fait offrir le saint sacrifice pour lui. Je ne doute pas un instant que Dieu ne lui ait fait miséricorde et qu'il n'aie reçu son âme dans sa vraie paix. Que cette vie est courte, qu'elle est peu de chose et que de misères qui en sont inséparables! Il n'y a que deux jours, il me semble, que nous étions tous réunis dans la même maison que vous habitez et que vous habiterez encore quelques jours si le Seigneur le veut. De treize ou quatorze que nous étions, je reste le seul. Mon Dieu, que l'homme qui ne vit pas selon vous, est malheureux! que celui qui s'attache à un bien qu'il laisse pour ne plus revoir est aveugle! Suivons ce que nous dit St Paul, usons de ce que Dieu nous a donné selon Dieu sans nous y attacher, ne désirons pas d'être riches. Remercions Dieu de ce qu'il nous a donné. Hélas! qu'ont les riches de plus que nous, plus de regrets en quittant cette vie.
[327] Ma chère belle-sœur, celui que vous pleurez et que je pleure moi-même, s'il ne vous a pas laissé de grands biens, vous a laissé et à ses enfants l'exemple d'une vie bien chrétienne et c'est par là que j'aime à me souvenir qu'il était mon frère. Je ne monte pas une seule fois à l'autel sans penser à lui.
[328] Tarderons-nous bien à le suivre dans la tombe? Le moment en est marqué, vous l'ignorez, je l'ignore moi-même et il est peu important que nous le sachions. Prévenons-le par une vie toute pour Dieu et selon Dieu. Que nos infirmités, nos misères soient pour nous des occasions de nous rendre plus agréables à Dieu. Nous pouvons dire avec vérités que notre bonheur est entre nos mains, puisqu'il n'est rien, à le bien prendre, qui ne serve à nous le procurer: les biens, la santé, la pauvreté, les maladies, les chagrins.
[329] Aussitôt que je serai de retour de Paris, j'irai vous voir. Dites en attendant à toute la famille combien je vous suis attaché. Dites à Margot que je serai content de faire sa connaissance, que je suis bien aise qu'il soit votre bâton de vieillesse, aux deux neveux que je les recevrai à l'Hermitage quand ils voudront y venir. Je souhaite à tous, non des richesses, mais une bonne conscience, un ardent amour pour Dieu. Que Jésus et Marie soient votre unique joie. Priez pour moi et pour le succès de mes affaires. Je suis à Paris depuis plus de deux mois et je comptais n'y rester qu'un mois.
[330] Mes affaires ne sont pas encore terminées. il est bien possible que j'y sois encore aux fêtes de Pâques. Je compte bien réussir dans mes démarches, Dieu aidant. Je me porte très bien, le temps ne me dure pas, si Dieu le voulait, j'y resterais le reste de mes jours. Le froid s'est bien fait sentir à Paris quoiqu'il n'y eût pas de la neige. On y a vendu jusqu'à quinze sous un seau d'eau. Plusieurs personnes ont été trouvées mortes de froid.
[331] Adieu, mes chers parents, j'ai l'honneur d'être votre tout dévoué et affectionné, Champagnat."
Extraits des lettres de Paris

[332] Le zélé Fondateur écrivit 8 lettres dans le courant de mars. Nous y relevons ce qui suit:


[333] Le 7 il disait: "On nous berce de vaines promesses. Mon Dieu que de lenteurs! que le temps me dure! qu'il est pénible de courir d'un bureau à l'autre! Ce n'est pas encore le temps de m'occuper de cela, à Dieu seul en soit toute la gloire."
[334] Le 12: "Nos affaires sont toujours au même point, je ne sais quel aiguillon employer pour faire aller plus vite. Dieu soit béni! C'est bien maintenant que je ne vais cesser de dire: Super flumina Babylonis. Je serais d'ailleurs très heureux dans ma position, ayant peu à faire, me portant très bien. Le carême va passer sans que je m'en aperçoive. Ce qui m'inquiète et c'est plus que suffisant pour tout empoisonner, c'est la stagnation accablante où sont les affaires que je poursuis. Encore une fois, Dieu soit béni!"
[335] Le 13: "M. Ardaillon se rend à Saint-Chamond. Allez, le F. Jean Baptiste, le F. Stanislas et vous, lui rendre visite. Remerciez-le beaucoup de tout ce qu'il a fait pour nous et faites-lui comprendre que, à défaut de l'autorisation que nous demandons, la conscription nous enlèvera tous nos sujets... Le F. Marie Jubin apprend à parler aux sourds-muets et réussira très bien dans la lithographie. M. Chanut part et je lui confie ma lettre."
[336] Le 15: "A l'instant j'arrive de chez M. Pillet, chargé des écoles primaires. Il m'annonce que l'affaire a passé mardi au Conseil universitaire et qu'il a donné un avis favorable. Il croit que le ministre va se décider à demander une ordonnance au roi. La chose est trop belle, trop prompte pour qu'il n'y ait pas encore quelque entrave. Quoique le temps me dure beaucoup à Paris, je serai bien content si je puis aller célébrer la fête de Pâques à l'Hermitage. Dieu ne refuse rien à la prière fervente et persévérante."
[337] Le reste de la lettre concernait Semur où l'on ne voulait pas donner le titre communal au F. Cyprien qui était sous la loi, où les Frères étaient mal logés et mal payés. Avant de le fermer, le bon Père désirait que le F. Jean-Baptiste y fît une visite, qu'il vît Perreux et Charlieu en passant.
[338] Le 18: "Je suis comme vous voyez toujours à Paris121, voyant tantôt les uns, tantôt les autres et cependant mes démarches n'accélèrent que peu notre grande affaire. Tous ceux qui à Paris prennent intérêt à notre réussite me disent qu'il faut prendre patience. Je compte beaucoup sur les prières des braves gens, elles feront mieux que toutes les protections possibles. Malgré cela, je ne néglige pas ces dernières, car Dieu veut bien que nous employons les moyens humains. Tous les rapports qui ont été faits concernant notre autorisation sont en notre faveur. Dieu en soit béni!... Il paraît que nous ne pourrons pas garantir ceux qui sont conscrits cette année, quelle inquiétude pour moi!..."
[339] Le 22: "Je viens encore de courir ce matin et cet après-dîner. J'arrive à l'instant de voir M. Pillet, chef du bureau où restent encombrées tant d'affaires. Il paraîtrait, d'après ce qu'il m'a dit, que demain il dresserait l'ordonnance qui passera au Conseil d'Etat et de là au roi...
[340] On vient me proposer de visiter telle ou telle curiosité de Paris. Je ne puis y prendre part. Rien ne me plaît que ce qui peut contribuer au succès de mon affaire. Dieu soit béni!...
[341] Il n'est pas permis au fermier (de la Grange-Payre) de vendre le foin. Il doit bien moins lui être permis de vendre le fumier. Voyez le juge de paix..."
[342] Le 24122: "Je suis le règlement des prêtres des Missions Etrangères autant que mes sorties peuvent me le permettre. Je me lève au son de la cloche, j'assiste à la méditation et aux autres exercices spirituels, aux repas, aux récréations. Je suis édifié au dernier point par le généreux dévouement de ceux qui se destinent aux missions lointaines. Quelle aimable charité règne parmi eux! Ils sont gais, mais sans légèreté et sans dissipation. Tout ce qui tend à retarder leur départ les inquiète, mais ne le décourage pas.
[343] Il y a à Paris, un excellent noyau de bons chrétiens. Je voudrais que nos campagnards qui se croient bons chrétiens, vissent avec quel respect on se tient dans les églises, avec quelle assiduité et quelle attention on assiste aux instructions. Je voudrais surtout qu'on fût témoin de la piété et du recueillement avec lesquels on s'approche de la sainte table. On ne craint pas de demeurer des deux et trois heures à l'église, car les exercices y sont très longs."
[344] Le 12 avril: "Je pense retourner à l'Hermitage le 24 du courant si rien ne vient y mettre obstacle. Nos affaires sont toujours en bonne marche, je veux dire qu'elles n'éprouvent d'autre difficulté qu'une lenteur accablante... J'espère que le F. Jean-Marie me présentera ses comptes bien en règle à mon retour..."
[345] En sus des lettres ci-dessus, le P. Champagnat nous avait envoyé son journal où il avait noté jour par jour, du 15 janvier au 20 mars, ses incessantes allées et venues et l'emploi de tout son temps. Ce journal est trop long pour être consigné ici. Du reste ses lettres nous ont dit l'essentiel.123
[346] Le bon Père rentra à l'Hermitage comme il l'avait promis.

