Ferdinand Lot De l’Institut



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La Civilisation



A. La vie économique
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Nos renseignements sur la vie matérielle de cette période se réduisent à fort peu le choses. On tente de s’en faire une idée par quelques allusions, par de faibles renseignements indirects.
Il est certain que cette économie poursuit celle du Bas-Empire.
L’agriculture continue à être la principale source de richesse de beaucoup. La grande propriété persiste. Les riches propriétaires continuent à habiter des villas moins somptueuses peut-être, bien que Fortunat nous donne une haute idée de celles de Léonce de Bordeaux ou de Nizier de Trèves. Cependant le grand domaine n’absorbe pas toute la population rurale. Il existe encore des villages de cultivateurs libres, des vics et par milliers. Ils ne disparaîtront qu’à l’époque carolingienne.
Le mode d’exploitation du domaine, la division entre la « réserve » (indominicatum) du propriétaire et seigneur et les tenures (manses) des colons et serfs, se continue.
Une innovation capitale se montre dans l’outillage agraire, le moulin à eau. Le principe du courant comme moteur était connu dès l’époque romaine, mais l’utilisation pour le broyage des grains ne semble pas avoir été pratiquée. Elle se répand à l’époque mérovingienne et c’est un grand progrès pour l’humanité. Inutile de condamner l’esclave à tourner la meule. Le moulin à eau a eu sa part dans la disparition de l’esclavage antique.
Même indigence de renseignements pour le commerce et l’industrie. Par-ci par-là une anecdote, une allusion chez Grégoire de Tours ou un hagiographe, des diplômes et formules indiquant les lieux où les bénéficiaires de la faveur royale n’auront pas à acquitter le droit de passage et de transit.
Si parcimonieux que soient nos moyens d’information, ils suffisent pour attester qu’il existe encore un commerce avec des régions lointaines. La preuve en est qu’il y a toujours une classe sociale de negociatores ou mercatores, c’est-à-dire de commerçants dont le trafic n’est pas borné à des localités voisines. Remarque qu’appuie le fait que ces négociants établis du sud au nord de la Gaule sont en grande partie, en majorité sans doute, des Syriens et des Juifs tout désignés pour les relations d’affaires avec l’Orient.
On rencontre aussi des Grecs dans les trois grands ports de la Méditerranée, Narbonne, Arles, Marseille. Cette dernière ville semble l’emporter sur les deux autres comme centre de commerce avec l’Orient et avec l’Egypte.
Pour les communications par l’Océan, les ports sont Bordeaux, qui trafique avec l’Espagne, Nantes avec la Grande-Bretagne et l’Irlande. Pour celles par la Manche, on trouve Rouen et surtout, à l’embouchure de la Canche Quentowic (aujourd’hui Etaples) pour le trafic avec la Grande-Bretagne. Boulogne, on ne sait pourquoi, semble déchu. Un nouvel emporium apparaît à la fin de notre période, Dorstadt (Wijk-te Duurstede) sur le cours inférieur du Rhin, à la limite de la Frise, port qui prendra une grande importance après la conquête de ce pays.
Pour les communications avec l’Italie, on utilise principalement le Mont-Jou (Grand Saint-Bernard) et le Mont-Genèvre. Le passage en Espagne s’opère, comme toujours par les extrémités des Pyrénées.
A l’intérieur de la Gaule, on utilise encore les voies romaines. Leur entretien s’opère au moyen de corvées et de nombreuses taxes au passage des routes, des ponts, des ports, des chemins de halage. Les diplômes n’en finissent pas d’énumérer ces taxes : rotalica (sur les roues de charrettes), pontalica (passage sous ou sur les ponts), portatica (droits de port), cespitatica (gazon des voies de halage) ; on taxe même la poussière soulevée par les moyens de transport (pulveratica). Les bêtes de somme payent les saumatica.
Les voies d’eau sont particulièrement utilisées pour le transport des matériaux, des vivres, même des personnes. Leur lenteur et leurs difficultés sont rachetées par l’agrément et la relative sécurité qu’elles procurent.
