Compte rendu de la diagonale Strasbourg – Perpignan N°16030
Réalisée entre le 21 et le 24 juin 2016 par Jean-Noël LEFEBVRE (adhérent du Yerres Cycliste Club)
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Mardi 21 et mercredi 22 juin
Avec un regard attentif sur les prévisions météo, je décide de repousser mon départ de 24 heures. Des orages avec des pluies importantes sont attendus en ce début de semaine sur le flanc Est. C’est le mardi 21 juin, je prends la direction de la gare de l’Est, certain d’avoir un ciel plus clément. Je parviens en gare de l’Est 40 minutes avant le départ du TGV et, comme je suis attentif sur l’annonce du quai de départ de mon train, je suis le premier à monter dans la voiture acceptant les vélos. Sans tarder, trois autres gros vélos de randonnée, dont un avec une remorque, viennent se poser sur ma frêle machine en carbone. L’espace destiné aux vélos est plus que rempli par un amas de tubes, de roues, de guidons et de sacoches, c’est à peine si je distingue mon pauvre vélo de course. Un allemand et un couple d’anglais sont mes compagnons de voyage, le premier connait un peu le français et me montre sur son portable son périple des côtes hollandaises aux côtes bretonnes en trois semaines. Les Anglais eux non pas dit un seul mot mais les cartes qu’ils déployaient prévoyaient une randonnée en Alsace. Content de comprendre que tout ce petit monde de randonneurs descend à Strasbourg, alors que le train a comme destination finale Colmar. Je respire de ne pas avoir à extirper mon vélo de ce tas de ferraille!
Je suis maintenant devant le commissariat de police avec un peu d’avance, impatient de prendre le départ, je pointe mon carnet avec 20 minutes d’avance sur mon horaire prévu. Je trouve facilement la piste cyclable le long du canal Rhin Rhône et c’est un vrai bonheur de quitter la périphérie dans le calme et la sérénité d’une voie verte! Je quitte la piste le temps de poster ma carte postale à Sundhouse puis je retrouve avec plaisir les bords du canal.
Je roule quelques kilomètres sur une piste dépourvue de bitume mais suffisamment roulante pour ne pas craindre une crevaison. Le ciel chargé de nuages inoffensifs laisse place à davantage d’éclaircies au fur et à mesure des kilomètres avalés, avec un léger vent de face. Je parviens à Dannemarie pour mon premier coup de tampon et c’est sans mal que je trouve un café ouvert puisque nous sommes en pleine fête de la musique. Je m’équipe pour la nuit et reprends ma route après avoir échangé quelques mots sur le cyclisme en général avec un client du bar déjà bien éméché. Le jour laisse place à la nuit et une compagne de route s’invite avec grâce et douceur, elle m’éclaire de sa lumière discrète, et dessine avec volupté les contours d’une nature endormie. Sans problème de navigation, je quitte l’Alsace pour le département du Doubs avec les premières montées à effectuer.
Je prends une photo de mon vélo et du panneau d’agglomération à Pierrefontaine les Varans, il est 4h du mat et je n’ai pas de frisson avec une température bien agréable à cette heure de la nuit ! Quelques kilomètres supplémentaires avalés sans broncher suite à des erreurs de direction, et un dénivelé significatif, me donnent un retard d’1h30 sur mon plan de route. Ma compagne de route me quitte remplacée par un compagnon bien moins caressant mais plutôt brûlant. Je laisse derrière moi le Doubs pour le Jura après Boujailles, je fais remplir mes gourdes dans une des nombreuses fromageries dans cette région d’élevage et de production de fromages. Parvenu à Champagnole, je pointe et me ravitaille en viennoiseries sans oublier de faire remplir mes gourdes ! Mes jambes tournent à merveille, les kilomètres défilent, les paysages sont simplement beaux et la température augmente régulièrement, bref je suis un homme heureux sur mon vélo !