Demandes de fondations


[347] De nombreuses demandes de nouvelles fondations étaient venues de tous côtés pendant son absence. Plusieurs étaient appuyés par Nos Seigneurs les évêques du Puy, de Grenoble, d'Autun et par l'archevêque d'Aix. M. Grasset supérieur du grand séminaire de Montpellier avait demandé l'établissement d'un noviciat dans cette ville. Mgr. [l'évêque] d'Autun en demandait un à Vauban et en attendant que le local fût prêt, il désirait qu'un quatrième Frère fut envoyé à Semur pour y recevoir quelques postulants. On lui avait répondu que ce Frère serait envoyé dès qu'il y aurait une maison convenable, mais la visite du F. Jean-Baptiste avait ensuite ajourné ce projet.
[348] M. Aurran, excellent chrétien et riche propriétaire du Var voulait aussi établir un noviciat à Lorgues: on le lui laissa espérer.
[349] Les remplaçants du bon Père avaient refusé plusieurs des demandes ci-dessus et, faute de sujets disponibles, ils avaient demandé des délais pour les autres.

A l'Hermitage


[350] Le côté oriental du bâtiment avait été terminé l'année précédente. Il joignait la chapelle. La maison était donc complète et les constructions étaient terminées pour longtemps. Il ne restait plus qu'à enlever le rocher longeant le noviciat qui était trop près du bâtiment et le rendait très humide. C'était une entreprise pénible et difficile.
[351] Avant son départ pour Paris, le vénéré Père avait fait une vêture le 1er janvier. Les novices dont les noms suivent y avaient revêtu le saint habit: Frères Augustin (Valla), Apollon (Malescourt), Régis (Mazoyer), Amon (Duperron), Ananie (Bernard), Antonin (Bonche)124, Anobert (Grenier)125, Angilbert (Brun), Antolien (Godard), Anastase (Biessy), Athanase (Neyrand)126.

Etat financier


[352] Voici l'état financier de la maison daté du 1er février que le F. Jean-Marie présenta au Père à son retour de Paris:
[353] Actif:
Dû par les acquéreurs du domaine de la Rivoire 13.000,00

id. par les Soeurs de Sorbier 6.000,00

id. par les novices avec la légitime de quelques Frères 28.623,00

id. par Patrouillard pour argent prêté 600,00

id. par M. le curé de Saint-Martin pour argent prêté 400,00

id. par M. le curé de Semur pour frais de fondation 800,00

id. par Thoissey pour frais de fondations 400,00

id. par divers billets en portefeuilles 2.998,00

id. par les établissements 16.000,00

id. par argent en caisse 4.800,00


Total 73.621,00
[354] Passif:
Dû à Lyonnet, épicier 1.546,00

id. à M. Brossy 528,00

id. à M. Alloud 470,05

id. à M. Billet pour velour 166,00

id. à M. Bayle pour laine 1.506,00

id. à M. Bertholin pour ustensiles 75,00

id. à M. Bertholon pour argent emprunté 123,00

id. au boucher 550,00

id. à Roussier pour un fond de terre 1.500,00

id. à M. Jautet pour un poële 75,00

id. à Toulieux marechal 88,50

id. à Philippe Arnaud, journées et argent emprunté 3.332,00

id. à Lauvergne platrier 1.115,00

id. à Ravery peintre 800,00

id. à Tuillier 150,00

id. au tailleur de pierre 600,00

id. à Lyon somme empruntée 12.000,00

id. à Ampuis 12.000,00

id. à la mère Rivory 1.000,00

id. à M. Guilleton pour le fourneau 925,00

id. au menuisier 100,00
Total 38.649,55
Balance 73.621,00

- 38.649,55



Reste net: 34.971,45
[355] Nous devons faire remarquer que le domaine de la Rivoire est celui qu'avait donné M.Boiron, et que les 6000 fr. dus par les Sœurs de Sorbier provenaient de la maison que l'Institut avait acquise des Frères Cassien et Arsène et qu'il avait vendu en 1837 aux religieuses.
[356] Le bon F. Jean-Marie avait fait consciencieusement son inventaire, mais il nous semble qu'il y avait mis un peu de naïveté. Rien n'est plus absolu que les chiffres, dit-on. Ici, ceux qui composent le passif ont une attitude fière, arrogante même. Ceux composant l'actif nous semblent être assez timides. Ainsi les 28.623 fr. où figure la légitime de quelques Frères, nous semblent être sujets à caution. Ces Frères restaient légalement propriétaires de leur légitime. S'ils avaient quitté l'Institut elle se serait envolée avec eux. S'ils y étaient morts sans tester, ou s'ils avaient testé en faveur de leurs parents, ceux-ci s'en seraient emparés et la caisse du bon F. Jean-Marie s'en serait passée. Les établissements, sans doute devaient 16.000 fr., mais le bon Frère ne les tenait pas encore. Il aurait pu y avoir des non-valeurs qui n'auraient guère gonflé sa bourse.

La Grange-Payre


[357] Le fermier de la Grange-Payre était parti. Les Frères cultivèrent désormais cette propriété eux-mêmes. Ce n'étaient pas des agriculteurs habiles, mais cette culture était facile. Entretenir les prés et en faucher le foin, labourer les terres, y semer du blé, des pommes de terre, des haricots et les récolter, cueillir les fruits de nombreux arbres et empêcher les maraudeurs de les prendre, telle était cette culture. Le F. Joseph en fut établi le chef et la plupart des travailleurs venaient de l'Hermitage le matin pour y retourner le soir.
[358] On établit un pensionnat dans les bâtiments et le F. Cassien en fut d'abord le directeur. Les lettres du pieux Fondateur nous ont dit que ce bon Frère, pieux et zélé, allait visiter quelques maisons de temps en temps pour y prêcher la piété et la régularité, mais ses visites étaient transitoires. Elles ne l'empêchaient pas de diriger le pensionnat de la Grange-Payre où il n'avait pas de classe à faire.

