contexte linguistique mais en situation peut recevoir certes une fonction mais pas
une fonction syntaxique ». Martinet précise qu’ « une fonction n’existe que dans
la mesure où elle est manifeste » mais, en 1972, la notion n’est pas si exclusive
qu’il n’y paraît, et désigne finalement toute relation syntaxique. Pour s’en
convaincre, il suffit de lire ce qu’à la même époque Denise François enseigne à
ses étudiants, en parfait accord avec Martinet : « ... fonction peut être substitué à
«fait syntaxique» pour désigner la mise en rapport
linguistique correspondant
aux relations entre éléments de l’expérience. Les fonctions sont comme les signes
linguistiques, des faits à double face : les rapports ont besoin d’une expression.
Ainsi, la fonction prédicative en français peut être remplie par divers éléments
ou groupe d’éléments autre que le verbe et une même fonction peut être exprimée
grâce à divers procédés. » Or, Martinet durcit sa position quelques années plus
tard et nous livre une réflexion plus mature dans son article « Les fonctions
grammaticales ». Le ton et les mots changent, et
il est indubitable que le
renforcement théorique qui s’opère est le résultat d’une intense réflexion sur le
concept fonctionnaliste de la pertinence communicative. Avec « Les fonctions
grammaticales », Martinet est au sommet de son art et il pose véritablement sa
différence face à la grammaire traditionnelle et face aux autres théories
linguistiques. À partir de 1977, « une fonction syntaxique sera le rapport qui est
établi dans l’énoncé entre deux monèmes appartenant à des classes compatibles
tel qu’un monème est le déterminant de l’autre et qu’il existe entre les deux
monèmes un rapport de subordination. Une fonction
grammaticale est une
relation à sens unique qui s’établit de déterminant à déterminé, du subordonné
vers un élément plus central, ou, en d’autres termes, d’une expansion vers un
noyau ». Cette première restriction a une conséquence capitale : l’abandon de la
fonction prédicative. Effectivement, « le prédicat est par définition
le noyau
central auquel tout le reste est subordonné. Par conséquent les rapports entre le
prédicat et ses déterminations immédiates sont ceux d’un déterminé à un
déterminant : ce sont donc ces derniers qui «ont une fonction» par rapport au
prédicat ». Il est donc indispensable, écrit Martinet «
de remplacer fonction
prédicative par rôle prédicatif ou mieux peut être par «emploi prédicatif» ».
Pourtant ce premier pas n’est pas suffisant pour délimiter réellement la fonction
syntaxique et il poursuit par un argument novateur et de poids qui sera repris en
1979 dans un article non moins fameux de Jeanne Martinet « Zéro c’est «rien» »
: « Tant que les rapports de classe à classe sont uni fonctionnels, le choix de la
fonction est impliqué dans celui de l’unité et dans ce cas la fonction peut toujours
être dite de détermination. Fonction unique équivaut donc à aucune fonction en
tant qu’unité distincte des unités dont on examine les relations dans le message,
c’est pourquoi la syntaxe en tant qu’étude des fonctions grammaticales peut
passer complètement sous silence les rapports uni fonctionnels. »
, « Zéro, c’est «rien» », in Morteza… Enfin, en 1985 dans Syntaxe générale,
Martinet précise que : « Les fonctions sont des unités de la langue au même titre
que les monèmes. Elles ont comme eux, un sens et une forme identifiable, que
cette forme se présente comme segmentable ou amalgamée ou qu’elle soit
marquée par la position respective des unités dans le discours. »