Les marchandises provenant d’un commerce plus ou moins lointain ne se vendent pas en des boutiques dispersées dans la ville. Elles sont, comme dans l’Orient de nos jours, entreposées dans une partie de la cité ou sous ses murs, formant un souk, un bazar, un fondouk. Les ponts, ainsi qu’à Paris, à Narbonne, sont souvent le centre du commerce. Les métiers d’alimentation, d’habillement, de luxe même, sont rapprochés en des rues affectées à chacun d’eux et le resteront pour des siècles.
Les marchands continuent, comme sous l’Empire, à être groupés en corporations. Le roi Gontran, faisant son entrée à Orléans, le 5 juillet 585, est acclamé par les corporations, comprenant Syriens et Juifs, qui se portent au-devant de lui avec leurs bannières.
L’industrie, pas plus qu’à l’époque précédente, ne saurait prendre de l’essor. Le domaine rural visant à l’autonomie fabrique sur place ses outils, son habillement, bâtit ou répare la demeure. Il a peu ou pas besoin de la ville. La ville connaît naturellement les industries nécessaires à sa vie quotidienne, mais la seule activité intéressante se porte sur l’armement et les objets de luxe. La cour des Mérovingiens est brillante. Les gens du « Palais » doivent être richement habillés. Le. goût des parures, des bijoux est très répandu et aussi celui des belles armes qui coûtent cher. Un art nouveau, l’orfèvrerie cloisonnée, multiplie ses produits.
L’Eglise est la meilleure cliente de l’industrie urbaine. Pour édifier ses églises il lui faut terrassiers, maçons, charpentiers, couvreurs ; pour les orner sculpteurs, marbriers, verriers, peintres, tapissiers, brodeurs, car les murs sont couverts de mosaïques, de plaques de marbre, de tapis, de broderies, de peintures. Il va sans dire que les objets servant au culte réclament tout particulièrement les talents des artisans ou artistes du temps.
Sur la valeur du commerce et de l’industrie de la Gaule franque, il ne faut pas nous faire d’illusion. Une preuve évidente que son ampleur est faible, comme sous le Bas-Empire, c’est que les places de trafic n’augmentent pas en étendue. Narbonne, Arles, Rouen, Nantes couvrent au plus 16 hectares (les deux tiers du jardin des Tuileries). Bordeaux et Marseille ont chacune une trentaine d’hectares, pouvant renfermer au plus 8 à 10.000 habitants. Paris demeure enfermé dans son île de 9 hectares. Les faubourgs n’existent pas encore. Le suburbium est une banlieue rurale et c’est pourquoi l’on y installe les monastères qui doivent être à l’écart, tel Saint-Germain au milieu des prés, au sud-ouest de la cité.
Cependant le régime monétaire semblerait, au premier abord, témoigner d’une vie économique favorable. La Gaule vit toujours sous le régime de l’étalon d’or. Les impôts, ce qui en subsiste, sont versés en or. Les pièces les sous d’or ou tiers de sous (triens) recueillis par les agents du fisc sont fondus en lingots avant d’être apportés au « trésor » du roi. Ces pièces devraient représenter la frappe de 72 à la livre romaine (327 grammes) soit 15 francs de 1914, mais en Gaule on tire, depuis le Ve siècle, 84 pièces d’une livre, ce qui donne à l’aureus la valeur de 12 francs de 1914.
On frappe d’abord à l’effigie de l’empereur (de Constantinople) ; autrement les espèces ne seraient pas acceptées dans le bassin méditerranéen où se fait le gros du commerce extérieur. C’est ce qui explique que la frappe de l’or soit limitée aux ateliers de la vallée du Rhône, ce qui entraîne comme conséquence que le reste de la Gaule, et encore plus les régions d’Outre-Rhin ne connaissaient en pratique que la monnaie d’argent ou même les paiements et achats en nature.
A Marseille, dans le monnage d’or le nom du roi franc se substitue à celui de l’empereur au VIIe siècle, puis s’arrête au début du VIIIe siècle. Il en va de même des pièces frappées dans des ateliers d’Eglise. Désormais on ne frappe plus de monnaie d’or en France pendant près de six siècles. Les pièces de ce métal qui circulent encore sont des pièces byzantines, des besants, ou des dinars arabes venus d’Espagne.