Troisième voyage à Paris


[359] Le bon Père devait retourner à Paris. Avant d'y remonter, il présida la vêture de 12 postulants le 13 mai, jour de l'Ascension, et leur donna les noms suivants: Frères Aquilas (Rivat), Arcade (Giraud), Arétas (Champallier), Arconce (Saby), Aristide (Payre), Aristobule (Poulette), Aster (Sage), Athénodore (Guillot), Auguste (Dutel), Auxence (Dorans), Avit (Bilon), futur visiteur, puis assistant enfin annaliste, Azarie (Giraudier).
[360] Le jour même, les Frères Aquilas et Avit allèrent trouver le bon Père et lui demandèrent la faveur d'aller se dévouer à la conversion des sauvages de l'Océanie. Le Père loua leur zèle, les engagea à y persévérer et leur fit entendre que la France avait grand besoin de bons exemples, de solides instructions pour ne pas retomber dans la sauvagerie. Les deux demandeurs restèrent donc en France.
[361] Le R. Père remonta ensuite à Paris pour travailler à la conversion des ministres de Louis-Philippe et essayer de leur arracher l'indécrochable autorisation légale.

[362] Le ministre de l'Instruction publique demanda des Frères pour Saint-Pol-sur-Terrenoise, le 18 mai. Ces gens-là étaient bien inconséquents. Ils refusaient opiniâtrement d'autoriser l'Institut et ils demandaient eux-mêmes des Frères. C'est que leur intérêt personnel était là. Il fallait satisfaire les électeurs si l'on voulait être réélu par eux!



Séjour à Paris


[363] Le 20 mai, le pieux Fondateur écrivit une longue lettre au C. F. François. Nous la reproduisons in extenso parce qu'elle peint bien la simplicité et l'abandon du bon Père avec ses Frères:
[364] "Je suis arrivé à Paris le jeudi à minuit. Je n'ai presque rien séjourné à Lyon. L'archevêque ne m'a donné aucun quartier, il a fallu partir tout de suite. Je n'ai rien acheté, ni pierre à lithographie, ni farine. J'ai cependant parlé à M. Duplay, économe du séminaire qui fera notre provision quand nous voudrons en faisant celle du séminaire. Je crois que cela ne presse pas. Pour occuper F. Marie-Jubin, achetez-lui une pierre à Saint-Etienne ou à Lyon si vous en avez l'occasion.
[365] Je suis arrivé à peu près comme je suis parti, un peu bien un peu mal. Le temps ne me dure pas, parce que je m'occupe de notre grande affaire. J'ai déjà vu un certain nombre des personnes qui me prêtent la main, qui, à leur ordinaire, continuent à me beaucoup promettre. M. Ardaillon m'a donné une fausse nouvelle en m'annonçant que mes pièces étaient au Conseil d'Etat, je m'en suis assuré de suite et j'ai su qu'elles n'y étaient pas.
[366] Répondez au supérieur du séminaire de Montpellier que, devant aller visiter un établissement dans le département du Var dans le courant de l'été, nous tâcherons de faire de la même pierre deux coups, que notre intention est bien de faire un noviciat dans le midi de la France.
[367] J'ai encore trouvé Paris dans une grande tranquillité, j'y suis arrivé en soutane. Pendant le trajet, c'est-à-dire en voiture, j'ai fait avec ceux qui étaient avec moi le mois de Marie et dit le chapelet sans aucune difficulté, je ne dis pas assez, à la satisfaction de tous. Je n'ai pas entendu une seule parole qui pût être contraire aux bonnes règles chrétiennes.
[368] Si dans les objets que vous avez reçus, il y avait quelque chose d'endommagé, faites-le-moi savoir au plus tôt.
[369] Il paraît que M. le préfet de la Loire n'a pas encore écrit. Je viens de voir M. Delbèque qui m'a dit qu'on [n']attendait plus que cette pièce. Je viens de lui faire écrire. Il est possible que cette lettre soit dans quelque bureau. La très sainte volonté de Dieu soit faite, il sait combien j'aurais de satisfaction à reprendre de suite le chemin de Lyon si mes affaires étaient terminées. Encore une fois que la très sainte volonté de Dieu soit faite.
[370] 25 mai - Quoique je me porte bien, le temps commence à me durer. Vous avez du recevoir une lettre de M. Delbèque, je serais bien aise de savoir comment elle est conçue. Envoyez-m'en la copie, si vous l'avez. Il ne se passe pas un jour sans pleuvoir.
[371] Nous voici au 26. J'espère réussir, c'est ce qu'on ne se lasse pas de me promettre. Je crains de le trop désirer. Je demande et demandez aussi pour moi de bien conformer ma volonté à celle de Dieu.
[372] J'ai reçu hier la lettre que vous m'avez renvoyée. J'ai répondu et j'ai promis des Frères à Saint-Pol (Pas-de-Calais). Je ne pouvais refuser. Nous réussirons avec le secours de Marie, nous en avons besoin pour tenir cette promesse. Le rapport du préfet de la Loire est enfin arrivé tout à fait en faveur de même que celui du Rhône. Je vais aujourd'hui au ministère, je pense qu'il y aura bien quelque autre misère: ad majorem Dei gloriam.
[373] Vous voyez que j'ai mis vingt-cinq reprises pour vous écrire. J'ai lassé toutes les personnes, je veux dire les députés, par mes fréquentes visites. Je vais dans un moment au ministère de l'Instruction pour voir si j'apprendrai quelque chose de nouveau.
[374] J'arrive du ministère, on m'a renvoyé à demain. Je viens de faire connaissance d'un employé au ministère qui est de Lyon. C'est M. Pascalis qui m'a ménagé cette occasion. Il ne fera, je pense, guère plus que les autres. Vierge sainte, votre mois finit...
[375] J'ai envie de ne pas faire encore l'acquisition de la chape si cela n'ennuie pas trop F. Stanislas. Je pourrai lui en dire la raison de vive voix.
[376] Je ne suis pas encore au bout de mes misères, priez pour moi, j'en ai bien besoin. Vous pensez bien que je n'oublie aucun membre de la Société. Ils me sont tous trop chers. Dites-leur à tous combien je compte sur leurs prières.
[377] A Dieu et à Marie, à présent et dans l'éternité."
[378] Le bon Père écrivit encore le 7 juin: "Prenez le plus grand soin de tous les objets renfermés dans les caisses que vous avez reçues. Je ne voudrais pas que F. Stanislas placât le lustre que je lui ai envoyé. Je pense qu'il est trop joli pour nous. Au reste, nous en causerons ensuite. Quant aux images, elles coûtent bien cher, il y en a pour bien de l'argent. Il est important de les tenir bien retirées jusqu'à ce que nous ayons délibéré ensemble sur leur destination...
[379] Je crois que je saurai dans peu le résultat de toutes nos démarches. Toutes les pièces sont arrivées. M. Delbèque m'a dit que dans deux ou trois jours on livrerait la chose au Conseil d'Etat. C'est un grand point, mais ce n'est pas tout. M. Sauzet m'a dit qu'il y a là des voltériens qui ne voient que des jésuites partout...127"
[380] Et encore le 20 juin: "Je viens de demander une audience au ministre de l'Instruction publique. Aussitôt que je l'aurai obtenue je partirai pour Saint-Pol, afin de visiter la maison et m'entendre avec les autorités du lieu. Le ministère tient à ce que nous prenions ce poste, c'est une sous-préfecture de 4.000 habitants... J'ai reçu de M. J.-M. Ginot 1.000 fr. pour acquitter les objets que je vous ai envoyés. Veuillez les rembourser à son frère Michel.
[381] Envoyez le F. François-Régis chez M. Guyot à Lyon pour y apprendre l'imprimerie...
[382] Je viens de faire à l'administration de l'établissement des sourds-muets la demande pour l'admission128 gratuite de deux Frères qui seront, si je l'obtiens logés, chauffés, nourris, blanchis, éclairés, etc., etc., autant de temps qu'il sera nécessaire pour les former...
[383] Je vous embrasse tous: Frères Louis, Jean-Baptiste, Jean-Marie, Stanislas, Hippolyte, Jean-Joseph, Théophile, Pierre, Pierre-Joseph, Etienne, Bonaventure et tous les novices. Mes amitiés à Philippe, à sa femme, à M. Boiron, à tous."
[384] La ville de Saint-Etienne nous avait demandé des Frères pour ses sourds-muets. Ayant accepté ensuite ceux du bienheureux de la Salle pour ce service, le R. Père ne donna pas suite au projet d'envoyer deux Frères chez les sourds-muets de Paris.
Les Frères de l'Hermitage

