Rôle de l’accent
Il faut distinguer dans les conjugaisons les formes accentuées sur le radical des formes accentuées sur les terminaisons.
Aux formes accentuées sur le radical (présent de l’indicatif et du subjonctif, 1ere, 2e, 3e p. sg., 3e p. pl.; impératif, 2e p. sg.) peuvent se produire des changements dus aux lois de la phonétique. Ainsi o ouvert (ŏ, ǫ) se diphtongue en ue sous l’accent et ne se diphtongue pas en dehors de l’accent. On a ainsi, pour trouver, que l’on rattache à un *trǫ́po hypothétique, les formes suivantes :
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Au début
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Plus tard
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Trópo
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je truef,
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treuve
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Trópas
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tu trueves,
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treuves
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Trópat
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il trueve,
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treuve
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Tropámus
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n. trovóns,
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trouvons
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Tropátis
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v. trovéz,
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trouvez
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Trópant
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il truevent,
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treuvent
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Au subjonctif présent : q. je trueve, q. n. trovóns.
Voici d’autres exemples où les règles phonétiques sont appliquées.
J’aim[2]
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n. amons
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tu aimes
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v. amez
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il aime(t)
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il aiment
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Je sai
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n. savons
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tu ses
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v. savez
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il set
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il sevent
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Latin lavo, je lave.
Je lef
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n. lavons
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tu lèves
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v. lavez
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il lève(t)
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il lèvent
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Alternance de i et de ei-oi.
Je pri[3] (lat. prę́cor)
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n. preions, proions
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tu pries
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v. preiez, proiez
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il prie(t)
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il prient
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E ouvert tonique non suivi de c, g se diphtonguait en ie; atone il devenait é.
On avait ainsi pour ferir, querir, etc.
Je fier, quier
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n. ferons, querons
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tu fiers, quiers
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v. ferez, querez
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il fiert, quiert
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il fierent, quierent
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Subjonctif présent : q. je fiere, q. je quiere; q. n. feriens, q. n. queriens, etc.
Alternance ei-oi, e.
Je pois (lat. *pẹ́so)
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n. pesons
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tu poises
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v. pesez
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il poiset
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il poisent
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Subjonctif présent : q. je pois, poises, poist; q. n. pesons, etc.
Ces alternances étaient très nombreuses dans l’ancienne langue ; on avait : je pruef, nous prouvons ; je pleure, n. plourons ; j’uevre, n. ouvrons, etc.
La langue, à cause de son besoin d’unité, a choisi en général une seule de ces formes; rarement elle les a gardées toutes les deux ; elle a créé alors deux verbes différents. Ainsi : charrier et charroyer, dévier et dévoyer, plier et ployer (cf. infra déjeuner et dîner).
Dans certains verbes comme *adjutare, *parabolare, *disjejunare, les changements étaient plus importants : on disait : je paróle, tu paróles, il paróle; n. parlóns, v. parléz, il parólent On disait également : je déjeune; nous dinons, v. dinez, il déjeunen.t Tous ces changements sont dus au déplacement de l’accent tonique.
Il nous reste encore, dans la conjugaison moderne, des exemples assez nombreux de ces variations du radical, surtout dans les conjugaisons archaïques : je tiens, nous tenons; je veux, nous voulons; je peux, nous pouvons; je viens, nous venons; je conquiers, n. conquérons, etc.
Première conjugaison vivante en -ER
Indicatif présent
Je chant
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n. chantons
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tu chantes
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v. chantez
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il chantet
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il chantent
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Remarques
1ere personne du singulier. Les verbes dont le radical était terminé par deux consonnes qui avaient besoin d’une voyelle d’appui ont eu e final dès le début : je trembl-e, je sembl-e. Au xiiie siècle la plupart des autres verbes ont pris cet e. Cependant jusqu’au xvie siècle on trouve des formes comme je pri, quand le radical n’était pas terminé par une consonne. 2e et 3e p. sg. Depuis les origines la 2e personne n’a pas varié. La 3e a perdu le t au xiie s.
Pour la 1ere p. plur. on a au début -omes (picard), -om, -um (normand) et -ons. C’est probablement à sons (de être) que remonte cette dernière. Sons avait un doublet somes qui est resté pour le verbe être, tandis que sons a servi pour les autres conjugaisons.
Chantez représente au début chantets (z = ts en a. fr.). Depuis longtemps z s’est amuï, du moins devant consonne.
Imparfait
L’imparfait se présente sous trois formes : je chantève < lat. cantabam; je chantoe, chantoue, même origine; je chanteie, chantoie; cette dernière forme, qui est postérieure aux autres, a seule survécu dans la langue littéraire.
Je chant-eie, oie
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n. chanti-iens
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tu chant-eies
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v. chanti-iez
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il chant-eiet
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il chant-eient
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Voici l’explication de ces formes : -eie renvoie à une désinence latine -ẹ́a(m), provenant de -ēbam par chute du b. On suppose que cette forme s’est développée d’abord dans l’imparfait des verbes suivants, très usités pour des motifs d’ailleurs très divers : habebam, debebam, vivebam, bibebam, qui sont devenus habẹ́a, debẹ́a, vivẹ́a, bibẹ́a, d’où aveie, deveie, viveie, beveie. Cet imparfait a donc été emprunté par la 1ere conjugaison. Au xiie siècle -oe, -oue est remplacé par -eie, puis par oie (fin du xiie s.). La terminaison de chant-oie, qui comptait à l’origine pour deux syllabes, devient monosyllabique au xvie s., où l’on écrivait chantoie et chantois. Au xviie la 1ere personne du singulier prend régulièrement s ; à la fin du xviiie s. on écrit chantais. La 1ere et 2e p. pl. sont empruntées à des formes dérivées de -ebámus, -ebátis (et non -abamus, -abatis de la 1ere conjugaison latine). Ces formes sont devenues e-ámus, e-átis, puis i-iens, i-iez, en deux syllabes au début. -I-iens devenu -iens (monosyllabique) a été remplacé de bonne heure par -ions (influence de la désinence -ons de l’ind. prés. 1ere p. pl.).
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