La disparition de la frappe d’or en France demeure énigmatique. On a supposé que l’Orient avait drainé l’or de la Gaule qui n’avait pas d’autre moyen de payer les produits qu’elle en recevait. C’est une pure supposition et peu vraisemblable, car ce que la Gaule pouvait acheter à l’Orient, papyrus, vêtements de soie, épices, objets d’art, etc., était réservé à une très faible partie de la population et ne constituait qu’un mince volume d’échange. Et s’il était vrai que l’Islam a fermé à l’Occident le commerce de la Méditerranée, le résultat eût été, au contraire, de maintenir forcément en Gaule l’or qui ne pouvait s’échanger contre les produits de l’Egypte, de la Syrie, de Byzance.
Il ne demeure en circulation que la monnaie d’argent. Les deniers de ce métal sous le Haut-Empire étaient taillés à raison de 96 à la livre et pesaient 3 gr. 40. Après la perturbation monétaire du IIIe siècle, la monnaie qui eut cours fut la demi-silique byzantine, pesant 1 gr. 60, à laquelle, en Gaule, il semble qu’on ait conservé le nom de denier.
Au début du VIIIe siècle, pour le moins, il se produisit un grand changement dans la valeur du sou (solidus) d’argent dans les régions austrasiennes. Il fut ramené de 40 à 12 deniers. Il est possible que cette révolution ait été provoquée par la nécessité de réduire le taux des amendes judiciaires, lesquelles étaient calculées en sous. Le sou d’argent comme la livre, n’était qu’une évaluation et non une monnaie réelle. Quant au sou d’or, qui, lui, était une monnaie réelle, il fut réduit au tiers : le triens fut compté pour un sou. En pays de droit salique les antiques évaluations subsistèrent jusqu’à Charlemagne, du moins dans la théorie, car il est douteux que dans la pratique, elles persistassent. Il en fut du sou comme du vergeld (prix de l’homme) (lue la révision de la Loi salique effectuée par Charlemagne maintint, alors qu’il avait disparu dans la réalité. Depuis lors et jusqu’à la constitution du système métrique sous la Révolution, le sou continua à être la somme de 12 deniers et la livre de 20 sous, c’est-à-dire de 240 deniers, seule monnaie réellement frappée.
Dans les régions de l’Est et d’Outre-Rhin encore plongées dans l’économie dite « naturelle », l’échange en nature, le troc, semble bien être demeuré le procédé commercial courant. Chaque objet mis en vente était bien tarifé, mais à un cours fictif. C’est ainsi que le prix du bœuf étant estimé à 12 sous et la jument à 3 sous, pour avoir un bœuf on donnait 4 juments dans une vente moyenne légale ou toute autre tête de bétail, ou 2 cottes de mailles valant chacune 3 sous, etc.
Somme toute, la vie économique de la Gaule continue celle de l’Empire décadent, sans changement profond. Inutile de dire que le capitalisme au sens moderne du mot n’existe pas, ne peut pas exister.
Deux nouveautés importantes apparaissent cependant, l’emploi du moulin à eau dont on a parlé et aussi la ferrure du cheval. Le tic tac du moulin, le bruit du marteau sur l’enclume, ont commencé à retentir aux oreilles des populations à l’époque mérovingienne. Bruits nouveaux, manifestations de grands et magnifiques progrès. Ces bruits disparaissent de nos jours, remplacés par d’autres que nos descendants, à leur tour, n’entendront plus.

B. L’art
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L’architecture. — L’ère mérovingienne a vu l’édification de nombre de monuments, surtout d’églises, ce que rendait nécessaire l’expansion du christianisme, l’introduction du monachisme, le culte de plus en plus répandu des reliques des martyrs et confesseurs de la foi. Le malheur veut que nul de ces édifices ne nous soit parvenu, sauf des cryptes et quelques baptistères, au reste remaniés. Cathédrales et églises monastiques ont été reconstruites, en effet, aux époques subséquentes et ce que nous en pouvons connaître nous le devons à des fouilles et à des descriptions datant des temps où ces édifices se bâtissaient ou étaient encore debout.