[385] Nous voulons dire un mot des Frères que le bon Père embrassait. F. Jean-Baptiste, aide au F. François à gouverner. De plus, il f[ais]ait des conférences aux Frères et aux novices et appuyait souvent ce qu'il disait en étendant son grand doigt.


[386] F. Jean-Marie était économe et surveillant général. Il avait fait placer des judas en divers lieux pour voir sans être vu.
[387] Le F. Louis était libraire et maître des cérémonies. De plus il donnait des leçons de civilité.
[388] Le F. Stanislas était toujours sacristain, grand consolateur des affligés, garde-malade, quêteur et s'occupait un peu de tout.
[389] Le F. Hippolyte était maître-tailleur et édifiait tous les Frères par son inaltérable patience au milieu des occupations les plus agaçantes.
[390] F. Jean-Joseph était un règlementaire qui n'était jamais en retard d'une minute. Il était aussi chef de l'atelier où se fabriquaient le drap et la toile. Il venait le dernier de quitter l'habit bleu de Lavalla.
[391] Le F. Bonaventure était maître des novices qu'il formait plus par ses exemples que par ses leçons.
[392] Le F. Etienne son aide amusait souvent ses disciples par ses naïvetés, ses scrupules et ses indécisions dans ses catéchismes.
[393] Le F. Pierre était toujours maître-maçon ainsi que F. Pierre-Joseph qui, en outre, travaillait le fer.
[394] Le F. Théophile aidait à la taillerie.
[395] Parmi les Frères dont le bon Père ne parlait point le F. Jérôme était toujours le parfait ouvrier. Le F. François-Marie était portier. L'intrépide F. Vincent était maître cuisinier. Le F. Pacôme était maître-cordonnier. Le F. Isidore était boulanger et le silencieux F. Jacques gardait les vaches.
[396] Il paraît que le F. François demandait à être déchargé des embarras du gouvernement. Le pieux Fondateur, toujours à Paris, lui répondit ainsi le 23 juin: "Votre position à l'Hermitage n'est peut-être pas aussi digne d'envie que pourraient bien le penser quelques personnes. Qu'y feriez-vous? vous n'avez pas recherché cette place, tâchez seulement d'en bien remplir les devoirs et Dieu fera ce que vous ne pourriez faire...
* * *
[397] Vous voulez, je pense, savoir où en sont nos affaires. Hélas! je n'en sais presque rien, ou, si vous aimez mieux, je sais trop. Ce qui était chez moi soupçon est aujourd'hui certitude. Je suis bien ennuyé, mais non déconcerté. J'ai toujours une grande confiance en Jésus et Marie. Nous atteindrons notre affaire, je n'en doute pas, seulement le moment m'est inconnu. Ce qui m'importe grandement, c'est de ne faire de notre côté que ce que Dieu veut que nous fassions, je veux dire notre possible et laisser après cela agir la Providence. Dieu sait mieux que nous ce qui nous convient et ce qui nous est bon. Je suis assuré qu'un peu de délai ne vous sera pas contraire..."
[398] Convaincu que ses efforts ne pouvaient aboutir alors, le bien-aimé Père revint auprès de ses enfants. Il voulait les voir réunis, les embrasser tous et donner des images aux novices et aux postulants. Son retour causa une joie générale.
[399] Le 25 juillet il écrivit à l'archevêché et demanda la permission de faire une vêture. M. Cholleton, vicaire général lui répondit: Fiat juxta omnia petita.
[400] Le zélé Fondateur aurait bien pu se dispenser de demander ainsi une permission pour chaque vêture. On le lui avait même conseillé, mais il tenait à se mettre souvent en rapport avec ses supérieurs. Il tenait surtout à faire souvent des actes d'obéissance.

Frères des Ecoles Chrétiennes


[401] Le 2 août, le T.H.F. Anaclet, supérieur des Frères des Ecoles Chrétiennes, lui avait écrit en ces termes: "M. le Supérieur, J'ai appris avec le plus grand plaisir que, comprenant les besoins de l'instruction primaire et désireux de contribuer à l'étendre, vous avez établi pour les diocèses de Lyon et de Belley une congrégation de Frères enseignants sous le nom de Frères Maristes que vous destinez principalement aux communes dont la population n'est pas assez considérable pour qu'un établissement de notre Institut puisse y être formé. Je conçois toute l'importance d'une telle corporation et tout le bien qu'elle peut faire. Je ne doute pas que le Gouvernement, sentant le besoin de rendre le plus possible l'éducation du peuple morale et religieuse et comprenant combien une corporation religieuse est éminemment propre à atteindre ce but, ne favorise votre dessein de tout son pouvoir. La protection dont il daigne environner nos établissements me fait espérer un pareil avantage pour les vôtres qui sont appelés à opérer le même bien dans les petites localités. Depuis longtemps des congrégations semblables à la vôtre existent dans différentes provinces de France, mais il n'y en avait pas encore dans le Lyonnais et cependant elle y est aussi nécessaire qu'ailleurs. Et de plus, il faut bien en convenir, nous ne pouvons pas nous établir partout, premièrement parce que les sujets nous manquent et, en second lieu, parce que, selon nos règlements, nos Frères doivent être au moins trois, beaucoup de communes ne pourraient nous confier leurs écoles. Des congrégations appelées à remplir le vide immense que nous laissons dans le domaine de l'instruction, peuvent donc être d'une grande utilité.
[402] Je fais les vœux les plus sincères pour le succès de votre œuvre si utile aux petites communes."
[403] Cette lettre est fort bien, sans doute, mais il nous semble que l'esprit de supériorité et de corps y perce un peu trop.

