Que serais-je sans toi



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Que serais je sans toi by Guillaume Musso Musso Guillaume z lib

San Francisco
6 mois plus tard
Un  cabriolet  Mustang  rouge  baiser  émergea  dans  la  lumière  pâle  du  petit
matin.
Le  vieux  coupé  arriva  devant  le  musée  d’Art  moderne  au  sud  du  Financial
District, à quelques pas des jardins printaniers et des jets d’eau du Yerba Buena
Center.  Temple  de  l’art  contemporain,  le  bâtiment  à  l’architecture  innovante
ressemblait  à  un  cylindre  de  verre  qui,  tel  un  puits  de  lumière,  jaillissait  d’un
empilage de cubes en briques orangées.
—  Si  c’est  une  fille,  je  trouve  que  «  Emma  »  est  très  joli.  Ou  alors
« Léopoldine » si on veut être originaux… affirma Martin.
Assis sur le siège passager, il portait encore une minerve souple, séquelle de
son  accident.  C’était  sa  première  escapade  depuis  sa  sortie  du  coma,  après  six
mois d’hôpital et de rééducation.
— Léopoldine ! Mais tu vas bien, toi ? Je te rappelle qu’il faut 
d’abord
 faire
des enfants avant de choisir leur prénom. Et franchement, ce matin, nous avons
d’autres chats à fouetter…
Avec  grâce  et  souplesse,  Gabrielle  bondit  sur  la  chaussée.  En  ce  dimanche
matin, la rue était déserte, encore baignée par la fraîcheur et le calme de l’aurore.
Martin  s’extirpa  de  la  voiture  avec  difficulté  en  s’appuyant  sur  sa  canne  en
noyer, à la poignée torsadée.
Gabrielle ne put s’empêcher de le taquiner :
— Tu es très sexy comme ça, chéri. On dirait Dr House !
Il  haussa  les  épaules  et  se  pencha  à  l’arrière  du  cabriolet  pour  détacher  le
tendeur qui retenait trois caisses d’emballage en bois, serrées les unes contre les
autres.
—  Laisse-moi  faire,  réclama  Gabrielle  en  empoignant  la  première  d’où
dépassait le visage déstructuré d’une toile de Picasso.
Ces  caisses  contenaient  les  trésors  volés  par  Archibald  au  cours  des  vingt
dernières  années.  Ses  peintures  préférées  pour  lesquelles  il  n’avait  jamais
demandé  de  rançon,  des  toiles  mythiques  d’Ingres,  Matisse,  Klimt  ou  Goya…
qui allaient bientôt réintégrer leur place dans les différents musées du monde.
En  guise  d’héritage,  Archibald  avait  donné  à  sa  fille  l’adresse  secrète  où
étaient  entreposés  les  tableaux,  lors  de  leur  discussion  à  la  fois  douloureuse  et


salvatrice dans la petite crique San Simeon.
En trois allers-retours et moins de deux minutes, Gabrielle avait déposé toutes
les caisses devant l’entrée du célèbre musée.
Lorsqu’elle revint vers la voiture, elle remarqua qu’il restait une toile, à demi
camouflée  derrière  les  sièges  :  l’autoportrait  de  Van  Gogh  avec,  sur  fond
turquoise, le regard halluciné du peintre, sa barbe et ses cheveux de feu.
— Celui-là, on pourrait peut-être le garder, hasarda Martin.
— Tu plaisantes, j’espère !
— Allez ! Juste un ! insista-t-il. En souvenir de ton père. Le tableau de notre
première rencontre sur le Pont-Neuf !
— Pas question ! On a choisi d’être honnêtes et on doit l’être jusqu’au bout !
Mais Martin n’était pas décidé à capituler :
— Admets que ça aurait de la gueule dans notre appartement ! Ça donnerait
un côté classieux à notre salon. Je n’ai rien contre tes meubles IKEA, mais…
— Ils sont très bien, mes meubles, le coupa-t-elle.
— Mouais, ça dépend des points de vue.
Avec  une  pointe  de  regret,  il  se  résolut  à  restituer  le  chef-d’œuvre.  En
claudiquant, il fit donc à son tour quelques pas vers le musée pour y déposer la
toile de « L’homme à l’oreille coupée ».
Puis il regagna le cabriolet qui démarra en trombe.
 
