New York
Cafétéria du Staten Island Hospital
Le docteur Garrett Goodrich prit place en face d’Archibald McLean.
Il étala sur la table plusieurs dossiers qui contenaient les résultats des
examens qu’il venait de passer.
Malgré l’avertissement du médecin, Archibald souleva sa fiole de whisky et
avala une rasade du précieux nectar, plus par provocation que par envie.
Personne ne lui avait jamais donné d’ordres et ce n’était pas aujourd’hui que ça
allait commencer. Puis il referma son flacon argenté et planta son regard dans
celui de Goodrich.
Les deux hommes se ressemblaient : même âge, même carrure, pas forcément
très grands, mais puissamment bâtis. Tous deux avaient du charisme et une forte
présence.
— Alors, je vais mourir, c’est ça ?
Par habitude, Archibald cherchait une confrontation franche et directe.
Goodrich lui rendit son regard. Il éprouvait une étrange empathie pour ce
patient qui aurait pu être son frère, son ami, son alter ego… Qu’aurait-il désiré à
sa place : un enrobage en douceur ou la vérité la plus crue ? Il opta pour la
seconde solution.
— Vous avez une tumeur au pancréas qui a déjà atteint les ganglions
lymphatiques et le foie.
Archibald encaissa le choc sans broncher. Goodrich continua :
— Son extension la rend inopérable et, en matière de saloperie, je vous avoue
que l’on fait rarement pire. Pour atténuer vos douleurs abdominales, on pourrait
tenter une chirurgie dérivative ou une chimio, mais je doute que ce soit plus
efficace que la simple prise d’antalgiques. Alors, si vous me demandez des
chiffres ou des probabilités, je dois vous dire que vos chances de survie à trois
mois sont à peu près nulles.
Archibald ferma les yeux et sentit que son cœur s’était emballé. Au moins, à
présent, les choses étaient claires : il était dos au mur, obligé de livrer un dernier
combat dont il connaissait l’issue.
Pendant un long moment, les deux hommes se firent face, sans rien dire. Puis
Garrett Goodrich se leva pour demander un verre vide au comptoir avant de
revenir s’asseoir à la table. À son tour, il se versa une larme de whisky qu’il but
en communion avec son patient.
Archibald prit alors conscience que son rythme cardiaque s’était ralenti.
Étrangement, ce pronostic crépusculaire venait de le libérer de sa peur : la
crainte du pire est tellement plus effrayante que la certitude du pire.
L’ennemi, c’est la peur.
Toujours.
9
Mademoiselle Ho
Il pleurait des larmes de verre
Et quand elles atteignaient la terre
Cela faisait une musique
Angélique et fantomatique.
Michel POLNAREFF
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