Nous savons que les églises cathédrales et les basiliques qui renfermaient des corps saints, conservaient en majorité le plan basilical antérieur : une longue salle, la nef, acostée de deux bas côtés plus étroits, couverte de charpentes inclinées sur les bas côtés, soutenues par deux files de colonnes surmontées de chapiteaux à l’antique. Le fond de l’édifice affectait la forme arrondie de l’abside. L’entrée s’opère par plusieurs portes. De hautes fenêtres éclairaient l’intérieur, surtout quand on y élève des tribunes, ce qui n’est pas toujours le cas.
On rencontrait aussi une variante. Le bâtiment est coupé transversalement, environ, au tiers de sa longueur, d’un autre bâtiment, le transept. Pour éclairer le chœur à l’intersection de la nef et du transept, on a déjà l’idée d’élever une tour ajourée, encore en bois, percée d’ouvertures.
Mais déjà apparaît, à l’imitation des églises d’Orient, de Syrie notamment, l’église ronde ou à pans coupés surmontée d’une coupole.
On a soutenu que la pierre de taille avait fait place entièrement au moellon, traversé de rangées de briques, en petit appareil. C’est une erreur. Les beaux matériaux, quand les carrières n’étaient pas trop éloignées, étaient usités, mais leur emploi était restreint aux parties en évidence de l’édifice. A l’intérieur, la riche décoration murale eût rendu l’emploi de la pierre dispendieux inutilement.
Cet intérieur était en effet tellement orné que nulle surface n’y restait à nu. Non seulement la mosaïque dallait le sol, resplendissait dans la concavité de l’abside, mais les parois étaient revêtues de plaques de marbre, de peintures, de tapisseries et tentures, et déjà la verrerie en couleur faisait son apparition. Naturellement l’autel, l’ambon, les chancels étaient particulièrement soignés et dans leur décoration l’influence de l’orfèvrerie cloisonnée se fait sentir.
L’église est précédée d’une vaste cour, l’atrium (l’aître), entourée de portiques.
Les monastères ont une architecture beaucoup plus compliquée. Elle accepte pour ses églises, car chacun en a deux ou trois, plus des oratoires, tous les plans, qu’ils viennent d’Italie ou de l’Orient, mais ses bâtiments claustraux sont étendus en raison du nombre, alors considérable, de moines et de religieux qu’ils renferment, parfois trois cents. Il faut des cellules, des dortoirs, des réfectoires, des préaux (cloîtres), des potagers, des étables même, enfin des hôtelleries à la porte principale, l’une pour les gens de haute naissance, l’autre pour le troupeau des pèlerins et voyageurs.
L’édifice sacré lui-même est de petites dimensions. La cathédrale de Clermont, bâtie par l’évêque Namatius, a 45 mètres de long sur 18 de large et 15 de hauteur ; la basilique édifiée par Perpetuus, vers 472, sur le tombeau de saint Martin près de Tours, avait 48 mètres de long sur 18 de large et 13 m. 50 de hauteur. Le plan d’une des deux églises cathédrales de Paris, celle de Saint-Etienne, en avant de Notre-Dame, dégagé en 1847, indique un édifice minuscule. Bien qu’il y eût généralement deux églises cathédrales ou même trois dans la cité, la modestie de ces dimensions prouve la faible densité de la population, puisque la cathédrale est encore la seule paroisse urbaine.
Nous n’avons conservé aucun renseignement sur le palais épiscopal (domus ecclesiae).
Les baptistères, sous l’invocation naturellement de saint Jean, nous sont connus par quelques spécimens. Outre Saint-Jean de Poitiers, du IVe siècle, retouché, semble-t-il, par la suite, on a conservé ceux de Marseille, Fréjus, Aix, Riez, Venasque, Mélas, Valence, tous, sauf Poitiers, dans le Sud-Est. Leur plan est varié, tantôt en rotonde, tantôt en octogone inscrit dans un carré, etc. Ces plans rappellent ceux des édifices analogues de Syrie avec laquelle la Gaule était encore en rapports suivis.
