Édition numérique établie par Danielle Girard et Yvan Leclerc



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Bog'liq
Madame Bovary version el

quelque chose de 
fameux pour une personne du sexe, qui était pleine 
d'esprit
. Le libraire, avec autant d'indifférence que 
s'il eût expédié de la quincaillerie à des nègres, vous 
emballa pêle
-
mêle to
ut ce qui avait cours pour lors 
dans le négoce des livres pieux. C'étaient de petits 
manuels par demandes et par réponses, des 
pamphlets d'un ton rogue dans la manière de M. de 
Maistre, et des espèces de romans à cartonnage rose 
et à style douceâtre, fabriqués par des séminaristes 
troubadours ou des bas bleus repenties. Il y avait 
le 
Pensez-y bien ; l'Homme du monde aux pieds de 
Marie, par M. de ***, décoré de plusieurs ordres
 ; 
des Erreurs de Voltaire, à l'usage des jeunes gens

etc. 
Madame Bovary n'avait pas encore l'intelligence 
assez nette pour s'appliquer sérieusement à 
n'importe quoi ; d'ailleurs, elle entreprit ces lectures 
avec trop de précipitation. Elle s'irrita contre les 
prescriptions du culte 
; l'arrogance des écrits 
polémiques lui déplut par leur acharnement à 


poursuivre des gens qu'elle ne connaissait pas ; et 
les contes profanes relevés de religion lui parurent 
écrits dans une telle ignorance du monde, qu'ils 
l'écartèrent insensiblement des vérités dont elle 
attendait la preuve. Elle persista pourtant, et, 
lorsque le volume lui tombait des mains, elle se 
croyait prise par la plus fine mélancolie catholique 
qu'une âme éthérée pût concevoir.
Quant au souvenir de Rodolphe, elle l'avait 
descendu tout au fond de son cœur
; et il restait là, 
plus solennel et plus immobile qu'une momie de roi 
dans un souterrain. Une exhalaison s'échappait de 
ce grand amour embaumé et qui, passant à travers 
tout, 
parfumait 
de 
tendresse 
l'atmosphère 
d'immaculation où elle voulait vivre. Quand elle se 
mettait à genoux sur
son prie-Dieu gothique, elle 
adressait au Seigneur les mêmes paroles de suavité 
qu'elle murmurait jadis à son amant, dans les 
épanchements de l'adultère. C'était pour faire venir 
la croyance 
; mais aucune délectation ne descendait 
des cieux, et elle se re
levait, les membres fatigués, 
avec le sentiment vague d'une immense duperie. 
Cette recherche, pensait-
elle, n'était qu'un mérite de 
plus 
; et dans l'orgueil de sa dévotion, Emma se 
comparait à ces grandes dames d'autrefois, dont elle 
avait rêvé la gloire sur un portrait de la Vallière, et 
qui, traînant avec tant de majesté la queue 
chamarrée de leurs longues robes, se retiraient en 
des solitudes pour y répandre aux pieds du Christ 
toutes les larmes d'un cœur que l'existence blessait.
Alors, elle se livra à des charités excessives. Elle 
cousait des habits pour les pauvres ; elle envoyait 
du bois aux femmes en couches ; et Charles, un jour 


en rentrant, trouva dans la cuisine trois vauriens 
attablés qui mangeaient un potage. Elle fit revenir à 
la maison sa petite fille, que son mari, durant sa 
maladie, avait renvoyée chez la nourrice. Elle voulut 
lui apprendre à lire
; Berthe avait beau pleurer, elle 
ne s'irritait plus. C'était un parti pris de résignation, 
une indulgence universelle. Son langage, à propos 
de to
ut, était plein d'expressions idéales. Elle disait 
à son enfant


Ta colique est-
elle passée, mon ange

Madame Bovary mère ne trouvait rien à blâmer, 
sauf peut-
être cette manie de tricoter des camisoles 
pour les orphelins, au lieu de raccommoder ses 
tor
chons. Mais, harassée de querelles domestiques, 
la bonne femme se plaisait en cette maison 
tranquille, et même elle y demeura jusques après 
Pâques, afin d'éviter les sarcasmes du père Bovary, 
qui ne manquait pas, tous les vendredis saints, de 
se commander une andouille. 
Outre la compagnie de sa belle-
mère, qui la 
raffermissait un peu par sa rectitude de jugement et 
ses façons graves, Emma, presque tous les jours, 
avait encore d'autres sociétés. C'était madame 
Langlois, madame Caron, madame Dubreuil, 
madame 
Tuvache et, régulièrement, de deux à cinq 
heures, l'excellente madame Homais, qui n'avait 
jamais voulu croire, celle-
là, à aucun des cancans 
que l'on débitait sur sa voisine. Les petits Homais 
aussi venaient la voir ; Justin les accompagnait. Il 
montait avec eux dans la chambre, et il restait 
debout près de la porte, immobile, sans parler. 
Souvent même, madame Bovary, n'y prenant garde, 
se mettait à sa toilette. Elle commençait par retirer 


son peigne, en secouant sa tête d'un mouvement 
brusque ; et, quand i
l aperçut la première fois cette 
chevelure entière qui descendait jusqu'aux jarrets 
en déroulant ses anneaux noirs, ce fut pour lui, le 
pauvre enfant, comme l'entrée subite dans quelque 
chose d'extraordinaire et de nouveau dont la 
splendeur l'effraya. 
Emma, sans doute, ne remarquait pas ses 
empressements silencieux ni ses timidités. Elle ne se 
doutait point que l'amour, disparu de sa vie, palpitait 
là, près d'elle, sous cette chemise de grosse toile, 
dans ce cœur d'adolescent ouvert aux émanations 
de sa b
eauté. Du reste, elle enveloppait tout 
maintenant d'une telle indifférence, elle avait des 
paroles si affectueuses et des regards si hautains, 
des façons si diverses, que l'on ne distinguait plus 
l'égoïsme de la charité, ni la corruption de la vertu. 
Un soir, par exemple, elle s'emporta contre sa 
domestique, qui lui demandait à sortir et balbutiait 
en cherchant un prétexte
; puis tout à coup


Tu l'aimes donc ? dit-elle. 
Et, sans attendre la réponse de Félicité, qui 
rougissait, elle ajouta d'un air triste : 

Allons, cours-y ! amuse-toi ! 
Elle fit, au commencement du printemps
bouleverser le jardin d'un bout à l'autre, malgré les 
observations de Bovary ; il fut heureux, cependant, 
de lui voir enfin manifester une volonté quelconque. 
Elle en témoigna davantage à mesure qu'elle se 
rétablissait. D'abord, elle trouva moyen d'expulser la 
mère Rolet, la nourrice, qui avait pris l'habitude, 
pendant sa convalescence, de venir trop souvent à 


la cuisine avec ses deux nourrissons et son 
pensionnaire, plus endenté qu'
un cannibale. Puis elle 
se dégagea de la famille Homais, congédia 
successivement toutes les autres visites et même 
fréquenta l'église avec moins d'assiduité, à la grande 
approbation de l'apothicaire, qui lui dit alors 
amicalement : 

Vous donniez un peu dans la calotte ! 
M. Bournisien, comme autrefois, survenait tous 
les jours, en sortant du catéchisme. Il préférait 
rester dehors, à prendre l'air

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