Je pointe au Pont d’Ain il est 14h50 et, avec une chaleur maintenant écrasante, mon retard s’accentue encore sensiblement. Mes arrêts se multiplient pour des raisons qui n’en sont pas vraiment, les 35 degrés sont dépassés. Je décide de stopper à Meximieux pour ne pas me mettre dans le rouge avec 450 km au compteur. Un premier hôtelier m’annonce qu’il n’a plus de chambre disponible, un match de l’euro se disputant à Lyon il me prévient que je ne trouverai aucune chambre dans un rayon de 50 km. Cela finit par me liquéfier totalement, où passer la nuit, comment me laver ? Je reprends mon vélo et avise à quelques encablures un autre hôtel. Je décide de tenter ma chance sans vraiment y croire. Une chambre s’est libérée par des supporters dont l’équipe s’est retrouvée éliminée de L’EURO me répond l’hôtelière. Je suis heureux de cette aubaine, le malheur des uns ne fait-il pas le bonheur des autres ! Le soleil et la chaleur pris sur le vélo m’ont coupé l’appétit, j’entame un sandwich que je ne finirai jamais et je peine à m’endormir dans une chambre surchauffée.
jeudi 23 juin
Je me réveille avant même que mon portable ne sonne, il est 1 heure et je décide de repartir sans tarder. Je quitte l’hôtel à 1h30 avec des douleurs aux jambes et une récupération insuffisante par manque de sommeil. Je retrouve ma compagne de route et sa lumière discrète. Après deux heures de selle, je peine à pédaler sur des longues lignes droites traversant des zones industrielles avec de nombreux rond-point et un vent encore de face. Je me retrouve en direction de Lyon alors que je dois m’en éloigner. Cette situation ajoute à mon découragement, je stoppe et je m’interroge à savoir si je continue en direction de Lyon pour prendre un TGV vers Paris ou si je reviens sur mes pas ? Je regarde ma compagne la lune comme si elle savait, puis je fais demi-tour et croise un véhicule dans un rond-point, le conducteur me remet sur la bonne route et me voilà reparti. Ce moment d’abattement s’est évanoui comme il est venu, le clin d’œil de ma compagne la lune aurait-il enlevé les doutes et les mauvaises pensées qui minaient mon esprit ! En traversant Eyzin-Pinet, je croise un troquet ouvert à 5h15 du matin, incroyable ! Le cafetier me sert un chocolat et me remplit mes gourdes avant de me souhaiter une bonne journée. Une route bien vallonnée me fait parvenir à Beaurepaire pour un pointage et aussi le ravitaillement à la première boulangerie croisée. Après consultation de mes cartes, je décide de rejoindre les bords du Rhône et j’éviterai ainsi du dénivelé supplémentaire. C’est à Andancette que je traverse le Rhône pour le suivre sur la D86. Mon fil bleu me guide comme la lune m’a guidé. Je traverse Tournon-sur-Rhône, une ville que je connais bien pour de nombreuses participations à l’Ardéchoise. Je croise de nombreux étals de fruits et légumes improvisés sur le bord de ma route et finis par succomber aux excellentes cerises de l’Ardèche. En cette fin de matinée, sous une chaleur moins étouffante que la veille, je fais apposer le tampon au Pouzin avec un ravitaillement en nourriture et eau.
Je quitte la vallée du Rhône à Pont-saint-Esprit. Je manque la D5 à Bagnols-sur-Cèze en suivant la direction d’Uzès, ville où je compte passer la nuit. Bordée de platanes de chaque côté, la D6086 est extrêmement dangereuse avec ses deux voies se croisant et beaucoup de véhicules. Je reste concentré sur ma conduite à droite entre des voitures me frôlant et les arbres en limite du bitume ; mon droit à l’erreur est très mince! Je respire quand je quitte cette route pour la D982, les platanes ont disparu et les véhicules en grande partie aussi. Je parviens à Uzès il est 18h15 et mon compteur affiche 295 km. Je fais apposer le tampon à la Taverne et je déguste en terrasse une bonne mousse bien méritée. Je trouve un hôtel abordable m’offrant le luxe de dormir avec mon vélo. En manque de sommeil, je ne tarde à pas trouver les bras de Morphée pour un repos autant mérité que la bière !