Les hypogées ou cryptes furent innombrables, caveaux où on logeait les sarcophages de saints vénérés dans la région, avec un autel où on célébrait des offices. Celles de Jouarre en Brie, de Saint-Laurent sous Grenoble, de Saint-Victor de Marseille, d’autres encore (mais de date incertaine), nous sont parvenues et sont instructives pour l’archéologue.
De l’architecture civile et militaire rien n’est demeuré. Les remparts romains des cités et des castra subsistaient. L’incessante réfection des murs d’enceinte antiques dans les périodes troublées depuis le milieu du IXe jusqu’au XVIIe siècle, ne permet pas de déterminer quelle part la Gaule mérovingienne a pris à leur entretien, part sans doute faible, car, sauf aux frontières, nul ennemi extérieur ne la menaça avant les incursions des Arabes dans le Midi au VIIIe siècle et celles des Scandinaves au IXe.
Les rois mérovingiens habitaient de préférence Paris, Soissons, Orléans, Reims, Chalon-sur-Saône. Aux environs de ces villes, ils avaient des résidences telles que Clichy, Bonneuil, Luzarches, etc., près de Paris. Enfin ils voyageaient beaucoup, et pour consommer sur place le produit de leurs domaines ruraux (villae, fisci), ou pour chasser. En chacun de ces domaines, ils possédaient un « palais » pour s’y loger eux et leur suite. De tout cela rien ne subsiste. Pour les « palais » des « villas » on peut supposer qu’ils étaient rustiques et en bois, ce qui expliquerait leur disparition. Mais en ville ils étaient certainement en pierre. A Paris, les rois habitaient à coup sûr l’ancien palais impérial sur lequel s’est édifié le palais capétien, aujourd’hui notre palais de Justice.
Les villas des grands personnages, tant ecclésiastiques que laïques, n’avaient pas disparu. Il s’en construisait même de nouvelles au VIe siècle, au témoignage de Fortunat. Nous n’en pourrions connaître que les plans si l’on opérait des fouilles. Encore serait-il sans doute difficile de les distinguer de celles du Bas-Empire.
Il est certain que dans le nord de la Gaule, tout au moins, les maisons des villes étaient en bois, comme ce fut le cas jusqu’au XVIIe siècle et même pour certaines cités (Rouen, Nantes, etc.) jusqu’au début du XIXe siècle.

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La sculpture. — Bien avant l’ère mérovingienne, l’art de sculpter était tombé. Dès la seconde moitié du IIIe siècle, on commence à ne plus savoir modeler sous les trois dimensions. Le haut-relief disparaît. Le portrait, le buste représentant les empereurs et les grands personnages cesse d’être naturaliste et devient conventionnel, stylisé, en sculpture et sur les monnaies. Les artistes, les artisans même se font rares. Au reste, ils n’ont jamais été Romains, mais Grecs, et se sont presque exclusivement bornés à imiter des modèles helléniques, datant surtout de la période post-classique.
C’est que le public s’est lassé de la forme qui l’avait enchanté pendant tant de siècles. Un autre, art venu de l’Orient, art qui lui préfère l’éclat, la couleur, a capté les suffrages et ce nouveau goût persistera à travers les âges.
La sculpture ne demeure qu’à condition d’être décorative, sorte de broderie de pierre ou de marbre, ou même elle se change en simple gravure au trait. Donc plus de statues, encore moins de statues équestres, plus de buste en pierre ou en marbre, pas davantage en bronze.
Toutefois, l’art n’a pas entièrement perdu ses droits. Certaines traditions se poursuivent. Des techniques nouvelles qui ne sont pas à dédaigner apparaissent. Elles s’appliquent avant tout à l’ornementation des églises et des cercueils en marbre, pierre ou plâtre, les sarcophages où l’on enferme notamment les corps des évêques et abbés.
Les chapiteaux de marbre de Saint-Germain-des-Prés, de Jouarre, de Saint-Denis, datant du VIe au VIIIe siècle, ont encore quelque chose du type du chapiteau antérieur de style corinthien, mais n’innovent pas, comme ceux de Syrie et de Constantinople. Les chapiteaux de pierre, par contre, œuvres d’artisans indigènes, sont misérables, d’une indigente décoration.