La  Ford  Mustang  descendit  l’avenue  Van  Ness  puis  tourna  sur  Lombard
Street.
Le soleil levant colorait la ville d’une intense lumière rosée qui changeait de
ton  à  chaque  minute,  tandis  que  le  vent  du  large  portait  vers  le  sud  une  odeur
marine estivale.
Au loin, drapé d’une fine robe laiteuse, le Golden Gate détachait sa silhouette
immense  et  familière  que  saluait  le  concert  incessant  des  cornes  de  brume  des
ferries et des voiliers.
Gabrielle prit la bretelle pour rejoindre le pont et s’arrêta sur la file de droite à
l’endroit exact où Martin et Archibald avaient livré leur dernier duel.
— À toi de jouer ! dit-elle.
Comme  six  mois  auparavant,  Martin  claqua  la  portière  et  enjamba  les  plots
qui balisaient la piste cyclable.
Il  se  pencha  avec  appréhension  et  aperçut  les  vagues  écumantes  qui
déferlaient contre les piliers solidement plantés dans l’océan. Le visage battu par


le  vent,  Martin  mesurait  pleinement  la  chance  miraculeuse  qu’il  avait  d’être
toujours en vie.
La main dans la poche, il sentait les facettes douces du diamant qui roulaient
entre ses doigts.
— Fais un vœu ! lui cria Gabrielle.
Il  sortit  le  poing  de  sa  veste  et  l’ouvrit  au  vent.  Dans  sa  paume,  la  Clé  du
paradis resplendissait comme mille soleils.
À la voir irradier ainsi, nul n’aurait pu se douter qu’elle avait porté malheur à
la plupart de ceux qui l’avaient possédée.
Hors  de  question  de  la  garder  ;  hors  de  question  de  la  rendre  au  groupe
financier à qui elle appartenait et qui d’ailleurs n’avait pas osé la réclamer.
Alors,  Martin  regarda  la  pierre  précieuse  une  dernière  fois  et  de  toutes  ses
forces la précipita dans le Pacifique
De  la  part  du  p’tit  gars
,  songea-t-il  en  adressant  une  pensée  muette  à
Archibald.
Antibes, 6 juin 2008
Montrouge, 16 mars 2009


 
Entre nous
 
 
 
 
On se croise tous les matins dans le métro et les bus parisiens.
On  se  croise  l’après-midi,  à  la  terrasse  des  cafés  et  sur  les  bancs  des  parcs
publics.
On se croise le week-end et lors des départs en vacances, dans les wagons du
TGV ou sur les sièges étroits des avions.
On se croise et parfois, j’ai la chance de vous regarder lire mes histoires et de
vous entendre discuter de mes personnages.
On  se  croise  dans  les  milliers  de  courriers  que  vous  me  faites  l’honneur  de
m’envoyer et que je lis sans exception.
On se croise dans les librairies, lors de séances de dédicaces. Quelques mots
échangés,  un  sourire,  un  regard  :  pas  besoin  d’en  dire  ou  d’en  faire  trop.  Je
comprends et vous comprenez.
On se croise et ça me fait du bien.
Parce que ça me donne envie de continuer à vous raconter des histoires.
Pour perpétuer cette relation étrange et belle, nouée au fil des livres.
Pour  prolonger  ce  lien  particulier  que  les  articles  de  presse  ou  les  émissions
de télé ne traduiront jamais.
Mais ce n’est pas essentiel.
L’essentiel, pour moi, c’est juste de vous dire merci.
Merci d’attendre mes histoires.
Merci de les faire vivre.
Merci de les partager.
 
À bientôt, entre deux pages…
Guillaume, 24 mars 2009


ISBN : 9791091211758
© Editions de l’épée, 2018, pour cette version numérique
Couverture : © Rémi Pépin.
 


DU MÊME AUTEUR
chez XO Éditions et Pocket
 
Et après...
Sauve-moi
Seras-tu là ?
Parce que je t’aime
Je reviens te chercher
Que serais-je sans toi
La Fille de papier
L’Appel de l’Ange
7 ans après
Demain
Central Park
L’Instant présent
La Fille de Brooklyn
Un appartement à Paris


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