Vie à l'Hermitage


[404] On se rappelle combien à Lavalla le Père Champagnat avait désiré avoir une chapelle pour sa communauté. Depuis qu'il avait cet inestimable avantage on sait aussi combien il tenait à ce que les offices fussent bien faits, à ce que les fêtes, surtout celles de la bonne Mère [fussent] bien célébrées. Mais il voulait que la fête de la glorieuse Assomption de notre Souveraine surpassât toutes les autres, attendu que c'est la fête patronale de l'Institut. Le zélé Frère Stanislas seconda merveilleusement le bon Père sous ce rapport comme sous tous les autres. Sa sacristie n'était point encore richement pourvue d'ornements, mais il savait tirer un excellent parti de tous ceux qu'il avait. A défaut d'un grand orgue que le bon Père n'aurait pas trouvé assez modeste, un petit orgue à cylindre se faisait entendre derrière l'autel aux jours des grandes fêtes. Son repertoire était peu étendu, ses accords peu compliqués, mais les morceaux qu'il contenait étaient très pieux. Les Frères en étaient émerveillés. Le C.F. François lui-même se tenait très honoré du titre d'organiste. Après lui, le bon F. Pothin pensa de même.
[405] Cette année, 1838, l'encourageante fête de l'Assomption fut rehaussée par une vêture dans laquelle 16 postulants échangèrent leurs noms mondains avec les noms religieux de Frères Aubert (Chauvet), Aubin (Cotin), Justin (Perret), Marie-Auzone (Barrot), Babylas (Jay), Bajule (Favier), Barsabas (Celles), Barsanuphe (Perenon), Barulas (Mercier), Rasilée129 (Mouton), Basilide (Thiollier), Basilien (Gachet), Basilique (Meunier), Basin (Monteux), Aurelle (Dubessy), Attale (Grimaud).
[406] Le F. Babylas fut le premier secrétaire de l'Institut en titre. Après quelques années, un matin, on le trouva mort sur son bureau.
[407] Quelques jours avant la vêture, le postulant Mercier qui ne voyait pas très clair avait roulé dans l'escalier pendant le lever. On en avertit le bon Père qui avait vite demandé s'il s'était fait mal. Non, lui avait-on répondu. He bien! répliqua-t-il, nous l'appellerons F. Barulas.
[408] Le F. Marie-Jubin commençait à mettre à exécution les leçons de lithographie qu'il avait reçues à Paris. Il lithographia d'abord un rapport à l'usage des Visiteurs. Ce rapport se composait de plus de 200 questions sur tous les points de la Règle. Le Visiteur devait répondre à chacune par un oui ou par un non. Le bon Père garnissait lui-même ce rapport dans la visite de ses maisons afin qu'ils lui servissent ensuite de mémorial.

Convocation à la retraite


[409] Le F. Marie-Jubin lithographia ensuite la circulaire que l'on va lire par laquelle le bien-aimé Père convoquait tous ses enfants à la retraite annuelle:
[410] "Mes biens chers Frères, Nos vacances, comme les années précédentes, commenceront le 28 septembre. Rendez-vous à la maison-mère le plus tôt possible afin de vous trouver à la retraite annuelle qui, comme vous le savez, commence les premiers jours du mois d'octobre. Que j'aime à vous annoncer un terme, disons mieux, un petit relâche à vos pénibles travaux. Venez tous vous réunir et vous réchauffer dans le sanctuaire qui vous a vus devenir les enfants de la plus tendre des mères. Nous vous verrons avec la plus douce allegresse renouveler dans un même esprit et protester à Marie que vous voulez tous vivre et mourir sous ses auspices après avoir gardé fidèlement la parole que vous lui avez solennellement donnée. C'est dans l'union de Jésus et de Marie que mon cœur, dans un doux épanchement, vient vous dire, M.B.C. Frères, combien je vous aime.
[411] Nous enjoignons aux Frères directeurs: 1 de ne pas donner vacances avant le 26 du mois de septembre; 2 de ne laisser aucun compte à régler; 3 de lire le Chapitre X de la Règle afin de se conformer aux articles qui y sont contenus; 4 de faire la notice historique de l'établissement, ce qui s'est passé de remarquable cette année: 1 nombre des enfants qui ont fréquenté l'école hiver et été, 2 visite de l'inspecteur ou de toute autre autorité, etc.
[412] A l'issue de la retraite qui réussit très bien comme à l'ordinaire, les Frères dont les noms suivent firent professions: Frère Anaclet (Chaverondier) Aurélien (Villevieille), Adrien (Vernet), Africain (Chalandard), Alexis (Chaboud), Amon (Duperron), Amphion (Buisson), Andéol (Blanc), Didier (Durand), Athanase (Nayrand), Célestin (Renoud), Domitien (Colombet), Apronien (Crozet), Euthyme (Collard), futur Assistant, Gabriel (Caillot), Honoré (Monteiller), Jean (Bourbon130), Martin (Roux), Marie-Auzonne (Barrot), Marie-Antoine (Brouillet), Marie-Laurent (Moriat), Modeste (Nevoret), Spiridion (Chazalle), Vincent (Dorat) Simon (Poinard), Zacharie (Porte), Jean-Claude (Piquet).
[413] F. Jean-Claude fut nommé linger. Il exerce encore cet emploi en 1889.131

Erection de la grande croix


[414] Le Père Champagnat ayant acheté un beau Christ en bois, de grandeur naturelle et peint couleur de chair, fit faire une grande croix par son neveu Philippe pour l'y attacher. A la fin de la retraite, 10 octobre, après la cérémonie de l'émission et du renouvellement des vœux, on fit, dans la chapelle, la bénédiction du Christ posé sur un brancard orné à cet effet. Il fut ensuite porté processionnellement par des Frères précédés des Pères de la retraite et de plusieurs curés des paroisses voisines devant lesquels étaient les enfants de choeur et toute la communauté. Pendant la procession, on chanta des hymnes et des cantiques analogues132 à la circonstance. On suivit d'abord le chemin du cimetière, puis on se rendit sur le monticule garni d'arbres qui domine le jardin à côté de la grande promenade. Au milieu était une grosse pierre dans laquelle le P. Champagnat fit creuser un trou pour y planter la croix. Quand la procession y fut arrivée, le président de la cérémonie fit la bénédiction de la croix qui y avait été préalablement déposée, puis on y attacha le Christ et on l'éleva au moyen d'une échelle d'engin pour la fixer dans le trou qui lui était destiné, le Christ ayant la face tourné vers la maison. Ce qui étant fait, le P. Séon monta sur une estrade, fit un discours sur les sept paroles prononcées par N.S.J.-C. sur la croix. On retourna ensuite à la maison par le chemin direct en chantant l'Ave Mari Stella.
[415] Plus tard on transporta cette croix en tête de la grande promenade garnie de deux rangs de platanes et on la plaça sur un piédestal en pierre de taille. En 1867, la croix et le Christ étant trop endommagés, on leur substitua un Christ en fonte et une croix en fer sur le même piédestal.