Pour les linteaux de portes, celui de l’église de Thézels en Cahorsin présente un beau décor de rosaces et de larges feuilles. Les linteaux de portes du Sud-Ouest provenaient de marbres des Pyrénées. On sait trop peu de choses des tables d’autel : on voit seulement qu’elles présentaient sur le pourtour des décorations variées, lobes, palmettes, fleurons.
Par contre, la sculpture funéraire, celle des sarcophages, nous a laissé quelques beaux spécimens de l’art des marbriers et tailleurs de pierre.
Si la technique des sarcophages de marbre d’Arles et du Sud-Est rappelle celle des sarcophages de Rome du VIe siècle où l’on reproduit des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, celle du Sud-Ouest, de l’Aquitaine, ne se rapproche pas des types d’Italie, d’Espagne, d’Orient : on y rencontre des personnages sculptés, quoique avec peu de relief, et surtout un décor stylisé, rinceaux, palmettes, tiges de vignes chargées de grappes, quelquefois le monogramme du Christ dans une couronne de laurier. Ces ornements sont traités en méplat.
Les sarcophages du Sud-Est disparaissent après le VIe siècle. Ceux d’Aquitaine se poursuivent, niais s’arrêtent un siècle plus tard. Sans doute, l’occupation de la Novempopulanie par les Basques ou Gascons depuis la fin du VIe siècle et la séparation de l’Aquitaine de la France propre, expliquent cette disparition et aussi celle de l’exportation au Nord de sarcophages et chapiteaux travaillés sur place avec des matériaux tirés des carrières des Pyrénées.
Les sarcophages de pierre se rencontrent dans le Nord. Ils sont de forme trapézoïdale, c’est-à-dire que leur largeur diminue de la tête aux pieds ; le couvercle affecte la forme d’un toit à double pente. L’ornementation est comme inexistante. Cependant, une exception remarquable est à signaler, celle des tombes des abbesses Theodechilde et Aguilberte dans la crypte de l’abbaye de Jouarre, édifiée vers 680 par l’évêque de Meaux Agilbert, qui y fut, lui aussi, inhumé. La perfection de la technique est incontestable. Les conques marines qui décorent la première tombe sont aussi belles que celles des sarcophages du IVe siècle et le treillis fleuronné de la seconde égale ou dépasse les ornements de San-Vitale à Ravenne. Sur le sarcophage de l’évêque sont sculptés le Christ du Jugement dernier, le Père sur son trône tenant le Livre de Justice, assisté des anges et des élus. Le savoir-faire de ces bas-reliefs est tel qu’on a cru longtemps que ce monument datait de la renaissance sculpturale du XIIe siècle. Nous avons quelques témoignages que cette science de la taille de la pierre n’a pas été le partage des seuls artistes de la crypte de Jouarre.

Bronze. — Le travail du cuivre et du bronze était loin d’avoir disparu. A Saint-Denis, on admirait des animaux et des hommes en bronze et un lutrin déjà en forme d’aigle, un ambon orné d’animaux de cuivre. II est possible cependant que ces objets soient du commencement de l’ère carolingienne, de la réfection de 772. Rien ne nous est parvenu, sauf le trône du roi Dagobert dont le siège du moins peut être l’œuvre d’un artisan mérovingien.

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La mosaïque. — En Gaule, comme en Italie, l’emploi de la mosaïque se poursuit pour le pavement des édifices et même le revêtement des parois planes — ou courbes. Un nombre incalculable de mosaïques a été détruit. Ce qui subsiste atteste la disparition des motifs ornementaux antiques, tels que les scènes mythologiques. Ils sont remplacés par des représentations animales, des « bestiaires », et il est évident que ces bestiaires s’inspirent étroitement de ceux qui faisaient l’ornement des tapis et tissus de l’Orient, de la Perse notamment : cerfs, lions, paons, aigles, coqs, animaux fantastiques : griffons, phénix. Pour mieux imiter les couleurs des tissus, le mosaïste emploie des cubes de marbre de diverses nuances. Le sujet, enlevé sur fond neutre, est entouré de bordures décoratives florales.
L’emploi de cubes de verre pour les parois ne pouvait que faciliter cette recherche du coloris.


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