Vendredi 24 juin
C’est à 2h30 que je quitte l’hôtel pour une dernière étape longue de près de 300 km. Ma compagne de route est fidèle au rendez-vous, elle fut pendant les trois nuits passées sur le vélo une présence réconfortante et apaisante. Quand je traverse des zones boisées, ma hantise est de percuter des animaux traversant la route. Je ne suis pas vraiment rassuré par deux gros sangliers et un chevreuil croisés par ma lampe frontale sur le bas-côté. Le jour pointe et ma compagne discrètement s’éclipse après m’avoir envoyé un dernier clin d’œil comme pour me souhaiter une bonne route jusqu’à Perpignan.
Au passage à Paulhan c’est dans une boutique de presse que l’on me délivre le tampon faute de celui-ci dans la boulangerie. Ma forme physique est excellente, seules quelques douleurs aux pieds viennent me gêner par moments, sans que cela ne soi grave. Une erreur de direction me fait parvenir à Pézenas alors que cette ville n’apparaissait pas sur mon plan de route. Un surplus de kilomètres minime mais un bon vent de face pour retrouver mon itinéraire. La traversée de Murviel-lès-Béziers m’a laissé dubitatif puisque sur la dizaine de personnes à qui j’ai demandé la direction de Cazedarnes, aucune ne m’a aidé. Deux couples d’anglais ne parlant pas français, deux autres personnes m’envoyant dans la mauvaise direction, une femme pressée me baragouinant en espagnol, un homme cherchant sur son portable et qui après dix minutes n’avait toujours pas trouvé à me renseigner. Agacé, voir sensiblement énervé, je finis tout de même par quitter cette ville après 20 minutes d’allers et venues.
Je laisse derrière moi le département de l’Hérault pour le Minervois et le département de l’Aude. C’est à Argeliers que je longe le canal du Midi avec un vent fort de face, je peine à dépasser les 15 km/h. Couché sur ma machine je peste, j’injurie, je maudis ce vent. Va-t-il me faire plier, ses coups de boutoirs me feront ils rendre les armes. La bataille est rude, fatigué voir ruiné par plus de 900 km parcourus sous la chaleur, sans jamais avoir eu un souffle dans le dos, je jette mes dernières forces dans la bataille. Parvenu à Lézignan Corbières, le dernier contrôle me permet un répit bienvenu. Il me reste 80 km avant Perpignan et nul besoin de me stresser puisque mon délai d’arrivée sera largement respecté. Je quitte Lézignan avec un vent qui semble avoir enfin capitulé. Je me délecte des paysages des Corbières, entre petites vallées plantées de vignes et collines boisées, je jouis pleinement d’un spectacle naturellement beau. Le col de Feuilla m’invite à un dernier effort qui ne sera que plaisir des yeux avec au sommet la récompense d’un panorama grandiose sur la Méditerranée au bleu incomparable. Je poste ma carte arrivée à Opoul-Périllos, charmant petit village niché entre vignes et monts arides. Une petite montée me fait comprendre que ce paysage se mérite puis j’entame la descente vers la pleine de Perpignan. Ma diagonale vit ses derniers instants, après un passage à Rivesaltes, je ne tarde pas à parvenir dans Perpignan pour atteindre le commissariat central à 19h30 avec 1050 km au compteur, soit 45 km de plus que prévus. Heureux d’avoir réussi ma huitième diagonale, je me rends à la gare pour prendre un corail de nuit, seul train pour Paris acceptant les vélos montés.
Conclusion
Cette diagonale Strasbourg – Perpignan aura été la diagonale des contrastes par son dénivelé faible mais un vent qui m’imposait à progresser sur un faux plat montant tout le long de ce périple. Avec la douceur de ses nuits et la fournaise de ses jours qui soufflaient sur mon moral le chaud et le froid. Avec un manque de sommeil qui se traduisait par des départs toujours plus tôt dans la nuit.
Avec ma compagne de route la lune et puis ce voyage en solitaire, je ne pouvais conclure cette diagonale que par un clin d’œil à ma propre volonté.
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