Fondation: Saint-Pol-sur-Ternoise


[416] On fonda cette année-là les établissements de Saint-Pol-sur-Ternoise, Izieux, et le pensionnat de la Grange-Payre. Les Frères Elie-Régis, Marie-Augustin et Florentin partirent [pour] l'Océanie.
[417] La fondation de Saint-Pol donna naissance à la Province du Nord. Les autorités s'étaient adressées aux Frères du bienheureux de la Salle qui avaient répondu ne pouvoir les servir avant dix ans. Nous avons vu que le ministre de l'Instruction publique avait insisté auprès du Père Champagnat afin qu'il fonda ce poste et que le bon Père y avait consenti avec l'espoir que cela faciliterait l'obtention de l'autorisation pour laquelle il travaillait depuis neuf ans. Il alla lui-même voir toutes choses sur place, au mois de juin, en quittant Paris. En sus du traitement et du mobilier personnel, il demanda et obtint 1.548 fr. savoir: 55 fr. pour son voyage, 1.200 fr. pour la prime et 293 fr. pour le voyage des trois frères: Jean-Baptiste, Affricain et Marie-Laurent. On établit en même temps un pensionnat et un noviciat dans cette maison: celui-là tua celui-ci qui ne put réunir que deux postulants. Le pensionnat réussit assez bien et compta bientôt trente élèves; les externes étaient nombreux. Le C.F. Jean-Baptiste resta directeur et titulaire de cette maison pendant trois ans et y fut remplacé par le F. Andronic. D'autres postes furent fondés plus tard dans le Nord et les Frères qui y furent employés firent leur retraite annuelle à Saint-Pol jusqu'en 1845.


Autorisation légale


[418] Le P. Champagnat avait écrit le 13 août à M. Libersat, employé au ministère de l'Instruction publique relativement à l'autorisation légale. Cet employé lui avait répondu comme il suit le 4 septembre: "M. le Supérieur, J'ai trouvé [ici] à mon retour d'un voyage la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 13 du mois dernier et je me suis empressé de remplir vos vues. On vous a induit en erreur en vous annonçant la transmission de votre dossier au Conseil d'Etat. Il est encore à l'Instruction publique, le ministre ayant voulu appeler les Conseils Généraux des départements à se prononcer sur l'objet de votre demande avant de prendre lui-même un parti. Il y avait eu, vous le savez, une première décision d'autorisation provisoire restreignant l'exercice de votre enseignement dans les communes de 1.200 âmes au plus. Cette décision a été rapportée et l'affaire soumise à un nouvel examen, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire plus haut.
[419] Il paraît que le ministre craint de se compromettre en approuvant l'existence d'un nouveau corps d'enseignement primaire qui ne peut qu'étendre les services que rend déjà le corps trop nombreux des Frères de la Doctrine chrétienne. Il est présumable que les Conseils Généraux seront favorables à cette création. Alors je ne sais plus quel aveu on voudra obtenir et j'espère bien que vous ne tarderez pas à exister légalement. Je m'empresserai, M., de vous tenir au courant de tout ce qui adviendra à ce sujet."
[420] Voyant que toutes les tergiversations du ministre ne finissaient pas, le pieux Fondateur écrivit à M. Deshayes, député de la Loire, en novembre.
[421] "Monsieur, En vous adressant les diverses notes que je vous avais promises au sujet de nos affaires de Paris, je ne puis que vous témoigner la plus vivre reconnaissance pour l'intérêt que vous voulez bien prendre à leur réussite. Je me croirai en conséquence vraiment obligé de ne laisser échapper aucune occasion de vous prouver combien j'apprécie cet important et signalé service. M. Delbèque a tout le dossier de mon affaire: avis des évêques et des préfets, etc. Quand à l'avis du Conseil du département de la Loire, M. Baude m'a dit le 24 du mois d'août, dans le cabinet de la salle même de M. le préfet, qu'il allait le rédiger et qu'il en faisait maintenant son affaire.
[422] Relativement à la clause par laquelle l'ordonnance ne nous laisserait que les communes de 1.200 habitants et au-dessous et nous ôterait les lieux plus populeux, vous sentez qu'elle ne peut nullement nous aller. Grand nombre de nos etablissements seraient ruinés par cette condition, plusieurs des communes où ils se trouvent ayant plus de 4.000 habitants. Le ministère même de l'Instruction publique, par une lettre signée de M.Delbèque en date du 18 mai dernier, nous appelle à diriger l'école de Saint-Pol (Pas-de-Calais), et cette ville a plus de 4.000 habitants. M., je compte beaucoup sur votre puissante protection. Votre bonté m'assure que vous l'emploierez toute entière en notre faveur. Aussi c'est avec les sentiments de la plus vive reconnaissance et du plus entier dévouement que j'ai l'honneur d'être..."
[423] Le P. Champagnat écrivit encore à M. Baude, autre député de la Loire, le 24 novembre, en ces termes: "M. le Député, Ce que vient de m'apprendre M. Jovin Deshayes et un de nos Frères passant à Paris m'afflige, mais ne me décourage pas. Quel parti prendre cependant pour effacer l'impression fâcheuse que peut causer l'assertion infidèle qui a été faite contre mon établissement? On s'empresse à me donner des avis, les uns, de voir les différents préfets dans les départements desquels nous avons des maisons, les autres, d'employer certains personnages influents, et moi, M. le député, mon parti est pris, le grand crédit dont vous jouissez, la bonté toute particulière avec laquelle vous m'avez toujours accueilli, de même que le C. Frère que je vous ai adressé, l'intérêt que vous prenez à mon établissement, me garantissent suffisamment le succès si toutefois il y en a un à attendre.
[424] Quant aux rapports qui ont été faits à dessein de me nuire, ils ne peuvent que tomber devant l'énoncé vrai et simple que contient la statistique de mon Institut que j'ai eu l'honneur de présenter moi-même au ministre le 24 janvier et dont le double a été adressé au ministère par M. le préfet de la Loire qui l'a accompagnée de son rapport. Il n'y a point de grands Frères dans notre Société. Nous ne [nous] chargeons point des collèges ni des grandes pensions. Nous n'enseignons point le latin, notre règle le défend expressément. La raison de la conscription est la seule cause qui nous fait tant désirer notre autorisation. Il est bien triste de voir partir un jeune homme qu'on a pris la peine de former à un autre état de vie. Ma confiance est entièrement en vous, je ne m'adresserai point ailleurs."
[425] En réfléchissant sur les tergiversations du ministre, sur son idée de casemater nos Frères dans les communes au-dessous de 1.200 habitants, sur la lettre du T.H.F. Anaclet citée plus haut, sur celles du bon Père à Messieurs Deshayes et Baude que l'on vient de lire, sur ces mots: "Il n'y a point de Grands Frères dans notre Société", etc., un soupçon se présente dans notre esprit. L'inconnu dont se plaint le pieux Fondateur et qui paraît inspirer le ministre ne serait-il point un des Grands Frères du bienheureux de la Salle? Nous nous permettons de poser cette question à nos lecteurs et nous leur laissons le soin d'y répondre. Dans la vie du P. Champagnat, le C.F. Jean-Baptiste a semblé la résoudre dans le sens affirmatif.133
[426] Le 25 octobre, le P. Chanut demanda à notre Fondateur, de la part de Mgr. Donnet, archevêque de Bordeaux, la création d'un noviciat à N.D. de Verdelais dont le pélerinage et la paroisse venaient d'être confiés aux Pères Maristes. Mgr. désirait vivement ce noviciat. Pendant une tournée pastorale, sur 40 instituteurs, Sa Grandeur en avait trouvé 28 qui ne mettaient pas les pieds à l'église.
[427] Le bon P.Champagnat ne put donner suite à ce bon projet. Le P. Chanut insista vainement l'année suivante. Il se serait contenté de 3 Frères: un maître des novices, un cuisinier pour les Prêtres et les Frères et un bon cultivateur pour faire valoir le clos aussi grand que celui de l'Hermitage.

La Côte: convention Douillet


[428] A La Côte-Saint-André, M. Douillet ne finissait pas avec ses tergiversations et ses exigences. Il demanda qu'un domestique fut chargé de la cuisine et que soeur Marthe Cuzin put rester dans la maison. Le bon Père ne put lui accorder ces deux choses. M. Douillet conçut alors le projet de lier les Frères par un bail dont les conditions seraient très onéreuses pour nous. Le Père communique ce projet à Mgr. l'évêque de Grenoble dans la lettre que l'on va lire: "Mgr., J'ai pensé que Votre Grandeur ne trouvera pas mauvais que je lui mette sous les yeux les conditions que l'excellent M. Douillet veut nous imposer. Elles sont copiées mot à mot tel qu'il suit: "Veuillez croire, M. le Supérieur, que dans mes demandes je ne calcule point comme dans le monde et que je ne porte pas les choses à leur juste valeur. Omnia ad majorem G.D. Amen.
[429] 1 - A l'exception de quelques articles en petit nombre, je cède la jouissance de tout ce que je possède à La Côte en fait de fond, de bâtiments et de meubles, moyennant la somme annuelle de 600 fr. payable exactement et dans tous les cas aux époques ci-après: 1ier décembre prochain, 150 fr.; 1er avril, 150 fr.; 30 août, 300 fr.; ainsi de suite jusqu'à la fin du bail qui sera de 9 ans.
[430] 2 - Le preneur sera chargé de toutes les impositions de quelque nature qu'elles soient, présentes et à venir.
[431] 3 - Toutes les réparations et toutes les dégradations annuelles de la maison et des murs des cours et de l'enclos seront à la charge du preneur qui s'engage à maintenir en bon père de famille toute chose en bon état comme il les trouvera à son entrée en possession.
[432] 4 - L'école gratuite continuera à être entretenue comme ci-devant et dirigée par deux Frères avec le traitement que fait la ville.
[433] 5 - Si les Frères venaient à cesser de diriger l'établissement de La Côte, de quelque manière que cela arrive, les meubles cédés seront représentés par la somme de 3.000 fr. payable à requête au bailleur, à moins que ce dernier n'aime mieux les reprendre en nature dans l'état où ils se trouveront.
[434] 6 - Le preneur promet de faire un établissement dans le pays désigné par le bailleur.
[435] 7 - Dans tous les cas, Marthe Cuzin continuera de jouir jusqu'à la fin du bail, de la cuisine et du cabinet de la maison Bon. De plus, si elle reste au service de la maison, il lui sera donné, à titre de gage, la somme de 100 fr. Si elle se retire, il lui sera payé annuellement la somme de 200 fr., payable par parties égales de 3 en 3 mois."

La Côte: menace de retrait des Frères


[436] "Nous ne pouvons, Mgr., continuer notre établissement à La Côte-Saint-André qu'aux conditions auxquelles nous l'y avons fondé. Nous avons, avec votre permission, accordé à M. Douillet des Frères aux conditions qu'ils seraient logés et qu'il leur serait fourni un mobilier tel que nous le demandons. Nous n'avons pas un établissement sur un autre pied et ce serait contre nos coutumes de prendre de tels engagements.
[437] Nous sommes extrêmement peinés de ne pouvoir continuer à diriger la maison de La Côte. Nous conserverons toujours pour le bon M. Douillet l'estime qu'il mérite. Pour vous, Mgr., veuillez toujours considérer notre Société comme vous étant entièrement dévouée et tenant à honneur de travailler sous vos auspices à la gloire de Dieu dans votre important diocèse. Daignez..."
[438] Le pieux Fondateur fit ensuite un voyage à La Côte, mais il ne put décider M. Douillet à se montrer moins exigeant. Il tint aux conditions qu'il avait posées. Il tint surtout à continuer à entraver le C.F. Louis-Marie, directeur, en se mêlant à tout propos de l'administration, en exigeant qu'on lui rendit compte de tout. M. Douillet était un bon prêtre. Il avait de bonnes intentions, mais il avait aussi des idées très étroites, nous dirions même égoïstes, dont il ne démordait pas. Voyant cela, le bon Père lui déclara qu'il allait examiner ce qui lui restait à faire et revint à l'Hermitage.
[439] Après son retour, il annonça à M. le curé de La Côte qu'il n'avait rien pu gagner sur l'esprit de M. Douillet, qu'il ne pouvait laisser plus longtemps ses Frères dépenser leur sueur au profit de ce bon M. et se voir entraver par lui de toutes les façons et qu'il se voyait forcé de les retirer de La Côte.
[440]L'intervention de Monseigneur, de M. le curé et la menace de se voir retirer les Frères qui avaient seuls mis son établissement sur le bon pied où il se trouvait, décidèrent enfin M. Douillet à se montrer plus raisonnable, mais il frappa à côté du but en offrant au bon Père de lui céder sa propriété à des conditions qu'il croyait être avantageuses à l'Institut. Le P. Champagnat lui répondit ainsi:
[441] "M. Je n'ai point pris moi seul la détermination que je vous manifeste au sujet de notre établissement de La Côte. Après avoir recommandé l'affaire aux prières de tous nos Frères et dit la sainte messe à cette intention, j'ai consulté mes confrères et nos Frères. Tous sont d'avis de ne continuer la direction de l'école de La Côte qu'aux conditions auxquelles il a été formé et comme nous les formons partout ailleurs. Nous ne tenons pas à devenir propriétaires dans les communes où nous plaçons des Frères, ce serait une charge qui entraverait singulièrement notre administration et nous ferait beaucoup d'envieux. Les impositions, réparations et bonifications nous entraîneraient en des dépenses considérables. Les bâtiments ne nous manquent pas, on nous en offre de toutes parts et pour lesquels nous n'avons pas un seul sous à donner. Vous ne pouvez me donner sans conditions vu que vous avez reçu de différentes personnes à conditions de laisser le tout à la ville de La Côte pour l'instruction des enfants..."

La Côte: convention définitive


[442] Enfin on fit des concessions de part et d'autre et le bail dont la teneur suit fut signé le 5 novembre:
[443] "Entre nous, soussignés, Féréol Douillet, prêtre propriétaire, domicilié à la Côte-Saint-André, d'une part;
Et Benoît Marcellin Champagnat, prêtre, supérieur des Frères Maristes, domicilié à N.D. de l'Hermitage sur Saint-Chamond (Loire) d'autre part, ont été faites les conditions suivantes:
[444] 1 - M. Douillet cède audit Champagnat, à titre de location, pour neuf années, à dater du 1er novembre courant pour finir à pareil jour les dites neuf années révolues, la maison qu'il possède audit lieu de la Côte-St-André, pour servir à la tenue d'un pensionnat dirigé par les Frères Maristes.
[445] 2 - Dans cette location sont compris, le jardin et la vigne attenants à ladite maison et clos de murs.
[446] 3 - Les Frères Maristes auront le droit de conduire leurs élèves à la promenade dans la propriété que M. Douillet possède au lieu dit La Plaine, sans abus et sans détérioration des fruits et récoltes, lesquels demeurent réservés audit M. Douillet, ainsi que le bâtiment.
[447] 4 - Le mobilier qui se trouve dans la maison de M. Douillet et dans la maison de la commune attenant à celle de M. Douillet, sera mis à la disposition de M. Champagnat qui se chargera de le rendre à l'expiration de la location en nature ou en valeur. Un inventaire sera fait avec appréciation de la valeur.
[448] 5 - Un inventaire appréciatif sera également fait des provisions de consommation que M. Douillet laisse dans la maison louée, et la valeur en sera employée par M. Champagnat en réparations de bonification de concert avec M. Douillet.
[449] 6 - Ledit M. Champagnat paiera annuellement à M. Douillet la somme de 400 fr. dont la moitié écherra à Pâques et l'autre moitié à la fin de l'année scolaire.
[450] 7 - M. Douillet sera nourri, logé, chauffé, éclairé et servi dans la maison tant qu'il donnera ses soins à la direction spirituelle et à l'instruction religieuse des pensionnaires, fonctions qu'il continuera ou cessera à sa volonté et, dans le cas qu'il se retire de la maison et de son emploi, il lui sera donné annuellement par M. Champagnat 500 fr. au lieu de 400 fr. stipulés ci-dessus.
[451] 8 - M. Champagnat se charge de payer les impositions dont les immeubles loués sont passibles, ainsi que de faire exécuter à ses frais les réparations locatives.
[452] 9 - M. Douillet se réserve les débris du jardin et de la cuisine comme cela a eu lieu par le passé.
[453] 10 - le mobilier de la chapelle sera aussi estimé et rendu ou sa valeur à l'expiration du bail.
[454] 11 - Ledit bail sera résilié de droit dans le cas où M. Douillet donnerait la propriété de sa maison et de ses attenances à la commune de La Côte-Saint-André ou a tout autre établissement légal de cette ville.
[455] Ainsi convenu, fait double à La Côte-Saint-André, le 5 novembre 1838. Signés: Douillet et Champagnat.
[456] On remarquera de notables différences entre les conditions de ce bail et les prétentions premières de M. Douillet. Désormais il dut se renfermer dans ses attributions d'aumônier, laisser aux Frères le fruit de leur travail et consoler de son mieux l'inconsolable soeur Marthe.

Situation du personnel


[457] Le R. Père continua d'envoyer à M. Mazelier ceux de ses Frères qui allaient être atteints par la loi militaire. Les uns étaient employés dans les postes fondés par M. Mazelier, comme le F. Gérasime, les autres étudiaient à l'Hermitage lorsqu'ils avaient obtenu un brevet ou tiré un bon numéro, comme les FF. Cariton, Raphaël, Colomban, etc. Ceux de l'Hermitage les considéraient comme de grands savants. Quelques-uns, en effet, discouraient à perte de vue pendant les vacances sur les règles de trois et la racine carrée. Ils faisaient des démonstrations interminables auxquels leurs auditeurs ne comprenaient rien et dans lesquelles ils se perdaient parfois eux-mêmes. Le bon Père continua aussi de pousser ses Frères aux études, de les soumettre à des examens, à des compositions, etc...
[458] A dater de la vêture du 8 décembre qui va suivre, la formule pour l'admission ne fut plus écrite par chaque novice ni signé par les Frères témoins. Elle fut écrite au pluriel, signée par le P. Champagnat et par chacun des nouveaux Frères qui prenaient l'habit le même jour. Après la mort du bon Père, chaque vêture fut signée en bloc par le prêtre qui avait présidé la cérémonie et par chacun des nouveaux Frères.
[459] Frères Bassus (Collard), Baudille (Bertail), Bède (Couavou), Bellin (Serviset), Bénigne (Pontady), Benjamin (Poncet), Bérard (Mas), Bérille (Grégoire), Béronique (Vernet), Bertin (Bruyas), Bertulle (Pipa), Bertrand (Martin), Dorothée (Frandon), Félix (Berger), Gonzague (Vallet).
[460] L'Institut s'accrut de 58 novices pendant l'année mais les rossignols134 furent nombreux.
[461] La mort lui enleva les sept Frères Adjuteur (Tournasud), Thomas (Genest-Bonche), Fabien (Bouvard), Justin (Champallier), Agathon (Fayasson), Louis-Gonzague (Georges Guette), et Félix (Baralon).
[462] Au moment de mourir le F. Justin se mit à sourire et quitta cette en disant: "La sainte Vierge vient me chercher." Un postulant léger et irrésolu, nommé Perret, qui le veillait, en fut tellement touché, qu'il demanda l'habit avec le nom du défunt et insista tant pour aller aux missions qu'on lui accorda cette faveur.

Etat financier


[463] Voici l'arrêté des comptes pour l'année 1838.
[464] Dépenses:
Cuisine 2.971,75

Cordonniers 991,45

Blé 8.940,50

Bois et charbon 2.565,35

Drap 2.115,40

Fer 689,20

Infirmerie 99,25

Linge 2.496,45

Maçons et platriers 3.493,85

Menuisiers 725,00

Manoeuvres 565,00

Port et voyages 1.719,75

Tailleurs et drapiers 3.717,45

Ustensiles 531,30

Vin 1.507,45

Donné à Lyonnet 1.715,00

A divers 11.617,55

Au boucher 1.112,00


Total 47.573,70

Argent en caisse 2.563,00

50.136,70

[465] Recettes:


Etablissements 18.096,00

Divers 890,00

Novices 11.735,21

Messes 913,90

Fermiers 112,45

Frais de fondation 3.600,00

Deux billets échus 1.110,00

Neuvaine 1,65

Patouillard pour remboursement 600,00

Statues et corbeille 25,55

Crapane de la Rivoire 1.500,00

Pharmacie 6,30

Papier 257,90

Mobilier pour La Voulte 1.105,00

Voyages 108,47

Dons 66,75

Cuisine 36,00

Jaboulay pour à compte 5.000,00

Vin à M. le curé de Saint-Julien 350,00

Bien de Sorbier 4.600,00

Jardinage 2,70

Tailleurs 18,35


Total 50.136,23
[466] Un bon comptable trouverait peut-être ces comptes peu clairs et mal classés. Il n'y mettrait pas plus de sincérité que le bon F. Jean-Marie. Nous devons faire observer que les sommes reçues de la Rivoire et de Sorbier sont des à comptes sur les ventes de ces propriétés. Les comptes tailleurs et cuisine, figurant aux recettes, proviennent d'ossements et de hardes vendus.
[467] Dans le courant de l'automne, le P. Champagnat avait fait un voyage en Provence. Il s'était entendu avec M. Aurran pour la fondation d'un noviciat à Lorgues et lui avait envoyé le plan du bâtiment à construire.


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